Essai Moto Guzzi Stelvio 1200 8V
L'échassier de Mandello se bonifie pour l'année 2011, tant en style qu'en dynamique
Efficacité, séduction et caractère, la Stelvio tient en ces trois mots. Et en bien d'autres, tant ce trail est attachant et aboutis. Synthèse tout chemin du savoir faire Moto Guzzi, l'échassier de Mandello se bonifie pour l'année 2011, tant en style qu'en dynamique.
Laissez le charme agir
Descendante de la Quota 1000, la Stelvio, présentée en 2007, commence sa carrière en 2008. Se posant immédiatement en véritable alternative à l’hégémonique BMW R 1200 GS. La Transalpine évolue alors aux fil des ans, peaufinant ses armes. Et elle n’en manque pas. Remarquablement conçu, l’échassier Italien se targue d’une partie cycle particulièrement vive mais surtout d’une motorisation au charme exclusif. Le millésime 2011 améliore encore ces points et soigne également les détails de confort et d’agrément. Plus que jamais, cette baroudeuse routière s’efforce d’honorer son patronyme, référence au plus haut col de montagne routier d’Italie, perché à 2.758 mètres d’altitude et agrémenté de 84 virages...
Découverte
Esthétiquement, l’évolution se fait par touches discrètes. Rompant avec la bonhomie de son précédent opus, la Stelvio habille sa large face avant de lignes plus dynamiques. Toutefois, sa personnalité reste entière, privilégiant toujours une certaine élégance. Ainsi, évitant le recours compulsif au bec de canard, appendice mimétique de bien des gros trails, l’Italienne reste séductrice. Coiffée d’une nouvelle bulle conservant son efficace réglage manuelle, la double optique se fait désormais plus acérée par l’ajout d’une casquette supplémentaire. Ce regard est encadrée par les méplats aux lignes fluides des flancs, supportant les écopes et joignant leur forme pour composer le réservoir.
Le nouveau bidon voit sa contenance presque doubler, passant à 32 litres ! S’y appuie toujours une selle en deux éléments, généreuse et accueillante, aux volumes travaillés.. Comme auparavant, l’assise passager reçoit, de part et d’autre, deux larges poignées de maintien. Notablement aérienne, cette boucle arrière compte toujours, à son extrémité, son efficace porte paquet et ses gracieux feux à leds. Enfin, cette poupe est soulignée par un silencieux pentagonal raffiné au revêtement satiné. Le passager appréciera la protection enfin disponible à la base de l’échappement.
Pour soutenir la machine, on retrouve le discret cadre acier tubulaire, à double poutres supérieures. Sa structure étonnamment fine s’adjoint l’impressionnant twin en V à 90° comme élément porteur. Intégralement revêtu d’un coloris noir, seules les couvre-culasses aluminium contrastent sur le haut moteur. Proposé ici dans sa toute dernière mouture baptisé 8V, le bloc Italien refroidi par air compte toujours quatre soupapes par cylindre. Sa distribution par simple arbre à came en tête affiche cependant un profil plus agressif. De même, l’admission par injection, affinée, est censée apporter meilleur rendement et confort aux 1 151 cm3. La puissance maximale s’atteint désormais 250 tours plus tôt, à 7 250 tr/mn mais fait surtout progresser le couple. Disponible 600 tours plus bas, 11,3 da.Nm à 5 800 révolutions/minutes dynamisent la voyageuse aux longues jambes. Cette force mécanique est confiée par un vilebrequin longitudinal, à l’habituelle transmission par arbre et cardan de la marque.
Pour juguler cette bonne santé, Moto Guzzi propose désormais un limiteur de couple (ATC) désactivable, modulant la traction sur chaussée glissante ou chemin. Cet anti-patinage ne gère que l'allumage, la Stelvio étant dénuée de système ride by wire, deux étriers à quatre pistons et fixations radiales à l’avant, mordant des disques de 320 mm. A l’opposé, un élément deux pistons vient serrer un disque de 282 mm. Le système est, de plus, doté d’un ABS déconnectable au guidon par commande dédiée.
Assuré par une fourche inversée de 45 mm, l’amortissement du train directeur est réglable en précontrainte, détente et compression. On notera l’angle de chasse de 27°, gage de vivacité. L’amortisseur arrière est également ajustable en tout sens. Appréciable, le monobras oscillant libère visuellement la roue arrière, mettant en valeur les nouvelles jantes multi-branches aluminium. Celles-ci adoptent des valves coudées particulièrement pratiques.
Particulièrement élancée, la Stelvio ne trahit aucunement ses 290 kg une fois prête à tailler la route. La béquiller sur sa centrale est bluffant de facilité, quel que soit le terrain, démontrant l’excellence de la répartition des masses. De même le support latéral, aisément préhensible assure une faible inclinaison pour relever la machine sans effort. La finition globale est également très satisfaisante. Mention spéciale pour la jauge d’huile arborant un très pratique anneau pour s'en saisir.
En selle
Passant de 840 à 820 mm, l’assise s’ajuste facilement en hauteur par la judicieuse orientation de silent bloc sous la selle pilote. Particulièrement généreuse et dense, sa découpe reste assez fine à l'entrejambe, autorisant des appuis francs au sol… pour les plus d'un mètre quatre vingt. Tout aussi aérien, le large guidon à diamètre variable demande à lever légèrement les bras pour s'en saisir. Buste droit, jambes peu fléchies, la position induite est confortable. Des protections souples parent les genoux d’appuis éventuels avec les pipes d’admissions. Le passager reçoit également un accueil soigné. Repose-pied gainés, assise large et étudiée offrent beaucoup d'aisance.
Une fois positionné, on domine alors un poste de pilotage austère mais soigné. Une pointe d'exubérance latine serait bienvenue. Pontets et té supérieur sont qualitatifs mais leur dessin pourrait être plus flatteur. On regrettera l'ajour du cadre laissé apparent par le réservoir et l'abandon du petit coffre fermant à clef, autonomie record oblige. En revanche, les leviers sont réglables en écartement et une deuxième prise 12 volt (l'autre est toujours sous la selle) apparaît aux coté des instruments.
Ceux-ci se composent d'un large compte-tours analogique et d'une fenêtre digitale. Cette dernière regroupe tachymètre, jauge de carburant, odomètre, horloge et température extérieure. Dans la partie inférieure défilent, via molette du commodo de gauche, deux partiels comprenant chacun : vitesse moyenne, vitesse max, consommation moyenne et temps de parcours. Il est également possible de désactiver le contrôle de traction, d'afficher la charge de la batterie ou de paramétrer l'ordinateur de bord. Comme sur les autres modèles de la gamme, hormis la toute dernière California 1400, cet ordinateur présente une lenteur d'affichage lassante. On regrettera également le compte-tours à fond blanc du précédent modèle, gratifiant et moins sujet aux reflets.
Plus sympathique, la clef de contact à l'extrémité aplatie permet d'ajuster facilement la détente de la fourche. On usera du même "outil" sur l'amortisseur, avec toutefois une vis moins évidente à atteindre. Le réglage de sa précontrainte par molette est bien plus accessible, coté gauche, quoiqu'un peu près des tubes du cadre.
En ville
Dans un grondement sourd, l'échassier Italien s'ébroue, secouant son échine de gauche à droite, à chaque coup de gaz. Cette mécanique sait révéler une vie sans pareille, régalant son pilote de vibrations sensibles mais contenues. Fidèle à la tradition, la boite marque le passage de la première d'un témoin sonore. L'instant d'après, le twin emmène l'équipage avec force et entrain. Mais, comme avec sa devancière, sa facilité de prise en main étonne. Remarquablement équilibrée, la machine se joue des ralentissements et autres slaloms habituels du trafic urbain. De même, la première prise d'angle démontre une agilité excellente qu'accentue l'important bras de levier du large guidon.
Dominant la plupart des véhicules, on évolue alors avec aisance. Douce, la boite seconde idéalement la souplesse du gros bi-cylindre de Mandello del Lario. Reprenant facilement à moins de 2.000 tours jusqu'en 5e, la Stelvio se fait intuitive dans cet univers étriqué. Pour autant, ses 1.151 cm3 restent hautement disponibles, faisant jaillir à l'envie l'aigle migrateur du flux moutonnant. Le besoin de se dégourdir les bielles se fait pressant pour cette dévoreuse d'espace.
Autoroute et voies rapides
Arrivé en bout de piste, votre bombardier décolle vers l'horizon, signant son envol d'un grondement ample et soutenu. Calé sur le dernier rapport, la vitesse de croisière légale fait ronronner le bloc Transalpin à 4.500 tours/mn. Bien abrité derrière la nouvelle bulle, plus large, couvrant tête et épaule en position haute, on ressent tout de même une remontée d'air au niveau du ventre. Proéminents, culasses et collecteurs protègent sensiblement les jambes sans toutefois offrir une parade totale. L'ensemble permet néanmoins d'aborder les longues distances sans crainte. On regrettera l'absence, en standard, de pare-mains, bien utiles quand se conjuguent à nouveau froid et pluie.
Pour l'heure, poussons l'effort le coeur métallique de notre Stelvio. Offrant peu d'inertie, les montées en régime du bloc sont réjouissantes. Si la sixième tire un peu long, le trail Italien accroche sans mal les 200 km/h au faîte de sa puissance, avec une maximale de 211 km/h à 7. 500 tours. Baissant la tête pour faire allégeance aux lois de la dynamique, la protection reste néanmoins très correcte à si vive allure.
Plutôt à l'aise dans cet exercice routier, la Guzz' montée sur échasses mérite toutefois mieux que ces interminables bouts droits.
Départementales
Toisant la route de son regard sourcilleux, la Stelvio se fait aigle impériale d'agilité sur le réseau secondaire. L'excellente répartition des masses fait merveille, encore bonifiée par une monte pneumatique Pirelli Scorpion Trail en 150 à l'arrière. Particulièrement réactif, l'échassier passe d'un angle à l'autre avec une excitante vivacité. Les relances puissantes la jettent sur la courbe suivante avec témérité mais aussi sérénité, seulement limitée par le frottement des ergots de repose-pieds. Toutefois, son poids important tempère les folles ardeurs à rythme élevé, dans la virole serrée. Non que l'Italienne y soit rétive mais les transferts de masses s'accentuent alors, grevant sa facilité naturelle. Mais comment résister à l'invitation trépidante du bi-cylindre jovial?
Particulièrement disponible, sa force n'a d'égale que son allonge, emmenant l'équipage avec vigueur et un soupçon d'amples vibrations inimitables. Enchainant les virages, la Transalpine joue les vrombissantes élégantes, gratifiant son pilote de quelques retours d'échappement sonores.
Pour ralentir le tempo, le système embarqué oeuvre avec maestria. Les étriers radiaux procurent d'excellentes décélérations, délivrant une attaque contenue et une appréciable progressivité. L'élément arrière seconde efficacement les mâchoires du train directeur, sans blocage intempestif de la roue. Quant à l'ABS, son déclenchement intervient tardivement, sans intrusion excessive. Le limiteur de couple, s'il ne montre pas une parfaite réactivité hors bitume, assure tout de même un meilleur contrôle de l'adhérence sur l'asphalte. Point non négligeable car l'injection révèle encore un manque de douceur, provoquant parfois une remise des gazs encore un peu brusque.
Partie-cycle
Finement étudiée, la géométrie de la Stelvio fait la part belle au dynamisme. Rigide, précise, la haute Italienne compte également une fourche de grande qualité, limitant au mieux les plongées lors de la prise des freins. Son tarage de base souple sera idéalement renforcé et l'hydraulique freiné pour un meilleur agrément. Même constat pour l'amortisseur. Alors plus homogène encore, la Stelvio peut suivre un rythme débridé au chant de son V-twin déluré.
Freinage
Adapté à son profil routier, l'équipement embarqué donne entière satisfaction. Progressif, puissant, l'ensemble bénéficie désormais de l'ABS déconnectable.
Confort/Duo
GT surélevée, la Stelvio offre une excellente aptitude aux longs cours. On regrettera tout de même l'absence de pare-mains de série. Souples et de qualité, ses suspensions absorbent petits ou gros défauts du bitume avec la même aisance. Aisément ajustable, l'amortissement se conjugue à une sellerie particulièrement agréable. Large et dense, l'assise étudiée limitera d'éventuelles glissades de l'accompagnant. Pilote et passager bénéficie d'un confort égal, accueil donnant un accès sans crainte aux longues étapes qu'autorise son autonomie.
Le trail peut recevoir soit les valises de sa jumelle NTX, soit la bagagerie profilée de la Norge. Les premières se fixent sur des platines tubulaires supplémentaires, les secondes sur les ergots présents sur la coque arrière.
Pré-cablée, la Stelvio peut facilement adopter poignées chauffantes et projecteurs longues portées. La bulle de la NTX, plus large, s'adapte également pour une protection renforcée. Enfin, la double optique projette un large faisceau, transformant l'aigle en oiseau de nuit.
Consommation
Embarquant désormais 32 litres de sans plomb, le réservoir se videra au rythme moyen de 6,5 litres pour 100 km parcourus. Prévoyez votre départ en conséquence car une fois en route, il faudra alors attendre 450 kilomètres avant de redescendre de votre monture.
Conclusion
Ce léger remaniement confère d’emblée à la machine un style et un comportement plus dynamique. Sans nul doute le modèle le plus abouti de la firme de Mandello, la Stelvio mérite amplement son statut de meilleur challenger face à la BMW R 1200 GS. Gênée par un embonpoint récurrent, l'Italienne laisse à l'Allemande son efficacité "teu-tonique" et sa sonorité à valve, se drapant dans son charme latin inimitable et son chant dépourvu d'artifice. Ce registre fait également d'elle un outsider de choix sur un segment en effervescence où de nombreuses autres nouveautés éclosent.
Côté tarif, la Stelvio 1200 8V ABS (et ATC inclus) s'affiche à 14.390 €. Particulièrement compétitive face à la Germanique GS (14.250 € hors électronique mais 15 500 € à équipements comparables et même 17.499 € avec pack BMW), l'Italienne accuse d'avantage la différence avec la VFR 1200 X Crosstourer ABS. Intégrant freinage ABS couplé, anti-patinage de dernière génération et transmission acatène performante, le trail V4 réclame 13.990 €. Plus proche, la Triumph Tiger Explorer 1200 est vendue 14 890 €, séduction non comprise, et Yamaha fixe le prix de sa pantouflarde XTZ 1200 Super Ténéré à 14.999 €. Le hold up est signé Kawasaki, avec sa Versys 1000 ABS tarifée 12 499 €. Construite autour d'un inédit quatre cylindres, elle offre également confort et contrôle de traction haut de gamme. Reste à composer avec une esthétique massive et surtout l'absence de cardan ! C'est d'ailleurs la seul à faire l'impasse sur cette transmission avec la KTM 1190 Adventure + EDS TPMS à 13 990 €, cette dernière prétendant, comme la Munichoise, à de vraies aptitudes hors bitume.
Enfin, la concurrence s'annonce même au sein du groupe Piaggio avec l'arrivée d'une Aprilia Caponord. Toutefois, fidèle à la séparation des pouvoirs, cette dernière, centrée sur le sport, vise bien plus le comportement quasi lubrique d'une autre Italienne : la DucatiMultistrada 1200 ABS, 16 690 €.
Au milieu de cette offre pléthorique, la Stelvio a de solides arguments, la plaçant dans les trails de références. Vu le dynamisme actuel de la marque Transalpine, une évolution de ce modèle embarquant une électronique moteur plus importante (ride by wire, contrôle de traction multi-modes) devrait rapidement voir le jour. Désormais machine emblématique de Moto Guzzi, la Stelvio charme encore et toujours, au rythme d'une tradition mécanique amplement modernisée. Choix d'esthète et de fin gourmet que l'efficacité béton laisse de marbre, la Stelvio emballera vos sens comme peu d'autres machines versatiles, emportant votre coeur à tire d'ailes.
Points forts
- Caractère moteur en hausse
- Equilibre de partie cycle
- Sonorité enthousiasmante
Points faibles
- Poids dans l'absolu
- Tableau de bord un peu triste
- Pare-mains en option
Concurrentes : BMW 1200 GS, Ducati Multisrada 1200, Honda Varadéro 1000, Honda Crosstourer 1200, Kawasaki Versys 1000, KTM 990 SMT, 1200, Triumph Tiger Explorer 1200, Yamaha XTZ Super Ténéré 1200
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