Essai Moto Guzzi Stelvio 1200
L’aigle royal tout chemin
Stelvio : le plus haut col de montagne routier d’Italie à 2 758 mètres d’altitude, agrémenté de 84 virages... Peut-on trouver patronyme plus engageant pour une machine dédiée aux voyages ?
Apparue au salon de Milan 1989, son ancêtre la confidentielle Quota 1000, visait elle aussi les motards attirés par les rallyes raids africains. Le nouveau trail routier de la firme de Mandello fut dévoilé à Berlin en février 2007. Sa commercialisation débute en 2008 avec pour ambition de rouler sur les pistes du marché de l’incontournable BMW R 1200 GS. Pour cela, la transalpine possède, comme l’allemande une architecture moteur historique : le mythique mais désormais très modernisé bicylindre en V à 90°, 4 soupapes par cylindre, face à la route. C’est un argument maître que la Stelvio conjugue avec bien d’autres qualités.
Découverte
Comme tous les trails, la Guzzi propose une esthétique affirmée, plutôt valorisante. Si son regard bulbeux intrigue au prime abord, on l’oublie vite et le dessin complexe et élégant du réservoir, du carénage, l’intégration soignée des clignotants et la qualité d’équipement donnent vite une impression très favorable.
C’est surtout la ligne générale de la machine qui séduit. Les italiens ont le génie du design, force est de le constater, une fois de plus : la Stelvio parait légère, très dynamique et son bloc moteur atypique à la finition exemplaire attire les regards.
Pas de protège main de série, c’est dommage. En revanche, la Stelvio intègre un coffre à ouverture électrique commandée au guidon, dans la partie droite du réservoir non métallique. L’espace est mesuré mais se révèle très utile aux péages.
Sous la selle passager, un petit espace où se trouve une prise 12 volts permet d’emporter une petite carte routière, des gants d’été ou un bloc disque. Une sacoche de réservoir optionnelle est aussi disponible ainsi que des valises, dont les supports aluminium sont déjà très joliment installés et servent de point d’arrimage. Un grand porte paquet complète les possibilités de transport de bagages de cette voyageuse plutôt accueillante.
Le moteur est placé dans un cadre tubulaire en acier, très discret, fixé sur 6 points pour maximiser la rigidité.
Le réglage de l’amortisseur Sachs entièrement paramétrable se fait par une molette accessible coté gauche, même en roulant. La fourche inversée Marzocchi, de 50 mm de diamètre, est également ajustable en tout sens (précontrainte, détente et compression). Du beau et bon matériel.
La béquille latérale est secondée par une centrale très efficace.
Bien sur, la transmission est acatène, logée dans un carter à l’esthétique étudiée. La grande expérience Guzzi en terme de cardan donne un usage transparent et performant. Celui-ci est à système CA.R.C., spécifique à la marque (Cardan Réactif Compact).
En selle
Pilote comme passager sont généreusement pourvus en espace d’assise, confortable qui plus est. La hauteur de selle aisément variable, de 820 à 840 mm, permet aux gabarits les plus juste de gérer facilement l’encombrement du trail. De plus, le poids (251 kilos à sec) est bien compensé par un bon équilibre.
La protection au vent est assurée par une bulle performante et élégante dont l’ajustement manuel en hauteur est un vrai plaisir, même en roulant ! C’est, sur ce point, probablement le meilleur des trails. Elle a également l’avantage, même en position haute, de laisser un peu d’air au pilote par temps chaud et limite tout de même les turbulences. Une version plus efficace encore est disponible en option.
Le bloc compteur, mériterait d’être remonté quelques centimètres plus haut, mais offre une bonne ergonomie. Le compte tours à gauche comporte des indicateurs lumineux de point mort, réserve, ABS et même béquille. Une fenêtre LCD à droite, surmontée des témoins de clignotants, feux de route et shifter (réglable), regroupe les information de tachymètre, jauge (seulement 3 barres), un odomètre totalisateur, horloge, température extérieure. Dans la partie inférieure défile, via molette du commodo de gauche : trip, vitesse moyenne, vitesse max, consommation moyenne et temps de parcours. Cette écran numérique aurait du être plus large. Sa lecture est moins bonne que sur la référence du genre : l’XTZ 1200 Super Ténéré.
Les rétroviseurs paraissent étriqués mais se révèlent étonnamment efficaces et vibrent peu. T de fourche, commodos, gestion des câbles : l’ensemble est valorisant et l’esthétique réservoir/tête de fourche est très dynamique. On aperçoit tout de même quelques vilaines cosses de fils électriques au niveau des caches de phares... une négligence qui ne devrait plus se noter même si BMW ne fait pas beaucoup mieux.
En ville
Il suffit d’une simple impulsion sur le démarreur (sans maintenir l’appui), pour éveiller la baroudeuse de Mandello. Ici, nul artifice type valve. Une mélopée grave sort de l’échappement, au design sobre et stylé. En bon baryton, quelques secondes ou centaines de mètres lui sont nécessaires pour s’échauffer et ajuster sa voix tandis que de douces vibrations donnent le rythme.
La boite et l’embrayage sont d’une grande douceur, les vitesse verrouillent parfaitement.
Les évolutions urbaines prouvent un équilibre maîtrisé. La fourche ne plonge pas et la Stelvio se place facilement dans le trafic. Le rayon de braquage n’est pas le meilleur du segment mais permet des demi-tours sans manoeuvre. Haute et pourvue d’un bon éclairage, on voit loin et les autres usagers perçoivent très bien votre présence. Souple, le V twin permet presque des évolutions à moins de 2.000 tours sur le 6° rapport. La 3° vitesse convient mieux et évite les à-coups tout en permettant de franches accélérations.
Les genoux sont éloignés du haut moteur et des butées ergonomiques plastifiées évitent l’appui sur les systèmes d’injection.
Autoroute et voies rapides
La conception rigide de la Stelvio alliée aux qualités de ses suspensions en fait un monument de stabilité à haute vitesse. A 130 km/h, le moteur gronde sereinement sur le dernier rapport, à 4.500 tours. Une petite rotation de l’accélérateur propulse facilement pilote et passager à 150 km/h, 800 tours plus haut. On atteint 170 puis 190 km/h à respectivement 6 000 et 7 000 révolutions minutes. Le moteur tracte sans faiblir jusqu’à la zone rouge, à 8 000 tours, la puissance maximale de 105 chevaux étant délivrée 500 tours plus bas.
Bulle réglée en hauteur, l’équipage peut avaler les kilomètres. Les jambes, sont peu pliées et bien protégées derrière les cylindres et les pieds bénéficient de la déflection d’air du sabot, hélas en plastique.
Départementales
Chez les italiennes, le ramage se rapporte souvent au plumage. Bénéficiant de la cartographie moteur de sa soeur NTX suréquipée, la Stelvio délivre désormais un agrément moteur à tous les régimes. Sur le dernier rapport, le gros couple maxi de plus de 11 m/kg et la conception moteur procurent un grand agrément d’utilisation, le tout dans un vrombissement d’avion. Passé les 5.000 tours, le vtwin se déchaîne et monte sans jamais mollir vers la zone rouge.
C’est un vrai bonheur à rouler, quelle que soit la route, quel que soit le rythme. Particulièrement incisif et rigide, le trail vous emporte au rythme de ses bonnes vibrations. Mode découverte ou pilotage plus sport, la Stelvio assure et passe d’un angle à l’autre sans temps mort et sa bonne garde au sol invite à incliner la machine sans état d’âme. Le grip et profil des Pirelli Scorpions sont d’ailleurs en rapport avec une utilisation musclée.
Les routes bosselées et revêtement abrasifs n’entament en rien la tenue de route et le confort de l’échassier Italien.
Les escapades en chemin sont également satisfaisantes. Sans avoir la neutralité d’une GS, la Stelvio lisse brillamment les difficultés de par sa grande roue avant de 19’’ et sa fourche robuste. L’absence d’anti-patinage et de multi-mode moteur ne grèvent pas son efficacité d’utilisation.
Partie-cycle
Vive et confortable, rigide, précise... il n’y a guère de défaut à souligner. Tout juste la fourche se raidit-elle un peu en freinage appuyé sur l’angle. Le cardan ne suscite pas plus de commentaires. Les suspensions entièrement réglables permettront à chacun, manuellement certes, d’ajuster au mieux le confort.
Freinage
2 étriers radiaux 4 pistons à l’avant... puissants mais disposant d’une attaque raisonnable, le freinage est performant, associé à un ABS, optionnel (700 €), sans reproche. Les 250 kg du maxi-trail ne se ressentent pas. Le frein arrière est aussi puissant que dosable.
Confort/Duo
Accueillante, les poignées passager sont confortables et bien dimensionnées, les repose-pieds placés à une hauteur confortable, la Stelvio emmène son équipage sans fatigue. Pour le pilote, les vibrations ne sont pas gênantes, même après 800 km.
Le passager devra faire attention à l’échappement dont l’extrémité basse est très près de la cheville gauche. Il y a là nettement une protection insuffisante.
Consommation
Le réservoir de 18 litres, dont 3,5 litres de réserve, permet des étapes de 250 - 270 kilomètres avant que le témoin ne s’illumine et n’affiche le cumul des kilomètres parcourus en réserve. L’autonomie est donc un peu juste pour ce type de machine même si la consommation se situe généralement à moins de 6 litres au 100 km.
Conclusion
Avec ce maxi-trail, Moto Guzzi réalise sûrement la machine la plus à même de concurrencer la R 1200 GS. Son confort, son équipement, l’agrément de son moteur, son caractère, liés tant à ses performances qu’à ses vibrations présentes mais bien filtrées et à sa sonorité envoûtante, rendent la Stelvio particulièrement attirante face à une excellente BMW bien plus feutrée mais peut-être plus apte aux aventures lointaines. Cependant l’immense majorité des maxi-trail ne sortiront guère de l’asphalte et l’italienne apporte un réel supplément de plaisir à rouler.
Coté tarifs, la Stelvio est proposée à 13.300 € en version de base et 14.000 € avec l’ABS. Sa version suréquipée NTX, à 15.590 € avec feux additionnels, protection de carter moteur en aluminium, protège-mains, ABS et bagagerie... La BMW GS est disponible à partir de 14.100 € sans ABS... Il faut dépenser plus de 15.000 € pour une GS Adventure de base elle aussi... La Stelvio parait donc mieux positionnée en prix.
Liée au groupe Piaggio-Aprilia, la marque souffre encore d’une réputation désormais injustifiée en terme de fiabilité et finitions et produit désormais des motos valorisantes et peu électronisées... tout en gardant une personnalité expressive tant en design qu’en dynamique... certainement un atout pour doper les ventes. Pour qui cherche une machine sur ce segment, la Stelvio fait partie des motos à essayer absolument... au seul risque de ne plus pouvoir s’en passer.
Points forts
- caractère et souplesse moteur
- performances de la partie cycle
- confort solo et duo
- neutralité du cardan
Points faibles
- autonomie
- poids encore un peu élevé
Concurrentes : BMW 1200 GS, Ducati Multisrada 1200, Honda Varadéro 1000, Honda Crosstourer 1200, Kawasaki Versys 1000, KTM 990 SMT, 1200, Triumph Tiger Explorer 1200, Yamaha XTZ Super Ténéré 1200
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