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Le Repaire de Steph : La Chine s’est éveillée

… et vous ?

Il y a des sujets qui provoquent à coup sûr des réactions épidermiques. L’essai de motos chinoises en fait partie. Pourquoi ? Qu’est-ce qui peut causer une telle aversion ? Faut-il limiter la place laissée à ces marques ou, au contraire, les mettre en avant ?

« Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera », prophétisait Alain Peyrefitte en 1973. Il a fallu quelques décennies, mais ses prédictions se sont réalisées et l’Empire du Milieu est devenu un acteur économique aussi incontournable qu’omniprésent. Il y a une vingtaine d’années ses productions soulevaient sarcasmes et moqueries. À juste titre car elles n’étaient pas adaptées aux marchés occidentaux, que ce soit en termes de cylindrée ou de qualité de fabrication. Aujourd’hui, plus personne n’a envie de rire face aux machines provenant du Céleste Empire.

Le Repaire de Steph : La Chine s'est éveillée... et vous ?
Le Repaire de Steph : La Chine s'est éveillée... et vous ?

Les modèles de grosse cylindrée, dotés d’équipements de qualité, sont à nos portes. Et, si l’image de marque fait encore défaut aux nouvelles venues, il est désormais impossible de les ignorer. D’abord parce que, objectivement, à la lecture de leur fiche technique, elles sont performantes et originales. Ces vingt dernières années, quelle marque a été capable de concevoir des 3-cylindres modernes ? Triumph, Benelli (quand l’enseigne était vraiment italienne), MV Agusta et Yamaha… Des noms prestigieux aujourd’hui rejoints par CFmoto et Zontes ! Non seulement les machines en question sont prometteuses, mais elles sont aussi diablement belles et sexy. Comment passer sous silence une 675 SR-R, avec son 3-pattes de 90 ch et sa magnifique robe, proposée moins chère qu’une Yamaha MT-07 ?

Il ne s’agit pas de dire que ces nouvelles venues enterrent la concurrence établie, mais seulement d’expliquer pourquoi elles sont devenues incontournables. Et donc pourquoi vous allez « manger chinois » dans les semaines et les mois qui viennent. J’ai voulu profiter de l’essai de la CFmoto 800 MT-X, réalisé par Damien, pour vous prévenir : entre QJMotor, Morbidelli et Zontes, entre autres, ce sont près d’une dizaine de modèles de grosses cylindrées qui s’apprêtent à débarquer en concessions. Et justement, en parlant de concessions, le réseau de ces marques, désormais distribuées la plupart du temps par des acteurs ayant pignon sur rue, capables d’assurer aussi bien un SAV efficace que des plans de financement cohérents, contribue au renouvellement de l’image des enseignes du Far East.

La sportive QJMotor SRK 800 RR
La sportive QJMotor SRK 800 RR

Ce qui nous appelle une question cruciale : comment réagissent les motards face à ce changement de paradigme, parfois vécu comme une invasion programmée ? D’abord, il y a le rejet pur et simple, provoqué par la réaction épidermique souvent liée à toute nouveauté. « C’est différent, ça ne respecte pas les codes habituels, donc je rejette en bloc ». Quitte à nier l’évidence. J’entends et je lis de tout à ce sujet : « Les chinoiseries c’est de la m…, c’est pas fiable, c’est soutenir un système dictatorial », il y en a même qui disent que c’est un acte antipatriotique ! Alors, sans aller aussi loin, il faut reconnaître que le marché chinois, soutenu par son gouvernement et bénéficiant d’une main-d’œuvre meilleur marché qu’en Europe, ne donne pas l’impression de jouer selon les règles. C’est tout le paradoxe du plus grand pays communiste au monde, devenu un champion du libre-échange, battant souvent les inventeurs du libéralisme à leur propre jeu.

Il y a aussi les nostalgiques, ceux qui ne jurent que par les carbus et les odeurs d’huile brûlée. Pour eux, une moto chinoise, c’est comme une pizza surgelée : ça a la forme, la couleur, mais au fond, ça manque d’âme. Ils brandissent des arguments historiques, parlent de la noblesse d’un V-twin italien, de la rigueur d’un quatre-cylindres japonais et haussent les épaules en évoquant ces nouvelles venues. « Et la revente ? Ça vaudra quoi dans cinq ans ? » murmurent-ils, comme si leurs propres machines étaient destinées à se retrouver aux enchères chez Sotheby’s.

De l’autre côté, les pragmatiques. Ceux qui roulent tous les jours, par tous les temps et qui voient d’un bon œil une alternative qui ne les contraindra pas à hypothéquer la maison pour changer de bécane. Une moto chinoise à prix contenu, bien équipée, fiable et qui envoie du gaz ? Pourquoi pas ! Après tout, ce ne sont pas les logos qui font le plaisir de conduite, mais bien la qualité de l’ensemble. Donc forcément, quand on raisonne à l’aune de l’épaisseur de son portefeuille, il y a de quoi s’interroger et envisager sérieusement de bousculer ses habitudes.

La Voge DS900X et son moteur de BMW F850GS
La Voge DS900X et son moteur de BMW F850GS

Évidemment, tout n’est jamais blanc ou noir. Je me borne à constater deux faits : d’abord, l’époque où « made in China » signifiait « piètre qualité » est dépassée. Simplement, quand on leur demande de produire de la m… pour pas cher, ils le font, tout comme ils sont capables de fabriquer des biens premium si l’on accepte d’y mettre le prix. Les iPhones sont assemblés là-bas et représentent le must de la technologie, avec un soin particulier apporté à leur finition. Ensuite, ils commencent à maîtriser toute la chaîne de production et ne sont plus entièrement dépendants des marques réputées en matière de freinage, d’amortissement et même de pneumatique pour proposer des machines homogènes entièrement chinoises. On sent d’ailleurs, chez certains, la naissance d’une réelle fierté de produire localement et la revendication d’un authentique savoir-faire.

Bien sûr, cela peut heurter les amoureux de la moto en tant qu’élément historique. Les marques qui arrivent chez nous aujourd’hui n’ont pas une « culture » comme peuvent le revendiquer Honda, Triumph ou Ducati. Elles ont souvent commencé par copier grossièrement les productions nippones et européennes avant d’oser s’affirmer. Mais finalement, les mêmes reproches étaient faits aux marques japonaises après la Seconde Guerre mondiale. Des marques qui, à l’image de Suzuki, n’ont pas hésité à débaucher des ingénieurs est-allemands, de l’autre côté du rideau de fer, pour accélérer leur développement et fiabiliser leur production dans les années 60… Il faut se souvenir de l’image qu’avaient les productions nippones chez nous dans la seconde moitié du vingtième siècle, où le « made in Japan » n’était pas mieux considéré que le « made in China » aujourd’hui.

Pourtant, certaines montrent une vraie volonté de comprendre notre petit monde afin de répondre au mieux à nos désirs. Il suffit de voir les machines de plus en plus sexy et originales, les mécaniques carrément hallucinantes (le V4 présenté au dernier EICMA par CF, les 4-cylindres QJ…) pour avoir envie d’aller plus loin et vérifier si le ramage se rapporte au plumage.

CFMOTO a même annoncé un V4 de plus de 200 ch
CFMOTO a même annoncé un V4 de plus de 200 ch

C’est ce que nous allons faire dans les mois à venir, sans parti pris. Juste pour assurer notre mission d’information et, avouons-le, parce que nous sommes curieux d’essayer des sportives, des roadsters et des trails qui viennent défier frontalement les habitués du genre, afin de voir où se situe vraiment leur niveau. Ce n’est pas pour cela que vous verrez moins d’essais de Japonaises, d’Américaines et d’Européennes sur Le Repaire, au contraire. Mais le dynamisme affiché de l’autre côté de la Grande Muraille fait que, pour nous aussi, ces nouvelles marques sont incontournables.

Des marques si nombreuses que l’on s’y perd parfois. À ce petit jeu aussi, il y a deux écoles : celles qui s’achètent une histoire en reprenant d’anciennes gloires (Benelli, Moto Morini, Morbidelli…) et une myriade de constructeurs plus ou moins connus (QJ Motors, CFmoto, Zontes, Benda, Voge, Kove, Orcal…). Il y a fort à parier que, d’ici une dizaine d’années, il ne restera que les acteurs qui seront parvenus à créer une image et un réseau solide, alors que d’autres auront disparu. Mais une chose est sûre : au vu de la montée en gamme des constructeurs chinois et de la qualité de leur production, qui ne cesse de s’améliorer d’année en année, nous sommes à l’aube d’une ère où l’équilibre des forces pourrait bien changer.

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Commentaires

Picabia

Sujet chaud aujourd'hui, il va y avoir un max de commentaires.
J'ai travaillé longtemps avec les chinois comme fournisseurs je vous dirai ce que j'en pense.

04-03-2025 08:28 
Chanabo

Tout ce qui est dit dans cet article est exact mais ne va pas arriver tout de suite. J’ai été par curiosité essayer 2 CFMOTOs et j’ai bien aimé mais… Il y a toujours un gros problème de concessionnaires, le nombre et leur compétence aussi. Le concessionnaire CFMOTO qui m’a accueilli 2 fois était adorable mais vient du monde du quad. Le concessionnaire Voge (motos très bien fabriquées; j’en ai examiné certaines de très près) près de chez moi a pour moi juste le mérite d’exister car c’est un énorme multi-marque qui te vend des motos comme d’autres des réfrigérateurs.

Quand à l’innovation technologique des chinois. Bof bof. Quand CFMOTO t’annonce un V4 de 200ch, Honda t’annonce un V3 à compresseur électrique.

04-03-2025 09:16 
coxecab

chez Leroy merlin et autres brico c est 3/4 chinois ce qu ils vendent .. chez Action c est 🛌90% chinois mais bien moins cher pour ce qui m interesse .Certes le monopole et l l’historique négatif chinois dont parle l article heurtait ma petite conscience,mais finalement ma resistance fut vaincu par manque de choix ! .
Les américains pseudo démocratique ne valent pas mieux .. et les européens sont dans la niche aux toutous .
Tic toc remplace Fb , le rock s epuise ! Et les harley trump seront encore plus cher ..
Mon gros concessionnaire Honda avec ses ½illères se refuse a reprendre des motos chinoises et a en vendre dit il adhérent ainsi aux flatteries de sa clientèle vieillissante . mais combien de temps tiendra t il .. lui et les autres ..
Et puis C est vrai que Zontes me plait bien ..
je vais y aller voir pour me faire reprendre ma honda ..!


04-03-2025 09:49 
Meuldor

A hauteur de portefeuille on ne peut qu'être d'accord. Pourquoi payer plus cher la même chose seulement pour un logo ou une réputation ? Oui la Chine est devenue une économie majeure et l'Europe s'est assoupie sur son matelas de certitudes, comme tous les rois fainéants.Rien ne l'empêche de se bouger le derche. Les japonais comme Honda, Kawazaki et Yamaha résistent, notamment Honda et ses prix ajustés. BMW surenchérit avec ses grosses Bertha et séries limitées au lieu de relocaliser des petits modèles sympas. J'aime bien la dynamique de Triumph et Ducati qui proposent des modèles iconiques.

04-03-2025 10:07 
Camix

Super billet d'humeur. Je sais ce qui se fait en Chine depuis 2003... Et à l'époque, c'était beaucoup de contre façon. Mais, même dans ce domaine, j'ai vue compris qu'il y avait 2 écoles. Le bas de gamme et le haut de gamme.
Comme dit dans l'article, la Chine fait sur commande. Ils peuvent faire très bon marché si demandé, mais aussi faire du très haut de gamme.
J'ai travaillé dans la maroquinerie, et vous serez surpris des grandes marques qui sous traite dans des entreprises françaises mais uniquement sous marin d'oeuvre chinoise.
On peut effectivement boycotté les marques chinoises pour des raisons politiques ou autres. Mais leurs motos sont une bonne solutions aux marques plus établis en termes de rapports qualités prix.
J'ai pu voir les 500 et 800NK de CF moto ... C'est un style qui faut aimer mais c'est une belle proposition à étudier face aux Honda et Yamaha de même gamme.
Manque plus que le réseau pour avoir confiance.
Ça le rappelle une discussion il y a 20 ans où j'entendais que les Coréens faisaient des voitures de merdes...
On peut voir ce que sont devenus KIA et Hyundai maintenant.

04-03-2025 10:25 
SacAbiere

@coxecab Tu n'as pas dû aller à LM depuis longtemps, au contraire depuis 10 ans j'observe qu'ils montent en gamme sur ce qu'ils vendent pour arrêter de vendre de la merdasse chinoise (sauf au rayon quincaillerie, et encore).

L'outillage m'a impressionné, désormais on y voit pas mal de Facom, Knipex, Bahco etc. Évidemment toujours leur fichu Dexter mais bon ça reste un GSB.
En visserie énormément de Fischer et Spax, en électroportatif du DeWalt, Metabo, Bosch pro, Makita etc. (certes pas du Festool, Milwaukee, Hilti mais ce sont des marques très hdg que même les pros n'ont pas tant que ça), En élec essentiellement du Legrand et Schneider. Leurs enduits et plaque de plâtre c'est que du pro NF type Placo, Knauf, Semin etc. par contre assez cher (pour ça il faut aller à Castorama qui a des tarifs équivalents inférieurs à du négocié Point P !!). Ils vendent même de l'Outil Parfait (couteaux + manchons nylon), j'étais sur le cul en voyant ça.

Évidemment il y a encore les traditionnels rayons à éviter type plomberie, menuiserie & peinture (les peintures de GSB c'est toujours aujourd'hui de la vraie merde). En tous les cas je peux te garantir qu'en semaine leurs parkings sont remplis de camionnettes blanches à 9h et que j'y croise régulièrement des artisans.

Perso sur mes chantiers je me fournis en 50% pro (peinture Unikalo/Zolpan, plomberie/sanitaire/ventilation Cedeo, divers Point P), 50% GSB.

04-03-2025 10:51 
 

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