Essai Suzuki GSX-R 1000 L2 2012
Produit d’appel ! de 185 chevaux...
Classique, pour ne pas dire old school, la nouvelle GSX-R 1000 n’embarque ni ABS, ni anti patinage et n’a que faire d’un ride-by-wire. Non, pour son millésime 2012, Suzuki a préféré travailler les éternels fondamentaux (plus de pêche, moins de poids) tout en commercialisant son hypersportive à un prix plancher. Pertinent !
Les temps changent. Jadis, les constructeurs japonais régnaient en maîtres sur la catégorie des hypersportives. La formule semblait gravée dans le marbre : tous les deux ans, chaque modèle bénéficiait d’un régime amaigrissant, doublé d’une injection de stéroïdes anabolisants pour faire bonne mesure. Seulement ça c’était avant. Avant que la hausse du Yen ne plombe les prix des machines venant du pays du Soleil Levant et que les constructeurs européens n’investissent (avec succès) le créneau tout en réinventant la formule à grand coup de haute technologie. Un ride by wire par ici, un anti patinage par là, un anti cabrage pour faire bonne mesure et un ABS pour ralentir sereinement le tout. La liste n’est pas exhaustive…
Les aides électroniques à la conduite sont-elles destinées à se généraliser sur ces monstres avoisinant les 200 chevaux dans le monde libre ? Seul l’avenir nous le dira, mais le fait que la très high tech BMW S1000 RR se soit hissée en 2011 en tête des ventes de la catégorie des sportives aux Etats-Unis et dans plusieurs pays d’Europe (et même dans l’hexagone malgré le bridage à 100 chevaux) doit faire grincer des dents chez nos amis asiatiques.
Chez Suzuki en tout cas, il n’est pas question pour l’instant de céder aux sirènes de l’électronique. Crise oblige, Suzuki a attendu un an de plus avant de renouveler sa sportive et ne semble ne pas vouloir se risquer dans une guerre technologique, d’autant que ses finances ne sont pas au beau fixe… Pour le millésime 2012 de la GSX-R 1000, baptisé L2, Suzuki a donc préféré repartir sur les bases de la génération précédente tout en gommant ses principales faiblesses. Lors de la présentation presse sur le circuit du Pôle mécanique d’Alès, le staff du constructeur a clairement énoncé les priorités définies dans le cahier des charges de cette L2 : moins de poids, plus d’agilité, une plus grande facilité d’exploitation et… une consommation en baisse ! Concrètement, cela se traduit par deux kilos grappillés sur la balance, un moteur plus rempli dans les régimes intermédiaires (mais pas plus puissant), des freins Brembo monoblocs à l’avant et des suspensions retravaillées. Dernier argument en faveur de la nouvelle GSX-R, ces timides améliorations permettent à Suzuki de commercialiser son hypersportive sous la barre symbolique des 14.000 € (à un euro près) ce qui en fait la machine la moins chère de sa catégorie…
Découverte
Les lignes ne changent pas, Suzuki préférant se contenter de rafraîchir ses décorations et d’adopter une selle au dessin revisité et dotée d’un nouveau revêtement offrant plus de grip. Le seul détail qui permet de différencier une L2 d’une L1 est l’abandon du double échappement “surréaliste” au profit d’un 4 en 1 au dessin plus classique et surtout nettement plus léger. Pour le reste, on navigue en terrain connu. On retrouve donc une hypersportive aux dimensions généreuses pour la catégorie, une selle basse (810 mm) qui permet aux petits gabarits de poser facilement les deux pieds au sol, des platines de repose-pied réglables, une cartographie programmable selon trois lois et un tableau de bord ultra-complet auquel il ne manque qu’un indicateur de température extérieure.
Côté moteur, en revanche, la liste des modifications est tellement longue que je vous épargnerais sa retranscription in extenso. Sachez juste que les arbres à cames sont nouveaux, que les pistons sont redessinés et plus légers de 11%, que l’écoulement des flux a été retravaillé tant à l’admission qu’à l’échappement, que le taux de compression passe de 12,8 à 12,9 et que l’embrayage est renforcé. Dans les faits, cela se traduit par 185 chevaux. à 11.500 tr/min et 11,67 mkg à 10.000 tr/min pour une consommation réduite de 8 %. Les trains roulants aussi évoluent. Suzuki annonce un gain de presque un demi-kilo sur les masses non suspendues à l’avant au bénéfice d’une plus grande vivacité, notamment en réduisant l’épaisseur des disques de frein. Quelques centaines de grammes sont également grappillés sur le frein arrière et les réglages de suspension sont calibrés en conséquence. Et pour remédier aux critiques formulées sur l’ancien système de freinage, aisément mis en défaut lors d’une utilisation intensive sur la L1, Suzuki a choisi de remplacer les étriers radiaux Tokico par des éléments en provenance de chez Brembo.
En piste
Pour cette première prise de contact sur circuit, Suzuki a eu l’amabilité de mettre à notre disposition des modèles L1 et L2 en version libre afin de pouvoir mieux juger des évolutions. Et les changements sont palpables… En sautant de l’une à l’autre, le millésime 2012 apparaît tout de suite plus agile sans pour autant perdre en stabilité. Si l’ensemble reste physique à emmener dans les pif-paf à basse vitesse, les entrées en virage sur les freins et les réajustements de trajectoire en courbe donnent l’impression que le gain en poids est nettement supérieur aux deux kilos annoncés. Les nouveaux réglages de fourche donnent également entière satisfaction. Le train avant offre une lecture du bitume plusfranche sur l’angle et les transferts de masse lors des gros freinages sont mieux contenus.
Les sorties de virage sont plus problématiques… Les réajustements sur la suspension arrière ne sont pas à remettre en cause. C’est plutôt la faute du nouveau moteur. L’ancien bloc de la GSX-R était déjà réputé pour la générosité de son couple dans les régimes intermédiaires et la L2 fait encore mieux dans ce domaine. Les 7 petits degrés de température extérieure lors des séances du matin invitaient pourtant à l’humilité au moment de d'accélérer sur l’angle. Et si tout s’est bien passé avec la L1, chaque séance avec la L2 s’est soldée par plusieurs dérobades de l’arrière alors que sa monte pneumatique (des Bridgestone S20) est réputée plus performante que celle de sa devancière. De quoi se faire quelques sueurs froides, d’autant que la fâcheuse habitude de la L1 de donner des à-coups à la réaccélération si on coupe complètement les gaz lors de la mise sur l’angle est toujours présente sur la L2… Les choses s’améliorent l’après-midi. Le mercure du thermomètre grimpe de quelques crans. Ma confiance aussi et je tente d’exploiter un peu plus les formidables ressources du quatre cylindres de cette version 2012 sur le tourniquet d’Alès. Les dérobades de l’arrière ont disparu. Maintenant c’est le train avant qui déleste copieusement, allant jusqu’à provoquer des amorces de guidonnage malgré la présence d’un amortisseur de direction. Sur la L1, puissance et couple arrivaient en ordre rangé. Point de cela ici. Une première grosse crête de couple est sensible à 7 000 tr/min, suivie d’une seconde entre 9 et 10 000 tours, moment où la puissance pure prends le relais jusqu’aux 14 000 tr/min de la zone rouge. Quelle santé !
Certes, cette GSX-R 1000 est loin d’avoir la même rage à hauts régimes qu’une BMW S1000 RR mais les relances de cette L2 dans les régimes intermédiaires valent leur pesant de sensations. On en vient même à regretter que Suzuki ne se soit pas donné les moyens de greffer les fameuses aides à la conduite citées plus haut pour mieux exploiter les débordements réjouissants de cette mécanique. Et même si Dominique Méliand, l’emblématique patron du SERT se plait à dire que « l’anti-patinage, c’est le poignet droit », l’homme a évoqué la possible apparition en cours de saison d’un anti-patinage “maison” sur la version “endurance” de la GSX-R 1000 2012…
Freinage
La greffe d’étriers Brembo a permis de faire progresser le freinage de la GSX-R 1000 dans tous les domaines : puissance, attaque et feeling sont en net progrès et l’endurance n’a jamais été mise en défaut durant notre journée de roulage. Rien à signaler du côté de l’élément arrière qui remplit correctement son rôle de stabilisateur.
En ville
Quelques jours après notre prise de contact sur piste en configuration libre, nous avons repris la GSX-R 1000... mais sur route et dans sa version “sans chevaux”. Le cru 2012 n’a presque rien perdu de la polyvalence qui faisait la grande force du modèle précédent. Selle basse, position de conduite presque typée sport-GT et commandes douces sont toujours au programme. Sans être totalement à l’aise en milieu urbain, la Suzuki est l’hypersportive du marché qui se prête sûrement le mieux à l’exercice. La nouvelle définition de suspension en revanche chahute un peu plus le pilote qu’auparavant. Moins complaisante en compression sur les gros chocs, cette GSX-R 1000 invite plus à éviter les nids-de-poule et les pavés parisiens que sa devancière. Rayon moteur, cette version bridée hérite en partie des nouvelles rondeurs de la full power. La vigueur dans le bas du compte-tours incite à changer de rapport très tôt. Du coup, on se surprend à redescendre quatre, voir cinq rapports pour retrouver le point mort en arrivant à un feu rouge.
Autoroute et voies rapides
Dès que la route se dégage, la GEX peut enfin faire étalage de tout son talent. Calée sur le sixième rapport, miss GSX-R peut cruiser à des vitesses inavouables sans éreinter son pilote grâce à une bulle particulièrement efficace. Quant aux reprises à des allures plus légales, elles impressionnent par leur force. Les enfilades de l’autoroute mettent également en évidence l’excellent compromis agilité/stabilité à haute vitesse de l’ensemble.
Imperturbable sur l’angle et les grandes courbes, la GSX-R permet à tout moment de réajuster sans effort sa trajectoire en cas d’imprévu. Rassurant !
À 130 km/h, le quatre cylindre ronronne tranquillement à 5500 tr/min. En version 106 chevaux, la puissance maximale est atteinte à 8 000 tr/min, largement de quoi dépasser les 200 km/h en un clin d’œil et l’allonge reste appréciable jusqu’à 10 000 tr/min. L’épreuve de l’autoroute est habituellement l’occasion de tester la consommation, mais la trop courte durée de notre essai ne nous a malheureusement pas permis de vérifier le gain de 8 % annoncé par Suzuki. J’invite donc les futurs ou actuels propriétaires de “L2” à donner leur avis sur ce point dans la rubrique avis moto Suzuki.
Départementales
Ici encore, la rondeur du quatre cylindres fait merveille, catapultant la GSX-R entre deux virages sans obliger à tricoter avec le sélecteur. Comme sur circuit, le regain en maniabilité est sensible. Sans atteindre le niveau des ballerines comme l’Aprilia RSV4 ou la Honda CBR 1000 RR, l’hypersportive de Suzuki a perdu son côté pataud à l’attaque sur départementale. Plus neutre, elle permet de soutenir un rythme élevé sans transpirer sous le casque. Le train avant gagne même en précision par rapport au modèle débridé. Logique, jamais débordé par la cavalerie, il ne déleste plus lors des fortes accélérations… À noter que comme en ville, le confort s’est légèrement dégradé, même si la GSX-R reste parmi les meilleures élèves de sa catégorie dans ce domaine. La lecture de la route par le pneu avant sur les petits chocs est plus typée “sans filtre” sans que cela se révèle inconfortable ou gênant.
Duo
Être passager d’une hypersportive relève plus de la punition qu’autre chose. La Suzuki n’échappe pas à la règle même si elle fait largement mieux que toutes les autres machines du segment. Certes, on a toujours les talons sous les fesses et rien pour se tenir, mais la GSX-R est la seule à disposer d’un épais carré de mousse dimensionné pour accueillir un humain de taille normale et pas seulement un Oompa Loompa…
Conclusion
La Suzuki GSX-R 1000 continue de creuser son sillon, s’affirmant toujours un peu plus comme l’hypersportive la plus adaptée à la route de la production actuelle. Homogène et polyvalente tout en se montrant plus vive, plus coupleuse et enfin bonne freineuse, cette version 2012 est malgré tout en rupture avec la tendance actuelle en se privant de toute aide électronique à la conduite. Dans le monde libre et pour les motards français amateurs de sortie piste, cette spécificité risque de se révéler un handicap. Pour les autres, l’argument de son prix - 13.999 € - pour accéder au graal d'une machine plusieurs fois championne du monde d'endurance devrait largement compenser ce désagrément.
Points forts
- Polyvalence préservée
- Le couple moteur, en version libre ou bridée
- Le freinage, enfin à niveau
- Le gain sensible en agilité
Points faibles
- L’absence d’aide à la conduite pour exploiter tout le potentiel sur piste
- Le design qui commence à dater
- La cartographie programmable, inutile en version bridée
Concurrentes : Aprilia RSV4, BMW S1000RR, Ducati 1198S, Honda CBR 1000 RR, Kawasaki ZX-10R, KTM RC8R, Triumph Daytona, Yamaha R1.
Commentaires
Ce S20 me semble être un calamité sur circuit.
03-02-2012 15:41Avis aux pistards occasionnels : changez ces gommes si elles équipent votre monture. Rouler sport avec ces enveloppes peut s'avérer... couteux.
"Chez Suzuki en tout cas, il n’est pas question pour l’instant de céder aux sirènes de l’électronique. "
03-02-2012 18:36Tant mieux car vu le peu de fiabilité de leurs capteurs électroniques ! lol
Sinon une fois revêtue d'une peinture anti-radar ..elle s'avère être une superbe moto por tailler la route ! Peu de changement depuis mod 2009 !
Peter