Essai moto Kawasaki Ninja ZX-10R KRT Replica
Un caractère entier
4 cylindres en ligne, 998 cm3, 203 ch, 114,9 Nm, 206 kg tous pleins faits, 18 099 euros.
Belle surprise pour moi de retrouver la Kawasaki ZX-10R, huit ans après ma dernière participation aux 24 Heures du Mans sur une… ZX-10R. Même si ce n’est pas un souvenir heureux. La sportive verte a bien changé depuis et encore un peu plus depuis quelques mois. Culasses (reconnaissables à leur couleur rouge) et système de distribution ont été modifiés pour 2019, avec une distribution par linguets, plus efficace car engageant moins de pièces en mouvement. La ZX-10R 2016 avait déjà vu le diamètre de ses soupapes augmenter et ses conduits d’admission redessinés.
Cette version KRT Replica reprend à son compte les nombreux succès de Kawasaki en championnat du monde Superbike depuis 2013, premier sacre de Tom Sykes. Le Français Sylvain Guintoli a offert le titre ensuite à Aprilia, mais depuis 2015, il ne sort plus du box Kawa grâce à Jonathan Rea qui a signé son 5e titre de Champion du Monde dernièrement.
Découverte
Le coloris distingue la KRT des ZX-10R SE et RR, avec ses rappels de rouge sur le haut et le bas du carénage, comme sur les deux motos officielles engagées en championnat du monde Superbike. Le quatre cylindres en ligne, avec sa nouvelle distribution, affiche un potentiel 203 chevaux, augmenté de 10 chevaux en dynamique avec le système d’air forcé Ram Air, selon Kawasaki (qui n’est d’aucune utilité aux vitesses légales…). Son couple de 114,9 Nm s’élève très légèrement au-dessus de celui des Yamaha R1, Honda CBR 1000 RR et Suzuki GSX-R 1000 mais reste inférieur à celui d’une Ducati Panigale V4, sa grande rivale en Superbike, forte de 124 Nm.
Comme toutes les sportives japonaises, elle possède un épais cadre en aluminium à double longeron et un bras oscillant du même métal, renforcé. Tout le travail, ces dernières années, a consisté à rallonger le bras oscillant pour raccourcir la partie avant, afin de rapprocher le pilote de la colonne de direction. Une 1000 sportive, ça se domine ! L’angle de la colonne de direction conserve toutefois une valeur de 27°, a priori garante de stabilité. Un amortisseur de direction à contrôle électronique Öhlins surmonte le té de fourche supérieur, qui enserre la grosse fourche Showa réglable en détente, compression et précharge. Tout comme l’amortisseur Showa BFRC Lite, léger, dont l’hydraulique se règle en vitesses lentes et rapides. L’équipement courant sur une sportive contemporaine, mais toutes ces pièces coûtent chères et expliquent le tarif de ces motos, ainsi que leur poids assez élevé, si on considère qu’il a peu évolué depuis la sortie de la Honda CBR 900 Fireblade en 1992. Elle était alors présentée avec un poids à sec de 185 kg. Il a été ensuite mesuré à environ 210 kg tous pleins faits. La puissance a elle revanche presque doublé, puisque ladite 900 développait 124 ch, ce qu’un roadster moyen atteint allègrement aujourd’hui.
L’autre explication du poids élevé (en termes relatifs) vient de l’électronique, qui a pris une place considérable sur les sportives, avec de nombreux capteurs, une centrale inertielle, des frettes particulières sur les disques de frein, des fils pour relier tout ça etc. La ZX-10R se distingue particulièrement dans ce domaine. Outre sa gestion des gaz par ride by wire (plus de câble mais un potentiomètre pour doser la puissance) et sa centrale inertielle Bosch à six axes, deux organes essentiels aux différentes assistances, la Kawa dispose bien sûr d’un ABS (dit intelligent, qui se régule en fonction d’informations envoyées par les capteurs) et d’un antipatinage (S-KTRC) réglable sur plusieurs niveaux, mais aussi d’un shifter en montée et descente des rapports (KQS) et d’une aide au maintien de la trajectoire (KCMF) qui joue sur la force appliquée aux freins ou l’ouverture de la poignée de gaz pour en moduler les effets afin d’éviter les réactions brutales de la moto. Sans oublier le contrôle du frein moteur (KEBC). Autant dire que si on veut paramétrer chacune de ces assistances pour les personnaliser, quelques week-ends vont y passer (clin d’œil à ceux qui s’engagent en championnat de France avec les ZX-10R).
En selle
Une fois la position assimilée, la Kawa ne fait pas vivre l’enfer au quotidien, pour une sportive. Moins exigeante que la Suzuki GSX-R, cette position se distingue par une certaine finesse à l’entrejambe et un espace assez réduit entre la selle et les bracelets, ce qui évite d’être trop allongé quand on n’est pas bien grand, comme moi. Les commandes sont douces, les commodos s’atteignent avec facilité. Les jambes sont repliées mais c’est le propre de toute sportive. Le tableau de bord fourmille d’informations dont la lecture n’est pas claire au premier abord; il faut s’y accoutumer avec le temps. Minuscule, l’écran parvient à tout afficher mais en petits caractères. Le compte-tours à leds, dont la couleur varie selon certaines plages de régime, se lit lui aisément. De même que la vitesse, soit les paramètres les plus importants.
Parce que sur ce genre de moto, la vitesse se surveille toutes les trente secondes environ. Pour respecter les 80 km/h de circonstance sur nos routes secondaires, il suffit avec la ZX-10R de se mettre sur le second rapport à 6.000 tr/mn ! Il reste ensuite quatre rapports à monter…
Autoroute
Pour partir de l’ouest parisien et rejoindre des contrées propices à la dégustation du nectar ZX-10R, le plus simple est d’en passer par l’A13. Là, il faut se caler à 140 km/h compteur, environ 6 000 tr/mn et regarder le temps passer. Le torse en appui sur le réservoir, les bras soulagés, je me relève de temps à autre pour éviter l’engourdissement. La bulle protège moyennement, il faut vraiment se rentrer dans la moto pour sentir sa protection. Quant au duo, il ne s’envisage qu’avec humour. Sinon, que dire, à part évoquer la frustration de voir de grosses berlines me doubler à plus de 160 (évaluation personnelle), confiantes dans leur application Waze ou leur Coyote, dont je suis dépourvu…
Départementale
Enfin un terrain de jeu plus ludique. Le train avant met rapidement en confiance. La Kawa se laisse emmener dans les virages avec facilité, le freinage s’illustre par sa progressivité, son feeling quasi parfait et sa puissance en fin de course. Les Bridgestone RS 11 s’accordent parfaitement avec le ressenti de la partie-cycle. Sur les bosses, irrégularités ou freinages appuyés (sur route, donc pas avec la même violence que sur piste), les suspensions allient progressivité et grande capacité d’absorption. Je suis resté pour le moment sur les réglages d’origine, le confort de suspension s’est montré très agréable. A l’évidence, les éléments Showa à l’avant et l’arrière sont de belle facture.
Le moteur n’a pas l’expression du quatre cylindres de la GSX-R 1000, plus sensationnelle, mais il est plus facile à exploiter car plus linéaire et plus vif dans ses montées en régime. Tout ici vise l’efficacité. J’en suis là de mes remarques quand une terrasse accueillante me fait de l’œil, dans un petit bled aux portes de la Normandie dont j’ai oublié le nom. Café, détente. Je m’attarde sur les lignes de « ma » sportive. Chaque pièce la valorise, des étriers Brembo monoblocs au carénage épais, bien fini. Le côté peinturluré me gêne un peu, criard. Dommage qu’elle n’existe pas dans un coloris uni, plus sobre, mais c'est une Replica. Sinon, on se consolera avec le noir de la version SE. La finition la porte au plus haut niveau des motos de série, mais ce n’est pas la classe d’une Ducati Panigale V4.
Je repars sur des routes bien revêtues, peu avares en virage. Elles semblent à l’abri des contrôles, le passage y est rare, je sais bien que c’est trompeur mais certains risques en valent la peine. A l’attaque, la ZX-10R montre un visage plus fermé. Le moteur reste facile à doser, malgré la puissance impressionnante. Le train avant conserve sa précision mais je dois forcer la moto à suivre la trajectoire voulue et une fois dessus, il n’est plus vraiment possible de la faire dévier. Elle réagit d’un bloc, elle manque même d’un peu de maniabilité. La ZX-10R ne supporte pas l’à peu près sur route, quand on la brutalise un peu. Les suspensions travaillent toujours de manière étonnamment progressive, encaissant les freinages, les accélérations, les imperfections. C’est plutôt la géométrie d’ensemble qui provoque ce côté ‘d’un bloc’, qu’on ne retrouve pas sur une Yamaha R1, plus facile mais peut-être moins homogène dans ses réactions. L’inertie de la Kawa grève toutefois son agilité. Pour passer d’un virage à l’autre, elle réclame plus d’effort que la Yamaha. Une réaction assez typique des sportives Kawasaki et ce depuis la première Stinger de 1989. Sans parler de la ZX-7R… Ce n’est pas une enclume, mais elle a encore à apprendre des Ducati et Yamaha contemporaines. J’ai cru bon, un moment, de raffermir les suspensions pour raccourcir leurs mouvements, mais ça ne change pas grand-chose au comportement de la moto. Sa motricité est en revanche à toute épreuve ! Sans jamais déclencher l’électronique (je pense que sur route sèche il faudrait y aller plus que sérieusement), le pneu arrière parvient toujours à propulser la moto sans provoquer de mouvement. Elle a alors tendance à élargir en sortie de courbe, mais c’est encore une fois dû à son aspect « bloc », entier.
Ville
Après avoir musardé, je prends le risque de m’enfoncer dans Paris. Je savais très bien ce qui allait se passer, ça n’a pas manqué. La position devient pénible, par bonheur la chaleur du moteur ne remonte pas jusqu’au pilote. La première, longue, travaille souvent. Je passe parfois la seconde, à 3 000 tr/mn, le quatre cylindres reprend sans broncher. Je l’ai déjà dit lors d’essais de sportives, la seule chose que j’apprécie avec ces motos en ville, c’est leur précision (entre les files, quand il faut éviter d’urgence etc.).
Partie-cycle
Les petites routes m’ont dévoilé la stabilité de la ZX-10R mais aussi sa complexité, liée à la particularité de sa partie-cycle. La moto s’emmène d’un bloc, uni, stable, précis, mais supporte mal l’imprécision et les perturbations engendrées par des imperfections de la route, ou une prise de frein sur l’angle… Une fois engagée sur sa trajectoire, la ZX-10R reste impassible. Avec les avantages et les défauts de cette attitude. La ZX-6R se montre plus indulgente (et aussi moins chère). Les suspensions et le freinage, sur route, sont simplement parfaits. Je conseillerais peut-être d’assouplir de deux crans l’amortisseur en hydraulique, pour mieux le sentir travailler, surtout quand on pèse moins de 70 kg.
Freinage
Les étriers Brembo M50, le maître-cylindre et le levier qui le commande, tout contribue à la progressivité du freinage, très puissant en fin de course du levier. L’ABS à l’avant ne gêne en rien les freinages appuyés et ne réagit pas sur les freinages bosselés. Une perfection.
Confort
Voilà un critère assez incongru pour une sportive, mais certains irréductibles roulent tous les jours avec ces motos et partent même en week-end ou en voyage à leur guidon. La position de conduite autorise quelques mouvements/déplacements bien agréables pour ne pas s’engourdir les muscles sur autoroute. Les suspensions encaissent parfaitement les chocs. Seule la selle pourrait être un peu plus épaisse, elle a subi probablement les dommages collatéraux de la chasse au poids. La bulle protège assez bien quand on mesure moins d’1m70 mais se montre beaucoup moins efficace pour les grands. Sachez aussi qu’il n’y a aucun espace de rangement sur la Kawasaki.
Consommation
J’ai roulé de manière très variable lors de ces quelques 400 km avec la ZX-10R, aussi la consommation ne révèle pas ce que serait une conso en utilisation normale, quotidienne. L’envie de taquiner le gros bloc 1000 m’a conduit à dépasser les 7 l aux 100 km, 7,2 l pour être exact. Voilà ce qu’il vous en coûtera si vous vous montrez trop rageur !
L'essai de la Ninja ZX10R en vidéo
Conclusion
La nouvelle ZX-10R ne trahit pas son aïeule, la première ZX-10R sortie en 2004, il y a donc quinze ans. Elle reste puissante, entière, mais beaucoup plus facile que son aînée, beaucoup plus efficace aussi. Elle parvient à conserver les qualités des Kawasaki sportives, en atténuant les défauts. Face à une Yamaha R1 ou une Ducati Panigale V4, la ZX-10R se montrera un peu rigide, parfois réticente, mais elle reste agile, puissante, avec un moteur progressif et une partie-cycle précise. Son électronique fonctionne à l’image de ses suspensions, avec progressivité, sans brutalité, de manière très efficace. La ZX-10R conserve donc sa place sur le Mont Olympe.
Points forts
- Suspensions d’excellente qualité
- Freinage
- Précision
- Stabilité
- Moteur puissant mais pas violent
Points faibles
- Peu encline à l’improvisation
- Bulle un peu basse
- Quelques kilos en moins seraient appréciés…
La fiche technique de la Kawasaki ZX-10R KRT
Conditions d’essais
- Itinéraire : 440 km en entre région parisienne et Normandie, mais surtout en usage quotidien
- Météo : beau temps 25 et 38°
- Kilométrage de la moto : 3.700 km au compteur
Equipement essayeur
- Casque HJC R-PHA 11
- Blouson Furygan Dany
- Gants Spidi Originals
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