Génération : Honda CBR 1000 RR Fireblade
De 2004 à 2017, 13 ans d'histoire et de souvenirs
Retour sur la carrière de la plus homogène des sportives japonaises
Si le bridage à la française, fruit du génie de nos têtes d'œufs de technocrates, a bien fait du mal à une machine, c'est assurément la Honda CBR 1000 RR Fireblade. Car la grosse CBR et le marché français, c'est un peu un rendez-vous raté. Elle a certes connu un succès, c'est sûr, lié à la somme de ses qualités et à son ingénierie typiquement Honda, mais elle ne s'est pas posée comme une machine à nourrir des fantasmes, ce qui est pourtant le propre d'une hypersportive.
Ceci est typiquement français, car les anglais, par exemple, vouent un véritable culte à la Fireblade. Il faut dire qu'elle est la 1000 sportive qui est la plus titrée au TT de l'île de Man. Mais en France, Honda a toujours eu une attitude légaliste et c'est tout à leur honneur. Résultat : la grosse CBR a toujours été plus difficile à débrider que ses petites camarades et cela a nuit à sa carrière.
Bref. L'avantage d'être un vieux journaliste, c'est qu'on a fait plein de choses et que l'on a plein de souvenirs. La présentation imminente du millésime 2017 de la Fireblade est donc l'occasion de revenir sur la carrière de cette machine. Un article subjectif, qui prend la forme d'un carnet de route que l'on ouvrirait pour contempler le passé.
Mais avant ça, posons le décor !
Oui, posons le décor. Car vous êtes peut-être un lecteur expérimenté du Repaire et dans ce cas vous savez tout. Mais dans sa grande vocation oeucuménique, le Repaire a aussi vocation à accueillir les plus jeunes et à leur fournir des éléments de compréhension. Ainsi, la CBR 1000 apparaît d'abord en 1987 et déjà, cela permet de comprendre que Honda n'a jamais vraiment fait les choses comme les autres. A ce moment, Suzuki et Yamaha sont partis vers une orientation sportive avec les GSX-R 1100 et FZR 1000. Kawasaki hésite entre sport et grand tourisme, avec sa 1000 RX puis sa Tomcat, qui reprennent le flambeau de la 900 Ninja, avec pas mal d'embonpoint en plus. Honda, lui se positionne en acteur du futur avec cette CBR 1000 F, une routière bien profilée et très efficace, avec ses 132 chevaux en version libre. La 1000 F restera de nombreuses années au catalogue, se muant en routière assez sage au fil du temps.
Le flambeau sportif fut repris par la première à arborer le nom Fireblade : la CBR 900 RR.
Là encore, Honda ne fait pas comme les autres. alors que les Japonais sont entrés dans la course à la puissance, Honda tente une autre philosophie. Celle du "total control". Le résultat, en 1992, est époustouflant de maîtrise et d'équilibre. Certes, elle ne fait que 125 chevaux, mais son châssis démontre bien que "sans maîtrise, la puissance n'est rien" ! Cette génération aura elle aussi une longue carrière, jusque fin 2003 où, réalisée en 954 cm3, elle développait 154 chevaux. Mais la concurrence devenait de plus en plus coriace....
2004 : la première 1000 Fireblade
Par rapport à une 900 qui était un peu à bout de souffle, la 1000 remet les compteurs à zéro et propose un sérieux bond technologique. La puissance grimpe à 178 chevaux mais toujours délivrés façon Honda, c'est à dire avec une grande efficacité mais peu d'émotions. Plus volumineuse que la 900, la 1000 CBR est également une bonne sportive de route, mais a un peu régressé sur le plan de l'agilité. J'ai des souvenirs de cette moto lors d'une virée en Bourgogne et dans le Morvan et elle se montrait particulièrement efficace et bien suspendue, mais sans procurer de frissons particuliers...
La concurrence, déjà, faisait mal ! Sans parler de la GSX-R, toujours aussi homogène, Kawasaki et Yamaha renouvelaient au même moment leurs ZX-10R et R1, avec des motorisations nettement plus hystériques en version libre et déjà plus communicatives en version bridée. Pourtant, la CBR 1000 RR avait quelques atouts technologiques à faire valoir : sa double injection PGM-DSFI, sa nouvelle suspension arrière Pro-Link, son échappement en position haute (là-dessus, les modes ont été cycliques), son amortisseur de direction électronique, on ne peut pas dire que la Fireblade volait le client !
2006 : quelques modifications, hélas insuffisantes
La base moteur est identique : la culasse est cependant modifiée pour optimiser la combustion et améliorer la réponse ainsi que le couple à bas et mi-régime. Les disques de frein passent de 310 à 320 mm tandis que leur épaisseur passe de 5 à 4,5 mm (le diable se niche dans les détails). Pour le reste, à part de nouveaux coloris, c'est la même. Je me retrouve à organiser un comparatif des 1000 sportives en full power, avec le gratin de l'époque. Dur moment pour la CBR, qui ne sauve la face que sur route et encore, pas tant que cela face à une GSX-R 1000. Mais sur piste, elle se montrera la plus facile pour celui des 5 essayeurs qui débutait dans le métier, sans exciter plus que cela les autres.
Néanmoins et juste pour le fun, j'organise dans la foulée une petite rencontre amicale avec une Honda RS 125 de GP. C'était écrit d'avance : la grosse résiste en ligne droite et se fait manger dans le sinueux. Mais on avait sorti la télémétrie pour chiffrer tout cela. En tous cas, la Fireblade séduisait une nouvelle fois par sa facilité de conduite et par l'équilibre de son châssis, bien qu'un peu physique à piloter à la limite.
2008 : la révolution !
Gros changement pour ce qui constitue probablement le meilleur millésime de Fireblade, puisque la 1000 retrouve quasiment l'esprit de la première 900 ! Elle est en effet plus compacte, avec une ergonomie légèrement plus sportive. Le poids baisse, l'échappement aussi, la machine se dote d'un embrayage anti-dribble, le moteur se veut plus vit grâce à une optimisation des frottements et de substantielles modifications (le poids du bloc baisse d'ailleurs de plus de 2,5 kilos), le moteur prend plus de tours (13000 au lieu de 12500)... Bref, la CBR devient plus efficace et surtout, plus expressive. Pour s'en rendre compte, rien de tel qu'une petite confrontation sur piste avec sa devancière, les deux en version libre...
Bref, la Fireblade est tellement bonne que, dans le semaines qui suivent, j'organise un petit comparatif des 1000 sportives avec au programme deux virées sur deux circuits différents et plus de 800 kilomètres de route avec 4 machines en full. Et pour la première fois depuis longtemps, c'est la Honda qui remporte le match !
2009 : l'apparition du C-ABS
Nouvelle innovation Honda : l'apparition du C-ABS sur les sportives. Voilà une vraie innovation technologique qui prend de court tous les autres japonais, qui mettront plus de deux ans avant de réagir (Kawasaki sera le premier). Le C-ABS est complexe : il s'agit d'un freinage by-wire (il n'y a plus de relation directe entre la pression sur le levier de frein, la poussée sur le liquide et l'action sur les étriers), avec un boîtier qui fait office de répartiteur. Il faut donc s'habituer à ce que, sur une sportive, la machine freine de l'avant alors que l'on a actionné que la pédale de frein arrière. Mais surtout, le système est lourd : près de 10 kilos. C'est un peu sensible sur la Fireblade (encore plus sur la CBR 600 RR, qui peut aussi en être équipée). Lors d'un essai sur circuit réalisé avec des motos bridées, la Fireblade est rentrée dans le rang, en dépit de son avantage sécuritaire.
2010 : encore quelques petites modifs
Quelques petites évolutions de détail : un vilebrequin plus rigide de 6,87 % (ça se sentait pas des masses au guidon), une gestion de l'accélérateur revue pour plus de douceur, le ventilateur du radiateur est plus compact pour gagner quelques grammes, la paroi de certaines sections de l'échappement est plus fine et les vis de fixation de la culasse sont désormais en aluminium. On ne peut pas appeler ça une révolution.
Le cadre du comparatif habituel change. Cette fois-ci, dans la même gamme, on compare des routières et des sportives. Au programme, donc : Triumph 675 Street Triple contre 675 Daytona et Honda CB 1000 R contre CBR 1000 RR. Le résultat est cruel : la Dayto l'emporte, car elle en offre objectivement plus que la Street. Mais en version française, la CBR a du mal à marquer de gros points face à une CB 1000 R ultra efficace, qui ne pèche qu'en garde au sol du côté de son échappement sur circuit. Il est temps d'une nouvelle évolution.
2012 : une dernière refonte...
La grosse Fireblade évolue encore en finesse pour le millésime 2012. Au programme : un nouveau tableau de bord (mais toujours des commodos qui étaient déjà ringards à la naissance de René Coty), des suspensions entièrement revues avec notamment une Showa BPF à l'avant et un look remanié, notamment avec des phares un peu plus agressifs. Essayée en full sur le circuit portugais de Portimao, la CBR ne s'est pas radicalisée pour autant. Facile, oui. Efficace, assurément. Démonstrative, sûrement pas. Or, en face, les japonais se remuent et surtout, BMW a pris des grosses parts de marché avec une S1000RR explosive et l'Aprilia RSV4 séduit ceux qui aiment les moteurs de caractère. Et surtout, les packages électroniques complet sont désormais de la partie et permettent de canaliser la puissance, mais pas sur la Honda...
Honda a bien compris le message : une fois n'est pas coutume, sa machine est carrément la moins chère du marché, affichée à environ 13 500 € à son lancement. Un peu plus tard, cette dernière génération de Fireblade se doublera d'une version SP, aux périphériques plus aboutis, un nouveau tableau de bord et un moteur revu dans les détails.
Et l'avenir dans tout cela ? Que nous prépare le millésime 2017, revu du sol au plafond et avec lequel Honda nourrit de sérieuses ambitions ? Rendez-vous dans quelques jours pour le premier essai de la Fireblade 2017 sur Le Repaire !
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