Essai Honda CBR 1000 RR SP Fireblade
Fille facile
La version SP de la Fireblade pousse à son paroxysme le concept du Total Control cher à Honda à savoir proposer une machine ultra efficace et désarmante de facilité. Mission réussie mais il faudra y mettre le prix !
La Fireblade de Honda est une machine à part dans la gamme Honda. Depuis l’apparition du premier modèle en 1992, le constructeur japonais s’est toujours attaché livrer des machines collant au concept du Total Control. Comprenez par là des motos à la fois efficaces ET faciles, capable de tirer le meilleur du pilote qui se cache (ou pas) en nous. Un concept pertinent puisque Honda en a vendu plus de 200.000 en l'espace de deux décennies. Certes, les sportives n’ont plus le vent en poupe dans les charts et l’âge doré où les constructeurs revoyaient de fond en comble leurs machines tous les deux ans et révolu. Pour autant, le premier constructeur mondial ne fait pas dans l’immobilisme et nous livre pour 2014 une version SP destinée à la piste peaufinée dans le détail et embarquant des suspensions Ohlins, gage de qualité et de rigueur. Vu la période hivernale, Honda nous a envoyé au Qatar sur la piste de Doha pour tester sa nouveauté.
Une idée qu’elle est bonne vu que même dans le sud de l’Espagne, le thermomètre peine à passer la barre des 10 degrés...
Présentation
Avant de parler de la version SP de la CBR 1000 RR, il faut aborder le cas de la version 2014 standard. Sur la base du millésime 2013, Honda a procédé à un rafraichissement en règle de son hypersportive.
Côté moteur, le quatre cylindres en ligne voit sa puissance passer de 176 (12 000 tr/min) à 178 chevaux (12 250 tr/min) tandis que le couple grimpe de 112 Nm (8 500 tr/min) à 114 Nm (10 500 tr/min). Ne vous laissez pas abuser par cette valeur plus haut perché, la courbe de couple étant nettement plus remplie entre 4 et 6000 tr/min. Cette hausse de performance est essentiellement obtenue via une amélioration de l’écoulement des flux à hauts régimes à l’admission et l’échappement. Les pipes d’admission sont désormais biseautées, les conduits ont droit à des courbures aux lignes adoucies et un polissage en règle et les sièges de soupapes ont été redessinés. L’échappement est aussi intégralement revu : diamètre abaissé de 38 à 35 mm, adjonction d’un tube d’interconnexion entre les cylindres 2 et 3, catalyseur de plus grande section reporté en amont du silencieux, nouvelle chambre de tranquilisation... Le tout est bien évidemment associé à un reparamétrage complet de la centrale gérant la double injection séquentielle PGM DFSI.
Concernant la partie-cycle, les ingénieurs japonais se sont attachés à améliorer le feedback (retour d’informations) en améliorant la flexibilité au niveau de la jonction entre le cadre et le bras oscillant. D’après Honda, cette modification initialement développée pour la version SP à suspensions Ohlins a également été reportée sur la version standard tant elle s’est avérée bénéfique à la tenue de route et la motricité. Enfin, la position de conduite a légèrement gagné en agressivité. Les bracelets sont plus écartés (+ 34 mm) pour améliorer le bras de levier et leur angle à été ouvert (+ 5°) et abaissé (- 5°). les repose-pieds, eux, sont reculés d’un centimètre. Enfin, le millésime 2014 a droit au peaufinage de quelques bricoles aussi pratiques au quotidien qu’inutile au motard lambda pour se faire mousser au troquet du coin : nouvelle bulle à double courbure améliorant la protection du pilote (du moins quand il est plaqué contre le réservoir), couvercle de réservoir redessiné pour améliorer la ventilation et même une nouvelle clef de contact de type “wave” plus sure et plus courte histoire de limiter les tordages malencontreux et les trous dans les poches.
A ce lot de modifications, Honda y a rajouté pour sa version SP tout ce qu’il faut pour en faire un reine du tour chrono. Le moteur bénéficie d’une métrologie d’origine via une sélection plus drastique de ses éléments mobiles. Là ou Honda s’autorise habituellement une variation de 3 grammes sur la sélection de ses bielles et de ses pistons, la tolérance sur la SP à été réduite à seulement 1 gramme ! Et puis bien sur il y a les suspensions Ohlins. A l’avant, on trouve une NIX30 de 55 m de diamètre (54 pour la Showa d’origine) dessinée spécifiquement pour miss SP, tant au niveau des tubes que des des pieds de fourche. La jonction avec le cadre a aussi droit à son lot d’améliorations. Les tés ainsi que l’axe de colonne passent de l’aluminium à l’acier pour améliorer la rigidité et le té supérieur, à la surface de contact majorée, n’est plus moulé mais forgé (toujours pour les mêmes raisons pour ceux qui n’y connaissent rien en métallurgie). Sans transition, passons à l’arrière avec un magnifique modèle TTX 36. Le dossier de presse n’est pas très loquace sur l’amplitude des réglages mais on sait que l’hydraulique typée “piste” sera moins à l’aise sur bitume dégradé. Passons aux freins avec du Brembo monobloc à pistons asymétriques (30 et 32 mm) et plaquettes spéciales destinées à optimiser le feeling lors des freinages à haute vitesse. Tout un programme... Version piste oblige, la SP est une stricte monoplace ce qui lui permet d’adopter une boucle arrière allégée. Sur la balance, cela se traduit par un poids de seulement 199 kg pour la version dépourvue de C-ABS (+11 kg). Je vous parlerais bien dans le détail de ce fameux système, lui aussi doté de réglages optimisés sur la SP, mais cette option ne sera malheureusement pas disponible en France. Et puis il y a les chaussettes, des Pirelli Diablo Supercorsa “SP”, adapté à un usage mixte route-piste.
En Selle
Avant de prendre la piste, on nous présente les baby-sitters de luxe qui nous encadreront. Là, Honda a dégainé du lourd, voire du très lourd, avec la famille Haslam (le vieux Ron et le jeune Leon), Sébastien Gimbert (NDR: top avec son intégration au team Honda d’endurance et de FSBK pour 2014 !!!) qui a autant de victoires au Bol d’Or et aux 24 H du Mans que j’ai de T-shirt au fond de mon placard (j’en ai plein !), ainsi que l’immense John McGuinness, 20 fois vainqueur du Tourist Trophy.
Mais revenons quelques instants sur notre monture du jour. Côté finition, c’est du Honda “made in Japan” tout craché. Tout est beau, parfaitement ajusté, sans fil qui dépasse ni ébavurage de pièce à l’arrache. Bref, un truc de qualité fait pour durer.
Le bloc instruments est repris au millésime précédent. Surplombant une barre intégrant les voyants usuels (clignotants, réserve, point mort...) l’écran multifonctions LCD est doté d’un compte-tours de type bargraphe, d’un odomètre et affiche en permanence le rapport engagé, la température d’eau, l’heure, le kilométrage total et partiel. Notez que l’affichage du régime moteur peut être paramétré selon quatre modes différents: Conventionnel, Inversé (Reverse) où les barres s’éteignent au lieu de s’allumer, Peak Hold qui en plus du mode conventionnel affiche le régime maximum atteint et enfin Single Segment à rapprocher d’un compte-tour traditionnel puisqu’il n’affiche qu’une barre à la fois. En sus, on peut modifier l’odomètre pour qu’il affiche le régime moteur. L’écran LCD peut également basculer en mode piste afin d’afficher et garder en mémoire ses tours chronométrés et afficher la consommation moyenne ou instantanée de carburant, la distance parcourue et un minuteur. Au-dessus de l’écran LCD se trouve une barre intégrant 5 shift light LED s’allumant progressivement à l’approche de la zone rouge avant de clignoter à un régime prédéfini (par défaut à 13 000 tr/min). Leur intensité est ajustable, tout comme les intervalles d’allumage ( 0, 200 ou 400 tr/min) et le régime d’intervention (entre 4 000 et 13 000 tr/min).
Une fois en selle, on a toutes les phalanges des pieds au sol à partir de 1,70 m mais guère plus.
Et une fois en mouvement, la position est certes plus sportive que par le passé mais on est toujours loin de la radicalité d’une Triumph Daytona 675 ou d’une Yamaha R6. Rien à signaler non plus sur l’ergonomie des diverses commandes, tout est bien placé et ferme comme il faut. Histoire de chipoter, on aurait bien aimé une vis micrométrique pour ajuster la garde du levier de frein plutôt que le traditionnel excentrique à 6 positions. Quant au niveau du 4 cylindres au démarrage, la SP fait dans le discret (plus haut dans les tours aussi d’ailleurs...) mais Honda France livrera ses SP avec un silencieux Akrapovic, fort probablement plus sonore -et plus léger- que l’origine.
En Piste
Les premières sessions de prise en main sont effectuées avec la monte d’’origine, des Pirelli Diablo Supercorsa “SP”, typés pour un usage mixte route-piste. Malgré des pressions de pneus trop élevées (on ne découvrira la chose qu’après), la SP se laisse apprivoiser sans mode d’emploi particulier.
C’est tant mieux car le circuit de Losail est relativement difficile à maitriser avec très peu de points de repères et quelques virages “faux frères” qui se ressemblent en entrée mais pas du tout en sortie... Les premiers tours tiennent alors plus de l’improvisation que du pilotage et dans ces conditions si particulières, la CBR 1000 RR SP est votre alliée. Agile, elle demande peu d’efforts à la mise sur l’angle et ne se verrouille jamais sur sa trajectoire, même en cas de freinage catastrophe. Dans les virages serrés, l’avant de la SP se place au millimètre et la faible inertie de l’ensemble donne l’impression d’une machine de gabarit inférieur. Certes, une Kawasaki ZX-10 R est probablement encore plus agile, mais les sensations de conduite sont différentes. Sur la plupart des hypersportives, le feeling vient essentiellement du train avant avec des remontées d’informations plus diffuses à l’arrière.
Sur la SP, on sent tout ce qui se passe sur la machine, que ce soit au niveau des transferts de masse ou du travail des suspensions. Ce n’est pas en soit la garantie d’une plus grande efficacité mais c’est subjectivement très rassurant. Surtout lorsqu’on a le genou posé par terre à plus de 150 km/h... Mais c’est sur les longs appuis que la SP est la plus impressionnante. Très rassurante, elle semble toujours calée fermement sur sa trajectoire mais il suffit de jouer des appuis sur les repose-pieds pour resserrer en douceur une trajectoire approximative. Le passage l’après-midi à une monte pneumatique plus performante (des Supercorsa SC) ne fera que mettre encore plus ces qualités en exergue malgré un rythme nettement plus élevé.
En abordant le freinage du bout de ligne droite à 290 km/h (plus de 300 pour certains confrères) avant d’attaquer un virage en seconde, la SP est impériale de stabilité malgré l’incroyable puissance de freinage des étriers radiaux Brembo. Même remarque lors des fortes accélérations ou la partie-cycle ne semble jamais débordée par les presque 180 chevaux. Cette capacité à digérer sans broncher les gros transferts de masse tout en offrant une finesse de “lecture” du travail des pneumatiques est à mettre au crédit des suspensions Ohlins et du travail de rigidification et le gain est sensible dans toutes les phases de conduite. Du coup, même lorsque le pilote roule à son rythme maximum, voire quelquefois au-delà, la SP reste facile et prévenante.
Le moteur participe lui aussi à cette facilité générale avec une arrivée maitrisée de la puissance. Docile sous la barre des 4000 tr/min, il se réveille réellement à 6000 tours en offrant des relances musclées. Mais pour profiter de son plein potentiel sur piste, il faudra le maintenir au-dessus de la barre des 8 000 tr/min ce qui laisse environ 5 000 tours de marge avant d’aller toucher le rupteur. Le dosage de l’arrivée de la puissance -la fameuse connection accélérateur/roue arrière- est excellent la quasi totalité du temps mais la SP nous a gratifié de quelques à-coups à la reprise de manière aléatoire. Ce détail mis à part, le 4 cylindres de la SP est typique des productions de la marque : docile, efficace mais manquant un peu de caractère face à la concurrence.
Revenons sur le freinage. Si la puissance est au top, l’attaque du levier un poil brutale demandera de l'accoutumance. Autre détail gênant sur une machine de ce standing, un toucher un poil spongieux, typique des machines dépourvues de durites “aviation”. D’après Sébastien Gimbert, le feeling des versions françaises dépourvues d’ABS devrait être bien meilleur. A vérifier donc lors d’un prochain essai, sur route, plus long.
Accessoires
La CBR 1000 RR SP peut être personnalisée avec toute une série d’accessoires maison bénéficiant eux aussi d’un garantie de deux ans: bavette de protection pour l’amortisseur, éléments en carbone (garde-boue, pare-carters), patins de protection, béquille d’atelier... Hors de l’univers piste, on peut aussi se rabattre sur une alarme, une bulle haute, une selle confort, des housses de protection, un contrôleur de charge pour la batterie et même une sacoche de réservoir.
Conclusion
Juger de l’efficacité d’une hypersportive est toujours un exercice difficile car à moins d’avoir une solide expérience de la piste, on arrive au bout de ses propres compétences bien avant celles de la machine. Un fois ce constat posé, la SP est une machine bluffante d’efficacité pour un pilote “moyen”, collant parfaitement au concept de Total Control si cher à la marque. A l’avalanche de béquilles électroniques proposées par la concurrence (au demeurant aussi efficaces que pratiques), elle oppose une facilité de conduite désarmante doublée d’une efficacité redoutable et seule la consistance des freins vient ternir un tableau presque parfait. Reste l’épineux problème du tarif. Pour s’offrir cette CBR 1000 RR “full Ohlins”, il faudra acquitter une facture de presque 18.000 € pour une machine clairement destinée à une utilisation piste et livrée en France sans C-ABS mais avec un silencieux Akrapovic. La version standard, moins efficace mais plus polyvalente dans le cadre d’une utilisation mixte route-piste devrait, elle, se négocier aux alentours de 14 000 € et pourra disposer en option du C-ABS.
Points forts
- Tenue de route irréprochable
- Facilité de conduite bluffante
- Performances
- Qualité de fabrication
Points faibles
- Frein avant spongieux
- Tarif
La fiche technique
Commentaires
superbe dommage que les assurances nous massacrent sur les sportives .le prix grimpe aussi pas mal hummm!!!!.+ tard si je deviens riche??.
20-12-2013 16:20