Radioscoopie: Motos et Scooters ou la délicate cohabitation
Journaliste, reporter, grand reporter, chroniqueur radio et Rédacteur en Chef sur France Inter...
Serge Martin signe chaque mois une chronique radiophonique sur Le Repaire
Peut-on être motard et scootériste à la fois ? L’un est-il à même d’accepter l’autre en tant qu’usager de la route et vice versa ? Pas évident en sachant que la moto reste un engin de passion et que le scooter se cantonne, bien souvent aujourd’hui, à un rôle utilitaire.
On est loin, bien loin des années 50/60 où la Vespa, synonyme de mobilité et de liberté, croisait en toute fraternité motocycliste les Terrot et autres Peugeot quand ce n’était pas tout bonnement une « Bleue », la mobylette reine des cyclomoteurs de l’époque. Un temps où chacun, en fonction de ses envies et surtout de ses moyens, choisissait le deux-roues à même de l’emmener dans ses déplacements quotidiens quand ce n’était pas, tout simplement, sur son lieu de vacances, la tente roulée à l’arrière de la selle. Un temps où tout possesseur heureux et privilégié d’un deux roues en croisait un autre en toute complicité pour ne pas dire amitié.
Aujourd’hui, on ne peut plus vraiment dire que ce soit le cas. Entre des scootéristes fiers de leur moyen de transport, imbus de cette notion de fluidité retrouvée et des motards tout aussi fiers voire dédaigneux, parfois, à l’encontre de ce moyen de locomotion, la complicité, excepté peut-être sur la route des vacances et en tout cas la confraternité n’existent plus. A croire parfois d’ailleurs que ces utilisateurs de deux roues (auxquels il faut maintenant ajouter les trois roues) en arrivent même à se détester ou au mieux s’ignorer.
A cette cohabitation difficile et parfois douloureuse, plusieurs raisons propres à l’évolution, au fil des années, de ces usagers des deux et trois roues. Côté scooters tout d’abord, on notera aujourd’hui quatre sortes de familles au comportement bien distinct.
Les coursiers
Celle premièrement des « coursiers », un phénomène, il est vrai, essentiellement urbain. Soumis à une pression énorme et à des impératifs horaires draconiens, ces conducteurs de scooter, souvent reconnaissables au téléphone portable coincé sous le casque contre la joue et au top case volumineux, se singularisent par une conduite généralement agressive. Des scootéristes qui n’hésitent pas à se faufiler entre les véhicules à des vitesses élevées, à passer s’il le faut de la route au trottoir et inversement non sans risque ou bien venant, après une interminable remontée de file par l’extérieur, se positionner en travers, devant les autres véhicules arrêtés au feu rouge et même si parmi ceux-ci figure un « gros cube » susceptible de pouvoir démarrer beaucoup plus vite (expérience vécue). Qu’importe, ils sont pressés et seuls au monde et n’hésiteront pas à vous klaxonner lors d’une remontée de file si par malheur, ou provocation, vous vous retrouvez devant eux dans les limitations de vitesse réglementaires imposées par la loi. Certes, encore une fois, ce phénomène est uniquement urbain mais contribue à pénaliser l’image de marque des scootéristes (il en va de même pour les coursiers à moto ou même certains conducteurs de moto-taxi qui, sans passager, ont parfois une fâcheuse tendance à considérer que la route leur appartient…).
Les convertis
Deuxième catégorie, deuxième famille, de scootéristes qui ont eux aussi très vite su focaliser contre eux l’animosité des autres usagers de la route, à commencer par les conducteurs traditionnels de deux roues, les automobilistes convertis ou reconvertis au scooter, enfin au scooter à « trois roues ». Une classe d’usagers facilement identifiable, elle aussi, à son comportement, n’hésitant pas à prendre des risques inconsidérés dans des remontées de file endiablées. Certains d’entre eux qui ont connu la frustration de l’attente dans les embouteillages, font également partis des « klaxonneurs intempestifs » ne supportant pas qu’une moto ou un autre scooter n’aille pas plus vite dans les zones de circulation chargées. Il s’agit, là encore, d’un phénomène typiquement urbain mais suffisamment révélateur d’une attitude ne favorisant en rien la cohabitation avec les autres usagers de la route.
Les sportifs
Troisième catégorie un peu à part mais tout autant redoutée des motards pour d’autres raisons, celle des «sportifs ». Possesseurs de Yamaha TMax 535, de Burgman 650 et autres Aprilia SRV 850, ce sont bien souvent des conducteurs, pardon des compétiteurs dans l’âme, soucieux de démontrer qu’ils peuvent aller vite, très vite et surtout démarrer plus rapidement que les motos à un feu tricolore. D’où, pour celui qui ne sait raison garder, une course gratuite, bien souvent inutile voire dangereuse, au passage du feu vert afin d’essayer d’arriver le premier… au feu suivant.
Les utilitaires
Enfin quatrième et dernière famille de scootéristes tous les autres, hommes et femmes, pour qui le scooter n’est finalement qu’un moyen de transport utilitaire, facile, pratique, maniable, permettant de se jouer des bouchons et autres encombrements de la circulation. Un véhicule de transport individuel offrant la possibilité de se rendre sans délai sur son lieu de travail ou à ses rendez-vous et ce sans être obligé de revêtir la « panoplie » du motard. Une dernière catégorie bien souvent totalement indifférente à la présence des motards à l’exception, peut-être, de jeunes désireux par la suite de passer à la moto. Toutefois si l’on regarde par exemple ce qui se passe dans nos campagnes, on est bien loin de ce cas de figure. Là le scooter est en effet le premier véhicule permettant d’aller au collège ou au lycée du coin avant d’être, à l’âge de 18 ans, remplacé par... la voiture. Là encore plus véritablement de passion et pas de complicité pour un mode de locomotion qui ne les inspire pas.
Côté motards, pas exempt de reproches non plus vous allez le voir, on réduira la population à deux grandes familles, celle des « jeunes » hélas moins nombreux que par les années passées et celle des « anciens » ou plutôt des « vieux cons », catégorie à laquelle je suis fier d’appartenir.
Les djeunzs
Des jeunes parmi lesquelles la gente féminine et c’est une bonne chose, est de plus en plus présente et pour qui le cheminement vers la moto correspond encore à une notion de passion. Passion pour des modèles de plus en plus séduisants, passion pour l’univers voire les modes qui accompagnent la moto d’aujourd’hui tel le phénomène « hipster » mis en valeur lors de manifestations comme les « Wheels and Waves » de Biarritz. Des jeunes bien souvent indifférents eux aussi, à l’univers « scooter » à l’exception peut-être de ceux qui en sont issus.
Les vieux cons
Et puis il y a tous les autres motards, les « anciens », ceux que je regroupe volontairement et affectueusement dans la catégorie des « vieux cons ». Ceux qui ont un jour embrassé cette passion pour ne plus jamais la quitter, ceux qui, souvent pour des raisons familiales voire professionnelles, l’ont abandonnée avant d’y revenir plus tard, ceux enfin qui n’hésitent pas à chevaucher, aujourd’hui encore des « trapanelles » d’un autre âge fort mal vues des écologistes bien pensants (on ne pourra que le constater à partir du 1er juillet prochain à Paris) mais appréciées des connaisseurs.
Autant de raisons, autant de facteurs qui font, qu’à de rares exceptions, le motard reste très éloigné du possesseur de scooter. Même si ces véhicules roulent sur deux roues, en faisant bien sûr abstraction des trois roues, la culture, l’approche, la perception voire l’utilisation ne sont pas les mêmes. C’est peut être d’ailleurs les raisons pour lesquelles certains constructeurs se cassent les dents, depuis des années, cherchant à proposer des deux roues qui puissent à la fois être moto et scooter… Soit cela sera un jour accepté, beaucoup plus tard, lorsque les motos seront majoritairement équipées de boîtes de vitesses automatiques, soit…jamais.
Ceci étant dit, le motard indécrottable que je suis et que je reste se prend, parfois, à rêver d’avoir dans son garage, sa moto et un scooter fort pratique pour des trajets urbains par temps de pluie par exemple, lorsqu’il n’y a qu’à soulever la selle pour y glisser son sac et tirer le tablier sur les genoux pour ne pas se mouiller. Mais rassurez-vous, parfois… seulement.
Commentaires
Ne serait-ce pas là un exemple typique de sédimentation..?
02-06-2016 17:50Rien que chez les vieux cons (motards hein) on a déjà les BMistes, honnis par tous les autres car, comme les fans d'anglaises, ils conchient tout le reste de la production, les Ducatistes bicylindro-desmodromiquement unifiés, les conservateurs pour qui même la tare est appréciée pourvu qu'elle soit d'origine, etc...
Mais présentez leur un djeunz et ils ne parleront plus que d'une seule voix.
Alors le djeunz à son tour ne sera que trop content que de pouvoir profiter de l'effet de groupe, aussi crasse puisse-t-il être, pour jacter à propos du mouton semblant plus noir que lui.
Et ainsi de suite jusqu'à l'automobiliste qui mettra tout le monde (mû par 2 ou 3 roues) d'accord.
C'est en continuant de marquer et souligner ces différences qu'on maintient les édifices séparant ces différentes "catégories".
Le problème c'est que cette sédimentation ne s'arrête pas à l'automobiliste.
V
Je confirme une impression : il y a 25 ans ou plus, il me semble que l'âge n'était pas un facteur de "discrimination" dans le monde motard ; la possession de tel ou tel type de moto non plus. C'est à peine s'il y avait les Harley et les autres :-D
02-06-2016 20:34Roulant en scoot la semaine et en BM le reste du temps, je me demande si ma présence sur le Repaire des Motards a encore la moindre légitimité...
02-06-2016 22:17"Ceci étant dit, le motard indécrottable que je suis et que je reste se prend, parfois, à rêver d’avoir dans son garage, sa moto et un scooter fort pratique pour des trajets urbains par temps de pluie par exemple, lorsqu’il n’y a qu’à soulever la selle pour y glisser son sac et tirer le tablier sur les genoux pour ne pas se mouiller. Mais rassurez-vous, parfois… seulement."
J'ai franchi le pas depuis un moment maintenant, et ne le regrette pas.
Par dessus tout, j'ai le plaisir avec mon scooter taïwanais de torcher proprement et définitivement certains gros cubes - y compris scooters eux-mêmes - sûrs de leur fait et de leur supériorité...
Car dans la tête du motardus vulgus, scoot 125 = permis B + 7h de formation. Ils sont loin de se douter que dans mon cas c'est permis A et 25 ans de passion.
Ca donne parfois lieu à certaines scènes cocasses...
ca fait un bien fou de lire ses deux derniers posts....Enfin des ecrits realistes et honnetes....j approche de l orgasme...
02-06-2016 22:18Merci a vous deux ...toute ma reconnaissance...
P'tit Loup > Yavait quand même ça ...
03-06-2016 07:55[attachment 24381 joe-bar-3-459eeba.jpg]
Ah non mais arrêtez ces articles schizophrènes poussant à la division. Pas plus tard qu'hier, j'étais en panne avec mon R1 et le seul à s'arrêter : tatannnnnn un mec en Xmax.
03-06-2016 10:52Vous faites le jeu de la schizophrènie actuelle : les fonctionnaires sont des glandeurs, les flics sont bons qu'à taper, les patrons s'en mettent pleins les poches... et j'arrête là parce que je pourrai partir sur les médecins, les politiques, les contrôleurs aériens, les syndicalistes.
C'est complètement réducteur de mettre les gens dans des petites boîtes avec une étiquette dessus.
Je suis à deux doigts (pas ceux en V) de plus vous lire, c'est vraiment navrant.
Salut
y'en a qui sont plus à plaindre que d'autres :
03-06-2016 13:37
que chacun roule sur ce qu'il lui plait...pourvu que ça n'ait que deux/trois roues! :)
04-06-2016 08:59mais....juste une chose,que les motos soient dissociées des scooters et des vélos dans les statistiques de l'accidentologie!..Les motards seraient peut-être moins mal perçus, moins ostracisés par le reste de la population, car,quoique puissent en dire certains ayatollahs de la securité routières,politiciens ou autres journalistes, les motards veillent á leur sécurité et sont majoritairement prudents et conscients de leur fragilité, á contrario d'une population deux roues venant de l'auto ou simplement débutants, eux trop simplement mal formés et éduqués et sans equipements pour la plupart du temps! á quand une formation renforcée spécifique livreurs de pizza??...
Double post de goret...
04-06-2016 11:11Je sais même pas pourquoi je te parle encore . Je pisse sur les Suzuki, tu pisses sur les Italiennes, et on a malgré tout échangé sur la moto, il y a fort longtemps d'ailleurs autour d'une mousse fraîche, au troquet France.
Ça résume bien le motard Français je trouve d'ailleurs.
Raven 04-06-2016 11:12
et moi je trouve qu'il y a une catégorie dont on ne parle pas assez: les convertis de la moto au scooter. perso j'y suis venu un peu par dépit parce que la seule reprise qu'on me faisait pour une Virago malade était pour acquérir un 300 versity. initialement je me disais que je le revendrai pour me racheter une vraie moto, et puis révélation: 115000km avec cet engin initiatique, puis j'ai pris le XMAX 250 avec lequel je passe les 120000km ce soir. je sais que ça énerve de le dire, mais après 400000km en moto et 235000km en scooter, je le dis quand même: le scooter c'est l'évolution logique de la moto. je laisse les réacs réagir... allez, bonne route et attention aux automobilistes accros au smartphone.
07-07-2016 08:02Article sympathique et quelques bonnes observations.
07-07-2016 12:03En revanche, la classification des motards en djeunz et vieux cons est très simplificatrice.
Salut à tous,
10-07-2016 15:29bref pour faire court je roule en Honda Integra (nc700d) alors scooter ou moto? pour moi le choix est fait abs ,frein combiné,boite auto,protection,conso,assurance,entretien aujourd'hui certains motards (en moto?)ne jurent que par boite méca,frein aléatoire gros pot , entretien et assurance hors des limites ; grand bien leurs fassent mais les même se baladent l'hiver en voiture (à 4 roues) roulent en citroen cactus, bm 525d voire en 4X4 japonais plus qu'en ducati monster .... le monde du 2 roues évolue et certains voudraient que la moto reste à l'age de pierre.
Ben moi aussi j'ai un Integra, 750, et, motard depuis 1973 et ma première mob je peux vous dire que je le/la trouve génial(e) et que je m'amuse comme je l'ai toujours fait sur deux roues. Car comme le disait le très regretté Fred Tran Duc, un de plus grands plaisirs en ce bas monde est bien de faire le con à moto et peut importe la forme ou la taille, les rares qui roulent en SH300 ccomme je l'ai fait avant l'Integra comprendront
12-07-2016 22:10