Road Trip estival sur la route de Compostelle, jour 6
De Porto (P) à Villanueva de la Condesa (E), 432 kilomètres
Entre vallées encaissées, collines et grandes plaines céréalières, une étape marathon
"On longe le Douro ou on passe par les montagnes ?". À l'heure du petit déjeuner, la question n'est pas encore tranchée, alors que les pâtisseries locales, les fameuses Pastel de Natas, sont déjà sur la table ; prévoyante, la faction geek de notre petite équipe a prévu les deux itinéraires dans le GPS, on a la distance, les temps de route, l'estimation de la pause déjeuner du midi, tout ça. Ce qui reste à négocier, c'est le feel good factor. Maintenant que la météo est de notre côté, il y a un petit lobby du côté des garçons en café racer pour prendre un max de virages. Les autres n'ont rien contre et la Harley-Davidson Road Glide Ultra non plus, puisqu'elle a largement démontré qu'elle pouvait s'adapter à toutes les situations.
Ce sera donc par la montagne.
Comme toujours, la bande privilégie le scénario suivant : un max de kilomètres et un minimum d'autoroute. On ne s'en servira donc que pour quitter (avec moult regrets, en ce qui me concerne, il faudra vraiment revenir dans cette ville sublime) Porto. "Vous êtes marrants, vous roulez à 140 km/h sous la pluie et à 110 sous le soleil !", fait remarquer l'un d'entre-nous. C'est que pour la première fois ou presque depuis une petite semaine, tous nos sens sont en éveil et nous faisons durer le plaisir de l'instant présent pour en saisir toute l'intensité.
Le naturel revient avec les premiers virages et l'équipe adopte un rythme "pressé mais prudent". Mais pressé quand même, surtout dans les entrées de virages. À ce stade du voyage, nous prenons conscience d'une chose : de l'extrême sentiment de liberté que constitue le voyage à moto. Nous seulement pour ce rapport unique au paysage, mais également pour cette communion avec les éléments dans tout ce qu'elle a de réjouissant (ces rares moments de plénitude sous le soleil) ou d'effrayant (ce sentiment de fragilité quand les éléments se déchaînent). Un autre facteur, que les territoires étrangers mettent en relief, c'est le stress que génère la conduite à la française, avec la multiplication des radars et une partie des forces de l'ordre en mission de racket des usagers. Là, depuis que nous sommes partis, nous avons bien rencontré quelques radars sur les autoroutes, mais rien sur le réseau secondaire et en roulant de manière responsable, sans excès et en adaptant sa vitesse aux circonstances, nous retrouvons un sentiment de bien-être qui a quasiment disparu dans l'hexagone. C'est triste.
D'autant que le paysage a tout pour nous faire garder le sourire : nous longeons les parcs naturels dans des vallées encaissées et les virages. La variété des panoramas donne de multiples occasions d'en prendre plein les yeux : en passant par Montalegre, au Portugal, avec le parc naturel de Xures sur notre gauche, ou, une fois en Espagne (et après avoir découvert un panneau frontière qui fleurait bon le régionalisme...), avec le parc naturel de Montesinho sur notre droite. Entre les deux, nous retrouvons des panneaux qui indiquent Saint-Jacques-de-Compostelle : une différence avec les jours précédents, ils brillent désormais sous le soleil.
A partir de Benavente, la fin de l'itinéraire est plus calme : nous voilà dans de grandes plaines céréalières, mais où la lumière du soir donne des reflets dorés à ce camaïeu de jaune.
Et parce que nous sommes vernis, nous tombons sur une nouvelle pépite : à Villanueva de la Condesa, nous logeons au Rincon de Dona et Ines, un petit hôtel de campagne à peine trouvable dans un hameau d'une dizaine de maisons. Et là, nous tombons donc sur Dona et Ines, deux quinquagénaires girondes, qui ont été motardes dans leur jeunesse et qui se rappelaient de l'heureuse époque des concentrations. Elles nous mettent dans les mains de Jesus (ça ne s'invente pas...), qui nous fait garer nos motos dans un hangar où il conserve sa vieille FZ 750 Yamaha, puis nous emmène pour une dégustation surréaliste d'un petit cru local dans un souterrain sur la colline. C'est tout ça, la substance des voyages à moto.
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