Road Trip estival sur la route de Compostelle, jour 4
De Saint-Jacques de Compostelle à Porto, 269 kilomètres
Le passage au Portugal synonyme de soleil, enfin !
Les faits sont là, cruels et ils mettent en branle le système de croyances et l'architecture de la pensée de notre petite bande. Car, vous vous souvenez peut-être que la petite virée annuelle de notre petite équipe tient lieu de pèlerinage : païen, certes, mais après tout, chacun ses coutumes se son sens des valeurs. La moto a ceci de particulier qu'elle incite, normalement, à la tolérance : ne serait-ce que pour faire cohabiter des café-racers à bracelets avec une Harley-Davidson Road Glide Ultra. Et aussi une XTZ 750 Super Ténéré, qui nous quitte d'ailleurs aujourd'hui. Admirons l'abnégation de Fifi : traverser toute la France pour se taper 3 jours de road trip sous le déluge avant de devoir rentrer, voilà qui témoigne d'un planning serré ainsi que d'un solide sens de l'amitié.
Et pendant que les chaussettes sèchent sur les radiateurs, Fifi nous quitte de bonne heure sous le soleil, mais déjà, le ciel se charge à l'horizon. Notre petite bande n'a donc pas totalement expié ses fautes : excès de vitesse, lignes blanches, non-respect des distances de sécurité (car pour le reste, on est plutôt du genre à tenir la porte des magasins aux vieilles dames). Toujours est-il que le Tout Puissant ou toute autre forme d'autorité supérieure (genre l'esprit de l'Arbre à Cames en Tête) a décidé de continuer à nous faire payer nos vies dissolues.
Dans l'espoir que cela cesse, nous nous ruons à Compostelle-City.
Cette ville d'un peu moins de 100 000 habitants reçoit plus de 265 000 pèlerins par an, un chiffre qui ne cesse d'augmenter année après année. Les deux jours précédents, plus on approchait et, effectivement, plus on croisait de ces marcheurs généralement équipés d'un bâton et d'un sac à dos.
Si la notion de pèlerinage (sur le tombeau de l'apôtre Jacques, fils de Zébédée; ce qui n'est pas une mince curiosité historique puisque Jacques termina décapité à Jérusalem) revient sur le devant de la scène à la fin du XIXème siècle (il était couru a l'apogée du Moyen-Âge, avant de tomber en désuétude), ce n'est qu'à partir de 1987, lorsque les chemins de Compostelle ont été officialisés comme "itinéraire culturel européen" que de véritables chemins ont été tracés et balisés jusqu'aux confins de l'Europe, certains d'entre eux étant par la suite inscrits au patrimoine de l'UNESCO en 1993. Tout vrai pèlerin se doit d'avoir parcouru au moins les derniers 100 kilomètres à pied (ou 200 à vélo) et d'avoir fait tamponner son carnet de pèlerin lors des différents arrêts. À chacun sa vision de la route, donc.
Toujours est-il que notre équipe dénote un peu : en guise d'accoutrement, c'est plutôt vêtements de pluie (encore !), bottes et casque à la main. Une visite de la ville permettra d'apprécier, entre les ruelles étroites remplies de marchands de souvenirs, la grandeur et la majesté des édifices religieux. Telle la cathédrale principale longue de 97 mètres, construite en granit à partir de 1075, connut des évolutions successives jusque 1750, pour la façade baroque sur son flanc ouest. Nous faisons quelques photos de coquilles en espérant en finir avec le mauvais sort.
Hélas, il y a un temps de latence dans la transmission des messages. C'est sous un déluge apocalyptique que nous nous faisons surprendre après quelques dizaines de minutes de route. La pellicule d'eau sur la route est tellement épaisse que l'arrêt s'impose. A ce moment précis, l'état d'esprit du groupe dévie dangereusement : si un grossiste était venu nous proposer d'échanger quelques Megane Scenic Diesel contre notre panel de motos, il aurait pu avoir facilement gain de cause.
Mais les astres finissent par tourner : l'arrivée au Portugal et le passage du fleuve Miño, qui fait office de frontière naturelle, nous fait entrer dans un nouveau monde : celui du soleil, du bitume sec, de la petite route traversant les collines et vignobles du nord du pays.
La température monte, l'équipe retrouve le sourire, le rythme des garçons en café-racer augmente gentiment et la Harley se remet à frotter dans les virages sans, pour autant, se faire irrémédiablement larguer. Car, quand ça change, ça change : de l'harmonie des vignobles et des villages se dégage une certaine douceur de vivre portugaise qu'il nous tarde d'explorer plus en détail. Mais avant, on va définitivement se séparer du chat noir : Nell descend de sa Monster à un péage en oubliant de mettre la béquille (et pourtant, elle n'est pas blonde), Lolo perd l'embout de sélecteur de sa Speed et Ben a trouvé un pneu arrière pour sa Kronreif Trukenpolz Mattighoffen. Après ça, tout devrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Au programme de ce soir, récupération de l'appart' avec jolie vue sur les toits de la ville, balade en ville et dégustation de plats locaux dans un petit restaurant situé dans le centre ancien, que l'on ne saurait trop vous conseiller : Adega Sao Nicolau. Vous nous direz ce que vous pensez de la brandade ou des sardines grillées !
Et pendant ce temps-là, Fifi, lui a déjà traversé les trois quarts de l'Espagne avec sa Super Ténéré. Sous le déluge aussi. Mais il est content. Ce qu'il ne sait pas encore, c'est que sa joie sera de courte durée. Signe du destin : il n'aurait pas dû nous quitter à Compostelle.
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