Road Trip estival sur la route de Compostelle, Jour 2
De Bilbao à Luarca, 343 km
A la découverte des provinces de Cantabrie et des Asturies... sous le déluge !
Après une bonne soirée passée à Bilbao et une balade nocturne dans la ville où la petite équipe a pu découvrir une architecture riche, une gastronomie variée, des pompes à bière bien alimentées et des éclairages bien éclairés, nous nous levons avec la réjouissante perspective de devoir s'avaler 343 kilomètres de petites routes et de progresser dans notre découverte des provinces de Cantabrie et d'Asturie, réputées pour la beauté de leur côte dont l'aspect sauvage a été préservé.
Mais comme nous n'en sommes pas, des sauvages, on va quand même prendre le temps d'aller visiter le musée Guggenheim. Outre l'époustouflante architecture signée Frank Gehry, entourée d'œuvres de Koons ou de Buren et qui mérite à elle seule la visite des lieux (et pas seulement parce que se trouve une architecte dans notre petite bande - note pour reconnaître une architecte en vacances : c'est la seule personne qui va regarder les fondations, taper sur les murs pour détecter les corps creux, regarder le niveau de finition des placages en bois et en aluminium et passer presque autant de temps à regarder le contenant que le contenu). Toujours est-il que le rapport de la famille Guggenheim à l'art est tout aussi ouvert qu'éclectique et l'on se souvient, peut-être, que ce même musée avait accueilli une exposition dédiée à la moto, visible de novembre 1999 à septembre 2000 et qui s'intéressait aux motos sous l'angle de l'esthétique, de l'innovation technologique, de l'excellence du design et de leur impact social. Et quand une machine se faisait remarquer sur deux ou trois de ces critères, elle avait sa place. Le grand public a ainsi pu découvrir une BMW R32 de 1923, premier flat-twin de Munich et chef-d'œuvre technique et esthétique, mais également une Indian Chief, une Honda C100 Super Cub, une Triumph Bonneville, quelques machines espagnoles telles qu'une Derbi 50 de GP, une Bultaco Sherpa et une Gas Gas, ainsi qu'une Britten V1000 australienne. Bref, une belle initiative populaire pour un musée qui reçoit plus d'un million de visiteurs par an. Et chez nous, à quand une BFG au Louvre ? En face de la Joconde, ça aurait de la gueule...
En attendant cette délicieuse perspective, nous rentrons dans Guggenheim où les photos sont interdites. Chacun se fera son idée sur la pertinence et la profondeur des œuvres présentées, mais chacun à leur manière, Andy Warhol en travaillant sur les ombres et les lumières et Richard Serra, sur la notion de matière, de mur et de frontière, donnent du grain à moudre à ceux qui aiment conceptualiser leur rapport au paysage. L'exposition consacrée à Louise Bourgeois est plus sombre, qui mêle rapport à la psychanalyse, à la féminité et, très certainement, à une découverte probablement compliquée de la sexualité, ne pose pas les mêmes types de questions. Et l'on peut donc se remettre de toutes ces émotions sous "Maman", l'araignée fécondée de Louise Bourgeois, qui trône devant le musée, ou plus au calme, dans le parc.
12 heures : toute l'équipe est présente au rendez-vous, ponctuelle. C'est beau, parce que si rare. Décision est prise de commencer à avaler des kilomètres d'abord en guise d'apéritif, le lunch viendra après. D'autant que la météo s'annonce capricieuse dans l'après-midi. Nous quittons alors Bilbao en se disant que cette ville mérite plus de temps pour découvrir son centre-ville historique, l'Hôtel de Ville, la gare centrale, la cathédrale Santiago, la basilique de Begona et le marché de la Ribera demandant plus qu'un rapide coup d'œil. La visite d'hier chez les concessionnaires locaux n'ayant pas été productive, la KTM dispose d'une nouvelle valve de roue arrière, mais d'un pneu aux formes d'usure irrégulières, tandis que la Yamaha continue de s'appuyer sur un mur ou un poteau à chaque arrêt. Pas de quoi démotiver les troupes. Mais, à l'horizon, le ciel s'assombrit.
Nous quittons Bilbao par une rapide portion d'autoroute, histoire d'avancer un peu. Au passage de Santander, le ciel nous tombe sur la tête et la moyenne baisse d'un coup. Décision est prise de ne pas "perdre de temps" (un concept étrange, en vacances), avec le patrimoine architectural et la baie de la ville, connue pour être l'une des plus belles du monde, mais le logement du soir est réservé, il est loin et il pleut toujours. De fait, nous continuons sur l'autoroute A8 qui déroule de belles grandes courbes qu'il doit être délicieux de parcourir en Hayabusa et sans plaque d'immatriculation (un pur fantasme), mais pour l'instant avec ma lourde Harley-Davidson Road Glide Ultra et ses médiocres Dunlop sous la pluie, je rends un peu la main et laisse le reste du groupe s'éloigner doucement, mais sûrement. À eux le plaisir de la grande courbe, à moi celui de rester au sec. On a les kiff qu'on peut.
La météo ne s'améliore pas. Et c'est fort dommage, car nous avions l'intention de faire un petit crochet par le Parque Nacional de Los Picos de Europa (parc national des pics d'Europe).
Le Parque Nacional de Los Picos de Europa
Créé en 1928 et classé comme réserve naturelle de la Biosphère par l'UNESCO en 2003, ce parc possède des sommets montants jusque 2648 mètres (le pic de Torreceredo) et, techniquement parlant, constitue une extension des Pyrénées dont le climat maritime proche a donné des formes d'érosion spectaculaires. Les paysages sont à couper le souffle, mélange de vallées encaissées et de ruisseaux puissants, le tout éclairé de teintes vertes presque phosphorescentes. Et c'est peu de dire que la frustration a été à la hauteur des attentes : routes glissantes et ruisselantes, nappes de brouillard, l'orage qui joue avec nous et qui fait suivre chaque micro-éclaircie d'une douche froide et soutenue. Les rayons de soleil sont éphémères, le moral collectif est affecté, à certains moments on tente de se protéger du déluge en se réfugiant sous un abri trouvé sur le bord de la route ; certains se mettent à réécrire le match en se disant que l'on est peut-être resté un peu trop longtemps à Guggenheim. Se cultiver ou tracer, grand dilemme du motard moderne !
Ce que l'on aurait dû voir...
Ce que l'on a vu...
Comment on l'a vécu
Nous continuons la route sur des œufs et quittons la Cantabrie pour les Asturies, autre province autonome. Passé Gijon, la route se rapproche de la côte et nous espérons prendre la mesure de toutes ces jolies criques qui font la réputation de la côte. Mais le brouillard, une nouvelle fois, aura le dessus. Nous nous arrêtons passé Luarca, dans le charmant petit village de Cadavedo, au camping La Regalina qui propose des chambres ainsi que des mobil homes tout équipés. Nous stationnons les motos et vidons les bagages sous la pluie, qui veut bien cesser au moment de l'apéro en terrasse. Et pendant que les fringues fument sur les radiateurs poussés à fond, nous nous prenons à espérer pouvoir continuer de découvrir cette région sous le soleil.
Les sourires reviennent à l'ouverture des paquets de cacahuètes et les anecdotes de la journée fusent. La pluie est oubliée. L'équipe attend le lendemain de pied ferme (mais la semelle mouillée et la chaussette odorante). Le motard serait-il masochiste ?
Réponse au prochain épisode...
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