Essai Harley-Davidson Road Glide Ultra
1700 cm3, 80 ch, 138 Nm de couple, régulateur de vitesse, GPS, audio, 27 850 €
Un essai sur presque 4000 kilomètres de Paris à Porto en passant par les Wheels & Waves et les Bardenas
Boulogne-Billancourt (France), 1974. Les ingénieurs de ce qui était encore la RNUR (Régie Nationale des Usines Renault) pondent la caisse ultime pour le manager en devenir : la Renault 16 TX. Avec sa fermeture centralisée des portes, ses lèves-vitres électriques à l'avant, ses ceintures de sécurité à enrouleur, son pare-brise feuilleté, sa climatisation optionnelle, son puissant moteur 1647 cm3 de 93 chevaux couplé à une boîte de vitesses à 5 rapports, sa banquette en velours côtelé, ses jantes façon Gordini, la 16 TX a tout pour faire rêver dans ces nouveaux lotissements qui champignonnent partout dans la France périphérique. Surtout, la Renault 16 TX se distingue par sa calandre à 4 phares carrés abritant de puissants projecteurs à iode. Message subliminal à ceux qui la voient débouler dans leurs rétros : jetez-vous sur le bas-côté, manants, pour laisser passer ce vaisseau de la route conduit par un jeune cadre dynamique !
Milwaukee (Wisconsin, USA), 1979. Les ingénieurs de la MoCo, subjugués par l’audace du génie français, mettent quatre ans à se remettre de ce tsunami stylistique. Ils en intègrent néanmoins toute la substance en présentant un nouveau modèle dans leur gamme Touring : la Tour Glide. La Tour Glide vient en complément de l’Electra Glide en s’en différenciant par deux éléments : le carénage, massif, ne repose plus sur le train avant, mais fait partie de l’habillage de la machine en étant fixé au cadre. Et surtout, les deux grosses optiques « seizetéixiennes » font leur apparition. Elles divisent, l’esthétique de l’ensemble fait parler, le pli du carénage au-dessus des optiques lui vaut le surnom de « nez de requin » (on est à l’époque en plein dans la dents-de-la-mer-mania, avec le premier film sorti en 1975 et le second en 1978).
Deux clans se forment entre adorateurs et réfractaires, la rumeur dit que certains en sont venus aux mains et que des mariages ont volé en éclat. Peu importe, car avec la Tour Glide, Harley étend son offre sur la gamme Touring, son segment de marché le plus porteur sur son marché intérieur. Produite à 19 exemplaires en 1979 et à 4480 unités en 1980, la Tour Glide est motorisée par le bloc Shovelhead 1340 cm3 (89 x 108 mm) monté souple dans le cadre et relié à une boîte 5 et une transmission finale par chaîne positionnée dans un carter étanche. La Tour Glide évolua ensuite dans le détail, en adoptant le moteur Evolution en 1984, une transmission par courroie en 1985 et la radio en 1986. Une quinzaine de side-cars furent assemblés à l’usine au cours du millésime 1989 sur les 603 unités produites cette année-là et la production de la Tour Glide cessa en 1996, année où l’injection électronique fit son apparition.
À ce stade de la narration, vous pourriez légitimement vous poser deux questions : un, quel intérêt de monter un carénage sur le cadre quand l’Electra Glide faisait déjà le boulot dans la gamme Touring ? Deux, ne suis-je pas censé lire un article sur une Road Glide et le type, au clavier, il nous parle de Tour Glide. WTF, dude !
Voici donc les réponses à ces deux questions dont le bon sens n’est égalé que par leur clarté. Par rapport à une Electra et à son carénage monté sur la fourche, la Tour Glide permettait d’optimiser la protection tout en soulageant les contraintes sur le train avant, ce qui permet d’améliorer à la fois l’agilité et la stabilité. D’autant et ce n’est pas leur faire offense, les châssis des Harley-Davidson de l’époque n’étaient pas réputé pour la précision de leurs qualités dynamiques. Ensuite, après une année 1997 sans « nez de requin », celui-ci refit son apparition au catalogue en 1998, mais cette fois-ci sous le nom de Road Glide. Pour ceux qui parlent le Milwaukee dans le texte, la filiation est évidente : le code interne de la Tour Glide était FLT, celui de la Road Glide est FLTR. CQFD.
La Road Glide, cependant, n’a pas toujours fait partie de la gamme vendue en France. Comme avant, la Road Glide reprend le cadre et le moteur de l’Electra Glide. Comme toujours, les évolutions se firent dans le détail, l’évolution sans la révolution, en somme. Dans l’ordre : apparition du moteur Twin Cam 1450 en 1999, déclinaison dans des versions CVO en 2000 et 2001, passage du lecteur de cassette au CD en 2004 puis à l’audio Harman/Kardon en 2006, arrivée du moteur 1584 injecté en 2007 assorti de sa boîte 6, freins Brembo et accélérateur by-wire en 2008, nouveau cadre avec pneu de 180 mm à l’arrière et roue avant de 17 pouces à l’avant en 2009, d’un échappement 2 en 1 pour 2010 (et seulement cette année-là) et du régulateur de vitesse en option cette même année.
En 2014, la Road Glide disparut même du catalogue Harley-Davidson, mais pour mieux revenir en 2015, avec toutes les améliorations liées au « projet Rushmore », qui comporte à la fois un nouveau système d’info-divertissement avec écran tactile ainsi que des modifications sur la partie-cycle, sans oublier l’apparition des culasses à refroidissement liquide avec un circuit qui passe notamment autour des soupapes d’échappement. Toujours aussi reconnaissable, le nez de carénage est monté un peu plus en arrière pour que le pilote puisse avoir un meilleur accès à l’écran tactile. Pour Harley, ce retour était évident : une partie de sa clientèle est composé de fans et de fidèles de la Road Glide et ceux-ci comptent d’ailleurs parmi les plus gros rouleurs de la marque.
En France, Harley-Davidson propose la Road Glide Special (26 350 €) et la Road Glide Utra (27 850 €). Il serait réducteur de considérer l’Ultra comme une Special équipée des attributs touring que sont le top-case, la bulle haute et les pare-jambes, l'ablation de ces équipements faisant gagner la bagatelle de 37 kilos. Les différences sont plus profondes, avec une roue avant de 19 pouces (équipée d'un généreux 130/60, au lieu du 17 pouces sur l'Ultra) et des traitements de surface différents (le moteur est en noir & chrome, les feux arrière sont insérés dans les clignotants...). En ce sens, la Road Glide Special se veut un peu plus funky (et un peu dans l’esprit d’une Street Glide), en témoigne la palette de couleurs disponible, qui intègre notamment un audacieux jaune doré à flammes et paillettes... Osons !
Nous avons mis cette Road Glide Ultra à l’épreuve sur un essai complet (et dense !), sur plus de 3500 kilomètres et dans des conditions très variées, entre Paris et Porto, en passant par le Wheels & Waves, la côte nord de l’Espagne et le désert des Bardenas. Un sacré trip en bonne compagnie, taillé sur mesure pour une machine de cet acabit !
Découverte
Plus de 35 ans après sa sortie, le style « shark nose » divise toujours. Certains aiment, comme l'auteur de ces lignes, d’autres pas, on ne peut rien y faire. La nouveauté, par contre, vient de la technologie des phares : dénommés Dual Daymaker Reflector LED dans le langage du constructeur, ces feux à LEDs confèrent à la machine une sacré présence avec leur faisceau de lumière blanche dès qu’ils sont allumés. Même chose à l’arrière avec une guirlande de LEDs le long du top-case, allumés en permanence et encore plus au freinage.
La Road Glide Ultra en impose. Longue, haute, large, elle peut impressionner par la largeur de son carénage et la générosité de sa bagagerie. Rien qu’à la regarder, on se doute qu’elle est lourde et l’on frémit d’apprendre qu’elle fait 407 kilos à sec et 424 en ordre de marche. Faut-il le permis poids lourd ?
Continuons le tour du propriétaire en attendant de trouver le courage nécessaire pour s’installer à bord. Rien à dire sur la qualité de la peinture, profonde comme il se doit et avec de beaux reflets ; pas plus que sur la qualité de finition, ni de celle des chromes, que sont en droit d'attendre les fans de toute belle Harley non "dark custom". Quant au refroidissement semi-liquide, il est quasiment invisible et les ventilateurs sont bien intégrés dans le carénage inférieur.
Les commodos impressionnent par le nombre de fonctions disponibles. A l'usage, on se rendra compte qu'ils sont en fait très ergonomiques et que les petits boutons à leur base délivrent une navigation facile dans les menus. Idem pour la gestion du régulateur de vitesse, la gestion de la radio et du son, ainsi que de l'iPod connecté grâce à une prise USB dans le vide-poche droit. L'écran tactile de de 16,5 cm de diamètre est lisible (et son éclairage évolue selon la luminosité extérieure et s'ajuste rapidement lorsque l'on passe dans un tunnel, par exemple) et facile à manipuler. Enfin, on trouve même une commande vocale pour toutes les fonctions...
Un grand nombre d'automobiles ne peuvent se targuer d'un tel niveau d'équipement !
En selle
Ne devrions-nous pas rebaptiser cette rubrique "en canapé" ? Car bien épaisse et dotée de généreux bourrelets, la selle est à elle seule une incitation aux voyages au long cours. La selle, que dis-je, le canapé, est assez bas : 699 mm, ce qui va de pair avec un réservoir plutôt fin dans sa section antérieure, ceci pour faciliter la prise en main. Autre bonne nouvelle : si le poids est conséquent, le centre de gravité est assez bas comme sur tout gros custom, quelque part entre le vilebrequin et la boîte de vitesse. Ne pas sous-estimer, malgré tout, le poids de l'accastillage touring.
Par rapport à la Road Glide Special, l'Ultra dispose d'un guidon plus haut de 6 centimètres, pour une position de conduite plus détendue. On l'a dit, les commandes tombent bien en main et les commodos, bien fournis, ne demandent pas une longue période d'acclimatation pour que l'on puisse tirer le meilleur de toutes les fonctions. Comme sur toutes les Harley (sauf la Street 750), la clé de contact est en fait un transpondeur que l'on garde dans la poche. Elle ne sert juste qu'à verrouiller les valises, le réservoir et la direction. A ce propos, le contacteur nous est resté dans la main lors d'une tentative de déblocage de la direction, au début du voyage, à Biarritz. Moment de solitude sur le parking de l'hôtel, avec un "trou" vacant dans la colonne de direction, un ressort qui dépasse, ce truc dans la main et la direction bloquée. Il paraît que ça arrive rarement ; un bricolage de fortune a permis de continuer la route.
Contact. Démarreur. Secousses ! Le gros V2 longue course (76.2 x 101.6 mm) de 1687 cm3 (103.1 ci) s'ébroue et tient son ralenti à environ 1000 tr/mn dans de jolies vibrations. Le guidon et les rétros sont saisis par la tremblante : cela fait partie du charme, car le moteur, dans cette version sans arbre d'équilibrages, est monté souple dans le cadre. Les vibrations disparaissent dès que l'on est en mouvement et dévoile une de ses qualités marquantes : une belle souplesse dès les plus bas régimes.
Le moment est venu de retirer la béquille. Au vu du poids de l'engin, on prendra bien soin de la caler avec ses jambes. Et au moment de remettre la béquille, on ne s'étonnera pas de voir que la moto avance un petit peu : il s'agit d'une sécurité qui permet à la moto de se caler. Inquiétant, puis rassurant !
En ville
Certains seront intimidés à la perspective d'aller affronter le chaos urbain au guidon d'un tel paquebot. Pourtant, sans nier son poids et son volume, la Road Glide Ultra se sort plutôt bien de l'exercice une fois qu'on l'a en main. Et grâce à quelques qualités : d'abord, l'extrême douceur et dosabilité de ses commandes d'embrayage et d'accélérateur. Le by-wire est remarquablement doux et progressif et aide à gérer des progressions au millimètre. Ensuite, la Road Glide bénéficie d'une excellente auto-stabilité : plutôt que d'essayer de lutter contre son poids, il faut au contraire mettre le plus vite possible les deux pieds sur les marche-pieds et de jouer avec son équilibre au guidon et par quelques sensuels mouvements des hanches : ainsi, la masse devient apprivoisée.
Souplesse et allonge : le 1700 est un bon allié. Il ne cogne pas tout en bas et permet de cruiser sur les boulevards à 50 km/h, à 1500 tr/mn en troisième, voire un peu moins en quatrième, en étant doux sur les gaz.
Si elle est large, la Road Glide Ultra est néanmoins bien proportionnée et rien ne dépasse, du coup, vous pouvez envisager d'aller baguenauder dans des petits ports de pêche sans risquer de vous cochetiser sur une bite.
Quelques jours d'utilisation dans Paris (il est vrai en fin de Road Trip, une fois la machine bien en main) ne se sont en rien révélées cauchemardesques. Avec un bémol, toutefois : la chaleur dégagée par le moteur. Avant que les Big Twin Harley ne passent au refroidissement mixte (comme sur les dernières générations de flat twin 1200 BMW, les culasses sont refroidies par eau), ces machines étaient un enfer en ville l'été par les calories qu'elles dégageaient (ou une ode au malthusianisme, en vous cuisant les gonades, qui étaient posées juste au-dessus du moteur !). Évidemment, le refroidissement mixte permet d'améliorer les choses et la vague de chaleur est moins soutenue qu'avant.
Harley-Davidson apporte une réponse au problème avec l'EITMS. Qu'est-ce donc que l'EITMS, devez-vous vous demander ? C'est très simple : c'est l'Engine Idle Temperature Management Strategy, en d'autres termes, un système de désactivation du cylindre arrière, qui bénéficie en fonction des circonstances soit d'un allumage sur deux, soit pas du tout, juste une arrivée d'essence. Le système est utile lors des parades dont les bikers raffolent et qui immobilisent la moto longtemps à des régimes proches du ralenti. La gestion "un cycle sur deux" est gérée automatiquement (on s'en rend compte avec un petit soubresaut au moment de la reprise des gaz) ; celle qui couple entièrement l'allumage du cylindre se décide au guidon (il faut pousser la poignée d'accélérateur vers l'avant pendant 3 secondes et le voyant du régulateur de vitesse s'allume alors). Je ne peux pas vraiment dire que j'ai senti une baisse de la température, tandis que d'attendre au feu tricolore au guidon d'une vibrante Harley monocylindre de 845 cm3 m'a semblé assez anti-mécanique. Mais d'après Harley, ça marche, donc...
Dernière chose appréciable en milieu urbain : un freinage puissant et facile à doser.
Sur autoroute et grandes routes
Voilà enfin la Road Glide Ultra dans son biotope naturel : n'oublions pas qu'elle a été conçue d'abord pour cruiser inlassablement sur des interstates rectilignes à 90 / 100 km/h de croisière, avec pour objectif principal de procurer un confort total. Sur le réseau routier et autoroutier européen, globalement plus challengeant qu'aux US (ne serait-ce que par les vitesses moyennes tenues), la Road Glide Ultra, non seulement ne démérite pas, mais révèle avec brio toute l'étendue de son talent.
D'ailleurs, la Road Glide Ultra m'a permis (après 30 ans de pratique de la moto !) de vivre une nouvelle expérience : avoir des moustiques collés à l'intérieur de l'écran du casque ! Lors d'une descente à Biarritz effectuée sur autoroute entre Paris et Bordeaux, je suis resté au régulateur (qui fonctionne de 90 à 140 km/h sur les 3 rapports supérieurs) à la vitesse légale (3100 tr/mn en 6ème), écran de casque ouvert malgré ma grande taille (1,89 m) et en écoutant la radio, car le son (100W) est suffisamment bon et puissant et surtout, la fonction RDS marche très bien. Il y avait une belle lumière du soir en arrivant dans les Landes. Les suspensions sont soyeuses et le canapé a fait son office, je suis arrivé sans une douleur ni une courbature, frais, dispo et cultivé (merci France Inter). C'est ça, l'esprit du cruising.
Le généreux carénage possède moultes aérations : une à la base du pare-brise, deux à l'entourage des optiques, deux autres au niveau des mollets. Elles s'activent par des boutons poussoirs (assez durs et pas simples à manipuler en roulant, d'ailleurs) et j'ai préféré conserver les 3 du haut en position ouverte, afin d'avoir une petite dépression qui réduit les turbulences. Fermées, elles génèrent un courant d'air... Par contre, saluons le travail aéro issu de longues heures de test (Harley possède une soufflerie à Wichita, au Kansas), car même sous la pluie avec ces ventilations ouvertes, on reste relativement au sec.
Côté aspects pratiques, les deux vide-poches situés dans le renfort du carénage permettent de coller les tickets de péage ou un portefeuille. Les 133 litres de bagagerie ont été suffisants pour 10 jours de voyage à deux et un sac photo en plus.Tout cela sans avoir eu besoin d'utiliser le porte-bagages sur le top-case. Royal.
Aux vitesses légales, la Road Glide Ultra ne pose aucun problème de stabilité et on peut la laisser aller au régulateur de vitesse, en la remettant en ligne au besoin d'un petit contre braquage effectué avec le petit doigt. Easy. Par contre, lourdement chargée et dans des grandes courbes abordées à 130 / 140 km/h, elle peut se mettre à dandiner un peu. Rien d'anormal : autant de masse sur des suspensions souples, ça génère un peu d'oscillations. Mais sur ce critère, le cadre de la Road Glide comme celui des autres modèles Touring est un brin en deçà de celui, en aluminium, des Indian et Victory concurrentes. Cette remarque de journaliste étant posée, est-ce qu'un client de moto touring va faire son choix sur la tenue de route en grande courbe au-dessus de 140 km/h ?
Sur départementales
Elle n'a pas été conçue pour cela et là-aussi, elle s'en sort avec les honneurs, à condition de bien comprendre sa philosophie et de suivre quelques règles. Ceci étant posé, les raisons de se réjouir sont nombreuses.
D'abord, le moteur. On l'a dit, souple et onctueux dès les plus bas régimes, il accepte de reprendre en douceur en sixième dès 70 km/h (même en duo et chargé) et ne tourne qu'à 2200 tr/mn en 6ème à 90 km/h. Bref, pour la balade tranquille, le gros V2 est un allié de choix, plutôt placide mais toujours présent et parfaitement cohérent avec le reste de la machine. En insistant un peu, on découvre un effet très sympathique, proche de celui d'un carbu double corps à l'ancienne, passé 3200 tr/mn, régime où le V2 se met à pousser avec plus de vigueur, alors qu'il avait déjà soigné l'intensité de sa respiration quelques 700 tr/mn plus tôt. Le 103 Ci pousse ensuite jusque 5000 tr/mn. Harley-Davidson ne communique pas sur la puissance de sa machine, une notion presque anecdotique pour un touring, mais des magazines américains ont passé la Road Glide au banc de puissance : bilan, 79 chevaux à 5200 tr/mn avec une zone rouge à 5500.
La Road Glide dispose d'une garde au sol de 125 mm et d'une capacité d'inclinaison de 31,8°. Elle est moins "posée par terre" que d'autres engins américains et, sur route départementale, révèle des capacités étonnantes. Certes, la conduite façon rallye routier est à proscrire, mais en enroulant avec la manière, on ne se traîne pas, même si au bout d'un moment, les limites de la garde au sol sont atteintes (platine de repose-pied à droite, ainsi qu'à gauche, côté où, c'est plus gênant, le coude d'échappement arrière vient aussi se poser sur la route).
Sachant que le freinage couplé est bon, ça fait quand même des raisons de garder la banane à l'ombre des châtaigniers. Ceci d'autant que l'argument numéro 1 de la Road Glide est plein de vérité : grâce au carénage solidaire du cadre, son train avant reste neutre, ne pèse pas, n'élargit pas et permet de conserver, en souplesse, la trajectoire choisie. Dans cet exercice, elle est effectivement moins pesante qu'une Electra Glide ou même qu'une Indian Roadmaster.
Les seules limites arrivent fatalement quand la masse se met à dandiner : une succession de courbes moyennement rapides (110 / 120 km/h), la moto chargée, un bitume irrégulier et, au guidon, on se met à rouler avec un peu moins de marge. Mais là n'est pas sa vocation...
Sous la pluie
Cet essai longue durée ayant été copieusement arrosé, le roulage sous la pluie a permis de mettre en exergue une excellente nouvelle, une pas très bonne et une petite surprise.
Excellente nouvelle : en tant que vaisseau de la route, la Road Glide Ultra sait préserver son équipage. Pilote comme passagère n'ont jamais vraiment été mouillés, les carénages supérieurs et inférieurs faisant remarquablement leur boulot ; même commentaire avec l'absence de turbulences ou de remous revenant par l'arrière et qui auraient pu mouiller les cheveux de la passagère. Cela permet d'arriver en forme le soir à l'étape, même après plusieurs heures de route sous la pluie et de ne pas avoir à partager de subtiles odeurs de chaussettes ou de bottes mouillées comme cela a été le cas de mes camarades...
Petite surprise : la courbure du pare-brise dégage un petit effet irisé à sa base. Au début, on arrive donc dans les virages en ayant l'impression d'avoir du gas-oil devant soi. Pas rassurant, mais on finit par s'y faire en ouvrant les narines...
Moins bonne nouvelle : le grip très moyen des pneus Dunlop D408f. Déjà, le feeling n'est pas extraordinaire (pour ne pas dire qu'il est en fait inexistant) dans les grandes courbes abordées sous le déluge... mais le profil très carré du pneu arrière le rend sensible aux petites inclinaisons, genre sortie de rond-point, là où le gros couple ne demande qu'à vous faire dériver d'un coup de gaz en seconde. Méfiance, donc... Même si un pneu ne pouvant pas tout faire, on comprend aussi que vu la cible et les usages aux USA, on a d'abord demandé au pneu du confort, de la stabilité et de la longévité kilométrique, en sacrifiant le grip sur le mouillé.
Bref, avec une Road Glide Ultra, on baisse quand même d'un gros cran le rythme de conduite sous la pluie.
Deux autres bonnes nouvelles pour conclure ce chapitre : la douceur des commandes et du moteur sont de véritables alliés aidant à surmonter ces conditions difficiles. Et la bagagerie est parfaitement étanche.
En tout-terrain
Une rubrique tout-terrain consacrée à une moto de tourisme de plus de 400 kilos ? Ben oui ! D'abord, parce que l'Amérique, c'est le pays des grands espaces et qu'aller tutoyer un coucher de soleil rougeoyant qui plonge dans l'horizon ne doit pas rester qu'un fantasme.
Sur piste roulante (pas dans le Nevada, mais dans les Bardenas), la Road Glide a une nouvelle fois démontré que son équilibre lui permettait de s'affranchir de situations difficiles. Bien entendu, il faut anticiper, mais en enroulant gentiment en 3 ou en 4, en évitant les nids de poule et les grosses cassures, elles s'est jouée de l'épreuve avec talent.
Et c'est beau, un désert, le soir...
Et ça éclaire super bien, une Road Glide UItra dans le noir...
Partie-cycle
Au tournant des années 2010, Harley-Davidson a revu le châssis de sa gamme touring en le rendant plus rigide et la tenue de cap s'en est trouvé améliorée. Sur la Road Glide Ultra, on trouve ainsi une solide fourche de 49 mm de diamètre et de 101 mm de débattement, tandis qu'un double amortisseur se charge de l'arrière. Sur cet essai, différentes passagères (voire un grand passager avec un gros Nikon) sont montés à bord et, en fonction de la masse totale, certains équilibres peuvent être rompus. Rien de dramatique puisque les amortisseurs arrières sont à réglage pneumatique. Seul bémol : Harley vend la pompe en option. Pour les punir de cet oubli, on en trouvera des similaires sur le net, forcément moins chères.
Côté pneu, la Road Glide Ultra est montée sur du 130/80 x 17 à l'avant et du 180/65 x 16 à l'arrière. Rien qui ne soit "oversizé", au bénéfice de la neutralité du comportement.
Freins
Les Harley-Davidson ont longtemps eu mauvaise réputation sur ce point et vu la masse de la machine, on pourrait partir avec un mauvais a priori.
Dans ce cas, les perceptions ont la vie dure car la Road Glide freine bien ! Le système est confié à 3 disques de 300 mm, tous pincés par des étriers Brembo à 4 pistons. L'ABS est plutôt performant et surtout le freinage couplé (actif dès 30 km/h) est efficace, dès que l'on a compris que c'est la pédale de frein qui fournira l'essentiel de l'effort.
Encore une fois, tout ceci dépend de votre compréhension du poids et de la philosophie de la machine, mais tout au long de cet essai, je ne suis pas fait une seule frayeur à cause du freinage, même si celui-ci a pu occasionnellement commencé à sentir le chaud dans une descente de col.
Confort et duo
Là, c'est simple : c'est palace. A l'occasion, une passagère s'est plaint de quelques vibrations dans le dossier du siège et une autre m'a demandé où était le porte gobelet pour le mojito. Pas la passagère officielle qui a trouvé la moto remarquable et qui a profité du long voyage pour récupérer quelques heures de sommeil, même lors d'une descente de col. Ergonomie, qualité du siège, protection du carénage : c'est 5 étoiles partout.
Sans aucun doute, la Road Glide Ultra fait partie de ce qui se fait de mieux sur le marché. On appréciera également la possibilité pour le passager de changer le volume ou la station de la radio, grâce à deux boutons sur le côté droit.
Réglées souple, les suspensions participent bien évidemment à l'harmonie de l'ensemble. Tout comme la sonorité de l'échappement d'origine : présente, plaisante, mais pas envahissante.
Autonomie
Le réservoir contient 22,7 litres ; il est doublé par une jauge à essence et un indicateur d'autonomie qui sont extrêmement précis dans les deux cas.
La bonne nouvelle (une de plus !), c'est que compte tenu de sa masse, la Road Glide Ultra est sobre : 5,5 l/100 en solo à 130 km/h sur autoroute et 5,2 l/100, toujours en solo, sur les petites départementales du vignoble et des Landes entre Bordeaux et Bayonne. Par la suite, en duo et chargé, la conso s'est établie entre 6 et 7 l/100 sur l'ensemble du voyage, avec une moyenne à 6,4 l/100. De quoi garantir entre 350 et 400 kilomètres d'autonomie, ce qui permet de faire un plein sur deux quand on roule en bande.
Aspects pratiques
Là encore, carton plein ! 2 prises 12 V, un GPS, une commande vocale qui permet d'utiliser son téléphone Bluetooth®, deux vide-poches, une sono de 100 W avec 4 HP prise USB pour un lecteur portatif, deux joysticks au guidon pour gérer tout cela facilement. Bref, c'est top.
Hélas, la perfection n'existe pas. On aurait pu exiger la présence de poignées chauffantes d'origine, au vu du tarif et de la vocation de la machine. On aurait pu apprécier également des valises à commande centralisée (comme c'est le cas chez Indian). Et le GPS, s'il est efficace, souffre de quelques petites bizarreries dans son fonctionnement. Exemple : vous saisissez une adresse, ce qui prend un peu de temps car il faut d'abord commencer par indiquer le pays. Votre âme écologique vous fait faire cela contact mis, mais moteur arrêté. Mais, blague, un coup de démarreur va remettre l'info-divertissement sur la radio et il faudra quelques manipulations supplémentaires pour revenir au GPS...
Conclusion
Les clients ont toujours raison et si, aux USA, les propriétaires de Road Glide sont les plus gros rouleurs de la marque, ce n'est pas sans raison... Car cette machine est une formidable dévoreuse de kilomètres, qu'un essai long et exigeant comme celui-ci n'a pas réussi à ébranler. Impériale sur longue distance, plutôt facile sur petites routes, elle ne se consacre qu'au plaisir de la balade que subliment le confort de sa selle, sa capacité d'emport, le niveau des équipements et la clarté de la radio.
Le poids, le volume, les dimensions peuvent intimider : mais l'équilibre global la rend plutôt facile à mener, une fois l'appréhension initiale passée et quelques règles suivies, tandis que son train avant est bien plus léger et précis que celui d'une Electra. Quant au moteur, plus que sa puissance, sa rondeur et son couple s'apprécient vraiment sur la durée.
Certes, à 27 850 €, elle représente une somme, mais à l'exception de la Kawasaki 1700 Voyager (qui décotera nettement plus vite), toutes ses concurrentes sont dans cette gamme de prix et à l'exception aussi des Victory, quelques petits milliers d'euros moins chères. Certes, son look peut diviser, avec ses phares, son nez.... Mais s'il ne vous rebute pas, il n'y a qu'une seule façon d'apprécier pleinement cette machine : lui faire voir du pays.
Points forts
- Look !
- Moteur souple et agréable
- Aptitudes au voyage au long cours
- Confort royal
- Excellente protection
- Capacité d'emport
- Freinage couplé efficace
- Consommation mesurée, autonomie
- Qualité du son
Points faibles
- Poids élevé, dans l'absolu
- Pneumatiques sur le mouillé
- Quelques détails d'interface GPS
- Remontées de chaleur en ville
- Désactivation du cylindre arrière peu "mécanique"
- Ondulations en grande courbe à "haute' vitesse
- Pas de poignées chauffantes d'origine
La fiche technique de la Road Glide Ultra
Conditions d’essais
- Itinéraire: 3900 km répartis comme suit : autoroute jusque Bordeaux et petites routes jusque Biarritz (merci à la SNCF et à la CGT qui ont annulé l'auto-train !), quelques jours aux Wheels & Waves à Biarritz, puis virée vers Saint-Jacques de Compostelle (E) en passant par la côte nord de l'Espagne, descente vers Porto (Portugal), puis diagonale vers le désert des Bardenas et retour vers Paris en auto-train depuis Biarritz.
- Kilométrage de la moto : 7000 km
- Problème rencontré : un contacteur qui se grippe mais la moto a pu continuer à rouler.
La concurrence : Honda GoldWing, Indian Roadmaster, Kawasaki Vulcan 1700 Voyager, Victory Cross Country Tour
Commentaires
un véritable bijou pour de longues et petites ballades , je roule avec un road glide de 2015 et je reviens d' une virée en corse en duo avec pratiquement que de la départementale 5500 km de plaisir en 3 semaines donc je confirme très bon article !!!!
11-07-2016 18:54