La technologie des Tucson/Roadson : la légèreté
A vos marques : la rubrique technique et mécanique
La légèreté comme Idéfix
La première Tucson conçue par Jean-françois Robert est propulsée par le plus léger des monocylindres du moment, un Husaberg 500 cm3 de 29 kg et 51 chevaux.
Réalisé en tube « vitus » utilisé pour les vélos de course, le cadre en treillis tubulaire pèse 6 kg. Un résultat obtenu grâce à la disposition des tubes qui reprennent tous les efforts soit sous forme de traction soit sous forme de compression. En éliminant ainsi tout phénomène de flexion, on peut réduire les épaisseurs des tubes (ici 1,05 mm ! ) sans nuire à la rigidité.
Le bras oscillant est un caisson d’aluminium de 2 mm d’épaisseur. Il ne pèse que 2,6 kg tout en présentant lui aussi une grande rigidité grâce à son volume important. Sa réalisation comme celle du cadre est l’œuvre d’Alain Cueille, un véritable orfèvre qui a déjà collaboré avec Alain Chevallier. Le bras oscillant actionne une suspension AR de type full floater qui comprime l’amortisseur aux deux extrémités. Elle offre l’avantage d’une course d’amortissement importante qui permet un bon contrôle des mouvements de roue sans imposer de point d’ancrage en dessous de l’axe de bras oscillant. De fait le cadre s’arrête au niveau de l’axe de bras, sans nécessiter de platine, ce qui permet un gain de poids. Sur cette moto simplissime, on remarque encore quelques autres particularités : le choix d’un simple disque de 320 mm à l’avant, rendu possible par le faible poids de la moto (95 kg en ordre de marche (ODM) c’est à dire avec huile et eau mais sans essence) et par la présence d’un gros axe de roue avant de diamètre 25 mm qui rigidifie la fourche. Pour gagner du poids, cet axe de 25 mm ne fait que deux millimètres d’épaisseur, car comme le bras oscillant, il obtient toute sa résistance par le fait que la matière est éloignée de sa fibre neutre. Ainsi, il ne pèse pas plus qu’un axe plein de 10 mm, mais s’avère 11 fois plus rigide !
Ultime particularité de la première Tucson Véga 501 : une paire de silencieux qui sortent sous la selle pour gagner en garde au sol et en aérodynamique. Un détail « piqué » sur les machines de GP mais encore jamais vu sur un quatre temps… Nous sommes en 1992, 2 ans avant la sortie de la Ducati 916 qui fera date avec cette particularité.
Plus de puissance
Dès sa première sortie en piste la Véga 501 démontre la validité de son concept (la légèreté) en battant la surpuissante Suzuki Galina 750 de 72 cv sur le circuit Carole. Une victoire qu’elle doit au talent de Bertrand Sebileau qui la pilote et dépasse le grandissime favori de la course, Alan Cathcart, dans le dernier virage du dernier tour de la course !
Ensuite les autres participations à des courses internationales démontreront que sur des circuits rapides il faut plus de chevaux. Pour la première sortie à Assen, l’Husaberg gagne 100 cm3 et environ 10 ch. Bertrand se classe 4ème parmi 84 pilotes venus du monde entiers avec de vraies balles de guerre. A la fin de la course la microscopique Véga a fait son effet. Un type se présente dans les stands et dit: Mon nom est Dave Pearce, je suis le boss de Tigcraft : il tend une franche poignée de main à Jean-François et ajoute : « Well done ! *»
* « bien joué !». L’anglais est fair-play !
Cette version baptisée Véga 601 se distingue par son échappement unique en inconel de 6/10e de mm d’épaisseur et son moteur allégé (26,5 Kg) qui font descendre le poids à 90 kg en ODM.
Une version améliorée sur le plan aérodynamique (bulle basse + boîte à air et face avant plus étanche) + embrayage à sec baptisée véga 602 est développée, mais le moteur Husaberg gonflé pose de nombreux problèmes de fiabilité et les résultats ne se concrétisent pas en course.
En 1995 grâce à un moteur Rotax triple allumage et double carburateur de 36 mm la puissance passe à 84 cv ce qui permettra encore quelques podiums aux mains de Bertrand Sebileau (en photo sur la grille de départ) et Stéphane Coutelle. La moto retrouve une paire de mégaphone avec deux silencieux sous la selle et adopte un disque carbone. Le moteur plus lourd, les 2 carburateurs, la pompe à essence, les 3 bobines d’allumage, la batterie et le radiateur d’huile font grimper le poids à 111 kg, mais les chronos d’Assen descendent de 4 secondes au tour !
Passage au twin
L’arrivée sur le marché de la SV 650 donne envie à Jean-François de concevoir un bicylindre façon Bimota mais meilleur marché grâce à cette mécanique japonaise attachante et fiable. Autour de ce twin, il développe un châssis original et très léger : 3,7 kg de treillis plus 1,3 kg de platines. Un tour de force obtenu grâce à une astuce qui consiste à réduire la colonne de direction à une simple paire de bagues contenant les roulements.
En outre, le roulement inférieur n’est plus positionné au dessus mais au dessous du té inférieur. De fait il est éloigné du roulement supérieur, ce qui augmente la longueur d’encastrement de la fourche et réduit de 25% les contraintes dans le cadre.
Par ailleurs, Jean-François accorde une attention toute particulière au centrage des masses. Profitant du décalage naturel des cylindres du fait du positionnement des bielles sur le même maneton, il implante l’amortisseur à gauche du cylindre arrière et la batterie à droite du cylindre avant. De plus l’essence est stockée dans un réservoir aluminium auto-porteur situé sous le pilote, alors que la boîte à air est au centre du vé au dessus du moteur pour abaisser le centre de gravité. Une première version façon café racer est construite autour d’éléments 100 % d’origine SV. Baptisée Tucson Véloce, elle pèse 20 kg de moins que la moto de série, bien qu’elle en reprenne les roues, l’échappement et tout l’accastillage nécessaire à l’homologation.
Une seconde moto plus typée course sera construite ensuite pesant encore 15 kg de moins grâce à la suppression des accessoires homologués, mais toujours avec les roues et le collecteur d’origine.
Cette moto présente plusieurs particularités intéressantes : un meilleur accastillage (fourche inversée, amortisseur Ohlins) et surtout un intéressant système de freinage Béringer à 4 disques qui réduit l’effet gyroscopique et augmente la puissance de freinage par rapport à un double disque de 320 mm.
Enfin, ultime particularité, la boîte à air dynamique exploite pleinement l’absence de colonne de direction et profite d’une prise d’air directe.
Autant d’originalités mises en valeur par le design épuré créé par Yann Bakonyi (« Bako ») pour la circonstance.
Pilotée par Zef Enault et Stéphane Lacaze, elle participera à une endurance et abandonnera au bout de 3 heures sur une fuite d’essence alors qu’elle était en tête !
Avis aux amateurs, cette machine est à vendre, pour plus d’info contacter ses propriétaires sur le site www.roadson.fr.
La BT 550 superleggera
Le moteur Suzuki payait sa fiabilité et sa conception « tourisme » par un poids relativement élevé. Pour accéder à des courses plus médiatisées, Jean-François souhaitait rester sur un bicylindre, sans pour autant renier ses dogmes de légèreté. C’est ainsi que l’idée de la Superleggera a germé.
Avec un moteur pesant 22 kg de moins qu’un SV (33 kg nu) pour une puissance équivalente, le V2 Aprilia constitue une bonne base. Il permet de revenir à une moto plus légère grâce à des solutions comme le simple disque et des roues moins larges. Une sorte de retour aux fondamentaux. L’idée est cette fois de s’approcher le plus près possible d’une 125 car l’observation des chronos réalisés en piste démontre que les 125 open sont aussi véloce que les Top twin qui courent le même jour sur le même circuit, quand la piste n’est pas trop rapide (Lédenon, Le Vigeant par exemple). C’est donc autour de roues et de pneus Bridgestone de 125 (90 AV et 120 AR !) que l'ingénieur dessine un nouveau châssis sans colonne de direction. Sur l’Aprilia la fonderie du moteur reçoit l’axe de bras oscillant, rendant les platines aluminium inutiles. Résultat un cadre treillis de 4 kg au complet ! Le bras oscillant est du même métal, il pèse 2,5 kg. Là encore une prouesse technique qui lui vaudra un financement par le CETIM (Centre technique des Industries Mécaniques).
Sans doute un record du monde ou en tout cas pas loin pour un bicylindre 4 temps. Aprilia séduit par le projet accepte de fournir des moteurs et des pièces. La fourche est une paioli de GP 125 et le reste des pièces est usiné par Mécatech : tés de fourche, platines de frein Ar, système de tension de chaîne etc… Béringer fournit un disque de 320 mm avec un étrier Radial et un répartiteur de freinage AV/AR.
Sud-Ouest radiateur fabrique une paire de radiateurs sur mesure pour améliorer le refroidissement de ce moteur conçu pour le TT et Afam fourni des couronnes aluminium et des chaînes. Bilan final : 97 kg sur la bascule avec l’huile, l’eau mais sans l'essence ! Du jamais vu sur un 4 temps moderne équipé d’une injection et d’un démarreur électrique. Les roues sont en aluminium forgé. Avec du magnésium, les 95 kg étaient accessibles.
Le réservoir est toujours autoporteur et la carrosserie en fibre de verre est dessinée et réalisée par Bako, puis construite par Artytech. Toujours dans le souci de montrer l’originalité du cadre, Bako conçoit un carénage original avec une bulle qui descend très bas pour rendre visible la colonne de direction.
Une colonne de direction qui semble faire école puisse que plusieurs artisans impliqués dans le moto2 développent des solutions similaires comme ici chez AJR:
Une longue mise au point
Un premier cadre mal soudé et une adaptation nécessaire du moteur aux contraintes de la vitesse ont retardé le développement du projet, anéantissant le maigre budget du team qui a dû payer un nouveau cadre réalisé chez Vattier Mécatig cette fois.
Il a donc fallut reporter l’apparition de la Superleggera en course. Mais à ce jour, elle semble avoir un potentiel très prometteur en piste. On devrait bientôt voir à l’œuvre cette moto minuscule pour un twin 550 cm3 4 temps comme on le constate sur cette photo d’action avec Stéphane Coutelle à son guidon.
Et elle vient de prouver ses qualités en remportant la finale Protwin à Carole.
Quel avenir ?
La survie d’une marque de moto n’est guère facile dans l’hexagone, qui plus est quand elle perd son nom devant la justice. Pourtant le petit constructeur s’accroche et voit dans l’arrivée de la nouvelle catégorie « MOTO3 » (équivalence 125 2 temps 250 4 temps en GP) un champ d’investigations susceptible de mettre en avant ses théories sur les motos légères.
A suivre !
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