La technologie des Moto Morini : Bialbero et Corsa Corta
A vos marques : la rubrique technique et mécanique
Autre figure historique de l’industrie italienne, Moto Morini a elle aussi construit une gamme de motos autour d’un intéressant moteur bicylindre en vé, comme Ducati ou Moto Guzzi. Un petit chef d’œuvre de mécanique signé de Franco Lambertini, emblématique ingénieur de la firme.
La vie de Moto Morini n’est pas un long fleuve tranquille. Rachetée par le groupe Cagiva dans les années 80, la marque périclite, pour renaître de ses cendres en 2003 avant de retomber dans de nouvelles difficultés en 2009 et de friser le rachat par le fabriquant de scooters italien Garelli. A l’heure d’écrire ces lignes, l’avenir semble bien sombre pour ce constructeur proche du dépôt de bilan… Mais ces difficultés conjoncturelles n’enlèvent rien aux qualités de la marque et à son œuvre. Comme bien souvent chez nos amis transalpins, c’est la passion de la mécanique qui domine et permet la naissance de fabuleux moteurs. Le V2 « bialbero corsa corta » fait assurément partie de ceux là.
2 X 2 arbres à cames en têtes…
… Bialbero (double arbre en italien) et Corsa Corta (course courte) sont effectivement les premiers signes distinctifs de cette mécanique. Certes 66 mm de course c’est peu pour un bicylindre 1200 cm3, (1187 cm3 exactement), surtout parce que cela impose un alésage colossal : 107 mm ! ! ! Des côtes plus carrées que celles de la fabuleuse Ducati 1198 R (106 X 67,9).
Pour autant Moto Morini ne vise pas des sommets de puissance comme Ducati, mais cherche plutôt un moteur riche en sensations. De fait, là où une Ducati peut dépasser 180 chevaux et atteindre 10750 tr/mn, le Morini s’en contente de 140 pour un régime maxi de 9300 tr/mn. Il offre en revanche un couple maxi de 12,5 mkg à 6500 tr/mn, un régime raisonnable pour un groupe propulseur que tous les essayeurs qualifient de « vivant ».
Spécialiste des mécaniques simples dotées d’un bon rendement Franco Lambertini s’était déjà illustré par son célèbre 3 ½ à culasses plates dans les années 70. Saluons ici sa parfaite maîtrise de la combustion en mesurant la distance importante que doit parcourir le front de flamme pour couvrir toute la surface du piston : 90 cm2 ! ! ! Un piston dont la calotte doit être sérieusement renforcée pour supporter les pressions engendrées par la combustion dont la force résultante peut dépasser les 7 tonnes ! Des contraintes énormes qui ont imposé l’utilisation d’un vilebrequin et de bielles en acier forgé. Un vilebrequin qui présente la particularité d’être assemblé, comme sur les 2 temps, alors que les carters sont eux au contraire monobloc. Ici donc, pas de demi carter, horizontaux ou verticaux, ni de goujons d’assemblage au bénéfice d’une simplicité et d’une rigidité accrues. Une technologie aussi utilisée chez un autre petit constructeur italien : Vertemati. Le vilebrequin entre ou sort latéralement, sans qu’il ne soit nécessaire de déculasser.
De même l’extraction des pistons est possible sans ouvrir le bas moteur via des petites trappes permettant de déposer les axes. Outre une construction et une maintenance facilitée, cette particularité confère la possibilité de concevoir un châssis où le moteur devient un élément porteur. Une façon de réduire le poids global de la moto.
Recherchant une relative compacité, Franco Lambertini a joué sur plusieurs facteurs. D’une part la faible course qui permet de réduire la hauteur des cylindres, d’autre part l’angle d’ouverture et la disposition du V. Avec seulement 87°, il est proche de la valeur idéale de 90° qui limite au mieux les vibrations, mais surtout cet angle est quasiment réparti de façon égale autour de la verticale. De fait, contrairement à la disposition de Ducati avec un cylindre horizontal, cela ne nuit pas à la conception de motos à l’empattement court.
Toujours au chapitre encombrement, finissons par la transmission primaire à denture hélicoïdale avec un angle de 12° seulement. Un choix qui permet de réduire la largeur de la transmission puisque 3 dents sont en permanence en contact simultané.
Compact, ce 1200 4 soupapes à carters monobloc pèse 72 kg. Il se caractérise par sa course très réduite ( 66) et ses énormes pistons ( 107 mm).
Châssis : A l’école italienne
Le treillis tubulaire acier commun à toute la gamme est typique de l’école transalpine. Il offre un bon rapport rigidité/poids et profite de la résistance des carters moteurs porteurs.
Autour de ce moteur unique avec des puissances allant de 117 (9 ½) à 140 chevaux, le constructeur a décliné une gamme de motos avec un châssis en treillis tubulaire acier sans platine aluminium puisque l’axe de bras oscillant traverse le moteur. La différentiation se fait entre autre par le bras oscillant qui peut revêtir différentes formes selon la vocation des modèles.
Ainsi, les machines plus destinées au tout-terrain (Scrambler ou Granpasso) sont elles équipées d’un bras arrière caissonné et hydroformé qui offre un excellent rapport poids/rigidité et une bonne résistance aux chocs.
Développé pour l’aéronautique, ce principe consiste à plaquer une tôle contre une matrice et a y appliquer une très forte pression via un fluide sur l’autre face. De fait, sous l’effet de la contrainte, la tôle se déforme et vient se plaquer sur la matrice, prenant sa forme sans qu’il ne soit nécessaire d’avoir réalisé un poinçon mâle. On peut ainsi réaliser des géométries très complexes à moindre coût et bénéficier des avantages offerts par la résistance mécanique des pièces forgées.
Sur la version de base 9 ½, le bras oscillant est constitué d’un simple profil mécanosoudé avec là aussi, réduction des coûts oblige, un monoamortisseur latéral en attaque directe sans biellette. Les versions sportives (1200 Corsaro) reçoivent un bras oscillant renforcé réalisé en fonderie, comme sur les sportives japonaises, assortie d’une suspension arrière dotée d’un système de basculeur biellette, plus performant. De fait la fixation supérieure de l’amortisseur Ar est différente sur ces modèles, mais la conception du châssis reste identique.
Le bras oscillant hydroformé de la Granpasso.
Le bras oscillant moulé des sportives avec sa suspension à basculeur/biellette qui offre un meilleur contrôle des mouvements de roue.
Les limites de la standardisation.
La 9 ½, modèle le plus simple avec son bras oscillant mécano soudé et son moteur dégonflé à 117 cv, mais qui cube toujours 1187 cm3
Un moteur et un seul châssis, cela suffit-il à faire une marque de moto ? Pas sûr au vu des difficultés actuelles de Moto Morini. Il a peut-être manqué au constructeur un produit d’image plus sportif et un véritable engagement en compétition pour mieux valoriser sa gamme. Gageons que contrairement à Voxan une solution ne se présente pour que cette marque prestigieuse ne retombe pas dans l’anonymat comme Mondial ou Rumi qui sitôt renées ont disparues à nouveau.
Surfant sur une vague nostalgique, Moto Morini propose cet intéressant Scrambler qui n’a malheureusement pas rencontré plus de succès que le superbe Voxan.
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