Essai Suzuki GSX-R 1000 préparation piste
Essai Piste de la Suzuki 1000 GSXR 211 du Team Dunlop Motors Events
Reine de l'endurance, la Suzuki 1000 GSXR reste une valeur sûre malgré les années qui passent et l'arrivée de modèles plus puissants et plus sophistiqués. Nous avons essayé la N° 211 du Team Dunlop Motors Events pour mieux comprendre ce « phénomène ».
Si l'on regarde les résultats bruts, Dunlop et Suzuki ont raflés 7 titres de champions du monde d'endurance sur 8 distribués ! Cependant, hormis une injection à double papillons, fort réussie il est vrai, la « vieillissante » 1000 GSXR est un peu le parent pauvre de la catégorie, face à ses concurrentes venues d'Europe ou du Japon. Dotées de mécaniques plus puissantes (S 1000 RR, ZX 10 R, Ducati Panigale) ou plus sophistiquées (Yamaha cross plane, Aprilia RSV4), elles lui taillent des croupières en performances pures. Des concurrentes souvent bardées d'anti patinage, de frein moteur géré électroniquement, de ride by wire et autres sophistications toutes devenues indispensables... dû moins voudrait-on nous le faire croire. Forcément, au milieu d'un tel déferlement technologique, « la Gex » marque le pas. Mais sur route, comme en endurance, la puissance et la sophistication ne font peut-être pas tout...
Présentation
Destinée à récompenser les meilleurs pilotes engagés dans le WERC (Week end Racing Cup) de Marc Mothré, la 211 participe au 24 h et au Bol d'Or sous la houlette de Jean-Claude Chemarin. Son chemin est parallèle à celui de la « 50 » du même team, managée par Hervé Moineau, qui a récolté 10 podiums sur 15 départs ! Sa préparation la situe à mi chemin entre les catégories superstock et formula EWC. La qualification étant plus serrée en superstock, pour cause d'un plus grand nombre d'engagés, cette moto destinée à des amateurs très confirmés, est volontairement engagée en formula EWC, mais sa préparation la classe plus dans la première catégorie. L'absence de systèmes de démontages rapides des roues et sa fourche d'origine en témoignent. Les moteurs restant quasiment de série dans les deux classes, c'est finalement plus dans les stands, que sur piste, que se font les écarts. Sur la 211, il faut compter 45 sec d'arrêt lors d'un changement de pneus, contre 12 pour une machine d'EWC comme celle du SERT par exemple !
Un petit tour du propriétaire nous révèle tout de même une préparation soignée qui vise à la fois à réduire au minimum les conséquences d'une chute et aussi à facilité les interventions qui pourraient en découler. Raccord rapide Staubly pour changer les systèmes de frein sans purger, et démonter rapidement le réservoir d'essence. Carter anti chutes, protections au sommet de la fourche pour ne pas la détériorer en cas de tonneaux, etc...
Ici chaque détail compte, pour gagner du temps, et surtout en perdre le moins possible. C'est très efficace, puisque notre moto d'essai a connu 5 chutes au bol d'or cette année ! Malgré cela elle termine 25ème au général et se présente encore dans un bel état, après une petite séance de remise en forme il est vrai. Au chapitre des améliorations moteur, on compte une ligne et un boîtier Yoshimura. C'est tout !
En selle !
En descendant de la GSXR de série qui nous sert de référence le changement est grand. Juché en hauteur, basculé sur l'avant, j'ai du mal à poser mes pieds au sol. Forcément, pour rendre la moto plus vive, Steven Caser, en charge des suspensions et du châssis a basculé l'assiette sur l'avant. Et comme il cherchait de la garde au sol, il a donc plutôt remonté l'arrière. J'ai les jambes un peu courtes ! J'ai sous les yeux le tableau de bord d'origine, rien de dépaysant, le système de chrono a été déposé.
Le gros réservoir de 24 L ne m'oblige pas à plus écarter les jambes que sur la moto de série. Je suis prêt à partir, quand une voix me rappelle à l'ordre : « attention vitesses inversées ! ». Je lève donc le pieds en tirant l'embrayage pour enclencher la première … une des rares fois où je vais le faire puisque je bénéficie d'un shifter.
Moteur
Le décollage se fait en douceur. Comme indiqué plus haut, la mécanique est quasi stock. Le boîtier et la ligne ne lui font sans doute pas gagner beaucoup de chevaux à haut régime, mais au milieu de la courbe de puissance, leur présence est significative. Le moteur est encore plus rempli que sur la GEX d'origine. Un vrai bonheur ! Il est facile à exploiter et d'une grande douceur. Très prévisible, mais réellement musclé. Les chevaux sont assurément là, mais presque dociles, répondant avec une grande précision à chaque sollicitation du poignet droit. On retrouve ici ce qui fait le sel de la moto de série, avec son moteur bien rempli et son extraordinaire connexion avec la poignée de gaz. Rien ne filtre les ordres du pilote (quoique le second volet d'injection est bien là pour ça, mais c'est si bien fait qu'on l'oublie). Vive la simplicité ! Il y a donc du répondant dans cette écurie bien garnie. A chaque passage de rapport, le 4 pattes à la course relativement longue vous gratifie d'une belle poussée continue. De la belle ouvrage !
Tenue de route
A ce train, les virages du tracé sinueux de la Ferté Gaucher arrivent vite, mais après une bonne mise en jambe sur la moto de série et grâce aux conseils radio de Hervé Duffard, ex pilote de GP et instructeur à la DRRS, j'ai la piste bien en tête. Les suspensions sont plus fermes, mais elles travaillent avec plus de précision, réduisant les mouvements de la moto, sans en faire un bout de bois. Il faut dire qu'à l'arrière, le combiné d'origine a été avantageusement remplacé par un Öhlins TTX 36. Quant à la préparation de la fourche, elle semble très efficace elle aussi.
Grâce au basculement de l'assiette, la 211 obéit au doigt et à l’œil. On regarde le point de corde... et hop, elle y va ! On oublie les kilos, c'est précis, agréable, facile, tout à la fois ! En sortie de courbe, le moteur tracte velu, sans provoquer de réaction du châssis ou des suspensions. Et en entrée de courbe, sur les freins, c'est le même constat. Pas plus de réaction, même si à l'évidence, mon niveau de pilotage n'a rien de commun avec celui de ses utilisateurs légitimes. Pour une vraie moto de course, la 211, sait se mettre à la portée du premier venu ou presque.
Freinage
Dans ce domaine aussi, on ressent un mieux par rapport à la moto de référence. L'adjonction d'un maître cylindre PR 19 et de durits tressées, associés à des disques ABM, renforce la puissance des étriers Brembo d'origine. Si sur ce tracé il n'y avait rien n'a redire au freinage de la moto de série, celui de la 211, vous propulse dans une autre dimension. Outre sa puissance, son touché le rend d'une précision chirurgicale. Le dosage et la sensibilité y gagnent beaucoup. Assurément un atout pour rentrer fort sur les freins dans la courbe Dunlop du Mans, zone stratégique pour faire un temps au Bugatti... A condition de ne pas perdre l'avant !!! A propos, il ne faut qu' 1,39'2 à un bon pilote pour boucler un tour du circuit Manceaux … pas mal non ???
Pneus
Mis en confiance par cette partie cycle sensible et efficace, on se laisse aller à prendre plus d'angle pour aller chercher le contact des sliders avec le bitume, malgré la hauteur de selle importante. Les K106 et KR 108 qui équipent la moto, sont les versions slicks en tout point identique du nouveau pneu D 212 GP pro. Ce n'est qu'au moment de la cuisson qu'on les glisse dans un moule sculpté ou non. Le nouveau profil du pneu avant se marie à merveille avec le châssis de la 211 et c'est avec une grande facilité qu'on la balance d'un virage à l'autre. Question endurance, la 211 fait 2 relais avec un pneu arrière et 4 avec un avant. C'est le double de temps sur piste par rapport aux teams de pointes. Mais ici, on soigne son budget et de plus, en l'absence de démontages rapides, les changements de roues font perdre un temps précieux, alors on fait durer. Un choix qui se paye tout de même en piste lors du dernier relais avec des pneus avant et arrière usés (2 relais arrières et 4 relais avant), forcément les chronos sont moins bons.
Conclusion : HO-MO-GE-NE !
A cent lieues des clichés des machines de course délicates et fatigantes à piloter, cet essai nous rappelle d'une part qu'une moto, de piste, comme de route, est d'abord un compromis. Un moteur puissant, c'est très bien, mais un moteur bien exploitable c'est encore mieux. Un châssis rigide et précis c'est parfait, mais un châssis efficace, c'est encore mieux. A cela s'ajoutent les particularités propres à l'endurance. Au cœur de la nuit et sur une épreuve de 24 H, une moto reposante, ou tout au moins pas fatigante, c'est fondamental. Un moteur « rond », un châssis qui répond au doigt et à l’œil font partie des secrets de famille de la Gex. Elle y ajoute encore un petit plus, qui n'est pas sans rapport avec toutes les qualités évoquées : sa consommation de carburant. Sur 24 H, elle nécessite 2 pleins de moins qu'une S 1000 RR. C'est du temps de gagné dans les stands, et pas besoin d'être un grand scientifique pour savoir combien il est difficile et périlleux de rattraper des secondes une fois sur la piste. « Rien ne S.E.R.T. de courir il faut partir à point », disaient monsieur De La Fontaine et Dominique Meilland, de concert. Plus près de nous, le regretté Alain Bashung chantait, sans doute sans le savoir les louanges de la 1000 GSXR d'endurance : « faut se préserver, si l'on veut durer, rester toujours N°1 ». Voilà sans doute la recette de son efficacité. On suivra désormais avec encore plus d'attention les exploits de la « 212 », qui va être rebaptisée du nom du nouveau Dunlop D 212 GP pro, pour faire honneur à son partenaire historique. Rendez vous est pris les 21 et 22 septembre pour les 24 H du Mans... Sous la passerelle Dunlop bien sûr !!!
Points forts
- L'énorme plage d'utilisation du moteur
- Le couple colossal à mi régime et la pêche en haut
- Le freinage hyper puissant et dosable
- Les suspensions efficaces et confortables à la fois
- La facilité d'ensemble, l'homogénéité
- La préparation intelligente et ciblée sur l'essentiel
Points faibles
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Il faudrait être un excellent pilote pour lui trouver des défauts et atteindre ses limites!!
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l'absence de démontages rapides des roues
Concurrentes : Aprilia RSV4, BMW S1000RR, Ducati 1198S, Honda CBR 1000 RR, Kawasaki ZX-10R, KTM RC8R, Triumph Daytona, Yamaha R1.
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