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Essai Suzuki GSX-R1000R sur route

4 cylindres, 1000 cm3, 202 ch à 13200 tr/mn, 12 m/kg à 10800 tr/mn, 203 kilos, 19939 €

Une efficacité incroyable pour une machine encore conviviale sur route

Ça y est : après une longue période de flottement qui a vu les constructeurs japonais, surtout Honda et Suzuki, prendre une gigantesque valise de retard sur le créneau des supersportives, tous les constructeurs du pays du soleil levant se sont remis à niveau. Et de belle manière, en plus, puisque tout le monde y va de deux versions : une version standard, qui envoie déjà du pâté de foie en orbite et une version "upgradée", qui selon les constructeurs, s'appelle "M" (Yamaha R1), "RR", (Kawasaki ZX-10), "SP1 ou SP2" (Honda CBR1000R, qui va encore plus loin que les autres dans cette démarche). Suzuki se contente d'accoler un R supplémentaire à sa GSX-R1000 pour qualifier l'exception.

Pour que le tableau soit complet, on n'oubliera pas non plus Aprilia, qui présente les RSV4 RF et RR, BMW sa S1000RR doublée d'une version HP4 Race encore plus extrême et carrément dédiée à la compétition, tandis que chez Ducati, on va encore plus loin puisque la 1299 Panigale constitue une véritable gamme à elle toute seule : au-delà de la version standard, on trouve la S, la R, la R Final Edition ainsi que la Superleggera.

Bref, les Japonais ne font que répondre à une frange de la clientèle des supersportives qui demande des engins encore plus efficaces et exclusifs.

Essai de la Suzuki GSX-R 1000R sur route

Nouveauté 2017, la Suzuki GSX-R1000R a déjà été essayée sur Le Repaire par mon collègue le sémillant Damien qui, n'écoutant que son devoir, s'était farci un voyage aux antipodes pour aller essorer la poignée de la belle sur le beau et mythique circuit de Phillip Island. Ce qui suit est donc un complément d'essai, sous l'angle des conditions d'utilisations réelles dans notre beau pays radarisé et perrichonisé. Vu comme ça, ça ne donne pas envie. Et pourtant !

Découverte

Depuis 1986, elle en fait rêver, des générations de motards, la grosse GSX-R ! D'abord lancée en 1100 cm3, à refroidissement mixte air/huile, puis à eau, puis relancée en 1000 en 2000 (quelle phrase !), elle a bien évidemment connu des hauts et débats et sa présence continue en haut de l'affiche à fait débat. Certaines étaient ratées (notamment les 1100 liquides, des grosses dindes de 240 kilos) alors que la 1000 de 2000 a fait revivre la légende. Elle mérite malgré tout un oscar pour l'ensemble de sa carrière, même si la fin a été moins glorieuse, Suzuki souffrant du gel de sa R&D après la crise économique de 2008. Si l'on excepte l'arrivée de l'ABS, la dernière évolution remonte à 2010 et s'agissant de sportives, les années de retards se transforment en années-lumière !

La dernière évolution du Gex datait de 2010

Néanmoins, ça valait le coup d'attendre : la refonte est totale, les lignes sont modernisées sans toutefois s'inscrire dans une rupture historique et à part, merci la norme Euro4, l'échappement franchement volumineux et pas très gracieux. Néanmoins, on apprécie cet effet de modernité : les lignes sont plus fines, le gabarit est plus proche de celui d'une 750. Le tableau de bord est plus moderne aussi : pas de planche TFT couleur ici comme sur certaines sportives concurrentes (Aprilia, Ducati, Honda, Yamaha), mais une dalle avec affichage en noir qui a le mérite de la simplicité, de l'ergonomie et de la lisibilité même en plein soleil.

Seul l'imposant silencieux vient ternir une refonte esthétique parfaitement maitrisée

Évidemment, la R se distingue par quelques touches visuelles : les coloris, d'abord. Ainsi, un noir à jantes bleues la caractérise tandis que la version standard se livre plutôt en rouge ou dans un noir à jantes rouges. Par contre, le coloris bleu historique des Suzuki est commun aux deux versions. Pas de panique : on reconnaît la R par sa fourche BPF à cartouche externe ainsi que par ses étriers Brembo monoblocs, tout comme, mais là faut avoir un œil de sioux, par la présence d'un shifter up & down. Tout ceci est responsable d'un poids en hausse d'un kilo par rapport à la Gex standard : 203 avec les pleins au lieu de 202.

La 'R' se distingue par sa fourche BPF à cartouche externe

En selle

Quand on a connu les générations précédentes de GSX-R 1000, la métamorphose est radicale : plus compacte, plus étroite, la nouvelle semble aussi avoir perdu un peu de la polyvalence (relative, certes, mais tout de même) qui faisait aussi la caractéristique des grosses GSX-R. On verra plus loin ce qu'il en est : un zeste de suspense ne peut jamais nuire à une bonne narration.

La GSX-R se montre plus compacte et plus étroite

En attendant, la position est forcément sur les poignets, mais il y a pire ailleurs (une R1, par exemple). Du coup, on a l'esprit moins tourmenté ! Le nouveau tableau de bord va de pair avec de nouveaux commodos et la gestion des différents menus est facile : on appuie sur "mode" pour sélectionner son niveau de cartographie moteur et de contrôle de traction, sur le pavé de gauche pour faire défiler les infos sur le tableau de bord. Tableau de bord complet puisque l'on y trouve même l'heure, la conso moyenne, l'autonomie restante, la température de l'air et de l'eau : une vraie GT !

Le tableau de bord propose une mine d'informations

Moteur et transmission

Distribution variable : c'est la solution choisie par Suzuki fournir de l'eau et du gaz à tous les étages ! Par rapport à l'ancienne génération de Gex 1000, la puissance fait un vrai bond en avant en passant de 185 ch (à 11500 tr/mn) à 202 ch (à 13200 tr/mn). C'est vrai que l'ancienne se traînait grave. Du coup, le nouveau bloc est plus étroit (moins large de 6 mm), mais surtout ses cotes sont entièrement revues : l'alésage augmente de 74,5 à 76 mm et la course plus courte (de 57,3 à 55,1 mm) permet donc de prendre plus de tours. Et plus de tours, sur ce type de mécanique, c'est plus de patate.

Le moteur fait un bond en avant question puissance et gagne 17 ch

Qu'est-ce que la patate ? J'ai récemment écrit, à propos de l'essai de la Kawasaki Z1000R, que "la patate, c'est quand tu fais des reprises en 6ème et que tu as l'impression d'être en 4ème". Cela colle parfaitement bien à la Suzuki, puisque dans son cas, tu te demandes si tu n'es pas resté en troisième. On en reparle plus bas. Et hop, une seconde couche de suspense. Néanmoins et sans le tuer, le suspense, ce moteur n'est pas impressionnant que pour sa puissance brute : sa vigueur dès les mi-régimes, son absence d'inertie à grimper dans les tours, son allonge : chapeau !

La version R dispose aussi d'un shifter up & down. On salue son efficacité : à la montée des rapports, ce qui devient assez courant sur les engins à pedigree sportif, mais aussi à la descente, puisque cela se fait sans à-coups avec même un micro-coup de gaz. Bluffant !

En plus de tout ça, il y a le contrôle de traction, réglable sur pas moins de 10 niveaux !

Le contrôle de traction est réglable sur 10 niveaux

En ville

Peu de sportives ont réellement leur place en ville et dire que la GSX-R va déglinguer le marché des Honda NTV chez les coursiers prouverait que l'on s'est un peu emballé. Néanmoins, elle assure : d'abord parce que le rayon de braquage n'est pas mauvais, que les rétros permettent de voir derrière soi (une évidence qui ne l'est pas tant que cela sur ces machines), que la compacité est un atout, que le poids (203 kilos avec les pleins) ne se fait pas trop sentir.

Bien que ce ne soit pas sa vocation, la R s'en tire avec les honneurs en ville

Ensuite, certaines sportives ont des boîtes de vitesse avec un premier rapport long comme un jour sans Repaire ce qui rend l'usage urbain pénible avec trop de recours à l'embrayage. Avec son moteur CrossPlane peu souple à bas régime et sa première qui prend 160 km/h, la Yamaha R1 est assez caricaturale dans le genre. La Suzuki est plus conciliante : commandes douces, système Suzuki Low RPM Assist (le début du lâcher d'embrayage augmente un peu le ralenti pour des décollages en douceur), la souplesse du moteur, tout ceci concourt à ce que l'exercice urbain se passe plutôt bien. Par contre, malgré l'excellence du système, le shifter montre quelques à-coups à très bas régime (normal, il a été conçu pour fonctionner à pleine charge) et on aura intérêt à utiliser l'embrayage. Et puis, autre problème : un millimètre de gaz en trop et vous êtes déjà en grand excès de vitesse. Gare aux départs aux feux verts !

Par contre, on ne peut rien mettre sous la selle, même pas un petit bloque disque. Et pour le gros antivol à chaîne, vous vous le trimballerez autour du cou : ça fera plaisir à votre ostéopathe !

Sur autoroute et grandes routes

La GSX-R1000R tire relativement court : à 130 km/h sur le dernier rapport, on est déjà à 6000 tr/mn (certes, la zone rouge est encore 8000 tr/mn plus haut, c'est dire la marge qu'il reste !). Néanmoins, si la position est un peu plus ramassée que par le passé et si la protection est limitée, vous baisserez donc naturellement la tête et réduirez votre vitesse de croisière. Car le problème de ces motos, ce n'est pas tant leur capacité à dévorer des grands axes, c'est de le faire à vitesse légale sans que le pilote n'ait envie de se pendre au bout d'un demi-plein.

Le problème sur autoroute est surtout de rester à 130 km/h

Or, rester dans les limites acceptées demande évidemment de prendre sur soi, tout comme sur les autres missiles du genre, même si le gros couple disponible fait que la moindre tentative de dépassement se transforme vite en plateforme de lancement à Kourou. Raison garder, il faut raison garder. A part ça : la selle n'irrite pas le fondement, les vibrations sont contenues, la sonorité du 4 en lignes commence à être un peu présente à ce régime et la stabilité, bien entendu, est impériale : ce qui ne retire rien à la belle capacité de cette machine à se jeter sur l'angle dans les grandes courbes, voire à changer de trajectoire à vitesse élevée. Elle n'a pas l'inertie d'une grosse 1000 à l'ancienne, c'est sur !

Sur départementales

On ne choisit pas ces machines pour se traîner à 4000 tr/mn en sixième (90 km/h) sur le dernier rapport. Cessons donc de parler de vitesse, afin de ne pas donner l'impression qu'il s'agisse d'une obsession. De la même manière qu'un automobiliste jette son dévolu sur une Porsche 911 GT3 RS alors que pour le même prix il peut avoir une Panamera Turbo S, bien plus confortable, c'est pour avoir des sensations de conduite intenses et sans filtre. La 1000 sportive se justifie encore sur nos routes par le cocktail absolument unique de puissance et de précision qu'elles apportent, encore plus maintenant que l'électronique permet de se faire une mise au point aux petits oignons.

La GSX-R 1000R est un régal sur le réseau secondaire

Disons-le tout de suite : cette GSX-R1000R est un régal sur le réseau secondaire. Si l'amortissement est relativement ferme, il n'est jamais cassant ; aucun coup de raquette de l'arrière, une motricité sans faille, une fourche qui amortit parfaitement et qui gère de manière progressive, presque soyeuse, les transferts de masse, aidé par l'ABS couplé à la centrale inertielle IMU qui optimise les phases de freinage. Ensuite, que faut-il louer de plus ? Le moteur, ce satané 4 en lignes plein comme un œuf au-dessus de 5000 tr/mn, ce qui est considérablement plus tôt que sur ses rivales de chez Kawasaki et Yamaha. En plus, sa sonorité devient rocailleuse passé ce stade : un régal.

La 1000 affiche une très belle agilité

Enfin, l'ergonomie est top : bien que la machine soit compacte, un "pilote" d'un grand gabarit peut facilement bouger à bord. Ce qui n'est pas immédiatement nécessaire, car la grosse GSX-R dévoile l'agilité d'une 750, ne demandant que peut d'effort pour se caler sur la trajectoire et ne plus en bouger, même à un rythme élevé. Un régal !

Partie-cycle

La version R se justifie donc les 2700 euros d'écart (attention, les tarifs ont changé depuis le lancement en début d'année : au 22/08/2017, la GSX-R1000 vaut 16599 euros et la R 19939 euros. Ce tarif est justifié par des suspensions plus haut de gamme : ce n'est pas du Öhlins, fournisseur quasiment officiel de toutes les motos "upgradées" du marché, mais du Showa, avec une fourche BPF à réservoir externe à l'avant et un amortisseur BFRC qui est, selon Suzuki, dérivé de la compétition. Ce qu'il faut retenir dans le cadre d'un usage sur route, c'est le compromis, quasiment idéal, entre les sensations sportives, un confort relatif, mais tout de même réel et des remontées d'informations précises et circonstanciées.

La partie cycle 'upgradée' offre un très bon compromis entre le confort et le sportif

Freins

Mêmes disques de 320 mm pour tout le monde ainsi que l'équipement fourni par Brembo, la R se distinguant par ses étriers radiaux monoblocs : ça freine, fort, longtemps, avec une attaque douce suivie d'un mordant puissant et précis. Bref, ça fait deux bonnes nouvelles : parce qu'en plus, le temps des Gex 1000 qui ne freinaient pas terrible (sur piste) est désormais révolu.

Le freinage offre mordant et précision

Confort et duo

Franchement, le duo est raide, avec une position de conduite foetale et rien pour se tenir. La selle passager est toutefois plus épaisse que la corde d'un string, ce qui n'est pas le cas de toutes ses concurrentes. Pour le pilote, par contre et contre toute attente, ce n'est pas si mal : excellentes suspensions, selle qui n'irrite pas malgré les heures passées sur la route, si vous acceptez la position de conduite forcément typée.

La moto se révèle confortable pour le pilote, moins pour le passager

Consommation / autonomie

Avec 16 litres dans le réservoir, la GSX-R1000R a plutôt intérêt à être sobre : et elle l'est, en tous cas nettement plus qu'une R1. A l'issue d'une petite virée tranquille (ponctuée de quelques accélérations et quelques virages pris dynamiquement, car, hélas, je ne suis pas un saint), la conso relevée est de 5,8 l/100. A l'inverse, des périodes plus généreuses sur les gaz ont ressorti un 6,9 l/100. Pas si mal pour un bloc qui fait 202 chevaux au litre !

Selon le rythme, la consommation oscille entre 6 et 7 l/100 km

Conclusion

Elles se vendent de moins en moins et pourtant, quel pouvoir de fascination ont conservé les sportives ! Quel plaisir de conduite savent-elles encore délivrer ! Cela les rend absolument addictives, intimidantes et de plus en plus décalées avec la réalité de la circulation sur nos routes ! Dans ce contexte, il faut saluer cette évolution notable de la GSX-R, qui apporte un excellent moteur, une agilité digne d'une 750, une dotation électronique (enfin) en ligne avec ce qui se fait de mieux sur le marché (toutefois, sans la possibilité de calibrer l'ABS), un tableau de bord complet et lisible, un shifter up & down parfait.

La remise à niveau de la GSX-R est une franche réussite, aussi bien sur piste que sur route

Bref, la grosse GSX-R s'est remise au niveau, de quoi faire oublier les (longues, longues...) années où la puissance du mythe avait de plus en plus de mal à faire oublier la vétusté du produit. Désormais, on peut l'affirmer bien fort : la grosse GSX-R est de retour (et elle n'est pas contente et elle va vous botter le cul !). Pour en profiter : un circuit, ou un joli terrain de jeu sinueux et loin des radars de la civilisation. Plus que jamais avec ces machines : pour vivre heureux, vivons caché !

Points forts

  • Moteur vraiment super pêchu
  • Évolution bienvenue de la lignée GSX-R !
  • Suspensions de qualité
  • Freinage puissant et dosable
  • Maniabilité de 750
  • Shifter up & down réussi
  • Tableau de bord complet et lisible

Points faibles

  • Devrait être livrée avec 3.000 points de permis !
  • Duo un poil raide, forcément !
  • Silencieux trop gros et trop moche
  • Pas de paramétrage de l'ABS pour les pistards

La fiche technique de la Suzuki GSX-R 1000 R

Conditions d’essais

  • Itinéraire : 800 km en une semaine d'essai avec du quotidien dans Paris et une balade à Rouen dans les boucles de Seine, ainsi qu'une sortie en vallée de Chevreuse.
  • Kilométrage de la moto : 2500 km
  • Problème rencontré : a rajouter d’urgence dans la liste du père Noël, mais avec la crise j’ai peur qu’il me la refuse.

La concurrence : Aprilia RSV4 RR, BMW S1000RR, Ducati 1299 Panigale S, Honda CBR1000RR SP1, Kawasaki ZX-10RR, Yamaha R1M

Commentaires

Hsbey

L'essai donne envie. Même avec des radars partout, même si on ne fait pas de circuit, c'est quand même kiffant de posséder et de se ballader sur ce type de bombe. C'est quelque part la moto ultime.

Néanmoins, le silencieux est le plus gros et le plus laid que je n'ai jamais vu. Insupportable. Il faut donc rajouter 1000 à 2000¤ au prix de la moto. (Je ne parle même pas des durites aviations, pourtant indispensables ne serait-ce que pour avoir un bon feeling au freinage, qui semblent absentes.)

15-09-2017 09:02 
Phil G

Effectivement, en termes de sensations et de connexion avec la route, difficile de faire mieux que ces sportives. Et avec les radars, on joue quand même un peu au chat et à la souris...
Concernant le freinage, je n'ai pas eu l'occasion de rouler sur circuit avec mais sur route, puissance, dosage et feeling sont au rendez-vous,
Merci de nous suivre,
Philippe

15-09-2017 15:41 
 

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