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Yamaha YZF R1 et R1M

Potion magique pour des Hypersportives transgéniques

La lignée des R1 fête cette année ses 17 ans. Dévoilée dans les allées du salon de Milan, la première génération de l'hypersportive a fait l'effet d'une bombe dans le microcosme de la moto avec ses 177 kilos à sec et son moteur de 150 chevaux. Par la suite, Yamaha a enfilé comme des perles les évolutions techniques selon une formule gravée dans le marbre (ou presque) à savoir gratter quelques kilos tout en grappillant une poignée de chevaux : 150 chevaux et 174 kg en 2000, 172 chevaux et 172 kilos en 2004, 180 chevaux et 177 kilos en 2007 et enfin 182 chevaux pour 206 kg tous pleins faits en 2009 (aucune donnée fiable de poids à sec n'est disponible, les Japonais ayant tous abandonné cette unité de mesure).

Coloris Yamaha YZF R1 et R1M

Outre l'introduction du calage Crossplane du quatre cylindres en ligne, lui conférant un caractère de V4, on notera que les deux dernières générations embarquent une part grandissante d'électronique : ride by wire, mapping d'injection, admission variable... Sauf que depuis 2009, la frénésie des évolutions a été stoppée nette et à l'exception de l'introduction d'un antipatinage en 2012, aucun changement majeur n'a pointé le bout de son nez. Le phénomène n'est pas propre à Yamaha puisqu'il touche tous les constructeurs japonais, confrontés à une sérieuse érosion de leurs ventes sur ce segment. Pire, la sortie conjointe sur la même période des BMW S 1000 RR et Aprilia RSV4, toutes deux bourrées d'électronique de pointe ne vont qu'amplifier le phénomène et mettre à mal la suprématie technologique des machines en provenance du Pays du Soleil Levant. Sur le Repaire fin 2011, mon confrère Jean-Francois Robert concluait d'ailleurs son essai de la R1 par ces mots : « Alors Monsieur Yamaha, même si cette R1 est superbement bien finie, on aimerait qu’elle se modernise un peu… ». Sa voix (et probablement plein d'autres derrière lui) a enfin été entendue !

Yamaha YZF R1 de côté

Présentation

La dernière R1 n'a pas laissé un souvenir impérissable aux essayeurs de la presse moto, loin s'en faut. Certes, le calage Crossplane a été salué, tant par son caractère que par sa douceur de fonctionnement, apportant à l'ensemble une facilité de conduite bienvenue. Mais pour le reste, les avis furent pour le moins mitigés... Lourde, physique, voire pataude à haute vitesse, la R1 2009 ne brillait pas non plus par ses performances absolues face à une concurrence européenne nettement plus affutée. On jettera aussi un voile pudique sur son esthétique, domaine hautement subjectif s'il en est, qui sema pourtant le trouble jusque chez les fans les plus hardcore de la marque aux diapasons. Pas étonnant donc que Yamaha soit presque reparti d'une feuille blanche pour le millésime 2015 de la R1.

Yamaha YZF R1M de côté

Partant du constat que la majorité des motards roulant actuellement en hypersportive sont des purs et durs, les hommes en bleu ont largement orienté leur produit vers une utilisation piste, allant même jusqu'à affirmer que son team de MotoGP (ingénieurs et pilotes inclus !) avait activement collaboré au développement pour imprimer une partie de l'ADN la M1 dans cette nouvelle R1. Pourquoi pas !

Carénage Yamaha YZF R1

Côté design en tous cas, la ressemblance avec la M1 de Grand Prix est bien là et les proportions de cette R1 ont été revues sérieusement à la baisse. Outre un système d'éclairage réduit à sa plus simple expression (feu de jour en LED ultra-fins, phares longue portée planqués sous le carénage) et un accastillage routier aisément démontable en vue d'une utilisation piste, Yamaha a poussé le vice jusqu'à adopter une peinture bi-ton sur l'emplacement dévolu aux numéros de course -au hasard le 46 du docteur Rossi- entre la bulle et l'ouverture béante de la boite à air. Mais cette panoplie de MotoGP replica n'est pas là que pour faire joli. Le carénage est plus étroit, le profil du réservoir est plus aplati pour ménager plus d'espace derrière la bulle, le dessin du carénage a été travaillé en soufflerie pour améliorer le flux d'air vers les radiateurs d'eau et d'huile tout en facilitant l'évacuation des calories... Au final, la réduction de la résistance à l'air (autrement dit le Cx) a été réduite de 8 %. Un chiffre énorme, même pour un deux roues traditionnellement dépourvu d'appendice aérodynamique.

Carénage Yamaha YZF R1M

Le moteur

Le quatre cylindres en ligne de 998 cm3 de cette R1 est inédit. La séquence d'allumage à intervalles irréguliers (270°-180°-90°-180°) spécifique au Crossplane qui lui confère un caractère et une sonorité si particulière est conservé, mais son moment d'inertie a été réduit de 20 %. Les bénéfices annoncés sont une plus grande vivacité dans toutes les phases de pilotage et une meilleure connexion entre l'accélérateur et la roue arrière. La nouvelle culasse a droit à des conduits d'admission et d'échappement redessinés et affiche désormais un taux de compression de 13.0:1. Pour les bielles, Yamaha a opté pour des éléments à tête fracturée en titane, matériau 40 % plus léger que l'acier. Les pistons, eux, sont en aluminium forgé avec des axes à revêtement DLC (Diamond like Carbon) pour réduire les frottements. Autre nouveauté pour cette Yamaha, le choix d'un entrainement des soupapes par basculeurs. Plus lourd qu'un entrainement direct par les cames, ce système permet en contrepartie d'adopter des arbres au profil de cames plus petits (réduction de l'inertie) tout en démultipliant l'effort de ces derniers (moins de frottements) avec à la clef une plus grande efficacité à hauts régimes. Et ce n’est pas fini... La boite à air voit son volume augmenter de 23 % et cube désormais 10,5 L. A l'intérieur, on y trouve un nouveau système à clapet. Fermé sous 7500 tr/min, il exploite la totalité du volume pour améliorer le remplissage. Au-delà, le clapet s'ouvre pour un passage plus direct vers les conduits d'admission. En parallèle, l'injection secondaire de carburant -logée au-dessus des papillons et fonctionnant uniquement à hauts régimes- voit son angle refermé par apports au conduit d'admission, toujours pour améliorer le rendement.

Calage crossplane pour les Yamaha YZF R1 et R1M

A l'autre bout, l'échappement a aussi été modifié. De type 4 en 2 en 1, le collecteur en titane débouche sur une chambre de décompression (5,2 litres) avant que les gaz n'entrent dans un silencieux intermédiaire via une nouvelle soupape d'échappement. À faible ou moyen régime, les gaz s’infiltrent par un seul des deux passages dans la chambre et à régimes supérieurs, une soupape contrôlée par servomoteur située entre la chambre et le silencieux s'ouvre pour permettre aux gaz haute pression de circuler librement via les deux ouvertures. Au final, la puissance et le couple augmentent de manière drastique avec 200 chevaux obtenus à 13 500 tr/min et 11,5 mkg à 11 500 tr/min. Malgré cette hausse de la cavalerie, le nouvel embrayage renforcé a gagné en poids (-19 %) et en compacité (-7% en diamètre).

Partie-cycle

Pour abaisser le poids à 199 kg tous pleins faits, Yamaha a mis les petits plats dans les grands avec un emploi exhaustif de l'aluminium et du magnésium. Le premier matériau est utilisé sur le cadre, le bras oscillant et le réservoir (17 litres, - 1,6 kg), tous des éléments inédits. Quant au second, on le retrouve dans la boucle arrière, la plupart des carters (couvre-culasse, embrayage, démarreur, bas moteur) et les jantes monobloc. Le gain en poids est chiffré à 530 g pour la roue avant et 340 g pour la roue arrière avec des réductions du moment d'inertie respectifs de 4 et 11 %, dixit le dossier de presse.

Dans la vraie vie, cela se traduit par un travail plus fin des suspensions et surtout une plus grande vivacité dans toutes les phases de pilotage. Puisqu'on parle de suspensions, notez que la fourche de 43 mm de diamètre et l'amortisseur monté sur biellette sont fournis par KYB (anciennement Kayaba) et sont réglables dans tous les sens. L'élément arrière intègre même un ajustement séparé haute et basse vitesse pour la compression. La monte pneumatique d'origine est fournie par Bridgestone, ici des Battlax RS10 placés à cheval dans la gamme du manufacturier japonais entre les RS 10R dédiés à une utilisation quasi exclusivement piste et les S20 Evo, modèles les plus sportifs de la gamme Sport routière.

Amortisseur Ohlins des Yamaha YZF R1 et R1M

L'électronique

Si la version 2009 de la R1 était plutôt chiche en électronique, le millésime 2015 nous fait la totale côté puces. Donc, prenez une aspirine, ça va être long...

Comme la plupart des Top Gun de la catégorie, Yamaha a fait appel à Bosch pour l'électronique, qui fournit son incontournable centrale à capteur inertiel IMU (Unité de Mesure Inertielle). A l'instar des centrales électroniques de la catégorie Open en MotoGP, les paramétrages internes sont “fait maison” chez chaque constructeur selon leur propre cahier des charges et leur savoir-faire. Cet IMU à 6 axes se compose de trois capteurs gyroscopiques qui mesurent tangage, roulis et lacet de la machine. Trois autres capteurs G informent sur les mouvement avant/arrière, gauche/droite et haut/bas. Grâce à l'analyse constante de ces données 125 fois par seconde, l'IMU peut établir la position exacte et le comportement de la machine : angle d'inclinaison, vitesse de glisse et niveau de tangage. Les données transmises via un système CAN (Controller Area Network) à l'ECU permettent des calculs en temps réel pour un ajustement instantané des différents systèmes de commande électronique.

Commençons par l'ABS. Il est du type intégral ce qui signifie que l'électronique actionne et gère la pression à l'arrière lorsqu’on utilise que l'avant. Conçu pour offrir une répartition optimale dans toutes les phases de freinage, il est couplé à l'IMU et fait donc varier la pression en fonction de l'angle pris par la machine. On notera que le frein arrière est indépendant, n'entrainant pas l'activation du freinage avant.

TCS (Traction Control System/contrôle de traction). IMU oblige, il tient compte de l'angle d'inclinaison de la machine. Pour gérer le dosage de la puissance, la centrale électronique agit indépendamment sur trois paramètres, les papillons d'admission, l'allumage et l'injection. Le TCS est réglable de 1 à 9 et peut également être déconnecté.

SCS (Slide Control System/contrôle de la glisse). Utilisé pour la première sur la M1 de Grand Prix en 2012, le SCS, exclusif à la R1, est interconnecté avec le TCS. Destiné à limiter les pertes d'adhérence brutale ou un différentiel de rotation excessif entre roue avant et roue arrière, il est censé autoriser une glisse modérée à l'accélération. Réglable sur 3 niveaux, il est également déconnectable.

LIF (Contrôle actif du wheeling). Ajustable sur 3 niveaux ou déconnectable, le LIF n'a pas vocation à limiter les wheeling au-delà d'un certain angle, mais plutôt ralentir ralentir la vitesse (ou la brutalité) du cabrage afin de rendre ce dernier plus contrôlable.

QSS (Quick Shift System). Le Quick Shift (2 réglages + off) coupe automatiquement l'allumage afin de passer un rapport “à la volée” sans actionner l'embrayage. Réglable sur deux niveaux, son action est ajustée électroniquement en fonction du régime moteur, du rapport engagé, de l'ouverture de l'accélérateur et de la vitesse de la roue arrière. Notez que contrairement à la Ducati Panigale 1299 ou la dernière BMW S 1000 RR, le Quick Shift de la R1 ne fonctionne que lorsqu'on monte les rapports.

LCS (Launch Control System). Pour des démarrages façon boulet de canon, le système LCS (2 réglages + off) limite à moins de 10 000 tr/min le régime moteur, même accélérateur ouvert à fond. Le LCS est couplé au TCS et au LIF pour déterminer la puissance optimale en phase d’accélération sur une ligne de départ (ou un feu rouge), permettant au pilote de se concentrer pleinement sur les premières secondes cruciales de la course ou la présence des forces de l'ordre.

PWR (Power Mode/cartographies moteur). Quatre cartographies différentes peuvent être sélectionnées. Les trois premières fournissent la même puissance nominale et n'influent que sur la linéarité de l'ouverture des gaz. Le réglage 4 se rapproche d'un mode pluie. A vue de nez ( et sous réserve que le graphique fourni par Yamaha soit à l'échelle), la puissance est réduite aux alentours de 140 chevaux.

Le freinage

Le frein avant fait appel à deux disques de 320 mm, associés à de nouveaux étriers monoblocs 4 pistons, des durites en acier inoxydable (enfin !!!) et un nouveau levier de frein couplé à un maitre cylindre lui aussi radial. Le système de freinage arrière utilise un disque de diamètre 220 mm à étrier simple piston.

Etriers et freins des Yamaha YZF R1 et R1M

Tableau de bord

De type TFT (LCD à transistors en couches minces) le tableau de bord peut afficher deux interfaces différentes : route ou piste. En mode « Route », le compte-tour à barres utilise différentes couleurs en fonction du régime moteur et affiche vitesse instantanée, compteur kilométrique, totaliseur journalier, vitesse engagée, température ambiante et température moteur, consommation de carburant en temps réel, moyenne et quantité de carburant consommée. Les icônes situées en haut et en bas de l'écran informent sur l'activation des systèmes TCS et SCS et le mode de puissance sélectionné. Sur le côté droit, des graduations matérialisent la pression appliquée au levier de frein et l'écrasement des suspensions avant et arrière. Ah ! Il y a aussi une horloge pour ne pas arriver en retard au boulot.

En mode « Piste », l'écran affiche nombre de tours, temps au tour et la fonction chronomètre. L'affichage du compte-tours à barres commence à 8 000 tr/min et s’étend jusqu'à la zone rouge. L'indicateur de rapport engagé s'affiche sur la droite du tableau. Pour les pilotes amateurs ou professionnels, chaque écran possède une fonction mémorielle qui autorise une analyse tour par tour.

Quatre modes (A, B, C et D) allant du plus au moins agressif proposent divers réglages par défaut des assistances de pilotage (PWR, TCS, SCS, LCS, QSS, LIF...). On peut naviguer entre les modes en roulant via le commodo sur le demi-guidon gauche ou ajuster individuellement le niveau de chaque assistance via la molette poussoir du commodo de droite.

Compteur digital Yamaha YZF R1 et R1M

La R1 M

Pour reconnaître la R1 M au premier coup d'oeil, il suffit de regarder le bras oscillant et le réservoir, en aluminium, tous deux dépourvu de peinture, ou en bas du carénage laissant apparaître le carbone dont il est intégralement fait... D'ailleurs tout le reste des éléments de carrosserie est aussi en carbone.

Carénage Yamaha YZF R1M

Cette édition spéciale se distingue également par ses suspensions électroniques ERS (Electronic Racing Suspension) estampillées Ohlins. Là, il est temps de reprendre une autre aspirine. Couplées à l'IMU, les suspensions ERS ajustent l'hydraulique de détente et compression en “direct live”. A titre d'exemple, sur un tour de la piste d'Eastern Creek, l'ERS opère pas moins de 40 changements majeurs des réglages d'hydraulique. Les bénéfices annoncés sont multiples : meilleure stabilité en courbe, feedback et efficacité améliorés lors des phases de freinages et d'accélération... L’ERS est réglable en mode « Automatique » ou « Manuel», chacun se décomposant en trois sous-modes. Vous suivez ? Lorsque le mode « Automatique » est sélectionné, deux sous-modes (A1 et A2, tous intégrant des réglages prédéfinis spécifiques) laissent toute latitude au pilote de peaufiner ses réglages en fonction des spécificités d'un circuit sur une latitude de plus ou moins 5 ”clics” virtuels. Le mode manuel permet quant à lui de figer les réglages d'hydraulique (ajustables sur pas moins de 32 “clics”), l'ERS se comportant alors comme des suspensions traditionnelles. Pour offrir des caractéristiques d'amortissement stables et un ajustement plus efficace, la fourche avant utilise des fonctions d'amortissement séparé : la compression est gérée via le tube de fourche gauche et la détente via le tube de droite.

La dernière bricole électronique qui fera de vous un véritable pilote d'usine est le Communication Control Unit (CCU). Également disponible en option sur la R1 standard, le CCU vous permet de communiquer directement par Wi-Fi avec une tablette ou un smartphone via une application spécifique et télécharger les réglages des différentes aides électroniques. Le système est complété par un capteur GPS qui enregistre également toutes les données de course, dont les temps au tour, la vitesse, l’ouverture des gaz, le suivi GPS, l'angle d'inclinaison, etc. Les données peuvent être affichées, comparées. Le pilote peut alors analyser ses performances et modifier les cas échéants les ajustements sans passer par l'interface du tableau de bord. Bref, un outil remarquable à condition d'avoir la finesse nécessaire et un solide bagage technique pour l'exploiter à sa juste valeur...

Guidon Yamaha YZF R1 et R1M

Enfin, signalons que la R1 M pèse un kilo de plus malgré la profusion de carbone et que la monté d'origine à l'arrière est un 200/55 plutôt que le 190/55 de la version standard.

En selle

Enjamber la R1 pour un petit gabarit demande un minimum de souplesse pour passer la jambe par-dessus la boucle arrière. Une fois en place, on a les fesses juchées à 855 mm de haut et les pieds à la mobilité limitée par des bottes de piste touchent à peine le sol. La position de conduite, très “compacte”, est proche de celle d'une Aprilia RSV4 avec un guidon bas, très cintré et près du corps et des jambes repoussées en arrière et repliées. Hormis une cale de selle trop reculée pour y poser le fondement de mon mètre soixante-dix, on frise la perfection pour une utilisation sur piste.

Le réservoir est échancré juste comme il faut et la selle plate -étroite à sa base et évasée à l'arrière- ne vient jamais entraver les mouvements du pilote. A contrario, mes collègues au gabarit plus conséquent (à partir de 1,78 m) étaient nettement plus à l'étroit avec les bras venant buter sur leurs coudes en position de recherche de vitesse dans la ligne droite de la piste d'Eastern Creek...

Coque de selle Yamaha YZF R1

Tous les leviers sont réglables et la consistance de l'embrayage et ferme juste comme il faut. Petit détail racing, la tringlerie du sélecteur de la boite de vitesse a été conçue pour pouvoir inverser la sélection des rapports sans modification majeure. Il suffit de tarauder le deuxième trou présent sur le sélecteur pour y visser la biellette intégrant le capteur du Quick Shift et le tour est joué ! Avant de prendre la piste, nous sommes invités à personnaliser notre électronique. A l'usage, la modification des paramètres électroniques, qu'ils soient simples (commodo gauche) ou avancés (commodo droit) est un jeu d'enfant. La lisibilité du tableau de bord en revanche, n'est pas des plus évidentes à appréhender, particulièrement en mode Road, compte tenu de la foule d'informations affichées en même temps.

Vue de dessus de la coque de selle de la Yamaha YZF R1M

Un coup sur le démarreur et le Crossplane à la sonorité rauque caractéristique vous saute immédiatement aux tympans. C'est parti pour un essai en trois sessions de la Yamaha au guidon de la R1 standard, chaussée ici spécialement de Battleaxe RS 10 R...

En piste

Le tracé d'Eastern Creek est particulièrement complet avec beaucoup de dénivelés et des enchainements alternant virages serrés et courbes moyennes. Côté grande courbe en revanche, on a à se mettre sous la dent qu'un long gauche que les plus téméraires peuvent attaquer à fond de cinq (environ 230 km/h) le genou par terre... Les premiers tours de roue mettent en avant l'agilité redoutable de cette R1 2015.

Yamaha YZF R1 de face

La baisse de poids est sensible tout comme le travail sur la centralisation des masses. Les 1 405 mm d'empattement (c'est très court) aident aussi... Que ce soit sur les freins ou sur l'élan, les entrées en virages réclament très peu d'effort lors de la mise sur l'angle. On se croirait presque sur une 600 Supersport... Paradoxalement, cette grande vivacité ne fait pas de la R1 une machine nerveuse. L'excellent travail de la fourche combiné au grip des Bridgestone donne l'impression que le train avant est constamment rivé au sol et au fil des tours, on se prend à rentrer de plus en plus vite en courbe avec une confiance totale. Mieux, même en cas d'approximation, la R1 autorise facilement la moindre correction de trajectoire, même dans les phases de freinage appuyé et ce sans jamais se raidir. Simplement bluffant ! Facile, la R1 l'est également en sortie de virage. La qualité du travail de la suspension arrière est légèrement en retrait de l'avant sur les bosses, mais la connexion du ride by wire entre l'accélérateur en le pneu arrière et ce qui se fait de mieux dans le genre. On “sent” le pneu se mettre en contrainte et le dosage très fin de l'arrivée de la puissance dans les régimes intermédiaires participe lui aussi à la confiance qu'inspire la partie cycle en toutes circonstances.

Yamaha YZF R1 sur nationale

En haussant le rythme lors de la deuxième session, c'est la qualité de ses aides à la conduite que la R1 met alors en avant. Le travail combiné du TCS et du SCS est quasiment imperceptible, ne signalant son entrée en action que par une lumière au tableau de bord. Enhardi par le gilet de sauvetage de la fée électronique, le pratiquant occasionnel d'hypersportive en full power que je suis se sent pousser des ailes. Il faut alors composer avec la santé débordante du Crossplane qui a de l'énergie à revendre. Moins souple qu'un 4 cylindre traditionnel, il ne sent à l'aise qu'à partir de 3000 tours. En contrepartie, le couple débordant dès 5000 tours permet d'enrouler les passages techniques du circuit un rapport au-dessus sans jamais manquer de puissance. Certes, les sensations sont peut-être plus policées que sur la précédente génération de R1, mais en contrepartie, la cure de vitamines qu'a subi le moteur rend son caractère nettement plus explosif entre 8000 et 12 500 tr/min. Au point que l'ouverture trop brutale de l'accélérateur se traduit immédiatement par une amorce de wheeling jusque sur le 5ème rapport... La poussée n'a pourtant rien du côté bestial et sensationnel d'une Panigale 1299. La sensation ici fait plus penser à une poigne de fer dans un gant de velours, mais rassurez-vous, les 200 chevaux sont bien là... On s'en rend d'ailleurs bien compte lorsqu'on jette un rapide coup d'oeil au compteur de vitesse, juste avant de sauter sur les freins. C'est d'ailleurs sur ce seul et unique poste que la Yamaha prête le flanc à la critique. Si la puissance est bien là, l'attaque pourrait être plus franche et le dosage manque parfois de finesse et de précision, surtout si on la compare à la Ducati Panigale 1299 qui fait référence sur le sujet.

Yamaha YZF R1 sur départementale

Après, juger de l'efficacité globale d'une machine sans avoir ses concurrentes à portée de main est un exercice aussi hasardeux que hautement subjectif. Mais la Yamaha R1 possède une qualité qu'aucune autre hypersportive ne peut revendiquer aujourd'hui, celle d'être capable de se plier avec bienveillance à tous les types de pilotage. Habituellement, pour rouler vite avec une machine de 200 chevaux, on doit obligatoirement casser ses virages et réduire les phases de pilotage sur l'angle à la portion congrue afin d'exploiter au maximum la cavalerie débordante mise à notre disposition. Pas ici... La qualité exceptionnelle des aides à la conduite développé par Yamaha, combinée à la facilité de la partie cycle et à la légèreté globale fait qu'on peut piloter la R1 comme une vulgaire 600 Supersport, la puissance en plus, en privilégiant la vitesse de passage en courbe.

Yamaha YZF R1M sur autoroute

R1 M

Nous avons testé la R1 M avec des slicks Battlax V02. Le pneu plus large et un profil optimisé pour offrir un maximum de grip sur l'angle rendent la R1 M un peu moins vive en entrée de virage et dans les changements d'angle. En contrepartie, l'adhérence en sortie de virage permet des relances météoriques sans déclencher la moindre assistance... La R1 M se mettre également beaucoup plus confortable sur les bosses et aux passages de raccords de bitume malgré le choix du réglage automatique A1 le plus radical. Le temps a manqué pour tester plusieurs réglages de la suspension électronique Ohlins n'a pas cette propension à varier brusquement de consistance d'une phase de pilotage à l'autre par exemple sur une BMW HP4. Bref, le gain en efficacité le l'ERS est bien là, mais le quantifier précisément aurait demandé plusieurs séances supplémentaires, surtout lorsque l'adjonction de slicks vient parasiter l'équation...

Yamaha YZF R1M en virolo

Conclusion

Yamaha a réussi son retour sur le segment des hypersportives de la plus belle manière : ultra-performante, saine et d'une facilité de conduite déconcertante grâce notamment à ses aides à la conduite bluffantes d'efficacité, cette nouvelle Yamaha R1 va faire mal à la concurrence. Reste à voir comment ce millésime 2015 radicalisé se sortira de l'épreuve de la route. Disponible en concessions à partir du mois de mars, la R1 standard s'échange contre 18 499 €, un tarif compétitif compte de son contenu technologique qui la place entre une BMW S 1000 RR (17 450 €) et une Ducati Panigale 1299 (20 990 €). Quant à la version M haut de gamme, encore plus désirable, son tarif est de 22 499 €, mais la petite centaine d'exemplaires dévolue au marché français a déjà entièrement été écoulée. Il faudra donc attendre l'année prochaine pour mettre la main dessus. Ceux qui ont déjà signé leur bon de commande auront droit à un traitement VIP de la part de Yamaha à base de sorties pistes (1 journée et demie de roulage) sur 4 circuits prestigieux encadrées par des instructeurs professionnels, des techniciens Yamaha pour les aider à régler leur machine aux petits oignons, le tout en présence de pilotes officiels de la marque.

Points forts

  • ergonomie parfaite pour les petits gabarits...
  • performances et caractère du Crossplane
  • efficacité de la partie-cycle
  • qualités des aides électroniques
  • facilité de conduite déconcertante

Points faibles

  • ...beaucoup moins pour les grands !
  • freinage perfectible
  • lisibilité du tableau de bord (mode Road)

Les fiches techniques des Yamaha YZF R1 et R1M