Essai Kawasaki Z900
4 cylindres en ligne, 948 cm3, 125 chevaux, 10 m/kg de couple, 210 kilos, 8999 €
Le nouveau roadster mid-size de Kawasaki revient plus armé que jamais pour perpétuer la saga
Vous savez ce que ça veut dire, ça : "金の卵を産むガチョウ" en japonais ? Si l'on en croit le service de traduction d'un moteur de recherche bien connu, ça pourrait donner "la poule aux oeufs d'or". Car comment qualifier autrement l'insolente réussite commerciale des Z750 et Z800, apparues sur nos marchés depuis la toute fin de 2003 : plus de 200.000 exemplaires vendus, dont un tiers pour la France, qui s'est découvert une véritable Z-mania dont l'intensité est restée constante du début jusqu'à la fin. Autant dire que pour Kawasaki, il ne fallait pas se planter pour leur donner une succession. A l'issue de cet essai, on peut dire que la marque a visé juste, sans toutefois dévier des fondamentaux de la famille Z.
Toujours est-il que la cylindrée augmente et plus que l'on pourrait l'imaginer, puisque la Z900 est en fait une 948 cm3, alors que la première Z1000 de 2003 cubait 953 cm3. Cela donne à réfléchir sur le sens de l'évolution et sur le rôle de cette Z900, les Z mid-size précédentes ayant souvent eu le rôle de "première vraie moto" dans la carrière d'un motard. Or, là, la puissance passe à 125 chevaux (elle n'est donc pas bridable et éligible au permis A2, comme l'était la Z800e) et avec 125 chevaux et 10 m/kg de couple, elle offre des performances de premier plan.
De quoi, d'ailleurs, donner des sueurs froides à la Z1000 actuelle, qui possède désormais bien peu (c'est à dire, une vingtaine de chevaux, 105 cm3 et un double échappement) pour se différencier. Si j'étais une Z1000, c'est bien simple : je ferais des cauchemars la nuit et je me réveillerais tout froid en sueur et en claquant des dents. Mais ça tombe bien : je ne suis pas une Z1000 mais un modeste essayeur de motos, alors parlons de cette Z900, voulez-vous.
Découverte
Sugomi : retenez ce mot, il symbolise le trait de crayon à la fois agressif et acéré qui caractérise les Z depuis 2003. Agressif car sa forme générale, si l'on en croit des sketches de Kawasaki, évoque le loup qui bondit. Acéré, car en prenant un peu de recul, on devrait voir un oiseau de proie. Si, si, faites un effort. Il n'empêche que le trait de crayon s'intensifie vers l'avant, ce qui accentue le dynamisme des formes. L'esprit de famille est préservé et la communauté des fans de Z étant fort nombreuse, celle-ci saura apprécier ce nouveau dessin à sa juste valeur. L'air de famille, en tous cas, est toujours présent.
Ce qui saute aussi aux yeux, c'est le nouveau cadre, encore plus dans cette livrée qui le fait apparaître en vert, alors qu'il est gris sur les deux autres coloris disponibles au nuancier. Plus léger qu'auparavant, il contribue au dynamisme affiché de cette moto. Dommage que des caches en plastique gris, dans sa partie inférieure, viennent masquer des soudures. Ce cache n'est pas très gracieux.
Pour le reste, la Z900 est encore plus valorisante que ses devancières. La solide fourche inversée, les freins à disque pétale, le dosseret de selle effilé qui dégage bien la roue arrière : tout ceci est conforme à ce que recherchent les jeunes motards en quête de street crédibilité ! La peinture métallisée est profonde et la qualité d'assemblage est bonne. Cependant, les colliers et attaches des durits d'eau autour du radiateur dénotent un peu avec l'ensemble.
En selle
La selle est d'une hauteur raisonnable : 795 mm, c'est déjà plus démocratique que la Z800 qui était à 834 mm. Et comme le réservoir a été affiné dans sa partie arrière, l'ergonomie est faite pour convenir au plus grand nombre. Le fait est que l'on se trouve bien au guidon de ce roadster et lors de cette présentation presse, aucun essayeur, quelque soit son poids et son gabarit, n'a exprimé de réserves sur ce point.
Les deux leviers sont réglables par des molettes sur 5 positions : voilà un autre bon point. Ce qui est également réglable, c'est le mode d'affichage du tableau de bord. La fenêtre digitale est surmontée d'une sorte de clé de voute, clin d'oeil amical aux plus grandes réalisations architecturales de l'humanité et dans la partie supérieure, des petits bâtonnets s'animent en même temps que le régime moteur. Soit beaucoup de bâtonnets, soit un seul, chacun jugera ce qu'il estime être lisible. Ou pas (c'est une constante, puisque l'ancien tableau de bord des Z800 offrait un compte-tours par baregraphe en position centrale et il était déjà peu lisible).
Il suffit alors de changer de mode en appuyant simultanément sur les deux boutons du tableau de bords, celui dédié à l'affichage du kilométrage total et partiel et l'autre, en charge de l'horloge, de l'autonomie, de la consommation moyenne et instantanée.
Tiens, parlons-en, de ce tableau de bord : il est étonnant parce qu'il possède dans sa partie supérieure des petites diodes bleues qui ne sont visibles que la nuit ou dans les tunnels. Ensuite, dans sa partie basse, un entourage de faux carbone permet de distinguer les différents témoins. Or, l'Encyclopédie du Bon Goût est formelle : l'usage du faux carbone est absolument proscrit (sauf, sur présentation d'un certificat médical, pour une Seat Ibiza Tuning). Pour le reste, que ce soit clair : le CarboPlast® c'est nul.
Ce qui n'est pas réglable, c'est le mode de cartographie moteur ni le niveau d'antipatinage. Certes, cela reste un roadster de moyenne cylindrée, mais vous aurez remarqué qu'on est en 2017 et que la concurrence (Yamaha MT-09 en tête), en a. La nouvelle Suzuki GSX-S 750 se dote d'un contrôle de traction, la (très) prochaine Triumph Street Triple 765 offre des modes de conduite même dans sa version d'accès S et même la BMW F 800 R se dote de ces fonctionnalités cette année. La raison pour laquelle la Z900 ne les a pas est simple : cette machine n'a pas d'accélérateur by-wire.
En ville
Avec un embrayage et une boîte de vitesse qui sont doux et facilement dosable et surtout, un 4 cylindres en ligne qui, telle une vraie bonne pâte, reprend à 30 km/h sur le dernier rapport (soit à peine au-dessus de 1500 tr/mn), les évolutions urbaines sont faciles. Le rayon de braquage m'a paru assez bon, entendu que la ville espagnole d'Almeria en hiver n'offre pas le même taux de congestion que le franchissement des boulevards des Maréchaux sous le règne Hidalgo-Najdovski, les Gérards de l'immobilité. Néanmoins, la Z semble être parfaitement à l'aise en ville. Que demander de plus ? Un moteur qui répond présent dès les plus bas régimes et qui est facilement dosable grâce à une poignée de gaz douce et réactive ? C'est le cas et c'est une épine dans le pied de la MT-09. Des freins dosables et progressifs ? C'est le cas aussi. Elle est bien urbaine, cette Z900.
Sur autoroute et grandes routes
On ne vas pas reprocher à un roadster son manque de protection, mais la position de conduite légèrement inclinée vers l'avant permet malgré tout de tailler des grandes lignes droites sans trop souffrir. En sixième, le gros 4 cylindres tourne à un peu plus de 3500 tr/mn sur à 90 km/h et à un peu plus de 5500 tr/mn à 130. Désolé de ne pas être plus précis, mais le compte-tours est décidément peu lisible avec précision. Ces régimes restent relativement contenus, car Kawasaki a retravaillé l'étagement de la boiter, avec les cinq premiers rapports resserrés pour donner plus de plaisir lors des accélérations sur petite route et une sixième type "overdrive", pour les long trajets. Parler d'overdrive est un brin exagéré : on ne perd pas 2000 tr/mn non plus entre la 5 et la 6, comme dans le temps sur les BMW R 1150 GS, mais c'est vrai que la démultiplication convient en toutes circonstances et que la souplesse et le 10 m/kg du 4 cylindres s'occupent du reste.
Les moteurs des différentes Z ont toujours eu la mauvaise réputation de vibrer, malgré toutes les évolutions d'une génération à l'autre et qui prétendaient régler le problème. On peut dire que c'est le cas sur la Z900, tout juste ressent-on quelques menus frémissements à mi-régime en vitesse stabilisée, à la fois dans le réservoir et un peu dans les repose-pieds. Mais parler de vibrations est désormais exagéré.
Le 4 cylindres développe 125 chevaux. Et pas que sur le papier : pour de vrai aussi ! Dans la seconde partie du compte-tours, de 6000 à 11000 tr/mn, la Z900 séduit par sa faible inertie mécanique, sa capacité à grimper vite et aussi sa puissance et son allonge. C'est bien simple : on peut se faire surprendre par le rupteur, signe que le 4 pattes envoie la purée jusqu'au bout. Sur une portion allemande de notre itinéraire et dans le strict cadre de l'expression d'une conscience professionnelle, on peut dire que la Z900 prend 210 en cinquième et 242 km/h compteur en sixième, soit pas très loin des 253 km/h pris par un journaliste thaïlandais (éventuellement de plus petit gabarit et sans le vent de face qui vient de la Méditerranée en hiver). Morale de l'histoire : elle envoie bien, cette Z900.
Sur départementales
Moteur qui envoie : check. Nouveau châssis : hâte de voir ce que cela donne. Et il ne suffit que de quelques virages pour comprendre que la Z900 a gagné en agilité par rapport à ses devancières. Le nouveau châssis et la réduction de poids sont passés par là et le train avant de la Z900 est plus intuitif et plus naturel. Sur des belles courbes sur bonne route, le gain est déjà là.
Il est encore plus remarquable sur des routes plus sinueuses et défoncées : car désormais, les suspensions font leur boulot correctement, avec une progressivité remarquable. Terminé les suspensions bas de gamme et les coups de raquette des modèles précédents, qui, associés à un poids plus élevé, vous faisaient élargir la trajectoire à l'attaque sur départementales bosselée. Là, la Z900 est à la fois plus saine et nettement plus efficace. De quoi partir à l'attaque du réseau secondaire le couteau entre les dents ?
Hélas, non : il y a un bémol. Déjà jugés peu convaincants sur la Ninja 650, les Dunlop D214 sont de retour sur la Z en monte d'origine (apparemment avec un compound différent), mais avec 125 chevaux et 10 m/kg à gérer, le résultat est encore pire. Aucun feeling, zéro remontée d'information même sur un bon bitume et un arrière prompt à dégager sous l'effet du couple. La Z900 mérite vraiment mieux que ces enveloppes, car sur la route du retour vers Almeria, le rythme était bien enjoué, montrant que la machine est vraiment saine et amusante à bousculer, mais on en gardait toujours un peu sous la main.
A un rythme plus raisonnable, on apprécie toujours le 4 cylindres plein de bonne volonté et cette machine agile et naturelle à emmener. Elle se pliera donc aux balades tranquilles avec un égal bonheur.
Partie-cycle
C'est tout nouveau sur la Z900, donc. Le cadre treillis ne pèse que 13,5 kilos et il est lié à un nouvel amortisseur arrière situé en position horizontale et utilisant un basculeur (débattement : 140 mm). Il est secondé par une nouvelle fourche inversée de 41 mm de diamètre (débattement : 120 mm). Tous deux sont réglables en précharge et en détente et ce facilement sur la fourche, par des molettes situées en haut des tubes.
Freins
Nouveauté sur ce modèle : des plaquettes de frein incorporant de la résine et qui se distinguent par leur teinte légèrement bleutée. Pour le reste, on a affaire à des disques de 300 mm à l'avant pincés par des étriers 4 pistons (mais pas radiaux comme sur une MT-09 et désormais sur la nouvelle Suzuki GSX-S 750), ainsi qu'un disque de 250 mm à l'arrière. Néanmoins, la puissance du freinage n'a pas suscité de critiques lors de cet essai et pourtant, ça a enquillé un peu. L'ABS Bosch s'est déclenché 3 ou 4 fois à l'avant sur des gros freinages, mais sur des séquences très courtes n'imposant pas de modifier sa trajectoire ou de changer de stratégie (voire, de caleçon).
Confort et duo
Pas de poignée passager et une selle perchée en hauteur : le binôme d'une Z doit continuer à éprouver une certaine forme de fraternité pour le pilote. Néanmoins et c'est la une excellente nouvelle : la Z a nettement gagné en confort. La selle est nettement moins ferme que sur la 800, les suspensions sont au moins 4 fois meilleures, le moteur vibre moins, toutes les commandes sont douces et conviviales. Que du bon et finalement, du pas mal du tout pour un roadster.
Consommation / autonomie
Le réservoir fait 17 litres (notez le nouveau bouchon de réservoir, sans vis apparentes). Lors de cet essai, mené en utilisant un peu, beaucoup, passionnément, les ressources du 4 cylindres, la consommation de l'ordinateur de bord affichait 7,4 l/100. Il est évident qu'il est nettement possible de faire moins. Et dans notre beau pays radarisé et perrichonophile, tout d'ailleurs, vous y incite. Sauf à trouver des terrains de jeu éloignés de tout...
Conclusion
La Z900 ne renie aucun des fondamentaux de la série Z. Une ligne expressive, un gros moteur, un tarif correct. Tout est là pour que les fans puissent continuer à pratiquer sans états d'âme leur Z-ophilie (attention à ne pas confondre avec la zoophilie). Et le modèle 2017 évolue dans le bon sens, avec un moteur toujours aussi souple et serviable, mais tout de même plus puissant, vif et bien expressif dans la seconde partie du compte-tours. Secondé par une boîte de vitesse parfaite (franche au rétrogradage et acceptant les montées à la volée sans broncher), le bloc a tout pour satisfaire les fans de 4 pattes à la recherche d'une large palette d'expression. Le châssis est à la fois plus sain, plus joueur, mais surtout et c'est le signe de son vrai gain en qualité, à la fois plus rigoureux et plus confortable.
La Z900 ne pèche que par sa monte pneumatique d'origine, médiocre dans l'absolu, ainsi que par son manque d'assistances électroniques qui commencent à se généraliser, y compris sur ses concurrentes. Mais pas de quoi, probablement, doucher l'enthousiasme des fans qui vont encore la placer parmi les meilleures ventes de 2017. On prend les paris ?
Points forts
- Moteur agréable : souple, puissant, vif dans les tours, bien sonore comme il le faut
- Bonne boîte de vitesse
- Châssis sain
- Gain en confort évident
- Gain de poids et en agilité
- Look de Z qui plaira toujours aux fans
Points faibles
- Pneumatiques Dunlop D214 d'origine
- Quelques détails de finition (durits de radiateur, Carboplast du compteur)
- Pas d'assistances électroniques (rider mode, contrôle de traction...)
- Compte-tours peu lisible avec précision
Conditions d’essais
- Itinéraire: 200 kilomètres avec une forte proportion de routes de montagnes dans la région d'Almeria (Sud de l'Espagne)
- Kilométrage de la moto : 250 km
- Problème rencontré : aucun
La concurrence : BMW F 800 R, Ducati Monster 797, Suzuki GSX-S 750, Yamaha MT-09, Triumph 765 Street Triple,
Commentaires
De quoi changer la 1000 en 900 ?
24-01-2017 22:39J'ai l'impression de lire le test de ma z1000sx mais un peu moins bien niveau confort etc...
25-01-2017 11:51mais sinon je retrouve tout comme par exemple être surpris par le rupteur... Ouai ça m'arrive encore régulièrement en 1er, 2nd ou troisième... pourtant je commence à l'avoir bien en main cette moto!
Petit complément d'information. Kawasaki a entendu les critiques des journalistes à propos des Dunlop D214. Nous avons eu une seconde journée d'essai, avec les pressions rabaissées de 2,5/2,9 à 2,3/2,6, sur respectivement l'avant et l'arrière.
25-01-2017 22:21Bilan : plus de pertes d'adhérence de l'avant, mais toujours aucun feeling. A l'arrière, un vrai gain de grip sur bon revêtement. Par contre, l'arrière reste toujours très sensible à la qualité du revêtement et les performances du pneu varient sensiblement.
Avec des pressions abaissées, il y a donc un léger mieux, et on peut enquiller sérieusement (on a roulé beaucoup plus vite lors de ce second essai), mais on en garde encore un peu sous le coude dans les entrées en courbe.
Conclusion : le châssis sain de la Z900 mérite de meilleurs pneus.
Philippe