Essai Kawasaki Z800e SE
La première "grosse moto" destinée aux débutants, 806 cm3, 95 ch bridable à 47,5 ch
Des recettes simples pour une belle machine valorisante
Dans sa grande bonté, son souci permanent de contribuer à l'élévation spirituelle du Peuple et sa volonté indéfectible de favoriser l'accès à la Moto, notre splendide Gouvernement vient d'imposer le permis A2 pour tous (y compris quand on perd le sien). Joie et allégresse dans les chaumières ! Tu as 50 ans, jeune lecteur, tu as envie de te mettre à la moto après une vie dédiée aux sports mécaniques et des années à limer du circuit au volant d'une Porsche 911 GT3 ? Eh bien, quel que soit ton passif et tes expériences, tu auras le droit de faire de la moto pendant deux ans sur une machine de 47,5 chevaux, dont la base ne devra pas excéder le double de la puissance du bridage, ça t'apprendra à avoir des idées subversives. Et ça, ça concerne désormais tout le monde et non plus les jeunes à propos desquels l'idée d'un accès progressif à la puissance pouvait sembler raisonnable. Ne cherchez pas : c'est juste du sadisme.
D'où l'importance pour les constructeurs d'avoir le mouton à cinq pattes : une moto suffisamment attractive pour faire rêver le plus large panel possible et qui soit bridable facilement. C'est ainsi que chez Kawasaki, dans la dynastie Z, en dessous de la Z1000 et son rageur moteur 1043 cm3 de 138 chevaux et juste à côté de la Z800 et son roboratif 4 cylindres 806 cm3 faisant désormais 108 chevaux en version libre, se trouve la Z800e, bridée à 95 chevaux, voire possiblement à 47,5 ! Et la gamme vient de s'étendre à une Z900 de 125 chevaux, donc pas bridable.
Financièrement, la hiérarchie est respectée : à côté d'une Z800 proposée à 8899 € en version ABS, la Z800e s'affiche à 7999 € dans les mêmes conditions. Mais pour compliquer un peu les choses, Kawasaki propose un "pack Performance" à 900 € pour sa Z800e (constitué d'un ensemble avec protection de réservoir, capot de selle, petite bulle et silencieux Akrapovic), tandis qu'une version spéciale, la Z800e SE (notre modèle d'essai), est vendue à 8249 € et se distingue par son sabot moteur, sa protection de réservoir et son coloris spécifique. Le pot Akrapovic monté sur notre modèle d'essai reste une option. Kawasaki brouille donc les pistes à dessein puisque la différence entre une 800 et une "e" tient en l'absence de sabot moteur et un train avant plus simple.
Dans tous les cas, on reste de toute façon assez loin de la Z1000, affichée à 12499 €. Car l'essentiel est là : c'est une Z !
Outre le fait que la "Z" a marqué l'imaginaire des vieux motards tout autant que l'Histoire de la moto (la Z900 de 1972 fut la première grosse cylindrée japonaise après la Honda CB 750 et elle offrait des performances autrement plus juteuses), on notera également que la Z new gen méritera plus tard tout autant sa place dans les musées (la Série Z a fait son come-back avec la 1000 en 2003 et la 750 en 2004. La 800, elle, fait partie des évolutions logiques de la série et est apparue en 2013). Car avec elles, Kawasaki peut se satisfaire de trois choses : avoir réalisé de solides cartons commerciaux pendant de nombreuses années (la Z 750, souvenons-nous, a été la meilleure vente en France pendant X années consécutives et faire rentrer les brouzoufs par containers entiers dans les caisses est souvent vue comme une perspective réjouissante), avoir nourri les fantasmes de la motardie (de nombreux motards débutants kiffent la Z - à titre d'exemple, Antoine, le fils d'Olive, le type qui nous a prêté sa belle Honda CX 500 Turbo, veut se mettre à la moto et alors qu'il n'y connait rien, ne jure déjà que par la Z1000, au grand désespoir de son père). Et accessoirement, cette belle saga des Z a permis à Kawasaki de ne pas dévaluer son image en proposant un produit qui colle bien à son ADN : looké, performant et, en plus, pas mal placé côté tarif.
Car la Z, c'est un peu le Monsieur Plus de Bahlsen. Souvenez-vous, ce type qui rajoutait des cacahuètes dans le sachet, par pur altruisme. La Z, son succès, elle l'a construit en donnant aux acheteurs le sentiment de pouvoir se payer une 750 pour le prix d'une 600. C'est un peu moins vrai maintenant (et les 600 4 cylindres sont un peu en perdition), mais le succès de la Z tient aussi au fait d'être associée à une image de good deal.
Découverte
A quoi reconnaît-on une Z ? D'abord, à ses lignes tendues, presque futuristes, donnant l'impression que la moto sort tout droit d'un manga. Kawasaki a effectivement beaucoup travaillé sur l'impact visuel de sa machine, quitte à faire oublier que les solutions techniques sont très conventionnelles. Dans la série "balance tes amis", "Nous ne sommes pas du genre à dessiner des caches en plastique et à alourdir la moto pour faire croire que du bon vieux métal, c'est de l'alu", disait jadis à propos de la Z, Gérald Kiska, autrichien acerbe et designer de KTM acérées.
Car la base mécanique remonte aux blocs de feu les ZX-9R (soit au milieu des années 90), plus ou moins sous ou réalésés pour en faire des blocs de 750 à 1043 cm3. Idem pour les châssis : à part la dernière génération de Z1000, sérieusement remise à jour et poussée par une concurrence qui ne baissait pas les bras, les Z 750 et 800 ont vécu sur leurs acquis, avec une bonne vieille poutre tubulaire en acier ainsi que des suspensions et freins plutôt basiques (mis à part la Z 750 R, qui tenta, un peu vainement, de faire mieux, avec ses freins radiaux et son amortisseur de Z1000).
Mais cela importe peu. Car l'essentiel est que tout cela soit bien emballé et ça l'est, car la Z800e SE est une machine plutôt valorisante. D'autant qu'une Z 750 / 800 arrive en général assez tôt dans le parcours d'un motard et que celui-ci n'en est pas encore à ce stade critique sur la finesse du châssis. Il est plus sensible au look de la moto et aux promesses délivrées par ce gros 4 cylindres. Et il a raison.
En selle
834 mm. C'est assez démocratique et la Z800e devrait pouvoir convenir à un large éventail de gabarits, avec une ergonomie qui se situe dans la bonne moyenne pour ce genre de machines. On fera attention à la béquille centrale, dont l'ergot va se cacher derrière le repose-pieds. Ensuite, tout tombe bien en mains, avec des commodos somme toute très classiques (mais avec commande de warnings à gauche). Devant nous : un large tableau de bord digital avec le compte-tours, façon baregraphe, qui occupe la place centrale. On va vite constater qu'il est assez peu lisible.
Le 4 cylindres prend vie d'un coup de démarreur : le silencieux d'échappement optionnel Akrapovic émet une sonorité rauque très agréable, sans jamais devenir trop pesant ni pour les oreilles ni pour le voisinage. Dès le démarrage, le 4 cylindres distille de généreuses vibrations dans la selle et le réservoir. Cela n'a rien de vraiment gênant, considérons que cela fait un petit massage des gonades gratuit.
En ville
Qu'est ce qui compte vraiment, en ville ? Le poids, la souplesse du moteur, l'agilité du train avant, des freins dosables, des commandes douces et réactives ? Bonne nouvelle, alors, la Z800e est plutôt à l'aise en ville ! Certes, la sélection des vitesses, pour être franche, n'arrive pas à se départir d'un feeling un peu "cartilagineux" au toucher. Mais après, la souplesse du quatre cylindres est juste remarquable, tout comme la linéarité de la réponse à la poignée. Les 229 kilos ne se sentent pas trop, effacés par le bel équilibre de la machine. On craint que les rétroviseurs effilés et pointus ne tapent contre ceux des automobiles : mais avec 800 mm de large, la Z800e SE se joue de l'interfile avec aisance. Autre bon point : un freinage doux au mordant et progressif au dosage.
Sur autoroute et grandes routes
Même sans développer tout son potentiel, le 4 cylindres a de la ressource. A 130 km/h, il ne tourne en fait qu'à mi-régime. Soit à environ 6000 tr/mn, mais c'est difficile à dire avec précision car le compte-tours est proprement illisible. S'agissant d'un roadster, n'ergotons pas sur l'absence de protection. La position de conduite permet toutefois de courber l'échine sans forcer, afin de gagner un peu en fluidité face aux éléments. Ainsi, la Z, quoique bridée et bridable, trace sa route sans broncher. Rien à dire sur la stabilité de la machine.
Ne pas se fier à son statut de "moto d'accès" : 95 chevaux, c'est déjà plus qu'un grand nombre de motos du marché et dans la Z800e SE, ils sont tous là. Certes, ils sont bien élevés : on a déjà loué la progressivité et la linéarité de la réponse à l'accélérateur (un atout pour les débutants en milieu urbain) ; eh bien, cette qualité se poursuit sur la route. Jamais dans sa plage de régime le bloc de 806 cm3 ne surprend par sa brutalité, tout juste ressent-on un léger accès de vivacité dans la prise de régime entre 8 et 10.000 tr/mn. Les accélérations sont donc progressives et dosables, mais l'excès de vitesse n'en est pas moins vite arrivé. Ensuite, tout en haut du compte-tours, on sent que le 4 cylindres peut en donner plus dans d'autres circonstances et on aura plus intérêt à rester dans la plage de puissance utile qu'à aller chercher les derniers tr/mn. Sauf à vouloir profiter des vocalises de l'Akrapovic.
Sur départementales
Si l'on considère qu'un roadster est plus adapté à flâner le nez au vent, alors le réseau secondaire vous tend les bras. La Z800e SE continue de faire valoir ses qualités : un moteur souple et fourni, au service d'une partie-cycle saine et neutre. Bref : les débutants devraient rapidement se sentir à leur aise et faire leur apprentissage, enquiller des bornes, devenir des vrais motards et construire leur relation avec la Z ! Et en faisant ça, les mecs (et les filles), on se construit des souvenirs pour la vie !
Et les autres, les pas débutants ? Eh bien le constat est le même, à condition de ne pas être hyper exigeant sur les qualités dynamiques. Entendons-nous bien : quand on voit sur quoi je limais la campagne ardennaise au tournant des années 90, à côté, la Z800e SE est une pure balle de guerre. Sauf qu'entre temps, le niveau moyen a évolué aussi. Ce bémol ne concerne bien évidemment pas la sécurité, mais la grâce. A son guidon, un jeune permis la trouvera rapide, puissante, stable et hyper bonne freineuse. Il pensera que l'étape du dessus, c'est juste le MotoGP. Et moi, la Yamaha XJ 400 de mes premiers émois en gros cubes, elle accélérait tellement plus que ma Peugeot 103 SP que j'en avais le souffle coupé ! Que de souvenirs !
Tout est donc question de référentiel. Dans l'absolu, la Z800e SE fait carrément le job. Dans le détail, avec un amortisseur bas de gamme qui peut balancer de sales coups de raquette en appui sur l'angle malgré son débattement pourtant correct de 137 mm et avec un freinage moyen, elle le fait sans grâce. Et dans tous les cas, le confort est assez ferme, la faute, encore une fois à l'amortisseur arrière et à la selle un peu raide...
Partie-cycle
Que du classique pour cette Z800e SE : le cadre est une classique poutre en acier avec berceau inférieur, relié à une fourche inversée de 41 mm à l'avant (débattement : 120 mm) et à un monoamortisseur derrière. Par rapport à une Z800 standard, la "e" fait l'économie des réglages sur la fourche (réglable en détente et précharge) et l'amortisseur arrière est réglable en précharge, mais perd son réglage en détente. Dommage, car nous aurions pu jouer un peu sur la délicatesse de ses remontées. Mais encore une fois, une clientèle de débutants n'est pas forcément sensible à ces arguments.
Freins
En théorie, il y a une différence de freinage entre la Z800 et la Z800e : la version d'entrée de gamme possède des étriers à 2 pistons sur ses disques avant (d'un diamètre de 310 mm). Mais cette différence concerne la version non ABS. Nous avions la version ABS : 4 pistons pour tout le monde. Rien à dire sur la progressivité de la réponse : c'est doux et cela ne surprendra pas les débutants, cible privilégiée de cette machine. Question puissance, par contre, c'est moyen (on a quand même 95 chevaux et 230 kilos et finalement, ça dépote !). Du coup, il peut se révéler utile de solliciter le frein arrière (disque de 250 mm, simple piston), sur les gros freinages.
Confort et duo
Quand on est jeune, on a l'épiderme solide. Ça tombe bien, la Z est ferme : selle et suspension arrière ne donnent pas dans le moelleux. Et alors ! Roule, jeune lecteur, avale de la borne, tu t'occuperas du confort plus tard. Quand à ta jeune passagère, amoureusement collée contre ton dos, elle te serrera si fort qu'elle ne pensera même pas à se concentrer sur le confort de sa selle passager, qui vous met strictement à égalité. Et comme tu aimes la sentir contre toi, tu ne lui a même pas dit qu'il y avait de petites encoches sous la selle pour se tenir.
Consommation / autonomie
Un réservoir de 17 litres et une conso moyenne de 6,3 l/100 enregistrée lors de cet essai, ça fait facilement plus de 250 kilomètres d'autonomie sans problème. Le moment d'une petite pause bienvenue. La jauge à essence est de série.
Conclusion
C'est un fait : en plus d'avoir été un grand succès commercial, la famille Z fait rêver de nombreux motards (et la nouvelle Z900 devrait continuer de porter la légende). En ce sens, que Kawasaki puisse proposer une version d'accès aux nouveaux permis est une belle démarche qui permet ensuite de fidéliser les motards au sein de l'univers Kawasaki.
Car la Z800e SE fait le job. Plus de 13 ans après la sortie des premières Z "new gen", il est étonnant de constater, au feu rouge comme dans la rue, le pouvoir émotionnel de cette machine qui semble encore capable de ratisser large auprès du plus grand nombre. Les arguments font encore mouche : un look qui parle, un gabarit valorisant, des détails de finition dans l'air du temps (feu à LEDs à l'arrière, derrière sa vitre fumée, caches noir mat divers...) et surtout, un gros 4 cylindres souple et puissant, bien que linéaire et domesticable. Bonus : un train avant presque précis, un châssis relativement neutre et des freins dosables, qui la mettent à la portée de tous.
On l'a dit, elle manque juste de grâce en action. Mais est-ce que les motards confirmés et exigeants achètent des Z800e ?
Points forts
- Moteur souple, linéaire, agréable
- Prise en main plutôt facile
- Machine au look valorisant
- C'est une Z ! Ça pèse dans l'imaginaire !
- Sonorité avec l'Akrapovic optionnel
Points faibles
- Freinage moyen
- Amortisseur arrière médiocre
- Confort typé ferme
- Compte-tours illisible
- Vibrations
- Poids élevé
La fiche technique de la Kawasaki Z800e
Conditions d’essais
- Itinéraire: une semaine et 400 km d'essai avec un usage quotidien dans Paris et une petite virée en Chevreuse
- Kilométrage de la moto : 600 km
- Problème rencontré : aucun.
Commentaires
Problème : Les Z800 (e ou pas) ne sont pas Euro4 et donc adieux en fin d'année.
07-10-2016 17:44La seule Z A2 sera la 650.
C'est un peu plus compliqué que cela, les constructeurs peuvent écouler leur stock et ils ont droit à un certain quota de motos encore Euro3... On trouvera donc de la Z800e en concession au moins jusque la fin du premier trimestre 2017... Et bien plus en occasion pour de nouveaux permis...
12-10-2016 20:13Philippe