Essai CF Moto 650 GT
La concurrence chinoise
Twin parallèle de 649 cm3, 70 ch et 62 Nm, 226 kg pleins faits, pneus Metzeler, freins J.Juan, ECU Bosch, ABS Continental, amortisseurs YUAN...
C'était inévitable. Tout comme les productions de l'industrie japonaise il y a un demi-siècle, les motos chinoises ne se cantonnent plus à des produits bon marché et pas toujours de bonne qualité car construits en suivant une logique de coût et offrant souvent une fiabilité médiocre et pas de pièces de rechange.
C'était le cas avant. Mais désormais les productions de la République populaire sont de mieux en mieux construites, avec un style plus attrayant qui n'est plus aussi fréquemment calqué sur celui des machines occidentales. Mais si le géant Qianjiang a joué un rôle clé dans cette tendance via sa filiale italienne Benelli, le véritable précurseur dans cette démarche d'installation dans les marchés internationaux à travers une gamme de motos de moyennes cylindrées attirantes et bien conçues est la plus petite marque CF Moto.
CFMoto a été fondé en 1989 par Lai Guogui, un entrepreneur alors âgé de 24 ans. En 2007, la marque a ouvert son actuelle usine de 150.000 m² à Hangzhou, située à 200 km de Shanghai, au sein de laquelle ses 1.500 employés (dont 240 ingénieurs au service R&D) font régulièrement croître la production de motos et de scooters, mais surtout de quads, secteur sur lequel CFMoto fait figure de leader. En 2009, la société a commencé à développer en interne son propre bicylindre parallèle de 650 cm3 à refroidissement liquide et double arbre à cames en tête comme une plateforme pour une gamme de différentes machines midsize. Le roadster naked 650NK a été le premier à voir le jour en Chine en 2011 avant de s'exporter l'année suivante. La routière 650TK suit pour être exportée à partir de 2014 tandis que le sport-tourer 650MT débarque en 2017. C'est maintenant au tour de la 650GT de voir le jour, qui utilise le même cadre diamond en acier tubulaire que ses soeurs avec le même bicylindre parallèle.
Découverte
Lors du salon EICMA de novembre 2018, CFMoto a dévoilé ce dernier modèle d'une gamme grandissante et venant remplacer la 650TK, dont les valises étaient intégrées à la carrosserie et ne pouvaient être retirées. Ecoutant les commentaires de ses clients, CF Moto a ainsi équipé sa GT de valises amovibles SHAD comme sur la tourer 650MT, mais avec un carénage intégral comme pour la TK, en ajoutant également une bulle réglable, une selle biplace bien plus basse (795 mm de haut contre 840 sur la MT) et des débattements de suspensions plus courts.
La fourche Yuan de 43 mm de la GT est reprise du roadster NK (la MT dispose d'un élément inversé) et peut être réglée en compression et débat sur 125 mm tandis qu'à l'arrière l'amortisseur Yuan réglable en précharge et détente travaille sur 130 mm? Les jantes aluminium de 17 pouces sont chaussées de pneus Metzeler RoadTec 01, avec un 160/60ZR1 arrière qui favorise la maniabilité et une bonne adhérence.
Des phares à LED équipent désormais le carénage plus protecteur que celui de la 650MT même si les deux machines renvoient au design autrichien de Kiska. On retrouve également des LED sur les clignotants et le phare arrière ainsi qu'un écran TFT de 5 pouces sur lequel on peut sélectionner l'un des trois modes de conduite disponible (Sport, Touring, Rain).
Comme avec la 650MT déjà essayée il y a deux ans, j'ai eu la chance de pouvoir découvrir ce nouveau modèle chez l'importateur australien de CF Moto, Mojo Motorcycles à Melbourne, pour essayer l'une des premières machines à sortir des lignes de production et envoyée pour les tests d'homologation. Après avoir été séduit par les performances générales et le rapport qualité/prix de la naked 650NK en 2012, puis pour avoir visité l'usine de Hangzhou pour constater par moi-même du niveau de contrôle imposé à chaque étape de la production, j'avais hâte de voir comment cette plateforme bicylindre avait continué à progresser.
La 650MT a été la première CFMoto à se conformer à Euro4. La 650GT suit cette voie en intégrant un ABS Continental à doubles canaux en série, tout en restant aussi abordable que sa soeur. Avec des livraisons prévues pour le courant de l'année 2019 en Australie, la 650GT est vendue là-bas 8490 $AUS (5.320 euros) avec les taxes et demande 650 $AUS (407 €) de plus pour la paire de valises Shad. A titre de comparaison, une 650 MT s'y négocie 7.990 $ (5.000 euros) et une Kawasaki Ninja 650 pour 9,999 $ (6.260 €). En France, la GT n'est pour l'instant pas encore distribuée, mais la MT étant commercialisée 6.250 € elle devrait tourner aux alentours de 6.500 €. Mais la 650GT parvient-elle à donner ce que l'on attend, malgré ses compromis budgétaires en matière de qualité et de performance ?
Pour en avoir la réponse, j'ai décidé de refaire en une seule journée au guidon de cette routière le même roadtrip de trois jours que j'avais réalisé dans le Victorian Goldfields, au nord-ouest de Melbourne, il y a cinq ans avec la 650TK. C'est vraiment un superbe itinéraire, accessible et fun qui traverse le bush et les innombrables Tiny Towns, vestiges de la ruée vers l'or que connu l'état de Victoria il y a un siècle et demi et qui conserve tout son caractère, notamment au niveau de l'architecture qui renvoie aux époques victoriennes et art déco. 502 km à faire en une seule journée sous une température de 34° offrait un bon test de maniabilité de la moto, surtout pour un twin 650. Heureusement la météo estivale de Melbourne n'aura pas fait son tour habituel des 4 saisons en une journée et il aura fait chaud et sec tout le long du voyage.
En selle
La position de conduite est assez spacieuse malgré la faible hauteur de selle qui fait se sentir plus dans la moto. Le guidon monobloc est quant à lui monté sur des pontets plus hauts de 100 mm fixés au triple T supérieur et permettent d'obtenir une position naturelle. A la fin de ma longue journée en selle, je n'ai ressenti aucun engourdissement confirmant une assise bien conçue. Les rétroviseurs sont bien placés, ne vibrent pas et offrent une excellente vision de ce qui se passe derrière vous.
L'instrumentation de la 650GT est plutôt réussie et l'écran TFT est plaisant dans ses deux versions (noir ou blanc) avec un tachymètre analogique très lisible tout comme la vitesse. On retrouve aussi un très lisible indicateur de rapport engagé, une horloge et le niveau de carburant avec un indicateur de réserve. En revanche, je n'ai trouvé qu'un seul compteur kilométrique, ce qui est étrange car la MT en proposait deux... Enfin, une prise 12V à droite du tableau de bord permet de recharger ses appareils électroniques. Malheureusement, pour une moto destinée aux longs trajets, on ne trouve pas de vide-poche qui permettrait de ranger son ticket de péage.
Les commodos au guidon sont également de meilleure qualité qu'avant et leur ergonomie a été améliorée même si le klaxon est placé trop près des clignotants (je n'arrêtais pas de klaxonner les autres lorsque je voulais changer de file sur l'autoroute...). Pas de béquille centrale, mais un simple élément latéral assez disgracieux qui fait le job et qui s'attrape facilement avec le bout du pied
En ville
Dès le démarrage on sent immédiatement le moteur prendre vie et se caler à un ralenti assez haut de 1.400 tr/min avec une plaisante syncopée émanant de la ligne d'échappement 2-1 dont le silencieux est placé assez bas sur le flanc droit pour laisser de l'espace aux repose-pieds passager. Le twin parallèle se montre coupleux et souple, tirant assez fort et sans à coup de transmission dès 2.000 tr/min pour bien pousser à partir de 3.000 tr/min lorsque l'on ouvre les gaz en grand. La puissance répond aux sollicitations de manière parfaitement linéaire sur toute la plage de régime jusqu'au rupteur même si la montée dans les tours s'accélère à partir de 5.500 tr/min, sans que cela n'apparaisse fortement. La conduite se fait plutôt douce.
La boite six rapport et la transmission par chaîne sont associées à un embrayage en bain d'huile japonais FCC et font de la 650GT un modèle de polyvalence grâce à un embrayage facile et un levier qui ne demande pas beaucoup de force pour être actionné. Un bon point pour la conduite en milieu urbain. Cela permet un pilotage aisé à faible vitesse qui satisfera les motards débutants et expérimentés, d'autant que les manoeuvres se font tout aussi facilement grâce à un rayon de braquage très serré. Maniable, la GT est également réactive, mais en mettant les gaz grand ouvert au démarrage, la réponse reste linéaire et contribue à ce sentiment de contrôle.
Pas particulièrement légère pour un Twin 650 avec ses 226 kg sans bagages, mais avec le réservoir de 19 litres plein, la CFMoto reste une compagne idéale pour les débutants et, couplé à sa selle assez basse, pour les motardes et petits gabarits.
Sur route
Le twin parallèle de 649 cm3 est identique à celui des MT et NK. Il s'agît pour l'essentiel d'une copie chinoise du moteur des Kawasaki ER6, mais dans des dimensions plus petites. Le bicylindre délivre ici 70 chevaux à 8.750 tours/minute avec un couple maximal de 62 Nm à 7.000 tr/min. Grâce à l'arbre d'équilibrage et aux lourds embouts de guidon, on ne ressent pas la moindre vibration jusqu'au rupteur à 10.500 tr/min et encore moins de picotements dans les repose-pieds ou la selle que l'on peut parfois rencontrer sur des modèles comparables. Cela rend la 650GT agréable et pratique sur autoroute avec une sonorité d'échappement qui lui confère une pointe de caractère.
Vous avez le choix entre trois modes de conduite différents, le mode Rain adoucit considérablement l'arrivée de la puissance au détriment d'un réel sentiment de performance, mais ce dernier se montre très utile lorsque l'on évolue sur des surfaces glissantes. C'est également le cas de l'ABS Continental efficace mais un peu brusque. En revanche, les modes Touring et Sport ne laissent guère paraître de différences, si ce n'est une accélération légèrement plus forte sur le Sport... La 650GT se montre quoiqu'il arrive très souple dans un mode comme dans l'autre grâce à son bicylindre.
La 650GT est aussi agréable lorsqu'il est question de rouler vite, bien que l'accélération soit moins franche que sur la MT 13 kg plus légère ou sur la NK 23 kg plus légère.
Avec son couple max à 7.000 tr/min et disponible un peu partout, il n'est pas nécessaire de pousser jusqu'à la zone rouge. En montant les rapports à 8.000 tours, on se retrouve constamment dans la courbe haute.
Autoroute
Cap sur les routes rapides le long de la Western Freeway en direction de Ballarat, la plus grande ville de l'Etat à l'intérieur des terres. La protection se montre excellente grâce à cette bulle ajustable qu'il faudra toutefois manipuler à deux mains pour pouvoir la régler sur une hauteur de 50 mm grâce à deux molettes en plastique. Une paire de protège-mains n'aurait pas été de trop. Après la traversée de Ballarat, j'ai commencé à explorer les routes reliant les petites villes de Victoria avant de finalement prendre la Calder Freeway pour retourner à Melbourne.
Elle est capable de cruiser toute la journée à 120 km/h avec l'aiguille du tachymètre plantée sur 5.900 tr/min, soit un peu plus de la moitié du chemin vers la zone rouge. Une vitesse de croisière de 160 km/h est également envisageable, si vous évoluez sur autoroute allemande, la moto restant toujours stable et les valises ne générant pas de perturbation. A ces vitesses, la bulle protège efficacement, au moins pour le pilote de 1m80. La vitesse maximale de 200 km/h s'atteint à 8.400 tr/min. La moto n'ira pas plus loin et de toute façon elle se comporte mieux à de plus basses vitesses.
Partie cycle
En ce qui concerne la maniabilité, la suspension avant est très bien réglée et reste suffisamment souple pour permettre d'absorber les pires bosses rencontrées dans le bush y compris sur l'angle et à haute vitesse. Mais comme sur la 650MT, l'amortisseur arrière ne m'a pas convaincu par ses réglages d'usine. Sans clé adéquate sous la main, je n'ai pas pu changer les réglages de précharge .
Le large guidon procure quant à lui un bon effet de levier qui aide à emmener la Gt d'un angle à l'autre dans les virolos. La paire de pneus Metzeler de 17 est également la bienvenue par rapport aux montes CST qui équipaient les NK/TK.
Freinage
Installer des freins J.Juan développés en Espagne (mais produits en Chine) offre une puissance de freinage bien supérieure à ce que proposaient les anciennes CF Moto. Ceux-ci, comme la 650TK, fonctionnaient bien, mais n'offraient pas l'assurance que les étriers radiaux à deux pistons J.Juan procurent aujourd'hui en mordant leurs disques de 300 mm. L'arrière de 240mm et son étrier à piston unique assure une marge supplémentaire pour le transport d'un passager et/ou des bagages.
Consommation
Pour obtenir sa certification Euro4, CF moto est passé sur un ECU Bosch pour son système d'injection, associé à deux corps papillons UAES de 36mm avec un seul injecteur par cylindre. Outre l'amélioration des économies de carburant, un point à prendre en considération sur une moto utilisée pour les longs trajets, la réduction de 2 mm de ces derniers a également permis de gagner en accélération et de compenser les pertes de performances liées à Euro4. Avec un plein complet de 19 litres, j'ai pu rouler 355 km sur tous types de routes, soit une consommation moyenne de 5,33 l/100km. Le voyant de réserve s'allume quant à lui à 30 km de la panne.
Confort/Duo
La position de conduite concoctée par Kiska est très confortable avec cette selle basse qui fait se sentir plus à l'intérieur de la moto que sur la MT. Aucune trace d'inconfort après 500 km avalés en une journée. Le soutien lombaire est bon et on trouve suffisamment de place pour le passager qui se retrouvera sur une selle plus haute et dispose de deux larges poignées. Ses repose-pieds sont également placés plus bas et derrière par rapport à la MT, offrant ainsi plus de confort pour les longs roulages. Par ailleurs, le guidon monté sur des pontets aluminium est idéalement dessiné, courbé juste ce qu'il faut vers l'arrière pour être à l'aise et bien droit.
Conclusion
Le fait que CF Moto ait monté des pneus Metzeler, un ECU Bosch, un ABS Continental et des freins J.Juan permet à la marque de monter en gamme en rassurant aussi sur la qualité des composants, tout en parvenant à maintenir un prix abordable.
Avec une qualité de fabrication en hausse et une identité plus forte grâce au style Kiska Design, en particulier cette couleur bleue désormais distinctive de la marque, la CF Moto 650GT est aussi une moto agréable et performante qu'une moto coûtant deux fois plus cher avec deux fois moins de style. Les milliers de twins 650 vendus par CF Moto sur les marchés occidentaux ont prouvé leur fiabilité, principal point d'inquiétude qui semble aujourd'hui avoir donné satisfaction. Aussi bien conçue que sa soeur MT, cette routière de moyenne cylindrée de fabrication chinoise pourrait bien être celle qui percera sur les marchés occidentaux, notamment grâce à ce prix. Enfin, un constructeur chinois semble privilégier la qualité sur le prix et a développé une paire de motos cohérente avec un bon rapport qualité-prix pour couvrir les deux facettes du marché du touring.
Quiconque envisage l'achat d'une Kawasaki Ninja 650 peut avoir une hésitation, avec de ce modèle 1.000 euros moins cher, ou alors pencher pour une Kawa en occasion. Le dernier point d'hésitation résidera dans le réseau de distribution et la garantie d'avoir un concessionnaire connaissant la machine pour en assurer l'entretien. Mais on arrive ici à un modèle désormais plus que crédible sur le marché des routières.
Points forts
- Confort de conduite
- Style marqué
- Rapport qualité-prix
- Moteur souple et linéaire
Points faibles
- Pas importée en France pour le moment
- Amortisseur arrière
Commentaires
1000 ¤ d'écart à l'achat neuf, et combien à la revente dans 1 ou 2 ans ???
26-07-2019 18:162000, 3000 ?
Déjà qu'une moto japonaise décote vite mais une chinoise ...