Génération Aprilia RSV
Du bicylindre Rotax de 128 chevaux au V4 de 201 chevaux bardé d'électronique...
19 ans d'histoire et de souvenirs au guidon de la sportive emblématique d'Aprilia
Vous vous souvenez peut-être d'une époque où les règlements du Mondial Superbike favorisaient les gros bicylindres au détriment des 4 cylindres. C'était dans la seconde moitié des années 90 et, forcément, Ducati en avait profité pour faire la razzia sur la discipline, avec notamment les 4 titres de Carl Fogarty. Mais les autres constructeurs voulaient également leur part du gâteau : c'est ainsi que Suzuki a sorti la discutable TL 1000 S et la plus aboutie TL 1000 R, tandis qu'Honda faisait mieux avec les VTR 1000 et surtout leurs déclinaisons sportives, les très désirables SP1 et SP2.
De son côté, Aprilia est en pleine croissance. La firme de Noale se sent pousser des ailes et, au début des années 90, elle connaît une accélération de son développement, porté par la mode des petites cylindrées (avec les petites 125 RS ainsi que les scooters Scarabeo, Leonardo et Amico) et des trails (avec les familles Tuareg et Pegaso), tout en jouissant de victoires en GP (premier titre mondial en GP 125 en 1992 avec Alessandro Gramigni et triplé en GP 250 avec Max Biaggi, en 1994, 1995 et 1996). Il est temps pour Aprilia de passer à la vitesse supérieure.
Dans cet article, nous allons donc passer en revue la genèse et les évolutions de cette machine, en l'agrémentant de quelques souvenirs d'essais et de comparatifs de ces vingt dernières années (l'âge du Repaire).
1998 : la RSV Mille
Avec le partenariat de Rotax, firme autrichienne appartement à Bombardier et qui fournit le moteur, Aprilia nourrit une double ambition avec cette nouvelle plateforme : monter progressivement en gamme dans l'offre de ses motos routières et ce sera le cas avec une diversité représentée par le trail Caponord, la sport-GT Falco, la routière Futura, le roadster sportif Tuono, ainsi que la sportive RSV Mille. Celle-ci aura également l'objectif de faire briller la marque en Mondial Superbike.
La RSV Mille, comme ses soeurs, est motorisée par un 990 cm3 V2 ouvert à 60°. Malgré sa vocation sportive, son carénage est large et offre une protection plutôt correcte, d'autant que la position de conduite n'est pas la plus radicale de la catégorie. Parmi les innovations apportées au petit monde de la moto, il faut retenir que la RSV Mille est la première machine à disposer d'un tableau de bord avec deux fenêtres digitales (le compte-tours reste analogique), d'un shiftlight programmable ainsi que d'un embrayage anti-dribble.
Le V2 sort 128 chevaux (enfin, pas en France, dans ce pays d'assistés) à 9250 tr/min et 10.3 m/kg de couple à 8000 tr/min. Son poids à sec est de 189 kilos.
Parmi ses concurrentes du moment, la RSV Mille n'est pas la plus exubérante en comportement moteur, mais la précision de son châssis et son confort presque correct lui permettait de se démarquer du lot !
Elle évoluera avec de nouveaux coloris en 1999 (année où une version d'homologation SP sera produite à 150 exemplaires, avec une selle monoplace et une boucle arrière de cadre spécifique, des suspensions et un amortisseur de direction Öhlins, de jantes forgées OZ et d'un moteur à course plus courte optimisée par Cosworth), ainsi qu'en 2000, année où une version RSV Mille R est disponible, qui offre des suspensions Öhlins, des jantes forgées OZ et des pièces en carbone. En 2001, la palette des coloris change à nouveau, mais la moto évolue avec de nouveaux ancrages moteur, des évolutions dans l'habillage et le réservoir, une nouvelle injection et des nouveaux étriers de freins Brembo.
En 2003, la version R se dote d'étriers de freins radiaux.
Aprilia a capitalisé sur son engagement en Mondial Superbike avec des séries limitées Haga en 2002 et Edwards en 2003, qui se distinguent par leur déco particulière, leurs doubles échappements Akrapovic et des corps d'admission plus large...
Car si elle n'a pas été titrée, la RSV Mille n'a pas démérité en Superbike. En 2000, pour la première participation du team officiel Aprilia, Troy Corser a signé 5 victoires et 4 Superpole. Et en 2001, ce sont trois autres victoires (deux pour Corser, une pour Laconi), 8 podiums et 3 Superpole.
2003 : la RSVR Mille
En 2000 et 2003, Aprilia rachète les marques Laverda et Moto Guzzi. Une opération financière lourde qui n'aura pas forcément les résultats escomptés. Quel est le rapport avec la choucroute, vous demandez-vous donc ? C'est simple : le cash manque pour faire du vrai développement et c'est, en 2004, le rachat d'Aprilia par le groupe Piaggio qui relancera la machine; et on en reparle à la section suivante. Mais en attendant, il faut faire avec cette RSVR qui est une évolution à moindres frais, bien que plutôt sexy, de la RSV Mille.
Sur la même base technique, la RSVR Mille gagne à la fois en poids (185 kilos à sec) et 139 chevaux, puis 143 chevaux, ce qui commençait à bien dépoter à l'époque pour un gros bicylindre. Comme de bien entendu, la RSVR se dédouble d'une version Factory avec suspensions Öhlins, ainsi qu'une série Nera (200 exemplaires). Quelques modifications mécaniques apparaîtront sur le millésime 2006, dont l'injection sera revue au passage tandis que les autres millésimes, jusque fin 2008, se contenteront d'évolutions cosmétiques.
Pour ma part, ce sera sur cette génération qu'aura lieu ma première prise de contact avec le monstre de Noale, au moment de la présentation du millésime 2006 sur le circuit du Qatar, circuit que je découvre par la même occasion. Essai réalisé avec les versions standard et Factory, qui se distinguent, ci-dessous, par leurs suspensions Öhlins, leurs jantes dorées et leur peinture grise et noire du plus bel effet (ok, ça se marie moyen avec un cuir rouge et un casque bleu...).
De cet essai, la RSVR montrait un caractère bien trempé, avec une stabilité sans faille dans les quelques grandes courbes de Losail qui se passent à plus de 200 km/h, ainsi qu'une allonge mécanique fort copieuse entre 8000 et 11500 tr/min, ce qui permettait de prendre plus de 270 km/h compteur dans la grande ligne droite du circuit qatari (pour comparaison, on arrivait tout juste à accrocher 250 km/h récemment et au même endroit avec la KTM 1290 Super Duke R). Boîte de vitesse, freins et suspensions étaient impec' et seule l'agilité dans le serré semblait perfectible. Un peu physique, cette RSVR !
Néanmoins, elle montre de belles compétences en usage routier, comme le prouve un autre sujet avec d'autres représentantes de la gamme disposant du même moteur :
Certes, l'ergonomie est forcément un peu plus radicale, mais la qualité des suspensions et la rondeur du V2 était appréciable.
Néanmoins, le temps est cruel. En 2008, je relance un comparatif avec tous les bicylindres sportifs du moment :
Gros comparo mené sur route et sur circuit. La BMW est larguée dans tous les cas (on n'avait pas pu avoir une HP2, donc on s'était rabattus sur une R1200 S standard) et sur la route, la Buell s'impose devant la RSVR, l'Américaine étant plus confortable et plus agile, malgré quelques défauts (boîte de vitesse moyenne, chaleur diffusée par le gros cadre alu et design assez tarte). Mais les sportives, ça se juge aussi sur circuit et une paire de sliders usés plus tard, ce sont la Ducati suivie de la KTM qui s'illustrent. Peut-être que la RSVR devait évoluer. Ce sera le cas l'année suivante.
2009 : la RSV4
Changement de programme en 2009. Je me retrouve à essayer la R1 Crossplane et pour moi, pas de doute, c'est la sportive de l'année. Mais un de mes jeunes collègues (recyclé depuis dans un fanzine sudiste qui fait des wheelings) revient de la RSV4 avec la tête de celui qui a vu la Vierge. Du coup, il faut trancher et aller essayer cette satanée RSV4, avec son moteur diabolique de 180 chevaux, son caractère moteur unique sur le marché, sa sonorité envoutante, sa compacité, l'étroitesse de son moteur en V qui lui confère l'agilité d'une 600 et il faut reconnaître qu'Aprilia a frappé très fort.
Et le pack APRC, de série à partir de 2011, qui comprend cartographies moteur, anti patinage, anti wheeling et shifter aident à maîtriser la bête. Du coup, la RSV4 appartient à une nouvelle famille : celle des sportives blindées d'électronique et qui, en la matière, ont permis à l'Europe de déloger le Japon ! De fait, on organise l'année suivante une confrontation des tops du moment, avec la ZX-10R en prime, car chez les Japonais, seul Kawasaki a su dégainer à temps une machine avec de l'antipatinage et un ABS sport (mais pas de shifter, hélas). La RSV4 marque seulement le pas, car en 2011, elle ne possède pas encore d'ABS, contrairement à ses deux rivales. Cela n'empêchera pas Max Biaggi de devenir champion du monde de Superbike en 2010 et 2012 (puis Sylvain Guintoli deux ans plus tard).
L'ABS viendra en 2013. Et dans l'ensemble, la RSV4 évolue avec parcimonie, avec l'arrivée de versions RR et RF, cette dernière ayant subi un gros travail sur l'optimisation et l'allègement des éléments mobiles du moteur (qui prend 14 000 tr/min !) portant la puissance à 201 chevaux, tandis que le châssis est réglable (angle de colonne, hauteur du moteur dans le cadre, hauteur du bras oscillant et donc garde au sol).
Et pour 2017, la version RF développe toujours 201 chevaux bien qu'étant passée par les normes Euro 4 et elle inaugure un nouveau tableau de bord TFT, un shifter avec fonction down, une boîte à cassette de 4ème génération, une fonction "pit lane" pour limiter la vitesse, une électronique encore plus sophistiquée avec cornering ABS, de nouveaux disques de 330 mm, de nouvelles suspensions Öhlins. Elle n'a jamais été aussi proche d'une véritable moto de course. Est-elle irrésistible ? Réponse aujourd'hui avec essai du nouveau millésime RSV4RF 2017 sur Le Repaire !
Commentaires
J’ai eu un 1000 rsv de 2000 et ce fût 64000kms de bonheur ! La moto que j’ai aimé le plus malgré un thundercat, un Hayabusa et un k1600.
20-02-2021 19:14