Essai moto Yamaha Tracer 700 GT
Joies des possibles
Bicylindre en ligne, 689 cm3, 74,8 ch, 68 Nm, 200 kg tous pleins faits, dispo en A2, 8 999 euros.
La Yamaha Tracer 700 Gt ! Voilà une moto qui promet un quotidien béat et des vacances joyeuses. Le twin de la pétillante MT-07 dans une déclinaison de routière « trailisante » équipée de valises, d’une bulle haute et d’une selle confort, ça ressemble à la quadrature du cercle.
Parmi les concurrentes de la Tracer 700 GT, on trouve la Suzuki DL 650, la Kawasaki Versys 650 ou encore les Honda CB 500 X et NC 750 X (disponibles ne version A2, comme la Tracer). Toutes peuvent bien sûr être équipées des mêmes accessoires que la Yamaha GT, mais le tarif s’en ressent (l’ensemble des accessoires vaut environ 900 euros pris séparément, alors que la Tracer GT est vendue 600 euros de plus que la version standard, soit 8 999 euros). Et petit avantage à la Tracer 700, son moteur, qu’on sait savoureux et sa partie-cycle joueuse. Or si le coup de cœur du motard enthousiaste se porte plutôt sur des roadsters velus, type Ducati Monster 1200 ou KTM 1290 Super Duke, la raison (qu’on appelle aussi porte-monnaie) l’oriente souvent vers d’autres roadsters plus menus, du type MT-07 ou Kawa Z 650. Alors pourquoi ne pas aller jusqu’à une version semi-carénée, où le duo se vit mieux, voire même une version munie de valises et d’une bulle haute ? Bah pour le look… La Tracer GT fait plus « moto de vieux » que la MT-07. Quand on est jeune, on est prêt à souffrir pour ne pas paraître ringard. Donc il/elles ne vous font pas rêver les photos des instagrameurs/euses partis à l’autre bout du monde voire si l’image ne paierait pas plus cher, au guidon de petits trails simples ?
Découverte
La Tracer reprend en grande partie les éléments essentiels de la MT-07, dont le cadre. Seul l’angle de colonne varie légèrement, ouvert de 0,3° de plus que sur le roadster. Le bras oscillant en aluminium est en revanche propre à la Tracer et allonge son empattement à 1450 mm, contre 1400 mm pour la MT. C’est à la fois un gage de stabilité et une nécessité puisque la boucle arrière de la tracer a été conçue pour supporter plus de poids (passager plus régulier et bagages).
Sa hauteur de selle de 835 mm la destine à tous les gabarits, mon mètre soixante-six parvenant à atteindre le sol sur la pointe des deux pieds. Quant au poids (196 kg pour la Tracer 700 auxquels on ajoute les valises, soit environ 4 kg, pour un total donc, vous l’aurez deviné… de 200 kg), on peut l’estimer élevé si on le compare aux meilleures sportives 1000 du marché, mais leur prix est au-delà du double de celui de la Yamaha. Un poids contenu coûte au moins aussi cher à viser qu’une puissance élevée. Si en revanche on ramène ce poids à celui de quelques concurrentes, les 200 kg tous pleins faits de la Tracer GT font belle figure face aux 201 kg à sec d’une Triumph Tiger 800 XRx (3 100 euros plus chère), aux 217 kg tous pleins faits d’une Kawasaki Versys 650 (sans valises) ou aux 213 kg d’une Suzuki DL 650 (elle aussi sans valises). Au-delà du poids brut annoncé par Yamaha, l’équilibre de la moto détermine la sensation de lourdeur (ou pas) ressentie. Or quand on a essayé la Tracer 700, on sait déjà que la GT a réussi sur ce point.
Côté équipement, c’est un peu léger. Pas d’antipatinage, pas de modes moteur, mais on s’en passe encore… On peut surtout regretter l’absence de béquille centrale et de prise pour charger un GPS ou autre accessoire moderne. Pas de possibilité non plus de faire défiler les infos du tableau de bord depuis le commodo. Et bien sûr pas de poignées chauffantes de série… La finition est assez sommaire, avec pas mal de caches en plastique posés là sans trop de souci de cohérence esthétique. Dans l’ensemble, la Tracer GT reste une moto mignonne, si on ne soucie pas du détail. Elle a malgré tout un côté « jouet en plastique ». Les valises s’intègrent bien. Malheureusement, elles sont trop étroites pour recevoir un casque, même un jet.
Il faudra alors choisir un top case vendu parmi les accessoires Yamaha à 166 euros (39 litres), mais qui demande alors à enlever les valises ! Et oui, sur la 700 GT, c'est officiellement d'après Yamaha soit les valises, soit le top-case, mais pas les deux en même temps. Ce qui n'empêche pas de voir un équipement chez Shad avec valise et top-case ainsi que chez Kappa et une adaptation possible aussi chez Yamaha (même si ce n'est pas conseillé chez Yamaha).
En selle
Promesse tenue, la hauteur de selle n’est pas démesurée. La finesse à l’entrejambe permet de rattraper une situation délicate et tout simplement de vivre confortablement. La position de conduite paraît de prime abord confortable, naturelle, le dos droit, les jambes peu repliées. Le petit tableau de bord se lit facilement, la jauge à essence s’affiche clairement, le reste des infos restant sommaire (deux trips, le rapport engagé et bien sûr les compteurs et compte-tours). On est vite chez soi.
La sonorité discrète du moteur s’accorde avec la ligne bonhomme de la Tracer. Il en va autrement dès que, en confiance, j’agresse le moteur sur le premier rapport. La 700 se lève facile, joueuse, inattendue sur ce terrain. Les gènes de MT-07 sont vivaces ! Je sais, je sais, la Tracer GT n’est pas faite pour ça. Raison pour laquelle j’apprécie sa fougue, par esprit de contradiction. La selle « confort », au gel, ne dorlote pas vraiment mon fessier délicat mais promet une fermeté constante : les selles trop moelleuses finissent toujours par devenir inconfortables.
La sensation de légèreté est réelle, les masses ont été judicieusement réparties, la petite hauteur de la moto favorise son balancement de droite ou de gauche, malgré le pneu arrière de 180 de large, inutile pour une moto de 75 ch.
En ville
Position droite, hauteur de vue, maniabilité, que demander de plus en ville ? Assurément rien. La largeur contenue des valises ne me prive pas du bonheur de se faufiler entre les files de voitures, les rétros passent au-dessus de ceux desdites bagnoles, le guidon n’est pas très large… Genre de moto idéale pour échapper aux contraintes urbaines. La consommation s’élève au maximum à 6,2 l aux 100 km (enfin mon maximum), ce qui augure d’une autonomie de plus de 250 km si je passais ma vie en ville. Seule ombre au tableau, l’ergot de la béquille latérale mal placée quand on est court sur pattes, il passe derrière le repose-pied. Pas bien terrible mais pénible au quotidien, surtout lors d’arrêts en dévers côté droit. Ok, ok je me concentre sur la partie SUR la moto.
Départementale
Soleil au plus haut, blés au plus bas (voire ratiboisés puisque moissonnés), serpentins de bitume déserts, menus vallons, voilà un champ d’action idéal pour la Tracer GT. Je champêtre paisible (ce verbe n’existe pas ?), emmené gentiment par le couple courageux de ce petit « trail » routier. Je mets volontairement « trail » entre guillemets, parce qu’il n’en a que la position de conduite. Ses jantes de roadsters, ses suspensions aux débattements très proches de ceux de la MT-07 (seulement 12 mm de plus sur la suspension arrière pour la Tracer), ses pneus route à taille large, elle n’est pas plus capable de tout-terrain que n’importe quel roadster. Aussi la Tracer n’est-elle pas un trail au sens authentique du terme, avec des pneus étroits, des débattements longs etc. Elle appartient au genre hybride dans lequel on classe les Ducati Multistrada, l’ancienne Yamaha TDM, la Kawasaki Versys et tant d’autres. Mais lier la confortable position de conduite du trail aux aptitudes routières d’un roadster en y ajoutant quelques éléments de protection n’en est pas moins une excellente idée. On n’a juste pas trouvé le nom adéquat pour nommer ces motos. Si certains se sentent inspirés…
Bref, je gambade en devisant ainsi, preuve que la Tracer se fait oublier. Ce qui pourrait être une faiblesse, signe d’un manque de caractère. Ce n’est pas le cas. Elle s’adapte et sait se faire discrète. Quand on la sollicite dans l’espoir d’un peu de vie, elle s’éveille. Ce petit moteur est prodigieux. Il cube à peine 700 cm3 et parvient pourtant à montrer une plage de régime immense, de 2 000 tr/mn à 9 000 tr/mn, sans baisse d’intensité. Au contraire, à environ 5 500 tr/mn, ses poumons s’enflent et la vivacité de ses montées en régimes impressionnent. La santé du twin est absolument géniale, plus lisse que sur la Kawasaki Versys mais aussi, paradoxalement, plus vivante, parce que pétillante et vigoureuse. Le calage du moteur à 270°, inauguré sur les Yamaha TDM et TRX il y a une vingtaine d’années, n’y est pas pour rien. Plus que le soi-disant calage Crossplane (CP2), opérant surtout sur les multicylindres au-delà du bi.
Aussi je décide d’accélérer le rythme. Les suspensions, plutôt confortables en mode pépère, restent efficaces jusqu’à une certaine limite. La fourche se plaint parfois de freinages trappeurisants et aimerait alors qu’on lui affermisse ses réglages, mais Yamaha n’a pas prévu cette option. L’amortisseur fait lui son job sérieusement, sans jamais « pomper ». Dans l’ensemble, la qualité des suspensions, juste compromis entre confort et efficacité en conduite rapide, n’est pas à remettre en cause. L’équilibre naturel de la Tracer leur évite des contraintes trop prononcées, comme celles que connaissait l’ancienne MT-09, bien mal pourvue à ce niveau. Le freinage manque lui d’un peu de puissance en fin de course, mais il faut rappeler la vocation routière de la Tracer. Tout ça pour dire qu’attaquer avec cette moto n’a rien d’irréalisable, bien au contraire et je ne rechignerais pas à m’engager sur un rallye avec une Tracer d’origine, sans valises of course.
Autoroute
Retour à des considérations plus sérieuses. L’environnement morne de l’autoroute ne laisse passer aucune faille aux routières, parce qu’on se concentre sur elles puisqu’il n’y rien d’autre à faire (à moins de penser à refaire sa salle de bain). La bulle modérément haute provoque quelques turbulences à 140 km/h compteur, j’ai une pensée pour les grands (disons plus d’1m80), qui souffriraient plus que moi. La selle reste confortable, bien dessinée. Quelques affaires dans les valises, étanches (j’ai essuyé une belle averse), le twin calé à un tout petit plus de 6 000 tr/mn sur le sixième rapport (140 km/h, donc), je ne fatigue pas. Seule la bulle mériterait d’être à la fois plus large et un peu plus haute, des considérations esthétiques ont probablement guidé Yamaha vers ce choix. Passage à la pompe, cette fois, j’ai consommé 4,7 l aux 100 km.
Partie-cycle
J’en ai déjà pas mal parlé, l’équilibre de la Tracer n’attire aucune critique. Empattement judicieux, suspensions correctes, pneus Michelin Pilot Road 4 efficaces, répartition des masses intelligente, il n’y a rien à reprocher à la Yamaha sur ce point, à moins d’être de mauvaise foi ou aimer des géométries très particulières. La Tracer allie stabilité et maniabilité avec brio, en accord parfait avec son moteur joueur et plaisant. Ce qui en fait une moto très homogène. On pourra lui reprocher une suspension un peu souple à l'attaque.
Freinage
Le frein avant fait preuve de progressivité et se dose très bien, il manque juste d’un peu de puissance en fin de course à l’attaque. C’est vraiment pour dire quelque chose car ce freinage, d’un bon niveau, n’a jamais été conçu pour ladite attaque. Je sais toutefois le motard contemporain pointilleux. Le frein arrière fait preuve de moins de progressivité. Un appui un peu rapide et intense sur la pédale provoque rapidement l’ABS. Il reste très utile pour se ralentir, surtout en entrée de virage un peu optimiste.
Confort
La selle au gel offre une bonne assise, son dessin n’affecte ni les cuisses ni le fessier, le bas du dos ne souffre pas, malgré la position de conduite qui repose en majeure partie sur cette partie basse. Les suspensions participent au confort général de la Tracer. Seule la bulle, réglable manuellement par deux molettes, un peu plus haute que sur la Tracer, pêche un peu par son manque de protection à vitesse élevée (on va dire au-delà de 110 km/h…). Le duo s’envisage sinon avec beaucoup de sérieux sur la GT, grâce à la position du passager. Enfin, les petits gabarits s'y sentiront mieux que les plus grands, car cela reste une "petite" moto.
Consommation
La moyenne totale de l’essai a révélé une consommation raisonnable de 5,3 l aux 100 km. J’avoue qu’il m’est souvent arriver d’essorer la poignée droite, emmené par le caractère emporté du moteur. On doit pouvoir descendre sous 5 l aux 100 km, mais chacun son style… Le réservoir de 17 litres autorise donc une autonomie d’environ 300 km, facile.
L'essai en vidéo de la Tracer 700 GT
Conclusion
A mon sens, la Tracer 700 GT fait partie des meilleures motos du marché. Eu égard à son tarif, 9 000 euros, elle mériterait une finition mieux soignée et un équipement un peu plus riche. Sinon, dynamiquement, on ne peut rien lui reprocher. Elle s’amuse des petites routes, elle rigole des villes, elle s’enchante des expéditions, toujours avec le sourire malicieux de son pétulant moteur. Son équilibre d’ensemble, son homogénéité et sa joie de vivre comptent plus, à mes yeux, que les quelques reproches qu’on lui adresse concernant son standing. Le bénéfice des valises et de la selle confort sont réels, même si ça fait « pépère », reste à lui adjoindre une bulle un peu plus protectrice et plus rien ne vous arrêtera !
Points forts
- santé du moteur
- équilibre de la partie-cycle
- confort
- maniabilité
- polyvalence
Points faibles
- détails de finition
- protection de la bulle sur autoroute
- contenance limitée des valises (un casque jet n’y entre pas)
- valise ou top-case mais pas les deux en même temps
La fiche technique de la Yamaha Tracer GT
Conditions d’essais
- Itinéraire: 700 km en usage quotidien et balade normande
- Kilométrage de la moto : 1700 km au compteur
Commentaires
Bonjour, merci pour cet essai !
30-10-2019 13:33Svp, vous confirmez qu'il serait possible d'équiper la Tracer 700 GT d'un top cas en plus de ses valises ? J'ai un souvenir, peut-être erroné, du discours contraire d'un concess'(de mémoire pas homologuée pour + considérations sécurité). Sur le site Yam, pour la Tracer "standard", à priori c'est valises ou top-case. Après, hors accessoires Yam, des équipementiers proposent en effet les trois pour la Tracer "standard" ... Encore merci.
Désolé, coquille corrigée pour le top-case, car c'est soit les valises soit le top-case mais pas les deux en même temps.
30-10-2019 14:42Merci pour la précision (ouf j'suis pas encore gâteux). Mais du coup c'est dommage pour la capacité d'emport limitée ...
30-10-2019 16:14Une V-Strom 650 se montre plus homogène et peut elle être équipé de valise+top case ;)
30-10-2019 21:34Et tu as trouvé l'amortisseur convenable ...?
31-10-2019 10:17Lors d'un essai, je l'ai juste trouvé insupportable, voire quasi inexistant, sur petite route un peu défoncée.
Quand j'expliquais ma surprise au gars qui les vend derrière son comptoir, il m'a dit qu'en fait valait mieux mettre d'emblée un bon amorto (un p'tit billet de 1000 ?) pour corriger ça (sic).
La bagagerie adaptable 3 pièces + les supports, se trouvent (là encore compter 1500 balles de +) ... mais on devine que si Yam ne le prévoit pas lui même, c'est peut-être qu'en terme de solidité-sécurité (boucle arrière) c'est limite, nan ?
Bref, à mon sens 2 "petits" détails gênants pour une "petite" GT ...
Ne pas confondre un modèle "GT" type Tracer 700 issu d'un roadster, et un trail routier type Vstrom 650 qui est un modèle à part entière (par exemple cadre différent, cartographie spécifique etc...) et qui est, lui, destiné au voyage et pourrait s'appeler Vstrom 650 GTL sans usurper son appellation !
31-10-2019 10:32+1 sur les divers commentaires. Après avoir justement usé un V-Strom 650 puis un Versys 650 en voyages solo, la Tracer 700 GT ne m'a pas convaincu, surtout pour du duo cette fois. Faute de trouver mieux, la remplaçante sera peut-être à nouveau un V-Strom, j'aurai juste aimé trouver un modèle avec un peu plus de coffre moteur (tout en restant en moyenne cylindrée que j'apprécie pour la facilité de vie) ...
31-10-2019 11:55Si Yamaha ne conseille pas valises + topcase, il y a des solutions cependant chez Shad ou Kappa (images ajoutées dans l'article) et il semble que certains concessionnaires montent aussi du tout Yamaha et que cela ne détériore pas le comportement de la machine selon son propriétaire ! Merci à Vincentgétorix du groupe Tracer700 pour la photo.
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