Essai MV Agusta Rush 1000
0 à 100 km/h en 2,9 secondes ! Tout dans l'excès !
4 cylindres en ligne, 998 cm3, 212 ch et 116,5 Nm, 186 kg à sec, 300 exemplaires, 34.000 euros
Le succès de la série limitée du super-streetfighter MV Agusta Rush 1000 montre encore une fois que rien ne fonctionne aussi bien que l'excès, à part peut-être encore plus d'excès...
La MV Agusta Rush 1000, c'est 300 exemplaires uniquement, tous produits ces derniers mois dans l'usine de Varèse en tant qu'éléments clés de la stratégie de son propriétaire russe Timur Sardarov de se concentrer sur des machines haut de gamme uniques que personne d'autre ne pourrait ni ne ferait.
Découverte
Si on pense qu'il s'agit essentiellement d'un roadster Brutale 1000 RR radicalement remodelé, c'est en fait une version encore plus extrême d'un modèle qui s'est déjà distingué par son extravagance stylistique. Un style que l'on doit au célèbre progettista Adrian Morton qui vient de quitter l'entreprise après y avoir passé 16 ans.
Vendue à partir de 34.000 euros et disponible dans un seul coloris anthracite et rouge résolument sinistre mais très distinctif, elle coûte en effet 4000 € de plus que la déjà très exclusive Brutale. Ceci en fait la moto de route la plus chère actuellement disponible sur le marché. Remplie de fibres de carbone, d'un échappement en titane, de nombreux moulages en magnésium et d'une allure incomparable, la Rush semble prête à se montrer à la hauteur de son nom sur n'importe quelle piste d'accélération, transformant chaque feu tricolore en grille de départ. Elle n'a pas qu'une présence massive, elle en a aussi l'attitude.
La Rush tire son nom d'une réunion tenue à Varèse huit semaines avant le salon EICMA de Milan de 2019 où elle fit ses débuts. Mais à ce moment-là, elle n'était toujours pas à l'ordre du jour.
Brian Gillen, directeur de la R&D de MV :
La Rush a été créée sur un coup de tête. Cela s'est produit lors d'une réunion que j'ai eue avec Massimo Bordi et Adrian Morton. Nous faisions un examen de la conception de la brutale RR avec le nouveau moteur à quatre cylindres et en regardant les images de la moto, j'ai commencé à me dire : "Et si?". J'ai toujours été un grand fan des Dragsters et en regardant la Brutale devant nous, j'ai mis une photo sur l'écran d'un dragster Don Garlits, avec ses roues avant à rayons, ses énormes tubes d'échappement jaillissant sur les côtés et les roues arrière enveloppées. J'ai dit : "Hé, Massimo, cette moto aurait l'air vraiment cool avec un motif Top Fuel Dragster", il a répondu : "Oui, mais j'aime vraiment les phares ronds, il faut en mettre un !". Et puis c'était ceci, cela et encore autre chose. Alors Adrian Morton est entré dans la discussion et très rapidement ce qui était censé être une réunion de projet sur l'avancement de la Brutale a dégénéré en autre chose, une discussion sur la façon dont nous pourrions personnaliser cette même moto à la manière d'un dragster.
Morton est apparemment revenu le lendemain avec quelques croquis de ce à quoi pourrait ressembler cette Brutale EVO. Tous les intéressés, y compris leur patron Timur Sardarov quand on lui a montré les images, ont tellement aimé le résultat qu'ils ont décidé de la construire. Donc, à partir de là, préparer le prototype pour le salon, huit semaines plus tard, s'est fait dans la plus grande précipitation (dans la ruée ou... Rush en anglais). Capiche ?
Ainsi, sous le style radical de la Rush se cache la plateforme de la Brutale 1000 RR désormais produite en série. La Rush reprend donc le même moteur à quatre cylindres en ligne à course courte de 998 cm3 avec huit injecteurs à soupapes radiales (quatre Mikuni inférieurs et quatre Magnetti Marelli avec un débit accru) introduit un an plus tôt et conçu avec l'objectif de réduire la friction et d'améliorer la lubrification pour développer 208 chevaux à 13.000 tr/min et 116,5 Nm à 11.000 tr/min.
Ces valeurs sont celles obtenues avec l'échappement de série Arrow homologué pour la route, mais équipé du jeu de silencieux SC-Project toujours certifié Euro4, le moteur de la Rush atteint 212 chevaux à 13.600 tr/min en tournant jusqu'à 14.200 tr/min, avec 3% de couple supplémentaire. Les 300 motos ont été produites en 2020 et ne sont donc pas certifiées Euro5 comme doivent l'être toutes les machines de 2021.
À l'heure où d'autres constructeurs augmentent la capacité de leurs moteurs (Aprilia et Ducati sont les exemples les plus évidents) pour remédier aux obstacles réglementaires tels que les normes EU4 et EU5, MV Agusta part dans la direction opposée, par rapport à la cylindrée de 1.078 cm3 de sa précédente gamme Brutale 1090 RR.
Vous pouvez obtenir plus de puissance de deux manières : soit avec une plus grande cylindrée, soit avec des régimes supplémentaires. Mais avec la cylindrée, nous aurions dû aller encore plus loin que le 1.078 cm3 si nous voulions vraiment obtenir ce que nous recherchions du point de vue des performances. Nous avons donc choisi une cylindrée plus petite, mais avec des régimes plus élevés et le résultat est une puissance considérablement plus élevée.
Ainsi, le moteur de la Rush 1000 reprend le même alésage de 79 mm qu'avant, mais avec une course raccourcie de 55 mm à 50.9 mm pour atteindre cette capacité de 998 cm3. De là à y voir la base du moteur de la future génération de F4... Ajoutons à cela un poids à sec de 186 kg obtenu grâce à des carters en magnésium, des boulons, vis et fixations en titane ainsi qu'à un carénage en fibres de carbone (enfin, pour le peu d'habillage qu'il y a) et l'on obtient sur le papier une Rush 1000 qui met l'eau à la bouche.
1 G à l'accélération
Le quatre cylindres de la Rush conserve les mêmes carters que précédemment, mais usinés différemment pour pouvoir y loger le système de lubrification amélioré visant à contrer les mouvements de l'huile sous l'effet du surplus d'accélération. Car avec le bouton droit du launch control enclenché, la Rush délivre 1G à l'accélération, selon Gillen, qui se traduit plus concrètement par un 0-100 km/h réalisé en 2,9 secondes, le tout avec les phares, le klaxon et son homologation pour la route !
Le phare rond réclamé par Massimo Bordi est bien présent, mais il y a peu de chances qu'il ait imaginé un modèle semblable à celui-ci, dans une coque en carbone et avec une fonction d'éclairage en courbe grâce à une bande de LED tout autour. En mettant le contact, ils clignotent successivement puis s'allument un à un au fur et à mesure que la moto s'incline, comme lui indique la centrale inertielle à six axes qui communique également les données pour l'ABS en virage et le contrôle de traction en courbe.
Le style minimaliste du feu arrière à l'allure de cul de bouteille est accompagné des ailettes vestigiales de style MotoGP destinées à offrir une force d'appui supplémentaire, tandis que la roue arrière en aluminium forgée maintenue par un simple écrou usiné CNC s'habille d'un carénage en fibres de carbone qui améliore l'aérodynamisme, mais ne semble pas affecter la stabilité lors de vents latéraux.
Sous cet habillage très clinquant qui ne peut que susciter une réaction (on aime ou on déteste), la Rush conserve exactement la même partie cycle que la Brutale 1000 RR, à commencer par le cadre treillis tubulaire en acier composite et le joli monobras oscillant en aluminium sur lequel vient se greffer l'amortisseur semi-actif optionnel Öhlins. On retrouve aussi des pneus Pirelli Super Corsa SP avec un énorme 200/55-17 à l'arrière, des étriers monoblocs Brembo Stylema associés à deux disques de 320 mm et un maître-cylindre radial. Ceux-ci sont couplés à un ABS Bosch 9 Plus avec Race Mode et RLM intégré à tout le package électronique fourni par l'ECU Eldor EM2.0. Ce dernier apporte également quatre modes de conduite via l'ECU (Race, Sport, Rain et Custom), un contrôle de traction réglable sur 8 niveaux, un launch control, un anti wheeling ou encore un régulateur de vitesse. L'ensemble comprend aussi un shifter up&down de série et un écran TFT couleur connecté qui permet d'ajuster ses réglages via son smartphone, d'enregistrer ses roulages et de les partager ou encore de passer sa navigation via le tableau de bord.
En selle
Le style à cul court de la Rush imaginé par Adrian Morton comprend également une paire de guidons bracelets qui aident à porter son propre poids sur la très belle jante avant Kineo à rayons pour assurer plus d'adhérence en courbe, avec une grande selle à double rembourrage en Alcantara culminant à 845 mm et laissant tout juste assez de place pour un passager qui devra idéalement être petit, léger et très courageux (ou inconscient) !
Mais aussi agressif le design puisse-t-il être, bien souligné par le hurlement de son échappement homologué Euro4, la Rush sied parfaitement au cliché du Jekyll et Hide, capable de jouer les matous d'appartement ou les tigres mangeurs d'hommes selon les envies et les circonstances.
J'ai eu l'occasion de pouvoir tester l'un des 300 exemplaires produits sur les routes au pied des Alpes au nord de Varèse, après avoir dû batailler dans le trafic urbain, avant de l'emmener le lendemain sur la piste de Vairano, au sud de Milan, là où les agences gouvernementales italiennes font homologuer les véhicules. J'ai donc pu y laisser la Rush s'exprimer pleinement, après avoir fait chauffer les gommes comme on me l'avait préconisé...
Sur route
Mais avant d'arriver là, il a fallu traverser les rues de la ville en mode Rain ou les files de voitures en traversant les contreforts alpins en direction de la frontière suisse en Sport. L'occasion de découvrir que la Rush se montre finalement aussi adaptée à une conduite de tous les jours grâce à une position au confort étonnant.
Comme sur la Brutale, on est assis "dans" la moto, pas dessus comme on peut s'y attendre sur ce type de machine. Les bracelets ne sont pas trop inclinés et les rétroviseurs à l'extrémité des poignées, en plus d'être stylés, offrent une bonne visibilité.
Souple et indulgent dans les bas régimes, le moteur est accompagné par un embrayage très léger pour un bloc aussi puissant. La Rush est ainsi capable de passer les rapports dès 7.000 tr/min sans sourciller et de se montrer un parfait outil pour tous les jours.
Mais dès qu'un bout de ligne droite se présente, la Rush est prête à vous catapulter. Il faut simplement se préparer à descendre un rapport ou deux avant d'ouvrir les gaz en grand, car il y a assez peu de couple à mi-régime (relativement parlant) et rouler sur le dernier rapport n'est pas le meilleur choix sous les 9.000 tr/min. Mais en faisant tomber les vitesses pour que l'échappement crie plus fort sur l'échelle des régimes, il faut alors s'agripper fermement en prévision du décollage. L'objectif de Timur Sardarov de fournir un haut niveau de performance "excitant, mais pas effrayant" a été atteint. Mais est-ce vraiment exceptionnel ? Eh bien, c'est une moto naked pouvant être conduite tous les jours et dont la vitesse de pointe est homologuée à plus 300 km/h...
Sur circuit
De toute évidence, il est impossible d'utiliser plus d'une fraction de ces performances dans le monde réel. Mais le lendemain, à Vairano, j'ai pu avoir un meilleur aperçu de ce dont elle était capable. La puissance de la Rush est telle que, couplée à des rapports longs, je dois avouer que je n'ai jamais pu pousser la cinquième à fond sans manquer de place, même sur la piste d'accélération. Donc la vitesse de pointe, c'est uniquement pour l'Autobahn allemande ou pour la Mountain Course de l'Ile de Man quand elle est à sens unique et que vous pouvez en exploiter pleinement le potentiel. Cela ne veut pas dire que l'on manque de sensation sur les rapports inférieurs, loin de là.
Le shifter bidirectionnel est parfaitement configuré, comme sur la Brutale 1000 RR, sans trop de sensibilité. L'arrivée de la puissance est quant à elle nettement supérieure à partir de 9.500 tr/min, quand on ressent que l'accélération s'intensifie, le tout avec un minimum de vibrations. Les frottements ont été parfaitement gommés sur le moteur, tout comme l'inertie de la mécanique qui se traduit par une accélération enivrante qui vous pousse à ralentir pour en redemander, encore et encore.
Partie cycle
Grâce au contrôle de traction control sur 8 niveaux, j'ai progressivement découvert que l'on peut ouvrir les gaz à fond à des angles d'inclinaison relativement élevés. Et cet angle d'inclinaison, on peut le suivre sur l'affichage au tableau de bord. J'ai commencé au TC4 à Vairano (8 étant le max et 1 le mini) pour finir à 2, ce qui a permis deux fois au Pirelli arrière de se faire sentir lorsque je passais un rapport trop bas en courbe, mais avec beaucoup de retours permettant de facilement corriger les erreurs.
À l'autre bout de la moto, la Rush conserve parfaitement sa trajectoire en sortie de courbe, sans pousser la roue avant lorsque l'on accélère fort. La direction de la Rush est très directe et réactive après avoir durci les suspensions Öhlins par rapport à ma précédente journée de roulage où elles s'étaient montrées très indulgentes sur les imperfections de la route en Sport et Rain. Mais même avec le Race Mode, les suspensions gomment assez bien les quelques bosses du tracé de Vairano.
Freinage
Enfin, rien à redire sur les freins Brembo dont les étriers monoblocs Stylema se montrent encore excellents pour ralentir et stopper la moto depuis les vitesses les plus élevées, le tout avec beaucoup de précision et de progressivité.
Conclusion
Après deux jours au guidon de la Rush, je me suis habitué à son pilotage et ai acquis la confiance supplémentaire pour améliorer ma vitesse de passage en courbe. Alors que je me montrais réticent à l'idée de mettre fin à mon roulage sur cette moto qui est bien plus qu'une "m'as-tu-vu", ils ont décidé de garer le camion de pompier sur la piste pour me faire sortir ! La Rush est vraiment quelque chose à part, coûteuse c'est certain mais les 300 veinards qui en ont une dans leur garage (par pitié, ne l'exposez pas dans votre maison, elle a besoin de rouler vite et souvent !) peuvent se considérer comme chanceux, mais aussi perspicaces.
Dégoulinant de désir, la Rush 1000 est une combinaison séduisante de performances incomparables pour un roadster naked associées à une maniabilité sans égal et une esthétique saisissante estampillée de la marque MV Agusta. C'est un adieu approprié aux seize années exceptionnelles d'Adrian Morton dans l'entreprise.
Mais ce n'est pas la fin de l'histoire pour la Rush à en croire Brian Gillen :
La Rush est entrée dans l'héritage de MV Austa en tant que moto qui dépasse les extrêmes en termes de style, mais que nos clients peuvent réellement conduire et apprécier sur la route. Ce n'est pas une moto de course, bien qu'elle en ait les performances. Ainsi, à l'avenir, nous pourrions bien voir d'autres itérations de la Rush, utilisant toujours la plate-forme de la Brutale 1000RR, mais avec un style différent tout en conservant cette personnalité. Ce ne sera pas des changements subtils, mais des changements radicaux : la Rush ne fait que dans l'extrême !
Points forts
- Look extrême...
- Moteur
- Freinage
- Partie cycle
Points faibles
- ... qu'on peut détester
- Tarif
Commentaires
Wooouuch!!!
17-01-2021 18:551 Nm de moins que la TS Bravo électrique, d'après les experts en mécanique qui sévissent ici, donc, elle accélèrera moins fort que cette dernière puisque "l'accélération c'est le couple et la puissance, la vitesse de pointe" 😂
18-01-2021 12:41Belle bête sinon, malgré un tarif un peu craqué ça fait plaisir de voir des modèles à contre-courant sortir encore de nos jours.
Je ne la trouve pas très belle. Pour moi elle fait gros tas de pièces très chères.
18-01-2021 14:44Et la nuance, tu connais ?
(mais c'est vrai que passer de 0 à 100 km/h, ce n'est pas de l'accélération, sans doute juste une augmentation de la vitesse). 18-01-2021 18:52