Essai Ducati Scrambler Café Racer
Une version plus "sportive" du Scrambler au look soigné
Le Scrambler V2, 803 cm3, 75 ch à 8250 tr/min, 68 Nm à 5750 tr/min, 172 kilos, 11290 €
Il y a environ 2000 ans, un type multipliait les pains et ça lui a valu une certaine notoriété. Depuis 2014, Ducati multiplie les Scrambler et ça leur vaut aussi une notoriété certaine : plus de 35.000 exemplaires écoulés depuis, avec un univers de marque parfaitement construit où la coolitude est érigée en art majeur et qui a même abouti à la construction d'un espace restaurant à Bologne !
Depuis 2014, donc, ce ne sont pas moins de 7 versions différentes du Scrambler qui sont venues enrichir la gamme du constructeur transalpin : il en reste 6 au catalogue, depuis que l'Urban Enduro a laissé sa place au Desert Sled et la Café Racer est ainsi la dernière arrivée.
Scrambler, disons-nous ; Café Racer, aussi. Il y a quelque chose d'antinomique dans cette appellation. Un peu comme "Bobber Adventure" ou "Urban Speed GT". Mais la mode est au mélange des genres et après tout, dans le monde automobile, qu'est-ce qu'un Nissan Juke Nismo RS ou une BMW X6 si ce n'est un Scrambler Café Racer ? Un engin ayant des racines vertes et une appétence, si ce n'est des aptitudes, pour les vibreurs...
On pourrait persister à penser que c'est une drôle d'idée, mais quand Ducati a lancé des concours auprès des concessionnaires et des préparateurs, il s'est avéré que le café racer a été un thème largement exploré. Et du coup, Ducati s'est dit qu'il y avait un truc à faire et en a profité pour ressusciter des thèmes déjà vus sur la 900 SD de la fin des années 70, avec ce coloris noir à roues dorées.
Découverte
54 : le numéro sur la plaque latérale peut interpeller. Il s'agit d'un hommage à Spaggiari. Non pas Albert (1932-1988, connu pour avoir été le cerveau du "casse du siècle" à la Société Générale de Nice en 1976), mais Bruno (né en 1933). Bruno Spaggiari a en effet gagné des courses importantes au guidon de Ducati (dont un mono 350, moteur qui fut utilisé sur le Scrambler des années 60) et qui portait le numéro 54. Ducati continue donc d'exploiter son héritage historique et ils auraient bien raison de ne pas en profiter. Et même si Spaggiari a également porté le numéro 9, on ne va pas non plus commencer à embrouiller le truc...
De la gamme Scrambler telle qu'on la connaît, les points communs sont évidents : réservoir, amortisseur arrière, phare et tableau de bord, tout cela est familier. Outre le coloris (il n'y a pas de choix au nuancier, c'est noir et or), le Scrambler Café Racer impose sa propre identité visuelle. Guidons "façon bracelets" mais en fait positionnés au-dessus du té de fourche, selle en cuir marron, dosseret de selle amovible, gros frein Brembo radial, pots Termignoni avec double silencieux d'échappement, nul doute que cette machine, globalement bien finie, en impose et saura valoriser son propriétaire lorsqu'elle sera garée à la terrasse d'un café. Ça tombe bien, c'est une partie du destin des Café Racer, conçus pour faire la course d'un troquet à l'autre.
En selle
Par rapport à un Scrambler Icon, la selle est plus haute de 15 mm (805 au lieu de 790). Cependant, elle est assez fine et à partir d'1 m 70, les motards et motardes devraient se sentir à l'aise à son guidon. Guidons qui sont nettement différents de ceux des autres Scrambler : 155 mm plus en avant et 175 mm plus bas que sur un Scrambler Icon, la différence n'est pas mince. Malgré tout, on réalisera un peu plus tard que la position, quoique gentiment typée, n'a rien de vraiment contraignant.
Une fois en selle, on découvre une béquille latérale facile à préhender, ainsi qu'un tableau de bord globalement lisible (vitesse et heure, moins le compte-tours). On s'extasie devant la présence, en plus des deux trips, d'un indicateur de température extérieure, tout en pestant, car c'est ainsi, l'être humain est capable d'émotions contradictoires et simultanées, contre l'absence de jauge à essence. L'écartement du levier de frein est facilement réglable grâce à une molette : de nouveau, de la joie...
Les deux pots Termignoni ne demandent qu'à s'exprimer... et l'on découvre après une simple petite pression sur le démarreur, que leur sonorité est bien timide. Dommage... même si le Scrambler Café Racer n'en sera que plus à l'aise en ville ? Réponse ci-dessous...
En ville
Là, bienvenue aux bonnes nouvelles. Car, parfois, les Café Racer sont étonnamment peu à l'aise dans l'environnement duquel ils tirent paradoxalement leur nom : ergonomie radicale et maniabilité gauche sont leur lot, à l'instar de la Yamaha XSR 900 Abarth. Ne craignons rien de cela avec notre Ducati Scrambler Café Racer, car on l'a dit, l'ergonomie est gentiment typée sans être le moins du monde radicale, tandis qu'en plus, le rayon de braquage est bon. Certes, on pourrait craindre d'abimer les rétroviseurs spéciaux, montés en bout de guidon, mais si nous avons fait un peu d'interfile à Bologne et sur ses autoroutes urbaines, la finesse de la moto permet de passer sans suer entre les automobiles.
De fait, le Scrambler Café Racer va pouvoir s'adonner à son jeu favori : la frime sur les boulevards. Et ce d'autant que la réponse à la poignée de gaz a été adoucie pour 2017 sur toutes les versions de la famille Scrambler.
Du coup, on apprécie la souplesse du V2 de 803 cm3. Rond dès les plus bas régimes, il est capable de ronronner à 50 km/h, à 3000 tr/min en 3ème et si vous êtes joueur, il encaisse même la 4ème sans vraiment broncher... Ne nous fions donc pas à son look radical, le Scrambler Café Racer est bien à l'aise en ville, ne serait-ce que pour la problématique du transport d'un antivol. Et le moteur dégage aussi un peu de chaleur côté droit, ce qui est plus sensible que sur les autres Scrambler, car on est un peu plus penché sur le réservoir.
Sur autoroutes et grandes routes
Le Scrambler Café Racer ronronne à 6000 tr/min à 130 km/h, sur le dernier rapport. La position un peu plus sur l'avant aide à affronter la pression du vent et à cette vitesse, la stabilité est sans reproches. A partir de 5000 tr/min, la sonorité des Termignoni est un brin plus présente et l'engin est suffisamment vigoureux (on est d'ailleurs dans la zone du couple maxi) pour dépasser sans se poser trop de questions.
Par contre, s'il accepte l'exercice, on a évidemment des engins plus appropriés dans la gamme Ducati et si vous vous sentez une âme de dévoreur de bitume et de roule-toujours, rajoutez 2500 € et prenez une Multistrada 950.
Sur départementales
A un peu moins de 4000 tr/min en sixième, le V2 ronronne tranquillement. La moto est fine, compacte, assez légère, plutôt agile. En plus, elle a de bons pneus. Du coup, à un rythme balade sur bon revêtement, tout va bien.
Cependant, dans Café Racer, il y a Racer. Et là, hélas, ça se gâte. Attention : le paragraphe qui suit pourrait bien ressembler à un enterrement de première classe pour cette pauvre machine qui, jusqu'ici, n'avait rien demandé d'autre que de l'admiration devant sa plastique léchée. Disons-le tout net : en action et mené à un rythme un rien élevé, le Scrambler Café Racer est décevant. Les suspensions n'aiment pas les bosses, sur lesquelles elles réagissent sans grâce ; et il va falloir faire avec puisqu'elles ne sont pas réglables (sauf la précharge à l'arrière, c'est à dire pas grand-chose...).
En appui, la rigidité structurelle est vite mise en défaut. Au guidon, on rebondit d'une bosse à l'autre, on cherche sa trajectoire et quand on insiste sur un beau morceau de bitume, on finit par faire frotter rapidement la base du silencieux d'échappement. De fait, le Scrambler est pris en flagrant délit d'usurpation : Café Racer, non. Smoothie Decafeinato Racer, éventuellement, car en réalité un Scrambler normal ira tout aussi vite sur petite route, voire même un peu plus. Un comble, non ?
Revenons-en aux faits : mené à bon rythme par des motards expérimentés, le contenu ne va pas avec le contenant et le prix n'a pas de rapport avec les qualités dynamiques. Cependant, il faut aussi élargir le scope : Ducati a, avec sa gamme Scrambler, construit un univers cool où la décontraction est mise en avant et l'agressivité bannie. Agressivité sur la route et dans les phases de pilotage. L'univers Scrambler, c'est carpe diem et t'as le look coco. De nouvelles manières décontractées et assumées, de faire de la moto. Dans ce cas, ça va le faire. Le Scrambler Café Racer a un look, une présence, une posture et c'est bien l'essentiel. Facile à emmener, il peut aussi donner bien du plaisir à condition de ne pas être dans l'erreur de casting.
Cependant, il semble que la norme Euro 4 n'ait pas fait que du bien à ce bon vieux V2. Souple et rond, il l'est, on l'a dit. Un rien atone et assez effacé à bas régime, il l'est aussi. En fait, pour retrouver un certain dynamisme, il ne faut pas hésiter à le cravacher et à rester sur les rapports inférieurs. Sur route de montagne, on restera donc plus souvent en seconde (qui rupte à 111 km/h) et en troisième... Le compte-tours est peu lisible, mais sur ces moteurs un peu expressifs on peut conduire à l'oreille et un indicateur rouge s'affiche au tableau de bord à l'approche du rupteur. La boîte de vitesses, dans ce cas, se laisse malmener. C'est déjà ça.
Partie-cycle
Il y a eu un peu de boulot pour faire de ce Scrambler un Café Racer. Ducati ne s'est pas contenté de le peindre en noir et de mettre de nouveaux guidons. Si les débattements de la fourche et de l'amortisseur restent identiques à celui d'un Scrambler Icon (150 mm à l'avant comme à l'arrière), la composition des tubes de fourche a changé et les ressorts sont légèrement durcis pour réduire un peu les transferts de masse, compte tenu de la nouvelle distribution du poids qui charge un peu plus l'avant ; et ce, d'autant que le ressort d'amortisseur arrière est plus long de 6 mm, ce qui a pour effet de basculer un peu plus vers l'avant.
Le train avant est également différent, avec une géométrie plus resserrée : toujours par rapport à un Scrambler Icon, l'angle de chasse perd 2,2° à 21,8° et la chasse perd 18 mm à 93,9 mm. L'empattement est plus court de 9 mm, à 1463 mm.
La monte pneumatique est également différente, avec l'arrivée de roues de 17 pouces dans cette gamme, équipées avec de très bons Pirelli Diablo Rosso II en 120/70 et en 180/55.
Freins
Gros disque Brembo de 330 mm avec étrier radial et maître-cylindre radial. Ça, c'est du matériel costaud ! Avec un truc pareil, on se dit qu'on va souffrir des gonades au premier freinage appuyé. Eh bien que nenni. Car en fait, le freinage du Scrambler Café Racer est doux et progressif. On pourrait se dire qu'obtenir un tel résultat avec autant de bon matos, c'est un peu du gâchis. Mais c'est oublier que la clientèle de cette machine sera constituée, très certainement, d'une grosse proportion de débutants et que la philosophie de la famille Scrambler, c'est du cool. De fait, on comprend que cette excellente dosabilité ait été retenue dans le cahier des charges.
Et ne nous méprenons pas : le Scrambler freine, mais pas violemment, pas comme on l'imagine avec son look racer et son équipement haut de gamme. On se console avec le frein arrière, plutôt efficace et l'ABS, qui ne se déclenche pas intempestivement. Mais il n'en reste pas moins qu'à l'attaque sur petite route, on en aurait aimé un peu plus...
Confort et duo
Ce ne sera pas le point fort de la machine, avec une selle qui vous fera préférer l'accompagnement de petits gabarits, lequel n'aura pas vraiment de quoi se tenir. Quant au pilote, il peut composer avec la position de conduite que l'on maintient être supportable pendant longtemps. Par contre, les suspensions n'ont rien de gracieux dans leur fonctionnement et il n'a suffi que de quelques petites heures de route pour réaliser que la selle n'était pas si confortable que cela, pas tant au niveau des assises, mais plutôt des arêtes.
Consommation / autonomie
Le Café Racer dispose du même réservoir que les autres Scrambler : 13,5 litres. On sait d'expérience qu'il est facile de rester sous la barre des 5 l/100 avec ce moteur, ce qui laisse augurer de 250 km d'autonomie facile. La pause n'en sera que d'autant savourée.
Conclusion
On peut craquer et c'est parfaitement légitime, devant son look léché et atypique et se sentir des affinités avec tout l'univers véhiculé par la marque Scrambler. Dans ce cas, le Café Racer se laissera apprécier par sa facilité d'usage, son rayon de braquage correct, son petit caractère moteur dans les tours et sa souplesse au quotidien. Parfaitement à l'aise en ville comme lors de balades apaisées, il saura se faire apprécier par son look et le prestige de la marque.
Appellation qu'il convient de ne pas prendre au premier degré : de "racer", on en cherche encore la trace par la faute d'un comportement brouillon dès que l'on hausse le rythme et que l'on trouve des bosses et d'une dissonance entre la qualité du matériel embarqué (freins, pneus, roues...), le niveau de prestations dynamiques et le prix de vente.
Mais tout le monde ne cherche pas à se jeter dans les virages comme un mort de faim et la moto peut aussi s'apprécier par son esthétique, par son histoire, par l'image qu'elle renvoie de vous-même. Toute la gamme Scrambler, à en croire les visuels et vidéos Ducati, fait partie d'un "art de vivre" où figurent pêle-mêle les balades sur la plage, les sports nautiques, les soirées au coin du feu, la camaraderie, le tout parsemé de quelques petits coups de moto. Toute Café Racer qu'elle prétend être, cette Scrambler ne déroge pas à cet univers...
Points forts
- Look réussi
- Moteur souple et facile
- Facilité de prise en main
- Bon rayon de braquage en ville
- Finition et présentation valorisantes
- Permis A2 possible
- Monte pneumatique (Pirelli Diablo Rosso II)
Points faibles
- Moteur lissé par Euro 4 à bas régime
- Sonorité des Termignoni
- Gros manque de rigueur à l'attaque
- Garde au sol en courbe à l'attaque
- Suspensions
- Selle ferme (sur les arêtes)
- Freinage
- Compte-Tours peu lisible
- Tarif
La fiche technique du Ducati Scrambler Café Racer
Conditions d’essais
- Itinéraire : 180 km, principalement de routes sinueuses dans les magnifiques collines de l'Emilie-Romagne, près de Bologne (Italie)
- Kilométrage de la moto : 250 km
- Problème rencontré : aucun dans l'absolu, mais l'ouvreur mérite une place sur le podium des ouvreurs qui se traînent grave (doit y avoir un concours inter-constructeurs, parce ce qu'en ce moment...), tout heureux qu'il était à baguenauder à 70 km/h sur les départementales ou à rester un quart d'heure derrière un camion sans doubler. Bon, en même temps, on a pu profiter du paysage... C'est joli, l'Emilie-Romagne...
La concurrence : Harley-Davidson Roadster, Triumph Street Cup, Yamaha XV 950 Racer
Commentaires
"mais l'ouvreur mérite une place sur le podium des ouvreurs qui se traînent grave (doit y avoir un concours inter-constructeurs, parce ce qu'en ce moment...), tout heureux qu'il était à baguenauder à 70 km/h sur les départementales ou à rester un quart d'heure derrière un camion sans doubler. "
10-04-2017 09:30j'ai sous les yeux la copie de l'instruction envoyée à l'ouvreur la veille en mail qui devait s'autodétruire
"hé luigi, la moto la bella, ma la mergueza si tou roule trop fasta, alors mollo les virolos"
tom4, désolé
Bonjour Tom4, oui, c'est exactement ça !
10-04-2017 15:31Excellent
Philippe
J'attends pour ma part la sortie de la 750 Café Racer Scrambler Nismo Dirt-Track Limited Enduro AMG Trail Urban GT-X Turbo AMG Replica Doohan Edition.
10-04-2017 21:04Va pas donner des idées aux constructeurs !
11-04-2017 14:18Bonjour,
20-08-2017 09:47Je suis un peu surpris a la lecture de cet essai. Je pensais que ce café racer made from Ducati allait bouffer ses concurrents que sont la Street Cup ou bien la V7 Racer qui ont reçus des tests très "cléments", mais il n'en est rien, c'est carrément l'inverse. Pourtant il me semble que ce café racer bénéficie de plus de couples que les deux autres modèles et globalement d'équipements de meilleure facture et qualité.
J'ai bien conscience que ces 3 modèles sont bien en dessous des motos de type Thruxton R et compagnie. On se situe une bonne game en dessous.
Serait-il possible d'avoir un comparatif de roadster classiques de "seconde" catégorie (pas trop puissant) reprennent les 3 modèles cites ci-dessus plus d'éventuels autres dont vous savez qu'ils sont comparables?
Pourquoi cette question?
Je suis un motard débutant et ai remarqué que les roadsters classiques n'étant pas des foudres de guerre, peuvent être de bonnes motos pour se faire la main et découvrir les plaisirs de la moto. Je ne suis ni attiré par les customs ni par les grosses sportives qui peuvent parfois se comporter comme des fusées nerveuses. Quant aux trails, enduros ou vrais scrambler, il faut en avoir l'utilité ce qui n'est pas mon cas.
A l'inverse, un roadster classique mais qui conserve un caractère dynamique et sportif me plait bien.
D'ou ma question plus haut.
J'espere quelle ne sonne pas stupide et qu'elle est légitime.
Merci d'éclairer ma lanternes par vos lumières aguerries!
Amine