Essai Ducati Scrambler Desert Sled
V2, 803 cm3, 75 chevaux à 8250 tr/mn, 68 N.m à 7750 tr/mn, 191 kilos à sec, à partir de 11 290 € (en rouge)
S’il prétend évoquer les virées dans le désert Californien, le Scrambler Desert Sled nous renvoie surtout aux joies simples du trail à l’ancienne
Une famille et, peut-être un jour, qui sait, une marque à part entière : voilà où en est aujourd’hui le Scrambler de Ducati. Depuis son apparition il y a deux ans, cette machine n’en finit pas d’étonner, d’abord par ses chiffres de ventes (32 000 exemplaires, répartis à parts égales), mais aussi par la capacité de Ducati à décliner un univers. Certes, la puissance du marketing ne cesse de surprendre, à la vue des pubs Ducati : en achetant un Scrambler, on pourrait croire que soudainement on va avoir plein de copines aux yeux bleus qui font du skate pieds nus et plein de copains barbus tatoués qui font du BMX et du surf et qu’on va passer des soirées super à faire des feux de bois sur la plage. La vie devient alors très douce et insouciante. So Scrambler !
Nonobstant cet emballage très dans l’air du temps, la gamme Scrambler s’étoffe. On a essayé la Sixty-2 de 400 cm3 l’an dernier et pour 2017, des déclinaisons Café Racer et Desert Sled s’offrent à nous, afin de constituer une vraie famille.
Mais qu’est-ce que donc que cette appellation Desert Sled ? Là encore, on pourrait penser que le marketing a encore frappé : les Desert Sled, ce sont des machines utilisées par les bikers californiens dans les années 70, généralement des routières de plus de 500 cm3, auxquelles on greffait des roues à rayons, des pneus off-road et un sabot moteur pour aller rider dans le désert, sans autre objectif que le plaisir de l’instant présent. Sled viendrait d’ailleurs, si l’on en croit des personnes bien informées, de la contraction de « Skid Plate », soit « sabot moteur ». Ceci dit, Ducati a malgré tout une légitimité en la matière puisque un Scrambler monocylindre de 350 cm3 avait remporté une épreuve de Baja en 1969.
Découverte
Lorsque l’on explique aux gens de Ducati que leur Scrambler Desert Sled est une jolie évocation de l’iconique Yamaha 500 XT, ils feignent (très bien, d’ailleurs) la surprise. « Oh, vous savez, à l’époque toutes les motos d’enduro avaient des roues dorées et puis nous on s’est contenté de rehausser un Scrambler Urban Enduro, pour voir et on a pris des moules blancs parce que c’était moins cher ». Une telle conviction mérite le respect : on va donc faire semblant de les croire.
Il n’empêche que si l’on a deux doigts de culture générale et motocycliste, le parallèle est évident. Cela dit, ce n’est pas déshonorant, en plus de coller complètement aux tendances actuelles du marché ou le garage et le youngtimers ont le vent en poupe.
Donc, 500 XT ou pas, le Scrambler Desert Sled a quand même la tête de l’emploi. A l’origine dédié à la ville et aux balades placides, le Scrambler Desert Sled s’endurise de la tête aux pieds, en témoigne les repose-pieds crantés optionnels de notre machine d’essai. Nous verrons dans les paragraphes suivant si ce n’est que du chiqué, ou pas.
En attendant, le Desert Sled se distingue des autres Scrambler par ses roues dorées, son habillage un peu plus tout-terrain, avec des garde-boues plus généreusement dimensionnés. On note aussi le nouveau guidon et la plaque de protection du moteur, le fameux « Sled ». Bref : impossible de la confondre avec un autre représentant de la famille Scrambler.
En selle
Attention, ça change : de 790 mm sur un Scrambler classique, la selle culmine à 860 mm sur le Desert Sled. Est-ce à dire que le Desert Sled est réservé à ceux qui mangent bien à la cantine et qui reprennent deux portions de soupe ? Pas vraiment. Car la selle est assez étroite et arrondie sur ses bords, ce qui la rend plus facile à appréhender. En option, une selle de 840 mm est disponible. En s’installant à bord, on ne peut pas dire que les suspensions s’avachissent et font gagner quelques précieux millimètres, mais toujours est-il qu’aucun journaliste sur cet essai ne s’est vraiment plaint d’une hauteur de selle handicapante.
Par rapport au Scrambler de base, le Desert Sled inaugure un guidon à la fois plus haut et plus en avant. Cette nouvelle ergonomie fait sens quand on découvre que la positon de conduite debout sur les repose-pieds est totalement naturelle.
Pour le reste, on retrouve l’univers du Scrambler, avec ce tableau de bord digital complet mais pas toujours lisible, notamment au niveau du compte-tours. Cela n’a pas grande importance, car le Desmo est un moteur qui joue cartes sur tables et qui peut parfaitement se conduire à l’oreille.
En ville
Le V2 de 803 cm3 est bien évidemment passé aux normes Euro4. Sachant que les courbes et valeurs de puissance et de couple sont absolument identiques à la version précédente, on pourrait penser que cette évolution passe inaperçue. Mais en fait, non : car Ducati a également retravaillé la souplesse et la réponse à l’accélérateur. Résultat : le V2 ne cogne pas à bas régime et se laisse mener en douceur. En ville, il tient la 4ème à un petit 2000 tr/mn sans broncher et réagit à la poignée sans martyriser sa transmission.
En passant de 41 à 46 mm de diamètre, la nouvelle fourche pourrait handicaper le rayon de braquage. Celui-ci reste cependant très correct. Pour un usage urbain, on appréciera également le bon feeling des commandes et la progressivité des freins. Par contre, le Scrambler Desert Sled ne brille pas par ses aspects pratiques et vous vous collerez l’antivol autour du cou. Enfin, façon de parler…
Sur autoroute et grandes routes
Soyons francs : de l’autoroute et des grandes routes, nous n’en avons pas vraiment fait lors de cet essai. Cela dit, avec ses 75 chevaux, le Scrambler a l’allant nécessaire pour conquérir de vastes horizons. Il peut cependant délivrer d’autres plaisirs qui rendent le voyage plus intéressant que la destination. Et son nouveau châssis, plus long et plus rigide que celui du Scrambler de base, ne peut que lui offrir plus de stabilité.
Sur petites routes
Voilà le terrain de jeu naturel de cette moto. Et là, les bonnes nouvelles arrivent en pagaille. L’ergonomie est naturelle et les 21 kilos supplémentaires ne se font pas vraiment sentir. Du coup, grâce à l’excellente disponibilité du V2, le Scrambler Desert Sled se laisse emmener, en douceur dans le gras de son couple, ou en tirant un peu plus sur les rapports pour exploiter toute son allonge. La boîte verrouille bien et le feeling des freins est plutôt bon. Bref, la moto avale les virages avec beaucoup de plaisir, ne demandant pas de mode d’emploi particulier, se laissant emmener au guidon ou aux repose-pieds.
Certes, en passant de manière plus dynamique du pif au paf, la roue avant de 19 pouces démontre une toute petite inertie, mais rien de vraiment conséquent ni qui nuise au plaisir. A la vitesse légale sur départementale, le Scrambler Desert Sled se tient à un petit 4000 tr/mn en 6ème. Sans être un foudre de guerre, le Desmo est alors un compagnon de route bien agréable sur les itinéraires tortueux, coupleux et disponible sur une large plage de régime. On roulera d’ailleurs à l’oreille car le compte-tours, par baregraphe dans la partie inférieure du compteur, est illisible.
Qu’apporte donc de plus le Desert Sled par rapport aux autres Scrambler dans ce type d’environnement ? Dans l’absolu, rien de fondamental : on retrouve une moto facile et naturelle, qui se fait oublier pour procurer un vrai sentiment de liberté à son conducteur. Dans le détail, la meilleure qualité de la suspension avant fait nettement progresser la capacité d’absorption des irrégularités du bitume ; on retrouve donc le plaisir des trails à l’ancienne, avant que cette catégorie de machines ne devienne des usines à gaz, trop lourdes et trop puissantes.
En tout-terrain
Compte tenu du cahier des charges, on peut dire que la Desert Sled a réussi son coup. Car la quarantaine de kilomètres que nous avons fait sur des pistes dans un décor de western a pu démontrer les qualités de la machine. Que ce soit sur terre battue ou dans des portions sablonneuses, la Desert Sled a démontré qu’elle était bien née. Auparavant, on aura pris soin de déconnecter l’ABS par quelques manipulations faciles au commodo gauche. Attention toutefois : couper et remettre le contact ne réactive pas l’ABS ; ne négligez pas ce détail en quittant la piste pour revenir sur la route.
La position de conduite debout sur les repose-pieds est naturelle et on peut facilement bouger au guidon pour la mettre en appui et la faire tourner. Le réservoir, fin, ne gêne pas, contrairement à l’ancrage supérieur de l’amortisseur latéral, côté gauche, qui peut constituer une gêne au niveau du mollet.
Les débattements de suspension ont nettement augmenté sur le Desert Sled : désormais, on peut compter sur 200 mm à l’avant comme à l’arrière, soit 50 mm de plus dans les deux cas. La fourche ne mérite que des éloges, avec des réactions progressives et qualitatives en compression comme en détente, tandis que l’amortisseur arrière est lui, correct sans être exceptionnel.
On apprécie également la dosabilité et la progressivité du freinage, tout comme la capacité de traction des Pirelli Scorpion Rally STR dans le sable.
Enfin, même quand on constate des réactions de direction, lorsque la roue de 19 pouces tape un caillou à l’accélération dans une saignée, l’empattement plus long permet à la machine de récupérer une certaine stabilité plus rapidement.
Partie-cycle
Plus haute, plus longue, plus rigide, plus lourde : voilà comment se positionne la Desert Sled par rapport à un Scrambler Icon, par exemple. Plus haute, on l’a dit : on gagne 50 mm de débattement, mais surtout des suspensions de meilleure qualité. Si c’est vrai à l’arrière, c’est encore plus flagrant à l’avant. La fourche inversée Kayaba passe de 41 à 46 mm de diamètre et surtout, elle devient entièrement réglable. Que ce soit sur route comme sur piste, elle a donné entièrement satisfaction avec des réactions progressives et une belle qualité d’amortissement.
Comme le bras oscillant est lui aussi nouveau en plus d’être renforcé, la machine est plus longue : on passe ainsi de 1445 à 1505 mm d’empattement et de 2100 à 2200 mm de long. Mais ce n’est pas tout : sur un Scrambler normal, la partie arrière du bloc moteur est porteuse, en étant située à la fois entre le moteur et le bras oscillant. Sur le Desert Sled, le bras oscillant vient s’accrocher au cadre, dont la partie arrière est renforcée pour l’occasion. Résultat : le poids grimpe de 21 kilos, puisque les roues et les suspensions sont elles aussi plus lourdes, sans même parler de l’accastillage dont la grille de phare homologuée et surtout le fameux « sled ».
Mentionnons également la monte de pneus, des Pirelli Scorpion Rally STR. On a déjà parlé de leurs compétences en TT, mais ils ont également fait bonne impression sur la route. Le matin de l’essai, nous avons rencontré des températures de 2°C et des sections à l’ombre, à 1100 mètres d’altitude sur un col sur les hauteurs d’Almeria. Et malgré un rythme relativement enlevé, bien qu’enroulé, aucune perte d’adhérence à signaler, même quand le bout des bottes vient embrasser le bitume. Enfin, ils sont relativement silencieux malgré leurs gros pavés et se distinguent par des bruits de roulements assez faibles.
Freins
Une impressionnante pince Brembo radiale officie à l’avant. Elle est largement suffisante compte tenu du poids mesuré de la moto et de la puissance à la fois modeste et progressive de la machine. Ce que l’on apprécie, donc, c’est le bon feeling et le bon dosage de cet équipement, tandis que la qualité de la fourche, mainte fois mentionnée, le rend agréable à utiliser et participe à un feeling d’ensemble sécuritaire et qualitatif.
Confort et duo
Cela ne faisait pas vraiment partie des points forts de la génération Scrambler (les forums dédiés sont remplis de posts tournant autour du thème de la « selle en gel ») ! Les conditions de notre essai font qu’il est difficile de se prononcer définitivement sur la question.
Certes, la selle a été redessinée, mais elle reste un rien ferme au premier contact. Le kilométrage a manqué (d’autant que 40 % de l’essai a été effectué debout sur les repose-pieds) pour avoir un avis tranché sur son degré de convivialité avec votre fondement. Et pour le duo, y’aura forcément mieux, même si la Desert Sled n’a tout de même rien de la planche de fakir. D’autant que les suspensions ont progressé, encore plus à l’avant qu’à l’arrière.
Consommation / autonomie
Le Desmo 2 soupapes est traditionnellement sobre et avec 13,5 litres dans le réservoir, on devrait pouvoir se taper 200 kilomètres de désert (ou de bitume) sans trop de problèmes. A la question de savoir si les ingénieurs de Ducati avaient envisagé un réservoir dont la contenance soit plus élevée que celle des autres Scrambler, la réponse a été instantanément négative. Pas question de brouiller les cartes et ceux qui en veulent plus seront aiguillés vers une Multistrada 1200 Enduro.
Toujours est-il qu’un Desert Sled avec un réservoir de 18 ou 20 litres, ça n’aurait pas tranché avec le style Baja !
Conclusion
Soyons clair : le Scrambler Desert Sled donne beaucoup de plaisir. Non pas parce qu’il vous promet la Californie, mais parce qu’il renoue avec des joies simples et essentielles de la moto, proches de celles du trail à l’ancienne. Il s’agit là d’un Scrambler plus confortable, mieux suspendu, plus polyvalent, réellement capable en off-road soft et probablement plus que ses deux autres concurrents du millésime 2017, la Triumph 900 Street Scrambler et la Yamaha SCR 950, grâce à des suspensions plus abouties. Voilà une machine qui donne furieusement envie d’accrocher un plaid sur la selle, de coller un caleçon et une brosse à dents dans le sac à dos et de se faire une traverser de la France par les petites routes en jaune sur les cartes Michelin.
Quant au look inspiré des 500 XT, il s’agit sans aucun doute d’une heureuse coïncidence !
Points forts
- Look délicieusement vintage
- Capital sympathie
- Polyvalence de vrai trail
- Excellente fourche
- ABS déconnectable
- Back to basics : les joies simples du trail à l'ancienne
Points faibles
- Compte-tours illisible
- Amortisseur arrière un peu sec
- Confort de la selle à valider sur un essai plus long
- Point d'ancrage de l'amortisseur arrière légèrement gênant en position debout
La fiche technique de la Ducati Scrambler Desert Sled
Conditions d’essais
- Itinéraire : 150 kilomètres dans la région d'Almeria (sud de l'Espagne), dont environ 40 % sur piste.
- Kilométrage de la moto : 380 km
- Problème rencontré : aucun
La concurrence : Triumph 900 Street Scrambler, Yamaha SCR 950 Scrambler
Commentaires
On veut une option gros réservoir !!!
20-01-2017 08:49Je suis le seul à voir une XT 500!???
20-01-2017 14:37Oupsssss... oui faisons semblant de les croire chez Ducati pour la ressemblance!
20-01-2017 14:41Bon remarque, Froggy, je leur ai posé la question car je pense aussi que pour un usage "baja", un réservoir d'une vingtaine de litres ferait bien l'affaire sans dénaturer l'esprit scrambler. Mais Ducati répond que jamais la considération d'un plus gros réservoir n'est entrée dans l'équation lors de la définition de ce modèle. Peut-être que des accessoiristes prendront le relais !
20-01-2017 15:30En tous cas la moto est bien sympa à conduire, c'est déjà ça.
Philippe
Elle est vraiment chouette avec ses roues dorées et ses pneus tt, belle bécane sympa qui comme le dit Philippe, donne envie de traverser la France par les petites routes et chemins de traverse...bon pour mettre qq bagage ? faudra voyager léger.
24-01-2017 00:34P... elle est craquante cette bécane; j'irai l'essayer qd les frimas de l'hiver se feront un peu moins rude. C'est sympa de voir le rédac chief en vidéo même s'il y a des pers. qui s'ont plus à l'aise avec une plume qu'en face d'une caméra , l'aisance c'est un peu comme les pompes, ça vient en forgeant
26-01-2017 09:24bonne journée à l'équipe du repaire et à tous ceux qui vont prendre leur bécane ce jour
Michel
Ce coloris avec les jantes en or est magnifique, c'est de loin la version du Scrambler que je préfère. "Vraies" aptitudes au TT, suspensions revues et position debout naturelle!
01-02-2017 15:58La version Enduro disparaît par la suite, dure loi de la scramblerisation ducatesque