Génération Kawasaki Z750 & Z800
De 2004 à 2016, retour sur 13 ans d'essais et de souvenirs au guidon du roadster fétiche de Kawasaki
Une machine qui est très longtemps restée en tête du marché français
Soixante-six mille six cent quarante-neuf. Oui : 66.849 ! C'est, depuis la fin 2003, le nombre de Kawasaki Z750 et Z800 qui ont été vendues en France. Autrement dit : un carton commercial absolu ! Nombre de constructeurs rêveraient d'avoir une telle machine dans leur gamme, qui traverse les années avec un égal bonheur. Jugez plutôt. Lancée toute fin 2003, la Z750 séduit déjà 610 acheteurs avant Noël de cette même année. Ensuite, c'est le plébiscite : 4933 ventes en 2004, une donnée qui va continuellement progresser jusqu'à atteindre le pic de 7397 ventes en 2008. Et en 2011, la Z750 est toujours en tête des ventes. Durant longtemps, la Z a été tout simplement la moto de grosse cylindrée la plus vendue en France. Et son succès ne s'éteint pas, puisqu’en 2016, le bilan du marché moto lui accorde encore la seconde place parmi les motos de grosse cylindrée, avec 3740 ventes, tandis que la base technique a alors 13 ans ! En résumé, il s'agit tout simplement d'un carton, qui joue une partition importante dans la longue saga de la famille des Z.
C'est peu de dire que cette machine est ô combien importante pour le business de Kawasaki dans l'hexagone. L'avantage d'être un vieux journaliste, c'est qu'on a fait plein de choses et que l'on a plein de souvenirs. La présentation du millésime 2017 de la Z900, la Z du renouveau, est donc l'occasion de revenir sur la carrière de cette machine. Un article subjectif, qui prend la forme d'un carnet de route que l'on ouvrirait pour contempler le passé.
Mais d'abord, un peu d'histoire
Petit rappel historique à l'intention de nos jeunes lecteurs. Au milieu des années 70, c'est la Z900 qui est alors la Japonaise à 4 cylindres la plus performante et la plus fantasmagorique. Pour bénéficier de cette aura tout en proposant une machine plus accessible, Kawasaki lance alors la Z750 en 1976 : il s'agit d'un bicylindre vertical de 55 chevaux. Pas si mal que ça, à l'époque.
Ensuite, les années passent et, en offre de roadster de moyenne cylindrée, Kawasaki surfe avant tout le monde sur la vague rétro avec la Zephyr 750 au début des années 90, puis la ZR7 à la fin de cette décennie. La Zephyr faisait 68 chevaux et la ZR7 78 et toutes deux connurent des succès commerciaux estimables.
Néanmoins, dans la course à la puissance qui caractérise la stratégie des constructeurs japonais, Kawasaki se retrouve au dépourvu au début des années 90. Le gros du marché français laisse alors la part belle aux roadsters 600, Suzuki Bandit en tête d'abord puis Yamaha Fazer et Honda Hornet dans la foulée.
Kawasaki a un coup de génie. Pour à peu près le prix d'une 600 4 cylindres, eux vont proposer une 750. Banco !
2004 : la Z 750 déboule !
En fait, c'est la Z1000 qui avait annoncé la voie un an plus tôt. Reprenant une appellation mythique et l'ornant de 4 pots d'échappement tout aussi symboliques, la Z1000 annonce l'entrée de Kawasaki dans la famille des gros roadsters modernes, faisant suite ainsi aux ZRX 1100 et 1200, sympathiques machines, mais un peu empotées.
La Z750 reprend les mêmes éléments de design, avec une finition et un sens du détail simplifiés, des peintures moins soignées et un échappement 4 en 1. Mais le look est très inspiré et quelques détails tels que les carters moteurs "façon magnésium" et l'original tableau de bord digital et sa platine rouge (sic !) impressionnent les foules. L'essentiel est ailleurs : le gros 4 cylindres de 748 cm3 gronde et allonge la foulée, avec une bonne centaine de chevaux (110 officiellement, 106 en France), un couple plus généreux que celui des 600 et la sonorité rageuse et typiques des Kawasaki. Pour le grand public, la Z équivaut à un surclassement par rapport aux références du marché, surtout au prix de 6990 €.
J'avais le souvenir d'avoir été effectivement séduit par son 4 cylindres, expressif et doté d'une belle allonge. Moins par l'agrément des commandes et la "finesse" d'ensemble du châssis. Mais les motards français, eux, n'ont vu que son potentiel !
2005 : la Z 750 S
Un an plus tard, Kawasaki joue la polyvalence avec la Z 750 S. Une version dotée d'un carénage tête de fourche et poignées passager, mais qui ne connaîtra pas un grand succès commercial et qui sera rapidement retirée de la gamme. Malgré une nouvelle selle, le carénage n'apportait pas un gain en confort absolument substantiel et les réglages différents de l'injection et des suspensions ne modifiaient pas radicalement l'esprit de la moto. La Z750, c'est une forte en gueule, une machine de caractère et cette version, comme toujours sur le marché français s'agissant des roadsters carénés, n'est pas restée dans les mémoires. Elle s'affichait à 7699 € et proposait pourtant également un tableau de bord plus complet, avec compteur et compte-tours dans des cadrans distincts.
2007 : une remise à jour bienvenue
Kawasaki lance une nouvelle version de sa Z750 fétiche. La présentation évolue et se fait nettement plus cossue. La Z adopte des nouveaux freins à disque "pétale", une belle fourche inversée, un échappement redessiné. Le moteur est revu pour limiter les vibrations (sans grand effet, ce sera toujours l'un des points faibles de la machine), ainsi que pour délivrer un peu plus de couple à mi-régime.
Je me souviens d'un comparatif mené en Afrique du Sud (d'où la photo de conclusion, façon coucher de soleil dans la savane), avec des roadsters 600 et à l'époque, la Z tenait toujours son rang. Car la concurrence a mis un peu de temps à réagir (on ne parle même pas de Suzuki, qui a mis 7 ans à comprendre la formule avant de sortir sa GSR, ce qui est proprement hallucinant !), mais il est vrai qu'au fil des années, les qualités dynamiques de la Z, pas extraordinaires au départ, ont été de plus en plus challengées par une myriade de prétendantes.
Yamaha FZ8 (en gros, une réinterprétation plus moderne de la recette Z), Triumph 675 Street Triple (une pure réussite, qui a elle aussi connu son heure de gloire), Honda Hornet 600 (moins de couple, mais un châssis plus équilibré et efficace), BMW F 800 R (homogène, mais bizarrement positionnée par Munich), toutes ont essayé de déloger la Z de son piédestal. Et aucune n'a réussi, bien qu'à l'occasion de ce comparatif de 750 et 800, nous avions alors fait gagner la Hornet 600 pour son homogénéité et l'équilibre de son châssis. Mais le public continuait de voir dans la Z cette machine devenue légendaire, la plupart des jeunes permis ne jurent que par elle et nombre de motards expérimentés s'en satisfont plus que de raison. A croire que la Z, c'est aussi ça :
Une vraie gueule. Une posture sur la route. Les hurlements du fameux 4 cylindres Kawasaki. Et, toujours, un rapport prix / prestations imbattable. La Z est devenue un phénomène de mode, celle qui vous "pose" en tant que motard dans une communauté. Avec elle, Kawasaki construit son succès dans la durée ! Du coup, cette seconde génération de Z750 restera quasiment 5 ans au catalogue sans grandes évolutions autres que des coloris.
2011 : l'arrivée de la version R
Kawasaki, néanmoins, sent le poids de la concurrence et entend les critiques exprimées sur le châssis de la Z750, bien évidemment capable de donner du plaisir, mais qui ne se distingue pas par une grâce particulière en action soutenue. D'où cette version Z 750 R, qui présente un sérieux travail sur les suspensions, avec une fourche inversée de 41 mm de diamètre et réglable en détente, qui provient de la Z1000 de 2009, ainsi qu'un amortisseur arrière à bonbonne séparée, mais sans la myriade de réglages qui sont proposés sur les éléments haut de gamme. Côté freinage, les disques gagnent 0,5 mm de diamètre et des étriers radiaux font leur apparition. Parmi les détails, le tableau de bord comportait un fond noir avec le logo "R" en rouge. De quoi justifier alors un prix de 8599 €, 900 € de plus que la version classique.
J'étais à la présentation presse en Espagne et effectivement, on constatait du mieux. Mais la Z souffrait encore un peu de son poids lorsqu'elle était menée à bon rythme sur petite route et du coup, chez les journalistes, l'accueil était, disons, mitigé. Evolution sensible, oui. Révolution, non. Néanmoins, la version R est intéressante par sa relative rareté, ainsi que par sa qualité de présentation et de finition, avec sa peinture bi-ton et sa fourche dorée. Et si les journalistes ne sont pas convaincus, elle continue par contre à plaire aux motards.
Fin 2012 : la Z 800
On change le produit, on conserve la recette, bienvenue à la Z800. L'objectif : une présentation valorisante, un prix contenu et toujours très concurrentiel, le souffle du légendaire 4 cylindres porté à 800 cm3 et une version Z800e plus accessible et bridable pour les permis A2. L'essai récent de cette dernière machine a permis de constater, à nouveau, l'incroyable pouvoir d'attractivité de cette machine, à la fois auprès des motards, des scootéristes et aussi du grand public.
Et c'est vrai que malgré l'âge de la lignée, la Z 800e m'a interpellé par son moteur rond, souple et agréable, la douceur de ses commandes ainsi que par son train avant presque précis. Quant aux freins, ça le faisait pas trop pour un motard très exigeant, mais pour un débutant, oui. D'ailleurs, si je me remémore mes années de jeune motard et les tromblons sur lesquels je roulais, j'aurais effectivement été le roi du pétrole à rouler avec une Z 800e.
Conclusion : place à la Z 900 !
Une longue histoire et dans tous les cas, un joli succès qui a dû bien faire rager la concurrence ! Telle est le bilan de 13 années de présence de Z sur le marché français, au moment de passer le flambeau à la Z 900.
D'ailleurs, la Z750, c'est un peu "Bienvenue chez les Chtis" : gros carton populaire malgré une certaine réserve des critiques ! Mais la success story a tout pour continuer. Et on notera cette ironie de l'histoire : la Z1000 de 2003 faisait 953 cm3. La Z900 de 2017 en fait 948... C'est ça, l'évolution (sans compter que ça met un peu la Z1000 en péril, qui aura probablement son propre upgrade bientôt !).
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