Kronik : Dijon-Dijon
Laurent
Un roadtrip estival de 1.126 km en Honda CRF 250 L
Dans tout voyage, il y a des moments monotones. Les kilomètres se succèdent, sans événement particulier. Je traverse l'Ardèche après m'être débarrassé de mes démonte-pneus. Terrible erreur !
Le cerveau en roue libre, je laisse le Gusse qui Parle tout Seul me mener de village en village. Je lui ai trouvé un support ingénieux, mais moche : un rétroviseur à bas prix, vissé sur le guidon entre la cocotte et le pontet, dont j'ai volontairement cassé le verre pour pouvoir y fixer le support, maintenu par des colliers en plastique. Le GPS est ainsi juste au-dessus de mon compteur, bien dans mon champ de vision et à l'abri en cas de gamelle.
C'est décidé : je vais traverser l'Ardèche en diagonale, en visant à peu près Vienne. Pour le début de la remontée vers Dijon, je vais prendre un maximum de toutes petites routes. J'ai encore allégé mon chargement de quelques kilos en virant la popote, le réservoir supplémentaire dont je ne me suis jamais servi jusqu'à présent, quelques vêtements en trop et une série d'outils. Voyager, c'est s'alléger. Continuer, c'est s'alléger encore.
Juste après le Col de la Croix de Beauzon, ça commence à tortiller. La CRF y roule avec l'aisance des trails légers, qui laissent une grande marge de manoeuvre pour improviser. A condition d'oublier la 5 et la 6, le moteur n'est pas si ridicule, mais il m'oblige à faire très attention à conserver mon élan. Rien à voir avec la conduite d'une moto plus grosse qui peut compter sur son couple pour repartir.
Sans rouler très vite -le GPS m'annonce un risible 43 km/h de moyenne, je me régale de cette espèce d'hypnose qui s'installe, au point que j'ai l'impression d'être immobile sur la moto et que c'est tout le paysage qui tourne et penche autour de moi. C'est à la fois grisant, reposant et peut-être dangereux parce que j'ignore alors quels sont mes temps de réaction.
Arrivé à Aubenas, je prends plein nord, en direction de Saint-Andéol. Cro-ook ! Tiens ? J'ai fait frotter le cale-pied. Ou la béquille. La première fois que ça m'arrive depuis le départ. Croo-ok ! Ah non, c'est pas la béquille. J'ai quelque chose qui frotte par terre. Je m'arrête. Bien m'en a pris : je suis en train de perdre une de mes sacoches, dont les colliers plastiques se sont rompus en frottant contre une patte du cadre. Je remets tout ça en ordre et c'est reparti.
En fin d'après-midi, après une courte incursion sur une piste assez roulante -que j'aurais jugée totalement impraticable il y a une semaine- je finis par trouver un bivouac pour la nuit, afin entre autres de tester le hamac acheté à Aurillac. Je ne vais pas te faire un compte-rendu complet, mais après une nuit : j'adopte ! S'il y a des arbres, terminé la tente !
En repartant le lendemain, je trouve la moto étrange. Un peu molle de la direction et plus lourde à manoeuvrer. J'ai crevé ? Ah ben oui, j'ai crevé. De l'avant. Et qu'est-ce que j'ai renvoyé par la Poste il y a trois jours ? Les démonte-pneus ! Bien joué. La crevaison a l'air lente, très lente, même, donc je peux m'en sortir si je ne fais pas le cornichon. Je balance dans la chambre un coup de bombe anti-crevaison -celle-là, au moins, je l'ai gardée- et je repars, un peu sur des oeufs.
Bien m'en prend, parce que trois kilomètres plus loin une embardée m'indique que mon pneu a capitulé. Et effectivement, il est beaucoup plus raplapla que tout à l'heure, malgré la bombe. Vu l'endroit où je suis, la Clarisse la plus proche est à 10 kilomètres. En bon apprenti moine bouddhiste -niveau maternelle, hein, restons modeste- je décide qu'il est urgent de méditer sur la situation et ses aspects positifs.
Voyons voir. Il est presque 10 heures. Le soleil tape. J'ai encore assez d'eau pour que ce ne soit pas un problème immédiat. Le patelin le plus proche est à 12 bornes. J'y serai vers 12 heures 30 environ. Le temps de trouver une bonne âme pour... ramener la moto au bled ? Revenir avec la roue seule et trouver un garage ? Tenter de répa...
Eh ? Mais c'est pas un bruit de moteur, que j'entends ? Ah ben si ! Carrément que c'est un bruit de moteur. Plusieurs moteurs, même. Et ils viennent par ici !
Ma bonne étoile... ma bonne étoile...
Vingt secondes plus tard, deux DR 400, une 660 XTZ et... une KLE... une KLE ? Vraiment ? Ah ben oui, une KLE, donc, s'arrêtent à ma hauteur. Je lève les bras, d'un geste d'impuissance.
- En panne ? demande le motard le plus proche.
- Crevaison, dis-je, l'air embêté.
- Bah, fait le motard en haussant les épaules.
Il coupe son moteur -heureusement, parce que son pot fait un foutu barouf. Ses compères font de même. Il descend après avoir béquillé. Il s'approche de ma moto.
- T'as des outils ? me demande-t-il.
- Tout renvoyé avant-hier à la maison pour m'alléger.
Il rigole.
- Allez, on va te réparer ça.
- Merci. Merci. J'étais bien coincé.
Les trois autres motards sont descendus à leur tour. Je suis surpris une seconde quand deux voix féminines s'adressent à moi : avec les lunettes de leur casque de cross et les combinaisons, difficile de faire la différence. Je suis d'autant plus étonné que l'une d'entre elles conduit la KLE.
En moins de cinq minutes, ma CRF est sur le flanc, posée sur ses sacoches pour faire matelas, roue avant déposée.
- Ah ça, savoir démonter un pneu, ça fait partie des trucs à connaître. Plus important que de savoir tendre une chaîne ou faire une vidange, tu vois ?
J'opine du bonnet. Il continue à travailler en me donnant des explications de temps à autre : la manière de positionner les démonte-pneus, comment faire pour ne pas trop rayer la jante, comment trouver la fuite, etc. Je me sens un peu stupide, les bras ballants, à regarder faire ce type dont je ne sais même pas le prénom. Et quand il a fini, je fais quoi ? Je lui donne un peu de sous ? Ou va-t-il mal me prendre ? Je tape un peu l'incruste avec eux ?
On fait comment pour remercier un motard qui dépanne -non, plutôt : qui me sort d'un beau merdier- au bord de la route ?
Commentaires
ben tu les invites a Dijon, même si la solidarité motarde ne demande pas de récompense.
21-08-2018 08:25tu devrais jouer au loto, entre la jument et les enduristes ( encore des nanas) c'est pas du bol que t'as, c'est carrément une influence sur tes emmerdes.
j'attends ton prochain ou tes prochains blémes avec une certaine curiosité.
BIB MOUSSE MICHELIN..........tu devrais envisager.
T'as eu du bol mon coco.
21-08-2018 10:53Une KLE ? t'es sérieux ??
Peut être qu'en vrai K Pok est une belle blonde ? Jamais vu une blonde à forte poitrine rester seule bien longtemps au bord de la route, même au milieu de nulle part... -)
21-08-2018 11:05Reste que moi je démonte les pneus sur mon vtt (et je galère déjà pas mal) mais j'aimerais vachement savoir le faire sur ma moto...
J'attends aussi la suite avec impatience ! En espérant que la prochaine belle rencontre ne soit pas consécutive à une nouvelle galère quand même !
Je confirme: KPOK est bien une blonde à forte poitrine.
21-08-2018 12:50J'en fait partit des type en CB 500 (amorto EMC et pneu sport) sur les pistes ! C'est possible sans utiliser le frein avant et en faisant le modeste dans les franchissements ...
21-08-2018 13:17Maintenant j'ai un 250 KLX, la frangine de la CRF de chez KAWA et c'est bien mieux comme ca !
Je confirme : Frog a des problèmes de vue (ou alors KPOK a subi une opération). 21-08-2018 15:16
Ba j'ai eu une CB500 jadis, mais pas pour les chemins, faut pas exagérer.
21-08-2018 17:15N'empêche, une KLE ça a l'air polyvalent. avec la selle rose dans les chemins
Rhooo le Col de la Croix de Beauzon, 14 km de virolos superbes et une vue exceptionnelle !
22-08-2018 00:29Ah ! On n'en fait plus des comme ça, d'nos jours ! 22-08-2018 09:23
C'était l'option couleur "Vania Pocket" !
22-08-2018 10:19Ah si, on en fait encore : on a tout de même eu droit à la Z1000 et sa selle "peau de serpent" !
22-08-2018 15:55On fait comment pour remercier un motard qui dépanne -non, plutôt : qui me sort d'un beau merdier- au bord de la route ?
22-08-2018 17:47Ma soeur avait un truc imparable, mais je doute que ça te plaise...
Ah la fameuse Z1000 avec la selle serpent ! va la revendre "stock" celle-là. Mon voisin kéké peut-être.
23-08-2018 09:28Je suis d'autant plus étonné que l'une d'entre elles conduit la KLE.
23-08-2018 09:38T'as de la chance.
Nous en 35 ans de rando trial, on a rencontré qu'une fois une fille.
En 125 Ty.
Enfin une fille, si... mais fallait la voir débiter à la hache les sapins qui barrait un chemin...
Héhé chouette road-trip! Cet été aussi j'en ai fait de la borne par les toutes petites départementales, avec le nécessaire de bivouac sanglé sur la place du SDS. Un bonheur de liberté !!!
03-09-2018 19:20