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Kronik : Dijon-Dijon

Ce soir, c'est camping

Un roadtrip estival de 1.126 km en Honda CRF 250 L

Je roule vers le sud. Je longe la Loire en direction de Roanne. Selon mon calendrier, je suis déjà en retard, mais mon équipement est sec. Ce soir, je campe.

Kronik : Dijon-Dijon - Camping
Kronik : Dijon-Dijon - Camping

J'ai passé une journée complète à Château-Chinon à me remettre de mes mésaventures sous la pluie. Une partie de mes vêtements étaient trop humides pour continuer sans les faire sécher. J'ai des courbatures à des endroits où je ne soupçonnais même pas que j'avais des muscles.

En repartant, j'ai fait un crochet par Moulins pour m'acheter une paire de bottes tout-terrain. Mes bottes de route ne conviennent pas du tout. Elles sont reparties par la Poste avec quelques vêtements qui me paraissent de trop. Voyager, c'est s'alléger.

Je reviens sur mon parcours initial qui consiste à suivre au plus près la Loire entre Digoin et Roannes -pourquoi ? Parce que l'idée me plaît- avant de filer en diagonale vers Clermont pour traverser une partie du Parc du Forez. J'ai l'intention d'y planter la tente, juste pour sortir un peu de ma zone de confort -après quatre ans de yourte, je fais toutefois dans le très marginalement stupéfiant.

En attendant, je roule à un petit 70 km/h sur une de ces départementales si petites que je m'attends à ce qu'elles s'appellent la D122 1/2 ou la D164 3/4. Elle est tellement étroite que la DDE n'y a pas peint de bande médiane. Je rêvasse, mais ce n'est pas une bonne idée : c'est au détour d'un virage que peut surgir le local, persuadé comme moi d'être seul sur la route ; j'aurai une fraction de seconde pour choisir entre sa calandre, la haie ou la clôture barbelée.

A cette vitesse, j'arrive à 3 litres au 100, soit la conso annoncée par Honda. C'est heureux, parce que les pompes à essence se font rares en dehors des grands axes : j'ai moins de huit litres dans le réservoir d'origine, soit 180 kilomètres d'autonomie en gardant une marge de 30-40 bornes. J'ai renoncé à monter un réservoir de plus grande contenance : il faut dépoiler la bécane et démonter la pompe à essence immergée -trop long et compliqué pour moi. Il a été remplacé par un simple bidon d'essence de trois litres. Très plat, il est sanglé à la platine arrière sous mon nécessaire de camping.

Je mange un morceau à Roanne. Un rapide calcul me donne 42 km/h de moyenne depuis ce matin. Je rigole : avec une mobylette à peine débridée, j'aurai pu faire aussi bien. Si j'ai fait l'impasse sur le réservoir de 12 litres, en revanche je suis très heureux d'avoir viré la selle d'origine, ce rail SNCF revêtu d'une fine couche de skaï. J'ai emprunté au boulot une agrafeuse "pro" pour le montage et je trouve que je m'en suis plutôt bien sorti, moyennant l'emploi d'un sèche-cheveux pour bien faire les arrondis. Je peux rester trois heures en selle sans avoir mal au cul. Youpi !

Je regrette juste de ne pas avoir trouvé un moyen de débloquer rapidement le guidon pour le remettre en position "route". J'ai pourtant perdu beaucoup de temps sur des sites américains qui vendent un paquet de merdouilles pour trails et enduro. Leurs noms m'amusent : c'est une avalanche de Power-machins et de Speed-bidules. Les Américains savent très bien emballer les merdouilles.

Je repars, direction Thiers via Saint-Just. J'aime bien les friches industrielles qui me donnent un avant-goût de l'époque à venir. J'en ai un peu marre des petites routes, alors j'emprunte une départementale "jaune". Pour le campement de ce soir, je vise un "trou" entre Sainte-Agathe, Viscomtat, Vollore-Ville et Vollore-Montagne. Pourquoi ? Parce que pourquoi pas.

Je ne suis qu'à moitié sûr de ma philosophie sur ce coup-là : il vaut mieux s'excuser après une nuit de camping sauvage que de demander l'autorisation avant et de se la voir refuser. Je fais un petit tour de reconnaissance, pas trop vite, mais pas trop lentement non plus et puis je prends un chemin forestier au pif à la sortie d'un petit bled. Pas de panneau indicateur : avec un peu de chance, il n'y a pas de hameau au bout. Pas de traces de pneu récentes au sol. Un sentier plus étroit part vers la droite. Première. Je poum-poum à 10 à l'heure, le nez dans la pente. Un taillis à gauche. Je m'arrête. Coupe le moteur, ôte le casque. Pas un bruit. Je béquille et descends. D'ici, je ne peux pas être vu du chemin, même avec ma moto rouge pétant -que je regrette à cet instant. Un coup d'oeil dans la pente pour vérifier que je ne suis pas pile sur la trajectoire de la prochaine coulée de boue.

Tout à coup, les kilomètres de la journée me tombent dessus. Je suis fatigué. Je pousse la moto et commence à décharger. Tente, duvet, tapis de sol. Pas de feu : ce soir, je mange liquide pour mieux dormir. Je me sens devenir plus lourd. Une question étrange me traverse l'esprit : combien d'homo sapiens ont déjà campé à cet endroit depuis 180.000 ans ?

En tous cas, je vais bien dormir cette nuit.

Plus d'infos sur la Kronik de l'été

Attention Kronik ! 100% mauvaise foi ! Ceci n'est pas un article ni une brève (voir historique si nécessaire). L'abus de kronik peut être dangereux pour la santé de certains. Ne pas abuser.

Commentaires

XM

rhâââââ lovely!
c'est de la poésie ton dirt trip

31-07-2018 08:08 
tsointsoin

Mais il se passe quoi si tu tombes sur des flics, gardes champêtre ou autre ?

31-07-2018 08:20 
froggyfr99

On peut avoir une photo de la selle KPOK Modified ?

31-07-2018 11:31 
cricridu34

C'est bizarre comme le temps change les choses, la vie, le monde.
Il y a juste quelques dizaines d'années, on pouvait camper comme ça n'importe où, ou presque. Il suffisait d'être correct, poli, courtois, propre.
Qui a parlé d'évolution ? Kpok, tu ne me fais pas rêver, là. Tu me fais mal.

31-07-2018 14:01 
cajo

Et que voulez vous qui s'passe ?
On va pas quand même pas mettre au poteau tous les KPOK et autres "vagabonds" voyageurs qui dorment peinard dans le bosquet au fond d'un champ en faisant chier personne !

C'est dingue cette obsession de l'autorisation et de la sanction... cette peur de l'autre et cette crainte permanente envahissante empêche de mettre un pas devant l'autre, ou même de marcher de travers si tu le souhaites.

A partir du moment où tu laisses propre l'endroit, tel que tu l'as trouvé, et que tu ne fais pas de feu ...

En fait, la demande préalable faite au paysan du coin peut se solder par un refus si t'es pas seul et si tu n'es pas rassurant d'emblée sur les quelques aspects suivants : pô de feu, je laisse propre, si caca je l'enterre, je pars demain matin ...

Si le gars vend du fromage ou du pain, c'est bingo ... tu peux être invité à dormir dans la grange, le bonheur clin d'oeil

Si tout l'monde a peur et confiance en rien et personne (toi comme le gars), c'est mort, c'est clair et il vaut mieux rester dans ton canapé ou voyager d'hôtel en hôtel sur la 66 ...

Dans l'exagone pour pas essuyer de refus, y'a aussi la méthode "sauvage" façon KPOK sans demander à personne... car c'est bien aussi de se retrouver seul, comme l'homo sapiens qui évidemment a bien dormi là avant toi ... d'ailleurs, t'en as pas trouvé des traces ??

dingue V

31-07-2018 15:33 
tsointsoin

Je ne sais pas, je parlais plus du fait d'emprunter les sentiers en moto que de trouver un coin pour dormir !
Effectivement on ne parle pas ici de supercross dans les chemins et plus de ballade cependant je serais agréablement surpris d'apprendre que si l'on croise l'un ou l'autre représentant de l'ordre sur ces chemins ils ne feraient que nous saluer et nous souhaiter bonne route.

31-07-2018 16:22 
cricridu34

@cajo: le problème c'est que l'homo (le sapiens, hein) il est devenu homo crado, homo perso. J'habite à 4 kms d'un magnifique lac, où, il y a quelques années, on pouvait vivre en totale liberté, ou presque. Puis il a fallu mettre des barrières pour protéger la végétation. Elles ont été arrachées à grand coup de 4x4. Alors on a monté des talus, ils ont été franchis à coup de quad... Maintenant, ces talus sont cumulés à de grands fossés, les gendarmes et pompiers à cheval patrouillent à longueur de journée pour protéger un grand site naturel classé. Malgré tout ça, on y voit encore souvent des abrutis faire des feux alors que nous sommes une région où ce danger est permanent.

31-07-2018 16:26 
KPOK

Citation

On peut avoir une photo de la selle KPOK Modified ?
Nan. J'ai pas pris de photo. C'est un kit qui comprend la mousse de selle à adapter sur le bâti d'origine et à recouvrir soi-même avec le skaï fourni. Je ne sais pas où Antoine a dégotté ce truc et je ne sais pas si on peut importer des Zuèsses les Corbin/Seat Concepts/Spiral Step et autres.

31-07-2018 17:14 
Dwitch

Hello !

Petit clin d'½il sur la sortie de la zone de confort : cela s'entend surtout par réévaluer copieusement la part de contraintes et de risques à laquelle on choisit de s'exposer. Dans ton aventure, partir découvrir le TT en rando solo, on peut pas dire que tu fasses les choses à moitié ! Comme tu l'as vite constaté, en solo un petit pépin peut vite devenir une grosse galère.
Dans ma région sud IDF, la pratique de la rando TT (même très respectueuse) est devenue quasiment mission impossible. Tout appartient à de riches propriétaires terriens (c'est le pays de chevaux, haras, terrains de polo et cie), ou est protégé - interdit … Même en se voulant gentlemen rider à tétines, on se fait jeter comme des criminels, aucune communication n'est possible, la loi c'est la loi … Faut vraiment viser juste niveau créneau pour espérer ne rencontrer personne. En période de chasse on oublie carrément, même à pieds on sort plus ! (quand c'est pas les locaux bourrés dès le matin, ce sont des chasses privées pour les joailliers de la Place Vendôme par exemple) Bref, belle région, mais quand t'as les thunes pour posséder la terre et y faire ce que tu veux.


Allez, plein de bonnes choses pour la suite de ton périple, toi qui es sorti de la zone de confort du commun du quotidien !


Dwitch

31-07-2018 18:50 
freedom ciao tutti

tu devrais lire, si tu ne l'as pas encore fait, R.L. STEVENSON " journal de route en Cévennes", en 1878 cet écrivain ( "l’île aux trésors") entreprit la traversée des Cévennes accompagné d'une ânesses.
tantôt il dormait dans des bouges, il préférait dormir dehors, sous les étoiles, le plus agréable des sommeil.
de plus une CRF 250 et une ânesse ont des points en commun....la puissance, l'autonomie et l'inconfort.

01-08-2018 08:39 
KPOK

Un copain va faire la Stevenson cet automne avec un... quadrupède herbivore de petite taille dont je ne connais pas le nom exact, qui va lui servir de sac à dos mobile. L'animal carbure apparemment aux pommes et aux grattouilles derrière les oreilles.

01-08-2018 16:47 
freedom ciao tutti

j 'ai remplacé l’anesse par mon vieux v strom 1000 et les chemins par les départementales pour mon trip de la semaine prochaine, je commence par un motocross nocturne a Lavilledieu, puis sur les traces de la bête du Gévaudan et retour avec une étape au mont Aigoual avant de rejoindre le Ventoux et les gorges du Verdon, je serai chez moi.
sous la tente ou a la belle étoile,en solo.

01-08-2018 18:21 
Nounours48

Roadsixsix => si besoin (ou envie d'une mousse) n'hésite pas, je suis à Mende au c½ur du Gévaudan et à l'entrée des Cévennes.

Si il pleut (ou pas) un canapé est toujours dispo V

Kpok => le Stevenson est superbe, et à l'automne encore plus !
Gaffe aux épisodes cévenols ...

01-08-2018 22:16 
freedom ciao tutti

merci Nounours48, je te remercie, c'est sympa.
je garde sous le coude ta proposition.
je connais un peu les risques avec les épisodes cevenols, cela n’empêche pas la prudence.
Ma "Modestine" ne me lâchera pas j’espère, car c'est sans doute ma dernière bécane.

02-08-2018 07:46 
cricridu34

@road66: un DL 1000 qui te lacherait, c'est juste pas possible... En 12 ans et 250 000 kms le mien n'a jamais abandonné. Il est même parti vers une autre vie après. Si tes errements t'amènent dans la région de Clermont l'Hérault, où il y a aussi beaucoup de choses à voir et à rouler, n'hésite pas. Bière, couchage si besoin pour le motard, Huile, compresseur, et autre pour la moto.

02-08-2018 10:38 
 

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