Kronik : Dijon-Dijon
Le Morvan
Un roadtrip estival de 1.126 km en Honda CRF 250 L
Il pleut. Je suis fatigué. Je veux retrouver le bitume et rouler comme un motard normal vers Château-Chinon. Si je m'entête sur ces chemins de sous-bois, je vais me faire mal.
Maintenant, je sais pourquoi on appelle ce coin le "Morvan pourri". A cause de la météo et de la capacité du sol à retenir l'eau. Je regrette le calcaire de mes premiers tours de roue hors bitume. Depuis ce matin, je bouffe de la boue et de la flotte.
Parti d'Avallon, je pensais modestement rallier Château-Chinon. A peine plus de 70 bornes en une journée. C'est barré en quenouille à partir du sud de Châlaux où j'ai décidé de tirer tout droit à travers bois pour rejoindre la D150 sans passer par Plainefas. C'est allé tout seul jusqu'au ruisseau de l'Etang de Pierre, mais depuis un kilomètre environ je roule franchement au-dessus de mes capacités de franchissement, à flanc de colline, dans un sous-bois assombri par les sapins. Il y a des branches en travers du sentier, de gros cailloux que je contourne avec peine et bien sûr la glaise qui colle à mes bottes, étanches, certes, mais de route.
Le moteur fume à cause de l'eau. L'embrayage a beau être souple, je commence à avoir mal au poignet. Je fais tout ce qu'il ne faut pas faire, la liste complète de ce que j'ai lu sur un forum pendant ma préparation : me crisper sur la moto, m'entêter plutôt que de faire sagement demi-tour avant de me faire mal, passer les obstacles "en force". Et surtout rouler seul au milieu de nulle part. Sur la carte, la départementale est à moins d'un kilomètre, mais je vais faire comment pour rallier cette route où doivent passer cinq voitures par jour si je me pète une cheville ou me déboîte un genou ?
Je finis par déboucher sur la D235 qui relie Saint-Martin à Plainefas. J'en ai marre. Je préfère le bitume. C'est un grand soulagement de pouvoir rouler plus de dix mètres sans redouter la chute : c'est fou ce que le tout-terrain demande de concentration. A la fourche juste avant Plainefas, je prends à droite et file vers Lornes. Je suis trempé et crotté. Je me demande si je ne vais pas me faire refouler à la porte de mon hôtel à Château-Chinon tant j'ai l'air de sortir d'une tranchée. Je suis presque tenté d'écrire qu'heureusement il pleut encore, ce qui contribue à décoller la glaise qui nous couvre, moi et ma vaillante CRF qui, depuis le départ, fait de son mieux pour pardonner mes erreurs de débutant et rattraper mes excès d'optimisme.
Je suis parti de Dijon avant-hier et déjà cela me semble loin. Le premier jour, j'ai fait de la piste très roulante pour m'acclimater, avant de rejoindre par la route mon camping à Pouilly-en-Auxois après une très longue boucle qui m'a amenée jusqu'à Tonnerre, loin au nord. Le lendemain, j'ai tiré des bords en direction d'Avalon, seulement sur route. C'était mon intention de départ : une journée sur bitume, une journée bitume-terre, pour ne pas prendre trop de risques d'emblée. C'est un peu loupé : deuxième jour de terre et je me dis que ce périple est mal parti, surtout avec cette météo digne d'un mois d'avril.
Il s'arrête de pleuvoir 20 kilomètres après Lornes. Je fais un petit crochet par le réservoir de Pannecière. Je me gare juste à côté du barrage. Je suis content de descendre de la moto. Mes vêtements fument au soleil. J'aurais voulu m'approcher de l'eau, mais un grillage m'en empêche. Je lave un peu mes bottes dans une flaque. Il faudrait que je trouve une station de lavage pour mettre un coup sur la moto... et sur mon pantalon, afin d'être un peu plus présentable quand je vais arriver à l'hôtel.
Parce que oui, je roule avec un équipement pas exactement adapté au hors-piste, budget oblige. Je n'ai acheté qu'un pantalon de rallye coqué. Tout le reste provient de ma garde-robe de route : casque, blouson, gants, tour de cou... Moralité : depuis ce matin, je roule avec la visière fermée pour éviter que de l'eau coule à l'intérieur et me brouille la vue. Par-dessus mon blouson j'ai enfilé un surblouson imperméable pour me protéger de la pluie, mais en contrepartie je meurs de chaud. Mes gants sont en théorie étanche, mais ils sont mouillés de transpiration et je n'ose pas les ôter de peur de ne plus pouvoir les renfiler.
Je me dis que dans un mois ça me fera des souvenirs. Mais pour l'instant je suis mouillé, j'ai froid, j'en ai marre et je n'aspire qu'à deux choses : un bon bain et une nuit au fond d'un lit.
Commentaires
Moi qui croyais que le nord de la France était le seul endroit pourri en été. courage KPOK, ce que tu fait est INCROYABLE
24-07-2018 10:54Ca me rappele furieusement ça :
24-07-2018 11:29"J' me suis cogné partout
J'ai dormi dans des draps mouillés
Ça m'a coûté ses sous
C'est de la plaisance, c'est le pied"
ça me rappelle des sensations d'hiver quand tu te retrouves sur le verglas ou la neige parce que tu n'as pas voulu renoncer à rouler malgré les alertes météo (t'es un motard, un vrai). sauf que là tu cherches les conditions hivernales en plein été. je respecte mais j'ai du mal à comprendre, sauf si c'est pour se sentir bien quand ça s'arrête?
24-07-2018 11:56respect, mec!
La moto est un plaisir parfois masochiste. KPOK est un véritable héros en ce sens, les amis.
24-07-2018 15:29Continue ainsi KPOK, on est avec toi
Tu l'as trouvé la région ...ça crame partout !!!!
24-07-2018 17:15Et c'est pas fini... 24-07-2018 20:55
comme quoi il y a encore moyen de se dépayser en métropole.
25-07-2018 09:35suffit de vouloir et pouvoir.
mon trip est prêt, les Cévennes,ce qui est un peu chiant c'est les campings qui ferment leurs portes trop tôt, ma bécane est âgée, mais la laisser dormir loin de la tente et dans la rue ça m'emballe pas.
vas-y Raoul, roule.
Après la pluie le beau temps; ce qui m’intéresse c’est comment tu as fait ton roadbook et trouvé tes chemins de traverse
25-07-2018 18:46Hello, et voici la minute de Papy Proverbes :
25-07-2018 19:08- "l'expérience est au bout du voyage" (slogan d'une vieille et jolie pub ciné d'une bière Belge connue). Cela commence souvent au bout de notre propre rue, dès que l'on sort de notre zone de confort.
- "le bon motard, c'est celui qui rentre vivant le soir chez lui ou à l'étape" (perso).
- "reste vivant aujourd'hui, si tu veux te battre demain" (variante Hollywoodienne).
Bref KPOK, bon courage pour la suite de ton aventure, fatalement, prudence et humilité. Après une météo et un terrain délicat, j'espère que les locaux que tu croiseras éventuellement ne se montreront pas inhospitaliers également (écolos, forestiers, propriétaires terriens et autres agriculteurs). Pour te remonter le moral : cela a parfois du bon d'être "pauvre", si tu étais riche ce serait peut-être avec les 250 kg d'une 1200 GS que tu bucheronnerais dans la gadoue et les bois.
A la prochaine,
Dwitch
si ça peut te rassurer, mon unique journée de balade enduro, j'ai pris 10 pelles (oui oui, dix) dans la journée :)
28-07-2018 16:50tom4