Le retour triomphant de Fiermécano

72 heures pour changer une batterie

je ne suis pas loin du record mondial

72 heures pour changer une batterie : je ne suis pas loin du record mondial. Dire que je suis parfois fier de mes compétences mécaniques...

Tout commence jeudi midi, quand j'arrive au taf'. J'ai la tête dans la lune (c'est mon état normal) et je laisse le contact mis. Car Lapin-Lap1 a un contacteur à clef radio que je n'aime pas particulièrement ; à mon sens, il n'apporte rien à la serrure mécanique classique. Après les cigarettes, les cartes routières et les tournevis, ils ont mis des piles dans ma clef de contact, qui peut donc tomber en panne.

En toute logique, quand je reviens le soir, la batterie est à plat. Pas grave : je demande à une copine de me déposer à la maison. Mais juste avant, je fais une grossière erreur : je claque la serrure de la selle. Or, celle-ci s'ouvre au contacteur. Pas d'électricité dans la batterie = pas d'ouverture de selle.

Rentré à la maison, je vérifie sur le ouèbe quoi démonter pour accéder à la batterie, flairant un loup. Gagné : pour commencer, il faut ouvrir la selle pour retirer deux pions, cette selle que j'ai soigneusement refermée tantôt. En l'absence de jus, il faut déposer un cache à côté du contacteur et employer une espèce de spatule en plastique livrée avec la bécane. J'en prends bonne note et me félicite doublement d'avoir d'une part vérifié comment démonter le bouzin et d'autre part de me rappeler, au milieu du fatras qui me sert de bureau, où j'ai bien pu dissimuler ladite vitale spatule.

Magie des horaires de travail décalés, je me mets en route vendredi matin pour le taf' à un petit neuf heures trente, avec dans mon sac à dos un chargeur de batterie et une petite trousse à outils. Il fait beau, donc j'y vais à pied : j'en ai pour trois quarts d'heure.

C'est en arrivant presque à destination que je me rends compte que j'ai oublié la clef de contact à la maison. Si, si. Je n'invente rien. Même si je démonte et recharge la batterie, je ne pourrai pas démarrer.

Plom plom plom...

Qu'importe. Je m'attaque au démontage. Je me bagarre un peu avec le fameux cache à côté du contacteur qui donne accès à un disque métallique crénelé comme il en est apparu sur les contacteurs de motos il y a quelques années pour condamner l'accès au barillet de la serrure. L'opération est simple sur le papier : pousser pour ouvrir, tirer pour fermer. Oui, mais... l'espace est des plus exigus, sombre et je n'arrive pas à faire coïncider l'empreinte de la spatule avec le disque crénelé. Je tâtonne, je cherche, je fouille, je force, je râle... ah ! Râler était la bonne méthode : à un moment, la spatule accepte de rentrer dans son logement et je peux basculer la serrure. Clic ! Ouf !

J'ouvre la selle, démonte les deux pions, dégage le panneau, dépose deux vis cruciformes puis deux autres pions en plastique, deux vis cruciformes de plus... la vache... ils ont drôlement confiance dans l'endurance de leurs batteries, chez Honda, pour les planquer ainsi.

Enfin ! j'ai la batterie en main. Il m'a fallu une demi-heure. Mazette ! Je me rends dans la salle de réunion du rez-de-chaussée et y met en charge mon infortunée batterie. Je préviens ma cheffe au cas où, puis décide, vu l'heure, de faire un aller-retour à la maison pour récupérer ma clef de contact. Pour cela, je prends un bus dont le terminus est à moins d'un kilomètre du taf'. Il est 10h45, je commence le boulot à midi... C'est jouable.

L'idée est de revenir ici avec Henri IV, muni de câbles pour pouvoir démarrer quel que soit l'état de charge de la batterie de Lapin-Lap1, de rentrer à la maison avec ce dernier ce soir et de ne venir récupérer Henri IV que demain matin, samedi.

C'est en arrivant à la maison, après avoir repêché la clef de contact au fond de la poche de mon blouson, que je me rends compte que j'ai laissé le bip du parking et la clef du box où se trouve Henri IV m'attend sagement... dans le vide-poche de Lapin-Lap1, à cinq kilomètres de là.

Re-plom plom plom.

Il est 11h30, donc je suis déjà en retard pour démarrer le travail à midi : en bus, j'en ai pour 3/4 d'heure.

Féchié !

Je préviens par téléphone que je vais arriver à la bourre et chope le bus dans l'autre sens. Non, je n'ai pas oublié la clef de contact.

(note qu'à ce moment, je n'ai pas réfléchi que je pourrais plutôt prendre la voiture qui est garée dans la rue, afin d'une part d'arriver à l'heure et d'autre part de démarrer à coup sûr avec les pinces)

À la pause, à 16 heures, je branche sommairement la batterie sur la bécane : gneu... gneu... gneu... Pas assez de jus pour lancer le moteur. Je remets en charge. Le soir, en sortant, j'ai la flemme de retenter le coup : il fait nuit, le parking est mal éclairé... ça sent le plan foireux. Je rentre donc en bagnole avec la copine, après avoir embarqué la batterie (et le chargeur, je ne suis pas non plus débile) pour achever d'y mettre un coup pendant la nuit.

Le lendemain samedi, je prends le bus qui passe presque en bas de chez moi et me dépose presque au taf' (découverte de la veille). Oui, mais... c'est la grève des bus ce jour-là. Intervalle : 25 à 30 minutes. Bah... j'ai tout mon samedi pour remonter une batterie. La voiture ? Ma Chérie-Chérie l'a prise ce matin ‒pourtant, elle m'avait proposé de me déposer ; j'ai refusé. J'en profite, pendant l'attente, pour vérifier mentalement que j'ai tout : la batterie, les outils, la clef de contact, mon blouson, le casque et les gants sont restés dans le top-case... normalement, tout est bon.

Une fois rendu sur le parking, je retire les caches que j'ai sommairement remis en place hier soir, puis tente de raccorder la borne négative de la batterie. Ma vis tourne dans le vide. Je vérifie : le petit boulon dans le bornier a disparu. Il a dû tomber quelque part entre ici et... la maison ?

Re-re-plom plom plom.

Et non, je n'invente rien. Record mondial d'emmerdes, ch'te dis.

Je vérifie au fond du bac à batterie : rien. Je vais jeter un oeil dans la salle de réunion : rien. Je fais le chemin en sens inverse, vers le parking... rien... rien... ah ! Là ! Un boulon ! Mon boulon ! Première fois de ma vie que je suis aussi heureux de ramasser un boulon de dix dans un parking.

Je le replace dans son logement, visse la borne négative, puis la positive. J'essaye : le contacteur ne veut rien savoir... jusqu'au moment où je me rappelle que la clef de contact est dans la poche de mon blouson, posé sur la table extérieure, hors de portée du transpondeur. Une fois la clef à bonne distance, tout revient dans l'ordre et le moteur démarre. Ouf !

Je coupe le moteur : avec une batterie pleine, je devrais arriver à le relancer une deuxième fois, non ? Hein ?

Je remonte les plastiques. Évidemment, la dernière vis m'échappe au moment où j'approche le tournevis et tombe derrière le carénage. Donc je redémonte tout, en priant pour qu'elle ne soit pas allée se planquer dans un endroit inaccessible. Mais non : j'arrive à la repêcher sans trop d'ennuis. De toute façon, perdre une vis au fond du carénage aurait été un moindre mal à ce stade d'enquiquinement.

Je t'épargne cependant le temps que j'ai passé à ajuster les panneaux de plastique qui refusaient de s'aligner jusqu'au moment où j'ai remarqué qu'un téton n'était pas rentré dans son logement, faussant l'alignement de tous les autres. Cela doit dater d'un précédent démontage qui n'est pas de mon fait, parce que maintenant, la selle se referme sans que j'aie besoin d'insister, comme depuis que j'en suis propriétaire. Allons ! Ce remontage pénible n'aura pas été en vain.

Non, il n'y a pas d'épilogue tragique ou drolatique : Lapin-Lap1 a redémarré sans encombre et j'ai pu rentrer à la maison. J'ai même réussi à me souvenir de la manif' du jour place de la Rep' et je suis passé par le nord à la place de mon trajet habituel.

Donc voilà : 72 heures et six aller-retour à la maison pour démonter et recharger une batterie. Record du monde ?

Le jour où ton pire ennemi monte une concession moto, je pense que tu peux lui recommander chaudement mes services en tant que chef d'atelier : il ne passera pas la semaine, avec un zozo comme moi.

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