Essai Triumph Bonneville Bobber
Rebelle Bonnie
Succès commercial et référence historique d'un marché fleurant bon la "belle époque" motocycliste, les Triumph Bonneville étoffent leur gamme de modèles toujours plus séducteurs. Après avoir revisité les légendaires T100 avec les Street Twin et désormais Street Cup et révolutionné les mythiques T120 et Thruxton, le constructeur d'Hinckley décline son roadster en une nouvelle égérie, la Bonneville Bobber.
Originellement, un bobber est un custom dépourvu de tout artifice non dévolu à la performance, de l'Anglais "bobbed", c'est-à-dire coupé, simplifié. Cette personnalisation visant l'ascétisme esthétique voit le jour dans les années 1940 à 1950, mise en oeuvre par des militaires américains sur des machines retirées du service. Inspirés par la production européenne motocycliste, plus légère, que les libérateurs avaient découvert à la sortie de la guerre, ces pionniers rendus à la vie civile conçoivent alors des machines dépouillées. Le concept était d'améliorer les motos, tant en partie-cycle qu'en mécanique, en conservant le cadre de série et surtout à moindres frais.
La riche et longue histoire du constructeur d'Hinckley lui donne toute latitude et légitimité à étoffer sa gamme vintage. Toutefois, Triumph signe cette fois un modèle peu commun sur le vieux continent et dont, paradoxalement, il a suscité l'émergence. Pour 2017, Triumph fait donc revivre un style passionnel au travers d'une machine au style cinglant, fier et sans compromis. C'est aux environs de Madrid que nous prenons le guidon de l'éternelle rebelle.
Découverte
Machine incontournable, à l'image puissante et rebelle, le Bobber Triumph symbolise à lui seul la liberté farouche de son pilote. A l'instar de son homologue plus versatile, le scrambler, il se positionne lui en caïd du bitume, mettant en avant une esthétique marginale aussi puissante qu'épurée.
Remarquable, le design mêle style vintage et subtile modernité. On peinerait presque à reconnaître la Bonneville, tant cette déclinaison custom du roadster apporte une puissance visuelle authentique, plus commune Outre Atlantique. Et pourtant, tout l'ADN anglais y est présent, hommage lointain à la Speed Twin 500 de 1937. La nouveauté réduit la T120 à l'essentielle en y déclinant les codes du bobber. Son phare minimaliste, intégrant le logo de la marque en son centre, s'incruste dans une fourche télescopique s'habillant de soufflets et coiffant la roue d'un mince garde-boue. Conservant ses lignes traditionnelles aux galbes marqués, le réservoir s'affine et réduit sa contenance à seulement 9,1 litres.
Dans son prolongement se fixe l'élément le plus original de la machine, la selle. Aérienne, l'assise monoplace symbolise ce mélange réussi de tradition et modernité. Car la machine repose intégralement sur ce point. Filant vers la roue arrière, la cadre se prolonge en un bras oscillant tubulaire triangulé mimant un hard tail. Bien sûr, il n'en est rien, l'amortisseur étant planqué dans le châssis. Enveloppant étroitement la roue arrière, le garde-boue acier est finement fixé au bras par un arceau et suit donc ses mouvements.
Ainsi, la machine parait scindée en deux, déployant ses masses vers l'avant. D'autant qu'un bobber stylé se doit de reposer sur un train directeur lui conférant de la prestance. Ainsi, la fourche se relève sur une jante noire rayonnée de 19 pouces et assoit l'arrière sur une roue de seulement 16 unités, donnant beaucoup de dynamique à la machine. Pas de pneu avant large, car l'héritage est celui de la Bonneville, mais les moyeux larges veulent singer des tambours de frein.
Bad boy à l'anglaise, la Bobber n'oublie donc pas d'être élégante en tout point, mettant particulièrement en avant son somptueux bloc équipant déjà la Bonneville T120. Bien que refroidi par liquide (culasse et cylindres), le twin vertical conserve son authenticité esthétique. Mais de fines ailettes découpent toujours finement le haut moteur, contribuant aussi à réduire la température. Même traitement pour les bagues de sertissage en étoile des collecteurs. Sur le Bobber d'Hinkley, le bloc reprend la splendide finition de celui de la Thruxton, alternant surfaces noires et claires, mates et brillantes. Ainsi, carters moteur et cache de pignon sont en aluminium brossé, rehaussés d'éléments or pâle.
L'intégration de la modernité est parfaite, presque imperceptible. Pas de durites et le radiateur, devant le cadre, se remarque à peine. De même, les deux corps d'injecteurs miment des carburateurs aux caches ajourés. Un souci du détail permanent que l'on retrouve avec un contacteur d'allumage placé à l'avant du flanc droit et un compartiment de batterie à l'opposé, fermé par une sangle en acier inox. Plus étonnant encore, les collecteurs sont gainés d'inox qui masque ainsi les jonctions avec le catalyseur, situé sous le bloc moteur et le retour vers les deux silencieux. Ces larges flutes horizontales satinées aux extrémités tronquées apportent un surcroit de sportivité et l'esprit power cruiser.
Canister à peine visible et module ABS se dissimulent juste devant la roue arrière. Vase d'expansion et réservoir liquide frein arrière s'abritent eux derrière un faux carter habillé d'un cache grillagé. Le premier est visible par une découpe, l'autre par un large opercule vissé qui permet d'en relever le niveau.
Les intervalles d'entretien passent à 16.000 km, traduisant une conception fiable. Détail utile vu le charme de la Bobber, la clef de démarrage est codée.
Avec 227 kg à sec la Bobber ne prend que 3 unités comparée à une T120. Parée à rouler, cette dernière avoue 245 kilos. La nouveauté, avec son réservoir réduit, devrait tout de même être moins lourde, aux alentours de 243 kg prête à dompter le bitume. Et surtout, son centre de gravité plus bas risque fort de lui apporter une maniabilité supérieure.
La technique de la Triumph Bonneville Bobber
Racée, aguicheuse, presque sportive d'apparence, la Triumph Bonneville Bobber, comme ses soeurs, dissimule avec talent sa modernité sous une esthétique rétro. Un catalogue accessoires de 160 pièces permet de personnaliser la machine et renforcer encore son pouvoir de séduction... Y figure une optique avant à leds, mais aussi des selles type café racer, de la bagagerie textile ou cuir (superbe), des têtes de fourche, de nouveaux échappements "Vance & Hines", des guidons "Ace"... etc.
En manque d'inspiration? Choisissez donc les kits Old Scool Bobber et son cintre Ape Hanger, ou le Quarter Mile Bobber et ses bracelets...
En selle
Dépouillée et voulue minimaliste, la Bonneville Bobber soigne autant son esthétique que son ergonomie. Elément remarquable de son style, son assise monoplace flottante lui confère une sportivité d'une rare élégance. Placée à seulement 690 mm, la garniture surpiquée repose sur un support en aluminium qui peut être surélevé, abaissé, avancé et reculé. On choisira ainsi une position de selle adaptée à une conduite dynamique ou une posture plus traditionnelle, reculée et basse.
La finesse de la machine est tangible, laissant toujours plus visible une large partie des culasses. Les jambes trouvent naturellement leur place autour du réservoir que les genoux dominent. Le buste droit, les épaules s'arquent et les bras se tendent raisonnablement pour saisir les poignées du large guidon. Epais, les leviers réglables se joignent au style puissant. Modèle d'intégration, la commande des poignées chauffantes optionnelle est placée sur la poignée gauche, ajustant la chaleur sur deux niveaux.
Tout comme la selle, le positionnement du compteur est ajustable grâce à un mécanisme permettant d'en modifier l'angle selon la position de pilotage. Cet unique élément comporte un vaste tachymètre analogique intégrant une fenêtre LCD. Celle-ci affiche compte-tours, indicateur de rapport engagé, horloge. Par pression sur le bouton Information au guidon, on lit successivement consommation moyenne et instantanée, jauge de carburant, autonomie, désactivation de l'antipatinage et choix de cartographie. Cette dernière se fait par pressoir dédié au commode droit.
En ville
Descendu sur la Bobber, il me tarde de mettre en marche le terrible engin. Si les premières toux du bicylindre paraissent discrètes, un coup de gaz remporte le dernier point séduction. Ronflant, le custom anglais part à l'assaut du bitume urbain sous la force sensible d'un équipage mobile imposant.
Intuitive, la prise en main permet d'entrevoir déjà une partie cycle homogène et sans excès, comparable à celle d'un roadster. Disposant d'un très bon équilibre, les évolutions se font faciles dans le trafic, où la Triumph pilonne l'air sur le troisième rapport. L'embrayage est des plus doux, mais la boite se montre moins amène et sonore, demandant des directives précises.
Conséquent, le rayon de braquage n'en fait pas une reine des demi-tours, mais satisfait sans mal à l'usage en ville. Guère spacieux, les rétroviseurs montés aux extrémités du guidon renvoient un champ correct et exempt de vibrations.
Déambuler sur les avenues madrilènes est un plaisir constant aux commandes du Bobber britannique. Son allure farouche faisant de vous le rebelle du quartier. Mais la monture docile montre déjà un caractère entier que l'on souhaite vite voir s'exprimer sur de plus vastes horizons.
Autoroute et voies rapides
Les larges highway espagnoles laissent la Triumph attaquer sans mal l'asphalte avec vélocité. A l'approche des 5.5.000 tours, on tutoie les 200 km/h sur le dernier rapport... La zone rouge à 7.000 tours amène des vitesses théoriques que l'on n'ira pas chercher, mais la Bobber ne manque pas de ressource. Ni de tenue de cap, aucune oscillation ne venant perturber la trajectoire.
Au légal, la mécanique ronronne à 3.500 révolutions-minute délivrant d'amples vibrations. De type over drive, la dernière vitesse relance placidement la machine. Il convient de tomber un ou deux rapports pour plus de dynamique. Suivant la résistance du pilote aux flux d'air, on filera alors plus ou moins longtemps en faisant le drapeau. Le capital séduction du custom minimaliste devrait s'exprimer pleinement sur le réseau secondaire.
Départementales
Quelle surprise d'emmener si aisément une géométrie que l'on craignait plus pataude. Car non seulement la Bobber est à son aise, mais elle est même plus rigoureuse que la T120. Certes, la limite de garde au sol est vite atteinte, à regret, car la Bonnie rase bitume bénéficie d'une partie cycle des plus saines et montre une bonne agilité sur les tracés torturés. Son centre de gravité placé au plus bas se conjugue avec une chasse réduite et un pneu arrière en 150 pour faire danser la machine sur route. Et qu'importe sa roue avant en 19" et son empattement important, à peine sensible sur les courbes les plus serrées. Et quand le tracé se délie, on apprécie alors sa stabilité sur l'angle à grande vitesse. Réactive aux impulsions guidon et repose-pieds, la Triumph passe ainsi d'un virage à l'autre sans mollir, bien guidé par un directeur avant très précis. Là aussi, on apprécie le gommard avant dont l'étroitesse préservée sied parfaitement au dynamisme de la Bobber. Du muscle ET de vraies capacités à rouler un peu "sport", voilà encore une qualité de l'Anglaise.
Toutefois, la timidité du frein avant réduira les ardeurs des trop téméraires. Heureusement, la pince arrière se révèle bien plus puissante et permet de conserver un rythme enlevé, asseyant fort utilement le custom en courbe.
Ces évolutions champêtres s'accompagnent bien sûr des vocalises profondes et du punch trépidant du bicylindre parallèle d'Hinckley. Dans un grondement permanent, la Bobber s'emmène sur le troisième rapport, évoluant ainsi de 70 à 130 km/h avec vigueur, entre 2.500 et 5.000 tours. C'est précisément, à mon sens, sa plage d'utilisation la plus efficace à tous niveaux. D'autant que, modifié, le caractère moteur de la Bobber s'exprime davantage, la force moteur étant importante sur une plus large plage. On peut facilement la pousser à sa puissance maximale, mais, personnellement, je trouve alors le fonctionnement moteur moins charmeur sur les 1.000 rotations suivantes. Les vibrations se font plus sèches et la mélopée moins chantante. De plus, on évolue alors sur le gras du couple ou le bloc fait merveille en tout point, vrombissant avec élégance lors des relances. Et si d'aventure le très bon grip des enveloppes Avon était mis à mal, l'anti-patinage régule assez vite les pertes d'adhérence.
Efficaces, les suspensions filtrent correctement les défauts du bitume même sur les compressions plus importantes. Au fil des kilomètres, l'agrément dynamique du Bobber est enthousiasmant, tant par son efficacité que sa vigueur mécanique.
Partie-cycle
Etonnante d'agilité pour la catégorie, la Bonneville Bobber se montre même plus agréable et rigoureuse que la T120. Précise et dynamique, la partie cycle témoigne en plus d'une bonne agilité.
Freinage
Sur les plus fortes décélérations, agripper le levier ne fait que ralentir la Triumph. On complète avec bien plus d'efficacité en pressant la pédale, revenant ainsi à un pilotage tout à fait conforme au segment. Néanmoins, plus de puissance ne serait pas de trop sur le train directeur.
Confort/Duo
L'assise monoplace se révèle confortable et enveloppante, bien secondée par des suspensions efficaces. Ajustable, la selle permet plus d'optimiser le style que le confort. La position typée peut se révéler fatigante sur long parcours, surtout à vitesse un peu trop élevée. La moto étant homologuée pour une personne, le duo n'est pas possible, même en rajoutant en strapontin.
Consommation
Donnée pour un peu plus de 4 litres, la moyenne relevée semble davantage s'approcher des 5,8 litres lors d'un roulage plutôt dynamique. L'autonomie est alors de 120 km avant réserve. Une donnée à confirmer.
Conclusion
Symbole d'anti-conformisme et d'une sportivité stylée, la Triumph Bonneville Bobber révèle un caractère conforme à la force de son image. Authentique et sportif, le custom stylé réunit le meilleur de l'histoire, technologie et design, au service d'une machine séductrice. Epurée, elle ne fait pourtant l'impasse sur aucun aspect.
Aurez-vous été assez sage pour que le Hypst-père Noel vous l'apporte? Tarifée 12.900 ¤ en Jet Black, la Bobber d'Albion risque fort de méchamment chahuter les ténors du segment. Ainsi, l'Indian Scout, 13.650 ¤, dotée de nombreuses qualités dynamiques et d'allure trouvera en l'Anglaise une opposante. Et le Sporster Harley Davidson Roadster, 12.850 ¤, risque fort de trembler pour bien d'autres raisons que celles de son V-twin...
Décidément royale en terme de réalisation et d'agrément, la famille motocycliste britannique d'Hinckley s'accompagne désormais d'un gentleman bad boy qui fera parler de lui.
Points forts
- Style hors pair
- Caractère moteur
- Finitions
- Selle réglable
- Intégration rétro des équipements modernes
- Assistances (ABS, anti-patinage)
Points faibles
- Frein avant un peu juste
La fiche technique de la Triumph Bonneville Bobber
Disponibilité
- 16 Février 2017
Equipements de série
- Ride-by-wire à deux modes
- Anti-patinage déconnectable TTC
- Embrayage assisté
- ABS
- Feux arrière à leds
- Silencieux "peashooter"
Coloris
- Jet Black
- Morello Red / + 150 ¤
- Mate Ironstone / + 150 ¤
- Version bicolore avec liserés peints à la main Competition Green and Frozen Silver / + 300 ¤
Option
- Poignées chauffantes
Commentaires
Esthétique, classe, finition, tout y est. Un sans faute. C'est très fort. Mais il y a aussi comme un manque d'authenticité, un côté calculé par le marketing, qui pourra la pénaliser par rapport à ses concurrentes Harley et Indian.
20-12-2016 08:53Magnifique ; trop trop forts les British.
22-12-2016 16:45Hello,
il n'y a pas plus de marketing dans la Bobber Triumph que dans les Ricaines. Les Harley cultivent leur style depuis trop longtemps, désormais bien concurrencé par Indian,à la production bien plus moderne et tout aussi attractive.
Il faut désormais compter avec les Anglais, dont cette version custom de la Bonneville est tout à fait légitime. Et tout à fait réussi, reprenant les codes du genre, leur genre, traduit en une superbe version moderne.
Bon courage aux autres...
22-12-2016 19:09
Y a beaucoup de gens qui achètent des moto monoplaces??? Ca ne me viendrait jamais à l'idée, en tout cas pas une moto de série.
29-12-2016 21:35Cette machine est magnifique. Mais même si on oublie la faible puissance, le poids élevé, le frein avant trop faible, la garde au sol inexistante, comment rouler à la campagne, en montagne, avec un 1200cc équipé d’un réservoir d’essence de 9 litres !! Galère assurée et c’est bien dommage, à mi chemin entre un Roadster moderne et une Royal-Enfield Bullet, je me serai bien laissé tenter…
07-01-2017 09:51