Kronik : Pour enfin m'acheter la moto de mes rêves

Je n'ai plus besoin de moto pour aller au taf' ; je peux donc ignorer mon cahier des charges habituel, péter un plomb et m'acheter la moto de mes rêves.

Laquelle ?

Je n'ai plus besoin de moto pour aller au taf' ; je peux donc ignorer mon cahier des charges habituel, péter un plomb et m'acheter la moto de mes rêves. Mais laquelle ?

Avec cinq kilomètres à faire, je peux aller au taf' autrement qu'à moto. Donc...

Donc...

Donc...

Je peux ENFIN m'acheter la mythique moto de mes rêves / la petite bécane sympa pour le ouikène / la meule pour faire le con quand il fait beau / la machine que j'ai toujours voulu avoir alors qu'elle est bourrée de défauts.

Je te donne un exemple tout à fait précis :

J'adore, j'adore, j'adore... la Virago 250 et particulièrement le premier modèle à guidon droit, de préférence de couleur bleue. C'est une bécane qui m'a fait craquer au premier regard à sa sortie. Il y en avait une garée dans la rue où vivait ma Chérie-Chérie de l'époque. Je ne manquais pas de m'arrêter chaque fois que je passais devant pour détailler l'adorable petit phare surmonté d'un unique compteur tout simple, le pouf en guise de selle qui semble si accueillant, le curieux hexagone métallique qui dissimule le Mikuni et la petite barrette de fil métallique qui protège la cuisse droite de la chaleur de la culasse arrière.

Du haut de ses vagues vingt chevaux, c'est un twin qui sort d'usine déjà rincé tant il se traîne, qui régule à 120 maxi -d'autant que la démul' d'origine est trop courte-, dont la suspension arrière est tape-cul au possible, avec une fourche qui se tord dans tous les sens sous l'action imperceptible d'un frein avant à simple piston qui ferait honte à un scoubite nord-coréen en promo sur Wish.

Pourtant... j'adore cette bécane. Je serai aux anges d'en avoir une dans mon garage, juste pour pouvoir me dire : ça y est, la première moto de mes rêves est à moi ; pour la bichonner, me regarder dans le chrome des petits boîtiers dodus sous le réservoir, pour farfouiller en ligne et récupérer quelques accessoires d'époque, dont un pare-brise Spitfire et cette pratique poignée passager qui fait office de porte-paquets. Une moto toute mignonne qui me renverrait à mes vingt ans. Elle s'appellerait Mélisande, bien sûr.

Ce serait presque un choix raisonnable : elle était encore commercialisée en Australie en 2018 (!), donc j'ai une source de pièces détachées si vraiment je ne trouve rien en Europe.

Mais j'en ai aussi un peu marre des motos raisonnables où le côté pratique domine. De toutes les 125 deux-temps de la grande époque, j'ai toujours eu un faible pour la KDX 125, surtout la version bleue. À l'époque, je lisais et relisais avec gourmandises les comparatifs que publiaient Moto Journal et Moto Revue ; je comprends sans peine que LE comparo annuel que toute la rédac' attendait c'était bien celui-là, tant la 125 2T c'est de l'éclate facile, la moto pour faire le zazou parce que c'est tout léger, à l'attaque partout. Pas besoin de passer 120 km/h pour avoir la banane, bien au contraire. Tant pis si ça boit cinq litres au cent puisque je vais lui mettre 3.000 bornes par an maxi. Mon petit Graal personnel consiste en la très exotique Gilera CX : si seulement elle avait un moteur de NSR pour ne pas être enquiquiné...

J'en ai aussi un peu soupé des motos de petite cylindrée sur lesquelles je suis obligé de calculer chaque dépassement. La 690 Duke d'Ahmed du roadtrip de cet été m'a rappelé que le gromono reste une famille de motos à part, avec des sensations bien à lui. Comme ce serait une bécane à sortir quand il fait beau, lorsque l'envie m'en prend, je ne m'inquièterai pas du kilométrage qui grimpe. Deux mille ? Trois mille bornes par an ? Je n'ouvrirai jamais le moteur, mes pneus de compet' me feront trois ans et à 20.000 kilomètres, le kit-chaîne, patiemment graissé après chaque balade, sera probablement encore celui d'origine.

À moi, donc, la satisfaction de doubler une voiture d'une simple rotation du poignet sans même rentrer un rapport, dès qu'un petit bout droit se profile. Tant pis si le réservoir contient peu, si la selle fait un chouia mal au cul, si l'instrumentation est mal fichue, s'il n'y a pas de rangement sous la selle, que l'éclairage ait fait douter du voltage du circuit électrique ou si les rétros ne servent qu'à vérifier que je n'ai pas perdu mes coudes : je suis là pour faire défiler le paysage en faisant pousser des brooooat brooooaat brooooaaat de plaisir au moteur. Ah ! Si seulement les Mash 650 étaient aussi fiables que mignonnes.

Et puis une fois, rien qu'une fois, m'offrir un gros quatre en ligne bien velu, bien épais, que j'en chie déjà rien que pour le relever de la latérale s'il est garé en pente, en guise d'avertissement. Pas pour l'ouragan à 12.000 tours. Non, non. Bien plutôt pour l'élastique géant à 4.000. Une Bandit 1200 pour son côté brut et râpeux. Vu que je vais me traîner à 150 tant j'aurai la trouille de grimper au-delà, je me moque un peu du cadre pas top et des suspensions hésitantes ; je serai loin des limites et ça m'ira très bien. Mais j'ai aussi un petit quelque chose pour la CB 1100 EX (blanche et rouge, siouplé !), une déclinaison plus délicate, plus féminine que la XJR 1300.

Ah ! J'ajoute la Zephyr 550 à la liste : c'est le quatre en ligne le plus élégant jamais sorti du Japon.

Allez ! Vingt kilos de chips et à moi les annonces sur le coin-coin... Je vais me pignoler grave dans les semaines qui viennent.

Plus d'infos sur les chroniques

• Toutes les chroniques