Suzuki Bandit 1200 N GSF
L'année 2000 aura été une année majeure pour la cuvée Bandit : arrivée de la 600 en février en concessions, présentation de la nouvelle 1200 en juin à l'île de Man, essai presse entre juin et juillet et une Bandit 1200 bientôt disponible : présence en concessions assurée en première semaine d'août. La Bandit 1200 débarque donc en trombe et fait la une de la presse moto. Il ne restait plus qu'à l'essayer sur route pour juger des performances sur papier et voir l'effet des 116 modifications apportées sur le nouveau modèle... sur route...
On ne peut pas dire que le printemps aura
été clément et les beaux week-end se sont fait plutôt rares. Mais à force d'attendre
pour un essai dans de bonnes conditions, vient le moment où même la pluie battante ne
peut faire reculer l'échéance. Je prends donc la nouvelle Bandit 1200 en main par un
magnifique vendredi pluvieux :-( direction : la Bretagne...
J'ai mis du temps à m'habituer à la nouvelle ligne de la Bandit, lui préférant son aînée et puis au fil des mois, je m'y suis fait - surtout en considérant la version carénée - pour finalement oublier l'antiquité et admirer le carénage de rapace... prêt à foncer sur n'importe quelle proie.
Par rapport à la 600, la 1200 se fait plus massive, plus
imposante aussi, tout en se distinguant par son ramage noir pour le moteur. Le tableau de
bord reprend la ligne de sa sur cadette avec des cadrans en forme d'obus,
incorporant montre, totalisateur et double trip d'un côté (à gauche) et une jauge à
essence digitale de l'autre côté (à droite donc).
Enfin, une jauge à essence intelligente : six bâtonnets mesurent la
consommation par tranche de 50-60 km en fonction de la conduite. Arrivée au dernier
bâtonnet, la pompe à essence (dessin digital) clignote... il reste alors environ 50
kilomètres avant la réserve. Et oui, j'ai bien dit avant la réserve... activée à la
main par une mollette située sur le flanc gauche, facilement accessible et activable
même à haute vitesse sur l'autoroute. La réserve faisant 4,5 litres, il reste alors
encore une soixantaine de kilomètres d'autonomie ! Ceci laisse supposer un rayon d'action
largement étendu par rapport à l'ancien modèle... à la fin de l'essai, cette autonomie
sera confirmée : moins de 6l/100 en conduite lopette (120km/h en 5e) et jusqu'à 9l/100
en conduite... disons plus musclée. L'autonomie peut donc sans problème dépasser les
350 km !
En passant de la 600 à la 1200, le gain de poids se
fait nettement sentir et c'est avec précaution que j'engage la première, puis la
seconde, en jouant subtilement avec l'embrayage. Ce n'est plus un rapace, c'est un taureau
qui s'élance sur la route. La 1200 se fait monstre et la puissance ne demande qu'à
s'exprimer... La première chose qui frappe, c'est le couple, dantesque, par rapport à la
600. Elle repart sans à coup et sans bruit dès les plus bas tours. Quelques kilomètres
seront nécessaires pour la prendre en main et s'habituer au poids supérieur et à la
nouvelle position de conduite : la selle est plus large que sur la 600 et même si la
hauteur a été rabaissée entre les deux modèles de 1200, les pieds ne sont plus à plat
sur terre comme sur la 600, mais ils touchent et c'est l'essentiel. L'amortisseur
s'écrase moins également et ce n'est pas qu'une question de réglage : il ne pompe plus
à la moindre déformation de chaussée. Je prends mon sac de sable pour lester l'arrière
et si je sens le poids supérieur, la 1200 conserve sa maniabilité et surtout ses
reprises, sur n'importe quelle vitesse, à n'importe quel régime... j'exagère un peu
mais elle repart sans problème en 5e à 2000 tours et jamais la 600 n'en
serait capable.
Départ au feu
rouge, montée en régime en première, le compteur frôle les 90 km/h et le compte-tour
est encore loin de la zone rouge, passage en seconde malgré le haut régime... en
douceur. La boîte pardonne tout et se laisse complètement oublier. Adieu clong et autre
faux points morts. Ici, ils n'existent plus.
Arrivé sur la nationale, je joue avec le sélecteur et la Bandit offre deux types de
conduite : lopette, en restant sous les 5000 tr/mn - ce qui assure quand même un
tranquille 140 km/h en cinquième - ou en descendant d'un ou deux rapports sur nationale
pour faire monter le régime au-delà des huit mille tours et il y a largement de quoi se
faire quelques émotions assez rapidement... surtout sur les routes pluvieuses où ce
couple omniprésent ne pardonne pas le maniement violent de l'accélérateur. La moto
reste toujours saine... c'est plutôt le pilote qui ne suit pas obligatoirement en
fonction de sa maîtrise ou non de la science du pilotage.
Aux nationales autour de Paris, pour
prendre en main la bête, succède l'autoroute, direction Chartres. S'engager dans le flot
de la circulation se fait facilement et les reprises à tous les étages permettent plus
facilement que d'habitude - et surtout sans jamais avoir besoin de descendre un rapport -
de doubler, changer de file, se rabattre, en toute sécurité. Par contre, le vent aidant,
la Bandit 1200 devient rapidement une machine de musculation dès les 150 km/h. Et à
partir de 180 km/h, les cervicales font un effort violent et soutenu pour que le casque ne
passe pas de droite à gauche tandis que mon blouson aviateur se transforme en voile
claquant au vent. Là, il faut passer à la position limande derrière la faible
protection des compteurs pour espérer gagner un peu de répit et un peu de vitesse, au
détriment du confort et de la sécurité. Vraiment, en position naturelle, détendue,
sans effort particulier, les 130-140 km/h constituent la vitesse de croisière idéale.
Au-delà, il faut songer à la version carénée. Ceci dit, hormis une vitesse soutenue
autorisée plus élevée, la Bandit 1200S signifie une répartition du poids plus portée
vers l'avant et un caractère moins joueur que la version N. Avec les Bandit 2000, la S ne
signifie plus simplement une moustiquaire, mais un autre état d'esprit et une utilisation
en rapport avec le caractère de son propriétaire. C'est très net avec la Bandit 600. La
Bandit 1200 n'y échappe pas. C'est la raison pour laquelle je retrouve avec plaisir les
nationales à la sortie de Chartres pour enchaîner sur les départementales à vitesse
soutenue pour voir se succéder virages sur virages et apprécier la tenue de route en
courbes rapides. C'est là que j'apprécie les nouveaux étriers 6 pistons et la nouvelle
partie cycle, plus que l'ancienne qui avait tendance à se désunir en conditions
extrêmes. Le freinage est plus efficace, et le sentiment de sécurité permanent
renforcé. Même sur route dégradée, la bandit reste saine et semble guidée sur un rail
dans n'importe quelles conditions... pour mon plaisir et celui de ma passagère. Et on
aborde le confort.
La nouvelle selle permet d'oublier la route. Le trajet de 400 km est réalisé
en un temps record, sans nécessiter un arrêt tous les 3/4 d'heure parce que le
postérieur devient douloureux. J'ai moins ressenti le besoin de me dégourdir. Au niveau
du passager, les poignées, passées de leur position latérale à une position arrière
centrée, obligent à se tenir différemment sur la moto.
Il
n'est plus possible d'avoir les deux bras en arrière et la position se fait alors
déformée - un bras sur la poignée, l'autre tenant le conducteur - soit collée au
conducteur et alors la poignée n'est plus utile. Les pieds sont positionnés plus haut
que sur la 600. Les genoux remontent donc plus haut et la position finale se rapproche
plus de la position adoptée sur une sportive que sur un trail ou d'autres roadsters.
Bref, tout dépend alors du goût et des habitudes de la passagère : on aime ou on
déteste.
De retour sur Paris, je
reprends possession de ma 600 et j'ai l'impression d'enfourcher un vélo. Ce
pourrait être une expression, c'est loin d'être le cas. A la stabilité de la 1200 fait
place l'agilité de la 600. Au bruit grave et rassurant de la 1200 fait place la sonorité
aiguë d'un moteur qui monte dans les tours. En contrepartie de ce millier de kilomètres
en 1200, j'ai l'impression d'avoir pris un cours de pilotage en l'espace d'un week-end aux
commandes de la B12. Les virages se prennent soudain plus vite en 600, plus facilement et
je n'ai plus besoin de contrôler ce couple qui propulse facilement en dehors de la route
s'il est non maîtrisé. C'était déjà évident avant l'essai mais la Bandit 1200 est
réservée aux motards expérimentés et ne peux qu'être formellement déconseillée à
un novice (il suffit de voir les intentions de certains sur FRM). Elle comblera l'ancien
propriétaire de 600 pour qui elle représente une évolution logique. Il y gagnera du
confort, du plaisir, la jouissance d'un gros cube et une sécurité active accrue. Et par
rapport à l'ancien modèle 1200, et même au regard de l'augmentation de prix sensible,
le jeu en vaut vraiment la chandelle. N'oublions pas que l'on dispose d'une 1200 de
qualité pour le prix d'une 600 chez un autre constructeur. Je cherche les défauts,
pauvre banditmaniaque que je suis et je n'en trouve pas... pour moi. Par contre, il est
vrai qu'elle a perdu son gnac et son caractère brutal qui en faisait un roadster
méchant. La bandit s'est acheté une conduite et cela me convient parfaitement, parce
qu'au jour le jour, ce fameux gnac est plus gage de mauvais surprise que gage de bonheur.
J'irais jusqu'à dire que la Bandit 1200S irait même jusqu'à chasser sur les traces du
VFR : la Bandit se fait GT. Bref, je l'aime en l'état. Annonce d'un succès assuré...
Consommation pendant l'essai : mini : 6L/100km - maxi : 9L/100km
Concurrentes : Honda CB 1300, Yamaha XJR 1300
La fiche technique comparative | La présentation officielle de la nouvelle Bandit
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