Où s'arrête le motard, où s'arrête la moto ?
Il n'y a plus de bonnes à tout faire
La moto a pris le pas sur le motard
Il n'y a plus de bonnes à tout faire. Il n'y a plus de motos qui s'effacent pour te laisser être le motard que tu veux être. La moto a pris le pas sur le motard.
À mesure que les millésimes défilent, je me sens dépossédé de ce qui fait de moi un motard, de ma capacité à choisir ce que je veux vivre avec ma machine. À multiplier les niches, les constructeurs nous ont divisés. Pas seulement entre nations, comme c'était le cas auparavant, ni même d'une marque à l'autre, mais d'un genre à l'autre, d'un diamètre de roue à l'autre.
Il faut pourtant trouver du travail aux mômes qui sortent des écoles d'ingénieurs, sauf à avoir le courage de leur expliquer que c'est tout du boulechitte (ça l'est, mais faut pas trop leur dire). Donc ils rentrent dans des usines et se mettent à dessiner des motos avec des bidules partout. Il ne peuvent plus se contenter d'une courbe simple quand ils conçoivent un carter ou un bras oscillant : ils s'y collent à quatre ou cinq, donc il faut que chacun prouve à la hiérarchie qu'ils méritent leur salaire. Alors ils dessinent des carters avec des trous, des bosses, des lignes, de faux trucs et de faux machins pour faire zouli.
Il faut pourtant trouver du travail aux mômes qui sortent des écoles de marketoïdes, sauf à avoir le courage de leur expliquer que ce n'est rien d'autre que du boulechitte (et que c'est eux qui le fabriquent). Donc ils entrent dans des bureaux et se mettent à éditer des présentations Pauvrepoint et des concepts et des segments partout. Parce que c'est ce qu'on leur a appris à l'école : couper la population en tout petits bouts et leur donner des noms savants pour donner l'illusion qu'ils savent de quoi il est question. Ils ne peuvent plus se contenter d'une seule case où il y aurait marqué "motard". À quatre ou cinq, ils découpent et découpent jusqu'à ce que ça rassemble aux guirlandes qu'on faisait avec une feuille de papier pliée en huit et une paire de ciseaux pour faire zouli.
Il n'y a plus de motos simples. Toutes ont des phares qui font grrrrr et évoquent les tardigrades ou les poissons moches des profondeurs. Toutes ont des moteurs que même en me penchant sous le berceau inférieur j'arrive pas à savoir si c'est un bi ou un trois. Toutes ont des tableaux de bord qui m'obligent à lire des chiffres stupidement faux jusqu'à la décimale plutôt qu'effleurer du regard une aiguille. Même sangler un sac sur la selle passager c'est la misère.
Ce n'est plus moi qui décide ce que je vais faire avec la moto : elle m'impose son mode d'emploi. Pourtant, il fut une époque où les hauteurs de selle n'étaient pas un problème : toutes arrivaient à mi-cuisse. Elles n'en traversaient pas moins l'Europe ou l'Afrique.
C'est pas que c'était mieux avant : c'est que maintenant, c'est pire. Une moto ne peut pas exister en tant que simple moyen de transport, elle vient avec un fatras d'intentions, chargée de symboles, enterrée sous le lexique si désespérément pauvre des commerciaux -sérieusement, passe leurs pubs dans un correcteur lexical et jette un œil au score abyssal qu'elles obtiennent ; la presse emboîte le pas : c'est encore plus criant avec les essais en anglais où ils n'ont apparemment que deux adjectifs à leur disposition : "crisp" et "slick".
C'est fini, le temps des motos d'ingénieurs, où on nous tendait les clefs en nous disant : "vas-y, débrouille-toi pour en profiter au mieux". Aujourd'hui, elles ont toutes un "héritage" plus ou moins bidon qu'elles trimbalent comme ces séries TV ou ces BD interminables que t'es paumé si t'as loupé une réplique. On te décalque sur le dos un "concept" alors que tu n'a rien demandé. Te voilà sommé de faire partie du fantasme concocté par une douzaine de marketoïdes paniqués à l'idée de laisser cette pauvre meule vivre seule sa vie de meule. Sans emballage, sans slogan, sans police de caractère alambiquée, sans photos grugées avec des filtres qui font jaune, bleu ou vert.
~mon concessionnaire officiel a mis sur une rampe surélevée à gauche de l'entrée un Cub 70 même pas en très bon état, juste à côté d'une Africa Twin 1100. Je sais laquelle je prendrais pour aller au bout du monde après être allé chercher le pain.
Commentaires
Le trail, c'était le dernier truc polyvalent, maintenant t'as des trails routiers, d'autres plus TT, des mid size, des grotrails, etc... la créativité s'exprime dorénavant dans la segmentation d'un marché saturé
27-10-2020 11:25Article très jouissif mais dans la réalité on a affaire à des personnes qui n'ont aucun rapport avec la moto comme l'agence Nelly Rodi qui vous expliquent via un carnet de tendances comme sera la mode future.
27-10-2020 11:46Ensuite viennent les expert en marketing qui décortiquent tes besoins selon la tranche d'age et le pouvoir d'achat, ton désir de reconnaissance.
Ensuite on a les ingénieurs qui vont pondre un produit correspondant à ces attentes.
Ensuite tu as le concessionnaire qui te dit que la plupart ne roulent plus ou que l'été et larguent la moto avant la fin de garantie pour ne pas rentrer dans les frais.
On nous sort des motos comme un produit de consommation courante qui aura son clone chinois au bout de deux ans.
Il reste les vieux cons comme moi, les indiens dans la ville qui tentent de revenir aux basiques, à défaut aux néo rétros, se moquent des modes et s'adaptent comme ils peuvent.
Qui c'est le plus heureux?
sans parler des sigles : on atteint des sommets, ex CBR 1000 RR-R ... je ne sais plus si j'oublie un R ou s'il y en a un de trop !, ou H-D.
27-10-2020 11:56les sigles des Harley je veux dire
27-10-2020 11:57Où s'arrête le motard, où s'arrête la moto ?
27-10-2020 12:28Bah à la pompe.
Salut Kronik.
27-10-2020 13:34Je ne comprends pas bien ta phrase d'introduction ?: Il n'y a plus de bonnes à tout faire. Il n'y a plus de motos qui s'effacent pour te laisser être le motard que tu veux être. La moto a pris le pas sur le motard.
Il y en a pourtant encore pas mal des motos polyvalentes, le BMW F 750 GS par exemple, tu peux tout faire avec, où encore mon actuel VFR 800 X (Bien que sa production cesse il en reste encore en stock) un CB 500 X, les Yamaha Tracer, et la dernière F 900 XR (liste non exhaustive).
Pas forcément des motos à fantasmes pour faire la une des journaux (à quand remonte le dernier essai du Crossrunner ?) mais accessibles, pratiques, confortables et souvent suffisamment performantes.
"C'est pas que c'était mieux avant : c'est que maintenant, c'est pire."
27-10-2020 14:15Voilà en quelques mots bien choisis un résumé parfait de ce que pas mal de vieux cons comme moi (et bien d'autres , coucou picabia) vivent avec l'évolution des motos actuelles .....
Ah mon Ludo51, c'est que je le vis très bien et que je me suis adapté.
27-10-2020 15:02Je ne dirais pas que c'est pire car quand je sonde la jeune génération, ils le vivent très bien aussi car ils ont au autre regard.
J'ai trouvé mon bonheur dans le passé, voire le custom avec disons une certaine philosophie de la vie.
Slow is beautiful, on pense même avec un autre pote acheter une Royal Enfield chacun. Le pire c'est que l'on attise la curiosité des jeunes motards car être décalé va devenir bientôt une mode, à suivre.
Mettre les motards dans des cases c'est pourtant ce que je lis tous les jours dans les forum et même certains essais motos
27-10-2020 17:05Pareil que Berny 😄.
27-10-2020 18:31Pour le reste, ça me laisse un goût de faux problème, ou à tout le moins, d'un problème bien occidental.
Il ne nous revient pas de gérer les problèmes non occidentaux, on vit dans un certain environnement, héritiers d'une culture.
27-10-2020 19:06Nos soucis ne sont pas les mêmes que dans les pays émergents, peut être que ces problèmes existentiels, ils auront à les gérer dans quelques décennies et que par ricochets nous aurons à gérer les problèmes qu'ils n'auront pas su maîtriser. Un peu tordu comme raisonnement surtout si on l'applique à un loisir comme la moto. Le fait est que nous faisons la tendance et que de mémoire de motard, celui çi a souvent voulu ce qui se faisait de mieux, en puissance, en technologie et que des Japonais leur ont apporté sur un plateau. Mais peut être est ce le début d'une prise de conscience du motard.C'est comme cela que je comprends cette chronique.
Un seul mot: BRAVO
28-10-2020 11:37A l'arrivée, c'est quand même nous qui choisissons ce qu'on achète.
28-10-2020 16:18Comme disait Coluche, si on arrête d'en acheter, ils arrêtent d'en vendre...
Oueps! Sauf que des fois ((trop) souvent ?), certains constructeurs mettent sur le marché des bouses dont personne ne veut ou presque... Qui coûtent en développement, mise sur le marché, marketing et publicité... Tous ça pour rester sur le haut de la vague de l'innovation (pas sûr), mais aussi, pour répondre à la sacro-sainte loi qui dit que sans renouvellement, c'est la mort ! Alors... Ça produit à tue tête... Sans réelle raison... Affirmée et confirmée, autre que celle de répondre à cette loi de marché, quelque fois !
28-10-2020 17:58Et sortent des produits et motos, en dépit du bon sens, dont nous sommes les bêta-testeurs !
Et c'est là où on se met à rêver d'une 600 Diversion. Une vrai selle, accessible, pas chiante, économique, pas trop de risque pour le permis...
28-10-2020 22:38Article bien cliché d'un monde qui change.
02-11-2020 14:38Je rejoins vos remarques sur le fait que l'univers moto est de plus en plus calqué sur le secteur automobile. Avec un Marché segmenté par catégorie avec notamment l'exemple des SUV dans l'Automobile, le Trail pour la Moto.
Par contre de dire que "c'était mieux avant que maintenant c'est pire"
Il faut savoir vivre avec son temps beaucoup de progrès ont été réalisés dans l'univers Moto
- architecture moteur
- conception des châssis
- évolution de la sécurité
- réduction du poids
- méthode et procédé de fabrication
- consommation
Alors oui les modèles "héritage" sont plus souvent un moyen marketing de vendre aux bons nostalgiques que nous sommes mais n'oublions pas ces avancées.
la bonne à tout faire existe la preuve les motos sont de + en + polyvalentes mais malheureusement cela ne suffit pas.
Beaucoup de critique dans cet article qui découle plus de l'envie insatiable de se plaindre.
Sans doute un article qui sera rééditer lors de l'arrivé de moto hybride "Bouhh pas bien c'était mieux avant"