En 2040, il n'y aura plus de motos

En 2040, on sera tellement dans la mouise que rouler à moto sera réservé à une petite frange de farfelus fortunés.

On t'avait pourtant prévenu.

En 2040, on sera tellement dans la mouise que rouler à moto sera réservé à une petite frange de farfelus fortunés. On t'avait pourtant prévenu.

Je donne à la moto encore vingt ans à vivre. Les derniers deux roues thermiques seront probablement des petites cylindrées façon Honda Cub qui développeront moins de dix chevaux, rouleront à 70 km/h et consommeront dans les 1,5 L/100. Peut-être même hybrides -pouah !

Tout ça, ça sera de la faute à ces gens qui ne creusent pas assez de trous pour trouver du pétrole. Ce n'est pas moi qui l'affirme, c'est l'Agence mondiale de l'énergie qui le dit dans son dernier rapport. Elle constate une baisse régulière de l'extraction de pétrole et prévoit un déclin, toutes sources confondues, à partir de 2025.

En 1990, nous étions 5,3 milliards d'individus sur Terre. Avec une production quotidienne de 62 millions de barils de pétrole par jour, cela nous donne 85 personnes par baril et par jour. Aujourd'hui, avec 7,5 milliards d'humains, on tourne aux environs de 91 personnes par baril et par jour -en réalité, c'est beaucoup moins que ça, puisque la consommation de pétrole est très inégale.

Or, si on prolonge les courbes -ce qui est un excellent moyen de se planter en futurologie- on arrive en 2050 à 120 personnes par baril, avec une population mondiale qui frôlerait les 10 milliards et toujours 82 millions de barils par jour. 120 personnes par baril est bien sûr un chiffre bidon, puisqu'on ne sera certainement pas aussi nombreux et surtout la production de pétrole n'a aucune raison de stagner à son niveau actuel, bien au contraire. Il a pour seul mérite de constater qu'entre 1990 et 2050, l'énergie disponible par habitant va baisser au minimum de 25 %.

Pauvre ministre

C'est pour cela que j'imagine que nous vivons les dernières années de la moto telle que nous la connaissons depuis 70 ans : des machines capables de rouler très vite, très loin, pour un prix finalement dérisoire. Je serai surpris si la moto survit aux années 40 et de toute façon pas sous leur forme actuelle. C'est sympa d'avoir la puissance d'une Ferrari des années 70, la tenue de route d'un TGV, le rapport poids-puissance d'avion de chasse tout en consommant 6 litres au 100, mais dans les faits c'est surtout un super gâchis d'énergie qui va nous manquer quand on s'apercevra pour de vrai que pour bouffer, il faut du pétrole.

Je ne voudrais pas être à la place du ministre qui va nous annoncer que la fête est finie. Il aura raison, mais se fera lyncher quand même : le contribuable n'aime pas le changement et redoute d'avoir à baisser le thermostat. Je ne voudrais pas être à la place du président qui va devoir imposer des cartes de rationnement, des restrictions de circulation ou un couvre-feu thermique. Crit'Air t'a fait hurler ? Achète-toi une paire de cordes vocales pour la suite, parce que ça va être pire encore.

Le bobard A2

Les motos "A2" ne sont pas là pour sauver des vies : elles sont là pour nous habituer à la notion de bridage. D'abord la vitesse, ensuite les moteurs et enfin la consommation. Brider les émissions, c'est une manière indirecte de brider la conso sans en avoir l'air. D'ici peu, l'Europe dira aux constructeurs : "à partir de maintenant c'est 4L/100 maxi pour tout ce qui a des portières". Pour les motos ça sera pire encore.

A2 est là pour convaincre motardus simplex que 47 chevaux, c'est bien assez. Les assurances coûtent moins cher. Les pneus et les kit-chaîne aussi. Mais dans le même temps il faut maintenir vivante la filière, qui emploie du monde. Et les emplois, c'est des impôts, de la TVA, de la CSG et tout le bazar.

D'où le numéro d'équilibriste bizarre qui consiste à introduire, par petites touches, plusieurs dispositifs visant, mine de rien, à réduire la consommation de pétrole. Mais l'air de rien. Pour ne pas fâcher le consommateur, vache sacrée de notre société.

Des Honda Cub partout

En 2040, il ne roulera plus que des motos que j'imagine comme des versions hybrides de Honda Cub avec un moteur développant à peine une dizaine de chevaux, tétant dans les 1,5 L/100, secondé par un moteur électrique afin d'atteindre les 70 km/h réglementaires. Improbable ? Et si on t'avait dit, en septembre 2000, deux ans après sa sortie, que la R1 est une voie sans issue et que l'avenir est à la Zephyr 750 réinterprétée puisque ta vieille moto ne pourra plus entrer dans Paris ?

Je ne sais pas comment ils vont s'y prendre pour nous faire gober ça, mais il va bien falloir en passer par là. Dans 6 ans, on aura atteint le pic de production de pétrole mondial. La suite se fera sur une pente descendante.

Donc : c'est le moment d'acheter une R1 avant qu'elle ne devienne illégale.

Moi, le déluge, tout ça…

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