Val d'Hérens
Émotions authentiques et élégance
Après une exploration complète du barrage la Grande Dixence dans le Val des Dix, il est temps de reprendre ma route et d'entrer dans le Val d'Hérens, en passant par les pyramides d’Euseigne. Entre forêts et alpages, le tracé routier serpente vivement et ne laisse que peu de temps à la contemplation si l'on conserve un rythme sportif. Mais la curiosité naturelle qui barre la route est immanquable. Oeuvre de l'érosion, de massifs rocs se dressent à 15 mètres et semblent en lévitation au-dessus des pointes de roches plus tendres et claires. Cet ensemble s'est formé à la fin de la dernière glaciation voici 80.000 à 10.000 ans. Le glacier s'est ensuite retiré, laissant derrière lui une moraine compacte truffée de gros blocs de rochers. La pluie et les eaux de fonte ont libéré peu à peu les rochers qui, faisant alors office de chapeaux protecteurs, forment ainsi ce monument naturel. Il me parait porte d'entrée de cette région d'Hérens où la simplicité et l'authenticité prévaut en tout. Amateur de ces qualités, vous profiterez d'une offre importante d'agritourisme, à la ferme ou à l'alpage. Nul doute que vous y trouverez les conditions idéales pour vous ressourcer.
C'est désormais vers le village des Haudères, situé entre Evolène et Arolla, que je m'oriente. Sauvage, presque perdu, le Val d'Hérens semble habité d'une aura de mystère et d'énergie presque palpable. Dominées de hautes montagnes aux sommets enneigés, la plupart des localités paraissent avoir fixé une grande partie de leur habitat dans les siècles passés. L'histoire pastorale et montagnarde se raconte dans chaque bâtiment, chaque perspective, soulignée du fort contraste entre les sombres poutres centenaires et l'éclat des glaces d'altitude millénaires. Le sommet le plus remarquable est celui de la Dent Blanche, 4357 m, pyramide presque parfaite coiffant le val tel un diadème.
En ces lieux, les traditions sont fortes, le patois souvent usité et les carnavals moments d'importance. Celui d'Evolène est fort connu, avec ses "empaillés" revêtus de sacs de jutes emplis de paille, le visage recouvert d’un masque, balai de riz à la main. Des "peluches" hantent aussi le village, avec leurs peaux de bêtes… Mais surtout, la population est fière de ses reines des montagnes, ces vaches noires de la race Hérens. Massifs, ces herbivores se parent d'un titre royal, car leur espèce lutte naturellement, sans violence inutile, pour déterminer la dirigeante de chaque troupeau. Ce comportement spécifique leur vaut une large reconnaissance et une fête leur est dédiée pour les voir s'affronter. Dernièrement, un espace leur est consacré, la Hérens Arena. Sorte de théâtre antique à structure de bois, c'est là que se déroulent les joutes bovines.
Cet animal est aussi une référence en terme de qualité de viande. Le label "Fleur d'Hérens" la distingue et protège son appellation. Persillée, savoureuse, elle fait le bonheur des amateurs de plats simples de haute qualité. Une fois encore, on appréciera l'excellence des vins régionaux, comme l'Humagne Rouge. Ses arômes de vignes séchées, violettes et sureau égayent une structure veloutée et sauvage qui sublime la préparation.
Accrochées sur un vaste plateau, Les Haudères est un village plus authentique encore qu'Evolène, mêlant chalets, mayens, raccards et greniers d'une autre époque en grande densité. Proche en terme de structure, ces deux derniers bâtiments, si importants dans le Valais, affichent des fonctionnalités bien différentes. Le raccard constitue un grenier proche du chalet, posé sur des pièces de bois verticales ou "pilets". Ceux-ci sont surmontés d'un disque en pierre ou « palet » empêchant les souris et autres rongeurs d'entrer dans le local. Très similaires, d'autres bâtiments ainsi surélevés sont dénommés grenier. La distinction entre raccard et grenier est assez simple.
Le premier a une aire centrale où l'on travaille le blé. Parallèlement à cette espace, chaque propriétaire possède une ou plusieurs parts (ou boxes) délimitées latéralement par des cloisons sommaires servant à séparer les avoirs de chacun.
Le grenier présente une construction aux poutres parfaitement jointes pour une garantir l'étanchéité et n’a pas d'aire centrale. Mais surtout, il arbore des galeries latérales desservant des portes. En effet chaque étage est constitué de deux locaux bien distincts et séparés. Donc si l'on voit une construction sur pilets et palets comportant plusieurs portes en façade, c’est un grenier. Chaque propriétaire y remise de la nourriture, des ustensiles, des vêtements, etc. A contrario, une construction sur pilets et palets comportant une seule porte assez grande et placée au centre de la façade au niveau supérieur des palets est un raccard. Chaque propriétaire y entrepose foin ou paille et y venait pour travailler le blé.
Supportant deux voire trois étages, les maisons témoignent du temps passé. Si les rez-de-chaussée des premières constructions peuvent remonter au XIIe siècle, les étages les plus élevés datent plutôt du XVIIIe. Au fur et à mesure des mariages ou besoins, on élève donc bâtiments. Subtilement décorés, ceux-ci arborent donc des frises variant au fur et à mesure des élévations.
Sur un socle de roche et pierre taillées se dresse ensuite un habitat entièrement en bois. Certaines maisons sont parfois plus largement maçonnées et décorées, notamment aux angles. Ces peintures évoquent les pierres de tuffeau, jaunâtres, parfois utilisées. Enfin, des granges-écuries s'adossent également à ces constructions rurales.
L'intérieur de ces demeures était des plus simples. L'une d'entre elles a été conservée dans son plan initial. Une pièce d'entrée sert de cuisine avec cheminée et une dalle au mur formant évier et lavabo, le tout avec peu d'équipements. Une salle attenante forme une chambre et pièce à vivre. Avec à peine deux mètres sous plafond, les lits superposés laissent peu d'espace aux dormeurs supérieurs. Montés sur roulettes, les éléments inférieurs optimisent l'espace en s'escamotant durant la journée. On pouvait ainsi y coudre, tisser, sculpter, parfois lire. Un temps lointain qui parait, ici, bien plus proche. A tel point que les constructions récentes s'inspirent de cette rusticité épurée. Béton et bois se mêlent pour se fondre au mieux dans ce milieu ou sérénité et harmonie sont les mots d'ordre.
C'est ce même état d'esprit qui prévalut à l'édification du Maya Boutique Hôtel à Nax, établissement de gamme supérieure original, où je passerai la dernière nuit de mon séjour. Ici encore harmonie et sérénité président en tout. Convaincus de l'importance du tourisme durable, les propriétaires on fait la part belle au choix de matériaux naturels, réalisant ainsi premier hôtel en paille d’Europe. Quant au chauffage, à l’eau chaude et à l’électricité nécessaire, ce sont les panneaux solaires et le four à bois qui se chargent de les produire. Alliant modernité et matériaux traditionnels le bâtiment génère une ambiance chaleureuse et propice au repos. Cette démarche d'harmonie avec l'espace environnant touche bien sûr aux plats proposés avec la mise en avant de produits qualitatifs et locaux. Les produits frais et de saison sont valorisés et leur cuisson à la douce chaleur de feu de bois en magnifie les saveurs. Conçues et meublées avec goûts, les sept chambres bénéficient d’une décoration qui lui est propre, où chacune met à l’honneur une essence de bois différente : mélèze, arolle, chêne, poirier, frêne, orme ou noyer. Chacune bénéficie d'un large balcon ouvrant sur les Alpes et la vaste vallée du Rhône que j'ai à nouveau rejoint.
A quelques centaines de mètres de mon hébergement se trouve une singulière construction : le Balcon du Ciel. Epuré, ce lieu est un théâtre couvert ET ouvert sur les montagnes, le fond de sa scène étant libre et sa structure latérale composée de hauts et larges panneaux vitrés. La compagnie Interface, de rayonnement international, primée au festival d'Avignon, s'y produit et propose également à de nombreux artistes, conteurs, comédiens d'en partager la scène. Acteurs et spectateurs se trouvent ainsi plongés tant dans le spectacle qu'au coeur des montagnes. Le concept de du bâtiment rejoint ainsi l'idée de symbiose avec la nature qui anime la région et se traduit aussi par le projet Green Valais. Le Maya Boutique Hôtel propose à discrétion des véhicules électriques. Cette Green Mobility permet aux clients de découvrir les environs en limitant l'impact écologique. Le règlement de ce service est au bon vouloir des usagers. En Valais, canton ou l'usage et le respect des ressources naturelles et des énergies renouvelables se généralisent, un nouveau tourisme se met sensiblement en marche.
Mon périple dans le Valais connaitra demain un nouveau point d'orgue avec la découverte du Val d'Anniviers, plus encaissé et sauvage.
Le Roadtrip du Valais
Plus d'infos sur la Suisse
- Site : www.suisse.com
- Site : www.valais.ch
- Site : www.valdherens.ch
- Tous les voyages motos
- Tous les dossiers sur la Suisse
Commentaires