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Cadres supérieurs

Poutre, périmétrique, coque, ouvert, DeltaBox, Oméga... du vélo au double berceaux

Partie cycle et architecture moto

cadre double berceau Yamaha 250 YZ cantilever

Les premières motos étaient en fait des bicyclettes motorisées. Elles utilisaient donc des cadres de vélo, qui sont des structures parfaitement planes manquant singulièrement de rigidité, pour ne pas dire d'épaisseur, puisque les deux termes sont liés comme nous allons le voir.

Pour y fixer de plus gros moteurs, on a commencé par dédoubler le bas du cadre, créant ainsi les premiers simples berceaux dédoublés. Puis, pour gagner en rigidité, on a dédoublé le berceau directement à partir de la colonne de direction, ce qui rendait la structure plus large, donc plus rigide. En effet, vous avez sûrement remarqué qu'une tôle, plate par excellence, est extrêmement souple. Faites-y quelques plis et autres nervures, qui augmentent son épaisseur hors-tout et vous améliorerez immédiatement sa résistance à la flexion. On est donc passé avantageusement d'une structure en deux dimensions (longueur et hauteur) sur les vélos, à une structure en trois dimensions (longueur, hauteur et épaisseur) sur les "vraies motos".

L'épaisseur des tubes ne fait rien à l'affaire... ou presque

Si la notion d'épaisseur vaut à l'échelle du cadre, elle est aussi vraie à l'échelle des tubes qui le compose. En effet, on donne de la rigidité à un tube de deux façons différentes. Soit on augmente l'épaisseur de ses parois, ce qui est lourd, peu efficace, mais paradoxalement pas cher. Soit on augmente le diamètre du tube, tout en diminuant son épaisseur. Cela ne change pas son poids, mais augmente sa résistance à la flexion de manière spectaculaire. En effet, elle croît proportionnellement au rayon du tube, élevé à la puissance 4! Ainsi en passant de 20 à 30 mm de diamètre, soit une augmentation de 50% du rayon, on multiplie par 5 la rigidité d'un tube! Voilà pourquoi on a vu naître la mode des cadres VTT "oversize". Ce qui importe donc, plus que l'épaisseur des tubes, c'est leur volume. Cela vaut qu'ils soient ronds, rectangulaires ou carrés, à proportions légèrement différentes. Mais du point de vue de la fabrication industrielle, les tubes fins posent de nombreux problèmes. Ils plissent si l'on veut les cintrer et demandent beaucoup de virtuosité pour être soudés, à défaut de quoi, ils se percent. C'est pour cette raison que l'on trouvent des tubes épais et donc lourds, sur les vélos d'enfants et les motos utilitaires. Et tant pis si ça pèse un âne mort!

La révolution radiale

très rigides les cadres doubles longerons sont nés avec les premiers pneus radiaux. Ici une Kawasaki ZX6R 2009

C'est au cours des années 80 que la structure des motos a changée. Cette métamorphose correspond à l'accroissement du grip offert par les pneus radiaux. Ceux-là mettaient à mal les cadres trop frêles des machines de l'époque. Pour gagner en rigidité sans prendre de poids, les constructeurs ont imaginé des cadres doubles longerons. Ces structures volumineuses et légères offrent l'avantage d'une grande rigidité. Très éloignée du cadre de vélo originel, la structure, devient à la fois plus large, ce qui est favorable à sa raideur, tout en utilisant des profilés qui ont eux-même une grande rigidité naturelle. Le gain en performances est donc énorme et s'applique avec le même succès aux bras oscillants. On est parfois même allé trop loin, les motos devenant de véritables "bouts de bois". Par ailleurs, l'encombrement devenait trop important, ce qui nuisait aussi à l'aérodynamique. On est donc revenu à des longerons plus minces dans les années 2000/2010 pour retrouver un peu de souplesse.

Alu ou acier?

le cadre carbone définitif de la BMW HP4

Vaste débat, mais on pourrait aussi ajouter à cette liste le magnésium, le titane et surtout le carbone. Les matériaux de construction sont en effet multiples et chacun offre ses avantages. Presque 3 fois plus léger que l’acier (2,9 exactement), l'aluminium est aussi trois fois moins rigide! De fait, à résistance égale, il en faut 3,4 fois plus que l’acier! Son utilisation est particulièrement optimisée sur les cadres doubles longerons qui permettent de descendre les épaisseurs à des valeurs industriellement acceptables en terme mise en oeuvre. Si l'on faisait un cadre delta box en acier, il serait si fin qu'il se déformerait en appuyant dessus à la main. Quant à sa soudure, elle serait pour le moins délicate. On peut faire à peu près le même constat avec le titane. Très prisé en vélo fut un temps, il n'a jamais vraiment percé en moto, faute d'y être interdit par les règlements techniques. Sans doute dans le but louable de limiter l'inflation en course. Pour le carbone, il est plus difficile de statuer, car l’orientation du tissage, comme celle des efforts introduits jouent énormément. Ce que l'on peut dire en revanche, c’est qu’on ne remplace pas une pièce métallique par une pièce identique en matériaux composite. Il faut la concevoir différemment pour bien orienter les efforts et les contraintes. Le magnésium, encore plus léger que l'aluminium, se prête bien aux fonderies. On le retrouve sur de très belles italiennes, qu'il s'agisse de monobras ou de cadre coque. Comme on peut le voir sur le tableau si dessous, il est plus rigide que l'alu (bon dernier!) à poids égal. Mais ne jetons pas le bébé, en l'occurrence l'aluminium, avec l'eau du bain. Chaque matériaux a ses domaines de prédilection et ce qui compte surtout c'est ce qu'on en fait. Terminons ce bref tour d'horizon par l'impression 3 D qui offre désormais d'incroyables possibilités avec des matériaux nouveaux. Formes, matières, possibilités de conception. Il y a là un très vaste champ d'investigation à découvrir.

Matériaux densité Module d'Young (GPA) résistance spécifique*
Acier 7,85 210 26,7515924
titane 4,5 114 25,3333333
magnésium 1,74 44 25,2873563
aluminium 2,7 62 22,962963
*(rapport module d'Young/densité)

Cadre ou pas cadre?

Cadre coque KAWASAKI 1400 ZZR faisant office de boîte à air et de bac à batterie

Telle est la question! En effet en groupant plusieurs fonctions dans une même pièce, on peut remplacer le cadre par une structure plus globale, à l'image des coques autoporteuses automobiles qui ont depuis longtemps remplacé les châssis. Kawasaki s'y risque avec ses ZX 12 R et autres 1400 ZZR, mais aussi Ducati avec ses Panigale. Exit le cadre, ici c'est la boîte à air qui fait office de coque. on diminue le nombre de pièces, mais aussi l'encombrement et le poids de la moto. C'est tout bénef'... Enfin presque, car en GP, le pilote peine à cerner les réactions d'une machine qui ne lui "parle plus", comme si elle avait un cadre. Ducati qui a dû revenir en arrière et adopter un cadre double longerons sur ses machines de GP, persiste et signe cependant sur ses Panigales, V2 ou V4. L'efficacité est là et les machines affichent un poids plume.

Kawasaki 500 KR GP 1983 à cadre réservoir coque aluminium

Chez Buell, l'approche était différente, avec un très volumineux cadre double longerons qui faisait aussi office de réservoir d'essence. Sur des motos de course, mais aussi sur les cyclomoteurs (Mob bleues, etc) on avait aussi des cadre coques qui faisaient réservoir.

Mais d'autres artisans comme JBB, alias Jean-Bertrand Bruneau, poussent le bouchon plus loin. En supprimant aussi la fourche avant, qu'il remplace par une paire de triangles, JBB élimine l'effet levier qu'elle provoque et qui contraint outrageusement la cadre. En reprenant directement les efforts au niveau de l'axe de roue, sans les démultiplier, il réduit les contraintes. Ainsi, il attache ses triangles directement sur le moteur, qui n'a du coup plus besoin d'être conçu pour puisque les efforts sont ici 3 ou 4 fois plus faibles qu'au niveau de la colonne de direction. Le gain de poids et d'encombrement est optimal! Tient justement combien ça pèse un cadre?

Le poids des maux!

le cadre de la Kawaski ER6: 25 kg!!!

Les constructeurs sont parfois surprenants. Ainsi lors de la présentation de la Kawasaki Z 650, les ingénieurs nous annonçaient fièrement avoir gagné 10 kilos sur le cadre par rapport à l'ancienne ER6. Soit un poids final de 15 kg sur la Z. Ce qui nous mettait au bas mot, le cadre de l'ER 6 à 25 kg!!! Comment parvenir à un tel résultat? Comment l'avoir laissé passé en bureau d'étude, quand on sait qu'un treillis de KTM RC8 en pèse environ 7,5 kg pour 170 ch, contre 100 de moins pour la petite Kawasaki?! Comment justifier un châssis largement trois fois plus lourd sur un petit roadster? Une mini conférence nous permis justement d'apprendre que le celui de l'ER6 était plus lourd du fait de l'amortisseur latéral et de la répartition des efforts que cela imposait. Une théorie que l'auteur de ces lignes eu beaucoup de mal à entendre, ayant lui-même conçu un cadre à amortisseur latéral pour la SV 650, qui pesait 3,7kg associé à 2 platines alu, de 1,3 kg (poids total 5 kg donc....). En photo ci-dessous. Bref en matière de cadre, on peut voir le meilleur comme le pire, sur de bonnes motos, ce que sont les ER6 et les Z 650.

Pour autres références, sachez que le cadre de la BMW S 1000 RR pesait 12 kg à sa sortie (et 6,2 kg le bras oscillant) et que sa version carbone affiche seulement 7,8 kg sur la balance. Terminons par le meilleur, avec le poids du cadre/boîte à air aluminium de la Ducati Panigale 1199 qui pesait 4,2 kg. Mais sachez que la version carbone affichait encore 40% de moins sur la 1299 Superleggera soit environ 2,5 kg!!! A noter que le monobras magnésium pesait pour sa part, 5,1 kg.

la tucson Véloce et son cadre treillis de 3,7 kg, associé à 2 platines alu de 1,3 kg la paire

Et le treillis dans tout ça?

le cadre treillis de la KTM RC8: simple et efficace. 7,5 kg!

Le treillis tubulaire n'a pas fini de nous surprendre. On le voit qui revient en force en GP sous la houlette de KTM. Les raisons de son succès? Sa structure triangulée qui ne fait travailler les tubes qu'en traction et en compression. Prenez en main un vulgaire stylo Bic en plastoc' et essayez de le rompre en tirant dessus bien en ligne... Impossible, ou presque, sauf à s'appeler Teddy Ryner! De fait le treillis tubulaire affiche un excellent rapport poids/rigidité. A ce jour cela reste un très bon compromis, tout à fait compétitif face aux cadres double longerons, comme on a pu le voir cette saison en Moto2. Des fois, la simplicité a du bon!

Commentaires

MotoMotoVroumVroum

Merci beaucoup, encore une fois, c'est super intéressant !
J'en profite pour poser une petite question légèrement en rapport avec le sujet ici.

La symétrie du cadre est importante n'est-ce pas ? Histoire que la moto se comporte pareil dans les virage à gauche et les virage à droite ? Ou bien les cadres sont tellement rigides que ça ne bouge pas ?
Je me pose la question à cause des amortisseurs sur le coté et les mono-bras.

21-02-2018 15:31 
thom

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21-02-2018 17:08 
doc robert

Bonjour et merci pour le compliment. Non la symétrie n'est pas indispensable, car les efforts subis par le cadre ne le sont pas. La traction de la chaîne et les réactions sur les points d'ancrages moteur ne sont pas symétriques. En revanche, ce qui compte comme vous dites c'est que la moto réagisse pareil des deux côtés, et surtout bouge très peu.

23-02-2018 09:18 
 

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