Roman : René (épisode 19)
Episode 19 : SARRON est scié (bis)…
Pendant que le père SARRON distille son (immense) savoir, le tout frais Vénérable Racing Team nage dans l'euphorie en tirant des plans sur la comète.
Tiens, on va prendre le Grigou : son rédac' chef le propulse stagiaire
au guidon d'une pré série que même avec ses capacités
d'essayeur professionnel, il lui est impossible d'être à
la hauteur de son rang tant la moto est imparfaite... .
De plus, l'importateur du « cadeau empoisonné » est
l'un des annonceurs principaux du canard, le genre de client qu'il faut
soigner absolument !
Grigou a la lourde tâche de rédiger un papier sur le stage
ET sur la moto en question, laquelle doit être, à sa sortie,
le fer de lance du constructeur...
A la base, voilà un truc qui semble bonnard, seulement voilà
: notre scribouillard est venu par la route avec la meule, se rendant
compte très vite que cette dernière est sortie trop rapidement
des ateliers, alors qu'un travail énorme est encore à effectuer
dessus pour qu'elle puisse accomplir ce à quoi elle est destinée...
Bon, pas vraiment une mauvaise moto mais, dans sa définition actuelle,
elle se redresse franchement dès qu'on prend les freins, ce qui
oblige à rester en ligne (alors que le point fort d'une hypersport
est cette facilité de zapper tout temps mort entre la phase accélération
et mise sur l'angle).
Ce « défaut de jeunesse » oblige Grigou à prendre
le levier très tard s'il veut rester dans le coup, mais à
pas freiner trop fort pour garder une certaine vitesse à la corde,
la moto se trouvant alors en roue libre. Vient alors le problème
que, sans appui du train avant (ben oui, sans les freins...), la machine
se cherche à la corde sans que l'on puisse s'aider d'un frein arrière
aux abonnés absents...
On dirait que le gros bicylindre est placé trop en hauteur dans
le cadre, et que son inertie est responsable de ce comportement car, même
en diminuant la hauteur des tubes de fourche et en freinant les compressions,
le phénomène persiste.
Régler la chasse ? : Christian, questionné, n'y croit pas
non plus. De plus, selon lui, le pignon de sortie de boîte est trop
éloigné de l'axe de bras oscillant, ce qui contrarie et
rigidifie l'arrière avec un effet de chaîne empêchant
le transfert de masse à la mise sur l'angle...
Dans l'état actuel, c'est une moto ratée, alors qu'il suffirait
simplement de repositionner le moteur dans le cadre pour l'aligner au
point zéro du centre de gravité, et de le reculer d'un tout
petit centimètre pour l'ajuster à l'axe du bras arrière
: c'est incroyable qu'un bureau d'étude laisse partir une telle
moto sans savoir que ce type de « baptême du feu « peut
lui être fatale.
Mais il est vrai aussi qu'en la confiant aux mains expertes des rapides
et expérimentés essayeurs (lesquels connaissent parfaitement
la concurrence) de la presse qu'on arrose avec la pub, on économise
ainsi des heures de mise au point sur le terrain en faisant ainsi faire
le travail par d'autres personnes (indirectement, on récupère
aussi les frais occasionnés par la pub, économisant le personnel...)
qui n'oseront, de ce fait, tuer la « poule aux oeufs d'or »
!
Grigou n'aime pas être ainsi manipulé, de plus qu'il n'aime
pas se sentir diminué face aux autres par faute du matériel,
ce qui allait fatalement arriver avec l'épreuve de la piste...
Mais, même s'il en crève d'envie, on ne le laissera pas «
casser » ainsi la prestigieuse marque si impliquée dans le
monde de la compétition...
L'arrivée inattendue des Vénérables, avec surtout
l'incroyable performance de René (du jamais vu dans aucun stage
!!!), est tombée comme un don divin : fallait exploiter l'aubaine
au maximum !
Le père ROSSO, flaire aussi le bon coup : un vieux qui roule comme
ça, c'est mieux que tous les frais engagés en pub au niveau
rentabilité (surtout avec un journaleux à leurs côtés).
Il commence à songer qu'un team fait de la course et que son talentueux
mais feignant de fils aurait ainsi une motivation réelle à
exploiter un don pour l'instant laissé en veille...
René est content... un peu étonné mais content, tout
simplement...
Maurice aime être à ce rôle de « donneur de conseil
» pour un frère qu'il n'aurait jamais imaginé voir
ainsi accomplir de telles prouesses...
Le jeune Valentini aime bien René, qui plus est, s'il se place
entre lui même et son « envahissant » de père...
Maintenant, comme il reste du temps libre avant que Christian ne les
appelle, tous décortiquent le travail accompli par les deux «
pilotes du team » et se penchent sur les réglages pour optimiser
les motos par le biais de leurs expériences respectives réunies.
Aux explications, données avec une grande précision par
les vénérables et décodées par le journaleux
pour être transmises à la clé de douze de l'expérimenté
ROSSO, vient se greffer l'enthousiasme de la jeunesse de Valentini, qui
n'est pas le dernier à savoir tourner le truc à droite du
guidon !!!
Pendant ce temps, les machines des stagiaires, sous la direction de l'ancien champion du monde, continuent la mise en application après l'analyse en salle dans un ballet incessant sur la piste.
Christian, seul, veille à tout : il avait tenu, en perfectionniste, à un enseignement unique car un autre moniteur aurait pu avoir une vue différente de la sienne, ce qu'il juge peu compatible avec le bon déroulement des explications, même si c'est plus long comme ça...
Le Vénérable Racing Team observe le travail du Maître en prenant note de ce qui peut lui servir : une façon utile de patienter avant que vienne leur tour.
Les stagiaires sont studieux : leurs passages dans les différentes courbes s'affinent au gré des explications et les temps, demain, risquent de tomber grâce aux judicieuses remarques de Monsieur SARRON !
Bon, après bien des litres de sueur évacuées, les élèves sont invités à quitter la piste : pour eux, aujourd'hui, l'enseignement est terminé et ils sont fins prêts pour le dernier jour du stage.
Christian se tourne maintenant vers les « phénomènes
» :
« Messieurs, ce que je vais faire maintenant n'est pas dans mes
habitudes, mais voir tourner d'emblée des stagiaires en 1'45 non
plus !
Est ce que vous vous rendez bien compte ? : 13 secondes de GIBERNAU !!!..
et avec des pneus du commerce...
Bon, toi Valentini, tu as une moto bien préparée, je te
l'accorde, MAIS C'EST UNE MOTO DU COMMERCE !!!!
Allez ! : admettons qu'il soit possible que tu sois LE pilote que la France
pleure de dénicher pour enfin être en mesure de botter les
fesses des ritals et espingoins : je suis prêt à miser sur
toi car tu as fait très, très fort, bien plus que ce qui
sort des formules de promotion au niveau maturité de pilotage.
Ton seul point faible est le mental, mais c'est normal à ton âge
et ça se travaille...
Mooonsieur René maintenant ! : 60 berges... pas de palmarès...
une sport GT... et... 1'45 aussi
(et encore, j'ai vu que tu forçais pas !) !!!!!!!!!!!
Là, on nage complètement dans la 4ème dimension !!!!!!!!!!!!!!
J'ai l'impression que je suis dans mon lit et que je vais me réveiller...
Personne !, tu m'entends bien ? : PERSONNE ne peut faire ce que tu as
fait et je veux en avoir le cœur net en te demandant de remiser ta
V6 et de grimper sur la R1.
Toi, Valentini, tu gardes la tienne.
Mais avant de passer à la piste, je veux revisionner tout ça
en salle : allons y ! »
C'est ainsi que le Vénérable Racing Team se rend au stand aménagé et s'installe au côté de Christian, qui branche la vidéo.
Au fur et mesure du défilement, le père SARRON pousse des cris divers, arrête la K7, revient en arrière, regarde de nouveau et semble bien perplexe en se grattant le menton...
René et Valentini se regardent en rigolant, commentant les passes
d'armes avec une mauvaise foi évidente :
« T'es sûr que là t'avais pas oublié qu't'avais
une poignée d'gaz ? », plaisante René en revoyant
le moment où il a doublé autoritairement Valentini.
« Non, se marre le jeune, j'avais simplement un moucheron dans l'œil
! »
« Ouais, visière baissée...» , remarque Maurice.
« Hô, tu sais ?: c'est tellement ******* ces bêtes là...»
rétorque le gamin.
A la sortie de la Chapelle :
« René ! : j't'ai d'jà dit qu'faire des burns c'était
plus d'ton âge... , fait remarquer le père ROSSO en visionnant
la sortie en glisse du Respectable, remarque, comme t'achètes tes
pneus chez moi, ben..., tu peux continuer ! »
L'ex-champion du monde n'en revient pas : non seulement l'exploit réalisé
n'a pas l'air de les perturber plus que ça, mais en plus ils en
plaisantent comme d'une simple arsouille au comptoir du bar d'en face
!!!
Il se lève, lentement, les regarde un à un , l'air grave
et soucieux...
« Bien !, dit il, nous allons maintenant nous diriger vers la piste,
mais j'avoue qu'en matière de technique, y'a pas grand-chose à
voir : les enchaînements freinage / mise sur l'angle, un peu plus
de mobilité...
Et pour toi Valentini, apprendre à rester calme avec un adversaire
aux fesses !
Messieurs, en piste ! »
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