Roman : René (épisode 20)
Episode 20 : Vale surprend, René doute…
Christian SARRON, accompagné du Vénérable Racing Team, sort du stand/salle de cours pour rejoindre les deux machines alignées sur la voie des stands.
Autour de la R1 du Maestro, les mécanos à la solde du champion,
finissent d'installer des couvertures chauffantes : des slicks équipent
la YAMAHA ainsi que la TUMATRAPRAPA de Valentini que Christian a pris
la liberté de faire chausser aussi.
Il s'avance vers les hommes en bleu (mais non, c'est pas des MIB...) et
leur glisse deux, trois mots à l'oreille : aussitôt, le staff
à la clé de douze se penche sur les réglages de suspensions
des deux motos pour y apporter d'ultimes modifications.
Le père ROSSO n'aime pas trop que l'on touche ainsi à «
son » bébé mais l'attitude de l'ex numéro trois
de la 500, et accessoirement World Champ' 250 (je le re précise
pour les étourdis, ainsi que pour mesurer l'ampleur de ce qui va
suivre), cette attitude décidée de Mr SARRON (qu'on jurerait
prêt à prendre le départ d'une course) l'invite à
ne rien dire...
« Bon, dit ce dernier en s'adressant au Mino, j'ai pris l'initiative
de faire monter des slicks sur ta machine, ainsi que de rajouter de la
compression et libérer un poil les détentes des suspensions
pour l'adapter au comportement quelque peu différent de ce type
de pneu : tu vas la trouver bien changée, avec une vivacité
et un grip bien plus importants...
Va falloir t'adapter. Pour ce faire, nous allons effectuer deux tours
ensemble : un, calmement, pour chauffer et prendre la teneur de la machine,
et l'autre, toujours en me suivant, en 1'50 environ.
Tu me colles au dosseret et dès que tu vois s'allumer le feu stop
(la R1 a conservé le feu arrière pour la nécessité
du stage), tu freines. Allons y ! »
Valentini ajuste son casque, ses gants, et grimpe sur sa moto pendant
que Christian fait de même.
Les mécanos, qui avaient déjà démarré
les machines et les faisaient chauffer par de petits coups de gaz, débéquillent
suite à l'autorisation du personnel de piste et... c'est parti
!
Les deux motos décollent de la voie des stands, Vale derrière Christian, tandis que le Team, ainsi que quelques stagiaires et les mécanos, se pressent contre le muret. On sent que le moment n'est pas ordinaire...
Le père se mord les doigts, Maurice se gratte nerveusement le sommet du crâne pourtant atteint d'une sérieuse calvitie, René a le regard vide, concentré et Grigou, lui, prend des notes sur son carnet...
L'écran géant est en marche, permettant de suivre la progression par le biais des caméras synchronisées par un pro d'ce truc dans la salle de contrôle. Pour l'instant, tous deux sont encore visibles à l'approche de la courbe Dunlop mais bientôt tous les regards se portent sur l'écran.
Christian, même à cette faible allure du tour de reconnaissance,
a fière allure dans son style mêlant l'autorité à
une parfaite fluidité.
Derrière, Valentini semble plus brouillon, mais ne dévie
pas la trajectoire d'un iota.
Le père SARRON prend le temps de soigner les points de corde sans quitter l'élève des yeux par le biais des rétros laissés à sa demande.
A l'abord de l'entrée des courbes, il exagère les freinages pour habituer Valentini à ne pas se faire surprendre.
La fin du premier tour approche : ils abordent maintenant le Raccordement.
Christian relève rapidement sa moto et, d'un geste décidé, visse le poignet droit : la R1 se cabre sous l'avalanche de canassons et, immédiatement, Valentini se prend vingt mètres...
Au moment de passer devant les stands, Grigou ne peut s'empêcher d'actionner son chrono.
La Yam' hurle tandis que Valentini se jette le nez dans la bulle pour tenter de répliquer : peine perdue, la R1 est trop puissante !
Deux cent mètres avant la première courbe, SARRON coupe son élan pour permettre à Vale de recoller et tous deux plongent dans la courbe Dunlop à une vitesse sidérale...
L'écran montre ensuite un freinage dantesque à la Chicane, bien contrôlé par le gamin, lequel suit Christian de très près (un peu comme toi avec la superbe frangine de ton pote: j't'assure que si t'avais pas cette tête là, t'aurais ta chance : c'est elle qui m'a fait cette confidence au..., mais revenons à nos mou.., motards !).
A la sortie, la R1 cabre de nouveau dans le – presque - bout droit
menant à la Chapelle.
S'ensuit une prise de frein d'outre tombe du champion qui voit Vale, surpris,
s'écarter pour ne pas le percuter !
Christian plonge au point de corde tandis que l'écart oblige le jeune ROSSO à prendre un angle de cintré, dans une superbe gerbe d'étincelles, pour ne pas se faire distancer : le gosse tient bon et ramarre rapidement malgré le fait que l'ancien World Champ' n'ait absolument pas coupé son élan.
C'est roues dans roues qu'ils abordent le Musée, les motos balayant la piste sous la morsure des freins : la sortie, un peu optimiste de Vale, voit la TUMATRAPRAPA partir dans une glisse monstrueuse : là, la chute n'était pas loin car la roue arrière a mordu sur le vibreur en décrochant d'un coup...
Le jeune n'a pas coupé pour autant mais a perdu dix mètres dans l'histoire, dix mètres vite rattrapés au garage vert au prix d'une arrivée tout en travers au point de corde !!!
Christian lui, est toujours aussi propre...
Le bout droit précédant le Chemin aux Bœufs est l'objet d'une accélération phénoménale de la part des deux pilotes qui ne se lâchent pas d'un poil, de même qu'une arrivée au point de corde roues bloquées parfaitement synchro !
Petit coup de gaz jusqu'aux Esses bleus (délicats à négocier) et nouvelle gerbe d'étincelles à la corde...
La longue courbe précédant le raccordement voit Vale se porter, malgré les consignes, à hauteur du Maître : celui ci, pas né de la dernière pluie, ferme aussitôt la porte pour aborder le raccordement le premier et parcourir en wheeling la distance le séparant de la rentrée aux stands, singé aussitôt par le jeune ROSSO, survolté !!!
Grigou vient de réaliser qu'il ne peut valider le chrono avec la rentrée aux stands mais doute d'un 1'50...
Les deux pilotes lâchent les motos aux mécanos sous une pluie d'applaudissement des personnes présentes... et du père ROSSO qui ne peut s'empêcher de verser une larme !
Christian enlève alors son casque et prend un air sévère
en s'adressant à Valentini :
« Je t'avais pourtant expliqué que tu DEVAIS me suivre sans
chercher à doubler à aucun moment !!! »
Silence total !
Il reprend, riant franchement :
« Mais bien joué ! Tu as presque réussi à m'avoir...
. Je dois t'avouer qu'en parlant d'1'50, c'était pour ne pas te
mettre la pression : c'est moi qui l'ai eu quand je t'ai vu suivre avec
une puissance inférieure alors qu'on a dû faire dans les
43 ou 44 !!!
Vraiment Valentini, il va falloir que je m'occupe de toi !!!!!!!!!!!!!
De plus, j'ajouterai que tu es resté sur tes roues : à ce
rythme là, vu ton peu d'expérience, je n'en connais pas
beaucoup qui auraient été capables de faire ça...
», ajoute t'il en jetant un bref regard, furtif, vers René,
lequel semble dans un état second à mesure que son tour
approche...
Grigou, pendant ce temps, note fébrilement sur son carnet !
« Excuse moi, répond Vale, j'ai pas pu résister...
Au début, j'ai été surpris par les slicks : incroyable
le grip et la facilité de mise sur l'angle !
Le plus impressionnant, c'est au freinage quand l'arrière semble
pousser l'avant : on a alors l'impression que la moto te pousse mais ne
peut décrocher tellement l'avant est rivé au sol !!! Génial
! »
Vient maintenant le tour du Respectable...
Les mécanos ont renfilé les couv' sur la R1 béquillée : cette dernière est impressionnante avec cette énorme fourche inversée, ses étriers racing et les disques carbone en provenance du service course.
Les demi guidons sont positionnés très bas et l'arrière
a été rehaussé : ce qui donne à la moto une
allure de fauve prêt à bondir !
La touche ultime, c'est les jantes Marchesini larges : on dirait une brèle
de GP disposant d'un rétro et d'un feu arrière...
René s'avance à pas lents, tandis que Christian prend la
parole :
« René ! Cette moto est bien différente de la tienne
: la puissance est certainement équivalente à ta V6, mais
les montées en régime n'ont rien à voir, et elle
pèse 45 kgs de moins, au bas mot...
Elle est progressive et plonge à la corde sans effort mais devient
délicate quand on la pousse dans ses retranchements : là,
faut faire gaffe car elle est vraiment violente dans cette condition !
Tu fais autant de tours que tu veux mais tu te chauffes sérieusement
au premier... »
Le Respectable grimpe difficilement sur le « monstre » et fait OUPS ! en constatant que les bracelets sont vraiment trop bas pour lui : les mécanos les remontent aussitôt dans les tés.
« Bon !, on f'ra avec..., marmonne l'Ancien, mais j'ai passé l'âge d'avoir le cul en l'air ! »
Les mécanos débéquillent pendant que René
ajuste casque et gants.
Le préposé à la piste signale que cette dernière
est sa disposition d'un mouvement de drapeau : la R1 s'élance de
la voie des stands...
René part lentement, très lentement... On sent qu'il prend la teneur de l'engin sous ses fesses.
Il aborde la courbe Dunlop sans forcer, en balançant la moto de droite à gauche, se fait surprendre à la Chicane en mordant le vibreur puis accélère un peu pour tester les freins à la Chapelle : la R1 se met aussitôt en travers !
Le respectable récupère in extremis la moto pour l'inscrire
dans la courbe, mais on sent bien une hésitation de sa part à
la balancer...
La sortie voit René glissouiller en ouvrant un peu fort : la moto
bouge de façon anormale !
Le Musée est abordé sur des oeufs, ainsi que le Garage Vert...
Redressant la Yam, le frère de Maurice décide alors de
visser le truc, la moto se cabre presque à la verticale, l'obligeant
à relâcher les gaz et se positionner plus en avant.
La moto hurle dans les tours tandis qu'il remet la sauce : tout le monde
retient son souffle car le Chemin aux Bœufs arrive très vite,
trop !!!
René tend les bras et serre les freins de toutes ses forces, en
ligne : la R1 se tord sous l'effort mais l'Ancêtre tient bon !
Il négocie le pif paf avec prudence, et fait de même pour
les Esses Bleus et le Raccordement.
On le voit lever le bras et regagner la voie des stands...
René, tout rouge, enlève alors son casque en laissant la
moto aux mains des mécanos :
« J'y arrive pas : trop basse de l'avant et j'ai mal aux épaules...
En plus, elle est trop dure pour moi et j'ai l'impression qu'j'vais passer
par d'sus l'guidon à chaque freinage !!! »
Christian donne alors des ordres aux mécanos, lesquelles enlèvent la cale fixée à la biellette arrière, relèvent encore les demi guidons, repositionnent les repose pieds et se penchent de nouveau sur les réglages des suspensions, remontant au passage la fourche dans les tés.
Le Respectable boit un coup, fait quelques mouvements d'étirement
et jette un regard soupçonneux sur la moto avant de l'enfourcher,
cette fois, plus facilement.
Il teste les commandes et lance un coup d'œil vers Christian,
le pouce levé !
Le préposé de piste donne son aval et René s'élance de nouveau d'un coup de gaz rageur en laissant une énorme virgule au sol...
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