Emilie ou le dessin d'une trajectoire
Après le succès de son blog, sa première BD moto
Un talent révélé par la moto
C'est un des premiers soirs du printemps. Au téléphone, la voix d'Emilie grésille, mais l'on perçoit immédiatement une légèreté comique attachante : "c'est parce que chez moi, ils ont oublié de mettre une antenne ! Je vais me rapprocher de la fenêtre pour que ça capte".
A vingt-quatre ans, Emilie a débarqué dans l'univers de la moto par hasard, mais avec succès. Au début de l'été 2015, la jeune femme s'est fait connaître en réalisant un blog sur son passage du permis moto. Fraîchement diplômée en études de création publicitaire, l'été 2015 a marqué une sorte de carrefour dans le parcours de cette jeune motarde.
Après le bac, j'étais un peu paumée. Je ne savais pas dans quelle voie me diriger. Ce qui est certain, c'est que je cherchais quelque chose dans le domaine de la création. Depuis toute petite, je dessine. J'ai toujours eu ça en moi. Alors je me suis orientée vers la création publicitaire. Aujourd'hui, mes études sont achevées et je cherche du travail dans la publicité, mais plutôt dans le domaine de la création, qui est ma spécialité.
En parallèle, Emilie se cherche également sur le plan personnel. Deux ans plus tôt, elle a rencontré François, qui partage sa vie. L'homme est un motard aguerri. Il emmène Emilie en passagère, mais la jeune femme a d'autres projets. Tout comme le dessin, la moto est quelque chose qui résonne en elle de manière particulière.
Ma famille n'est pas motarde. En réalité, d'un point de vue affectif, seul mon père et mon petit ami me relient à la moto. Quand j'étais petite, mon père avait une Yamaha 125 Ténéré. Parfois, il m'emmenait derrière lui. Ce sont des très bons souvenirs qui m'ont fortement marqués. Et puis la Ténéré est tombée en panne. Mon père l'a remisée dans l'obscurité du fond du garage où elle a pris la poussière durant des années. La moto est donc restée en moi, à la fois présente mais immobile, à l'état de souvenirs heureux mais poussiéreux.
Rencontre et révélations
Mais sa rencontre avec François va changer les choses. Le petit ami d'Emilie fait partie de l'association Une rose Un espoir qui allie la balade moto aux actions contre le cancer. C'est l'heure des rencontres et des kilomètres sur la selle passager de la Honda VFR de François. Pour Emilie, la moto devient un vecteur de liens d'amitiés. En plus de son association, François fait aussi partie d'un groupe de passionnés de la VFR issus du Nord de la France. La moto devient rapidement une seconde famille. Autant de raisons pour Emilie de franchir le pas et de s'inscrire au permis moto.
Rouler six mois en tant que passagère, ça m'a suffi. C'était de bonnes expériences, mais j'avais vraiment envie d'être moi-même au guidon. Il m'a fallut patienter, car au début j'étais fauchée et je n'avais pas les moyens de me mettre à la moto. De plus, j'étais encore trop jeune pour passer le permis A1. Et je ne voulais pas me retrouver avec un permis A2 !
Côté dessin, l'évolution d'Emilie suit un processus comparable à celui qu'elle vit à moto.
Depuis longtemps, mes dessins étaient inspirés de l'univers girly, je dessinais dans un style BD, mais je n'avais pas de thème particulier. Il n'y avait pas de fil conducteur dans mes dessins. Depuis quelques temps, je cherchais à donner une sorte de cohérence à mes dessins. Et c'est naturellement que François m'a inspiré l'idée de la moto. L'idée m'a tout de suite séduite et je me suis lancée à fond !
Dès lors, les cours de conduite s'enchaînent avec la même fébrilité que les publications sur son blog baptisé Motarde en herbe.
Souvent, lorsque je rentrais d'une leçon de conduite, les anecdotes que j'y avais vécues me donnaient envie de les mettre en dessin. J'ai donc dessiné à chaud et je pense que cela m'a aidé à garder la vérité du moment. Lorsque je dessinais sans recul, j'étais spontanée, naturelle. Et finalement, cela correspond bien à mon caractère. C'était aussi une manière de me mettre encore plus à fond dans mon permis moto. Aujourd'hui, ce qui est amusant, c'est que je peux me relire et revivre avec de la distance toutes ces anecdotes du permis moto.
Très vite, Emilie découvre que la sauce prend. De nombreux motards sont sensibles au ton humoristique et surtout très spontané d'Emilie. Les embûches qu'elle rencontre au cours de son apprentissage de la moto parlent le langage motard avec sincérité. Tous les pratiquants s'y retrouvent. Emilie a trouvé le ton juste, même si elle est la première à s'en étonner.
Après avoir lancé mon blog, j'ai rapidement reçu de nombreux messages. Je ne pensais pas recevoir autant de marques d'affection. J'ai découvert que dans la moto, les mots solidarité et famille ont encore un sens réel. Des passionnés m'ont dit qu'ils s'étaient retrouvés dans certaines de mes anecdotes et qu'ils en avaient apprécié l'humour avec lequel je les ai racontées. J'en ai été vraiment touchée.
Dans le dessin d'Emilie se retrouvent cette fraîcheur spontanée qui ne quitte pas ses esquisses ni le fil de ses tribulations. Le trait progresse au fil du blog et le style d'Emilie s'affine. Motarde en herbe est aussi le récit d'une jeune femme qui gagne en maturité et en assurance, sans rien perdre d'un naturel et d'un côté maladroit qu'elle assume pleinement.
Quand on me dit que je suis naturelle, spontanée, taquine et maladroite, j'assume. Tout ça, c'est bien moi, même si je reconnais que ma maladresse m'attire parfois des petits problèmes. Mais je suis comme ça.
Le coup de crayon d'Emilie conserve un certain réalisme lorsqu'il s'agit de croquer les motos qui lui donnent vie. Un phénomène voulu par Emilie, pour qui les modèles de son parcours personnel motard ont une importance, voire une signification. Ils correspondent à des expériences vécues, à une histoire et à des êtres aimés.
Je ne connais pas bien tous les modèles de motos du marché. Parfois, je me dis que celle-ci ou celle-là est belle, mais sans m'y intéresser plus que ça. Pour l'instant, les modèles de moto que je connais sont ceux qui ont marqué mon parcours. Si je pense à la Kawasaki Er-6, j'imagine sur le champ les longues heures passées sur son dos à l'auto-école. L'Er-6, c'est la moto avec laquelle j'ai passé mon permis. Elle symbolise des joies, des galères et des longues heures de travail. En plus, vu que je suis petite, l'Er-6 était pour moi une moto un peu trop haute de selle. Et puis, si je pense à la Honda VFR 1200, je vois directement mon compagnon, qui aime tellement ce modèle. Et enfin, il y a ma Kawasaki GPZ. Celle-là, c'est ma moto ! Mon frère, mon meilleur ami et mon compagnon se sont cotisés pour me l'offrir pour mon anniversaire. C'est un cadeau inoubliable. Cette moto a vraiment un sens pour moi. En plus, elle est assez basse, très maniable et légère, c'est parfait ! Pour moi, il était important de retrouver ces modèles dans mon blog. Le fait que certains modèles de motos symbolisent des valeurs est important pour moi.
Une bande dessinée et plein de projets
Aujourd'hui, l'agenda d'Emilie est plein de projets qui entremêlent l'univers moto et celui de la BD. En effet, la jeune titulaire du permis A1 va sortir sa première bande dessinée dans quelques semaines. Une BD qui traite de la moto sous différents aspects. D'abord du point de vue du passager, avant d'évoquer longuement l'expérience du passage du permis. Une section dans laquelle la jeune motarde donne des "conseils amicaux" aux éventuels candidats, sans se départir de son humour caractéristique. Enfin, une dernière partie est consacrée à la vie de couple de deux motards.
Cette année, je vais me rendre au grand-prix de France moto. Je vais aussi me rendre à Genève avec l'association Toutes en moto, à Saint-Tropez pour l'Eurofestival Harley-Davidson et à Nantes pour les Girls'day. Donc j'ai un printemps plutôt chargé. L'objectif de tous ces déplacements est d'enrichir mes expériences à moto, mais aussi de promouvoir ma bande dessinée. Je suis aussi activement à la recherche d'un emploi. Dans ce but, je mets aussi mon travail personnel en avant. Parfois, cela m'aide à développer mon réseau, lorsque mes interlocuteurs font aussi de la moto.
La soirée s'étire. L a conversation avec Emilie aussi. La passion communicative de cette illustratrice motarde est palpable. La jeune amatrice du travail de la célèbre Margaux Motin a le mot de la fin. Lorsqu'elle doit parler d'elle, Emilie se définit comme "joyeuse et imparfaite". Deux adjectifs qui lui vont décidément comme un gant !
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