Essai Triumph Daytona 675 R
Essai piste : un R supérieur
La gamme sportive Triumph commence désormais et se termine à 675 cm3 depuis la disparition de la Daytona 955 (qui n'était pas une vraie hypersport et qui n'est plus au catalogue). Pour ceux qui en veulent tout de même plus, il y a la 675 R, censée faire mieux que très bien. C'est clair ? Pas vraiment, alors rentrons un peu dans le détail.
Après quelques années passées à se chercher, Triumph s'est donné un cap et s'y tient. Concrètement cela signifie qu'aujourd'hui la gamme anglaise ne comporte plus que des bi ou des 3 cylindres, des mécaniques emblématiques au caractère en acier trempé. (voir la rubrique « à vos marques » avec l'analyse Triumph). De fait, après avoir tenté d’imiter les japonais avec de fades 4 cylindres, déjà dépassés dès leur sortie, le constructeur d'Hinckley a frappé très fort avec son trois cylindres. Commercialisée en 2006, elle posait de nouvelles bases au segment hyper sport. Profitant d'une équivalence de cylindrée propre à cette catégorie, elle cubait 675 cm3, de la même façon que Ducati tirait jadis avantage de son bicylindre pour atteindre 750 cm3, là où les 4 pattes sont limités à 600. Mais surtout, face à des 600 qui ne fonctionnaient qu'à des régimes extrêmes, la Triumph offrait tout le (bon) caractère et la disponibilité du triple. Elle profitait aussi de l'étroitesse de sa mécanique pour afficher une compacité extraordinaire et des lignes « à couper le souffle », entendez par là, très aérodynamiques.
Découverte
Apparue en 2006, la 675 n'a jamais fait dans la dentelle. C'est une sportive pur jus dont le regard de squale en dit long sur ses intentions d'en découdre. Après trois années d'existence, la firme anglaise lui a offert un petit lifting... sans rien renier du cahier des charges initial. Chez Triumph on l'a compris : si la recette est bonne, il ne faut pas la changer. On a même tout compris, puisque, succès aidant, ce qui change le plus dans cette moto... C'est le prix ! Pensez qu'elle ne coûtait que 10350 € à sa sortie ! Si l'on compare l'évolution de son prix avec celle des salaires, nous ne sommes pas gagnants... Mais qu'à cela ne tienne, Triumph avait sans doute fait un gros effort à son lancement pour s'imposer dans cette catégorie, très disputée. Un pari réussi. Esthétiquement, la 2009, toujours en production, se distingue par une nouvelle face avant plus acérée, mais globalement, les évolutions sont cosmétiques.
En selle
Comme on pouvait s'y attendre, la prise de contact est radicale. Il suffit d'enfourcher la moto pour comprendre à qui l'on a à faire. Selle haute, position basculée sur l'avant, très en appui sur les poignets, on rend vite grâce ! Le gabarit est minuscule, mais les plus courts sur patte auront du mal à poser les pieds au sol, du fait de cet arrière très relevé. Il faut aussi copieusement plier la nuque pour parvenir à voir la route. Bref en ville ou sur longs trajets, cette moto est vite un enfer. C'est une pistarde, point à la ligne ! Le nouveau tableau de bord que l'on a sous les yeux dévoile une zone rouge à 15.000 tr/mn contre 14.000 sur la première version. Ordinateur de bord, shiftlight, les fonctions sont les mêmes : conso moyenne et instantanée, vitesse maxi, chronomètre, etc...
Ce qui change
Incontestablement cette « R » à un air de déjà vu justement. Parlons ici d'évolution plus que de révolution. Pour le constructeur, il n'était pas question de remettre en cause l'agrément et la fiabilité du 675 en cherchant à lui faire gagner quelques chevaux supplémentaires. A quoi bon ? La Daytona est parfaitement au niveau de la concurrence japonaise. Avec ses 125 chevaux annoncés, elle dame le pion de ses rivales sur le terrain des reprises. Le fragile équilibre entre fiabilité, performance et agrément est sans doute ici proche de l'optimum. Il serait dangereux de s'en écarter... Sauf si la MV la bouscule trop. Mais en attendant, Triumph fait des économies en ne retouchant que des accessoires. Ainsi, la fourche et l'amortisseur Kayaba cèdent ils la place à des équipements Öhlins plus haut de gamme.
La fourche inversée de 43 mm (41 pour la Kayaba) se règle en compression sur le sommet du fourreau gauche et en détente sur le sommet du droite. Pas besoin de baisser. Ses tubes reçoivent un revêtement anti friction, au nitrure de titane, pour améliorer sa sensibilité sur les petits chocs. L'amortisseur Ar est un TTX, qui utilise donc la technologie bitube, finalement pas si nouvelle que ça d'ailleurs (EMC l'utilise, Bitubo aussi, etc). Mais soit, ce Öhlins bénéficie de tout le savoir faire maison, à ceci près que dans cette version, il ne vous gratifie pas du réglage hydraulique de précharge du ressort. Les esthètes se consoleront en pensant que c'est moins lourd.
Question freinage les étriers Nissin sont remplacés par des Brembo, monoblocs eux aussi, offrant un meilleur feeling, grâce à maître cylindre de frein qui passe de 19 à 18 mm, ce qui réduit l'effort à la poignée.
On remarque aussi la présence d'un shifter pour passer les vitesses sans couper les gaz ni débrayer Enfin, esthétiquement on note une boucle arrière peinte en rouge et un filet de la même couleur sur le bord des jantes. A cela s'ajoutent quelques touches carbonées à l'intérieur du carénage, sur la protection thermique d'échappement, le garde boue avant et le minuscule passage de roue arrière.. pour donner un R de fête sans doute.
Découverte : C'est quoi ce truc ?
Un coup de pouce sur le démarreur et le trois pattes fait entendre une mélodie suave, qui sort par l'échappement toujours situé sous la selle. La 675 Triumph m'a toujours fait rêver et mon premier contact avec elle m'a laissé un souvenir impérissable. C'était lors d'une présentation Bridgestone (BT 003 RS). Le temps mitigé, un bitume gras mouillé, sur un tracé que je ne connaissais pas, m'avaient mis mal à l'aise. Je regardais mes confrères s'amuser avec les motos, incapable de prendre le rythme sur les 2 premières sessions. Puis soudain la troisième arrive et la Triumph Daytona se libère. Je saute sur l'aubaine et demande à mon éminent confrère, Eric Maurice, de m'enseigner la science des trajectoires, tant je me sens perdu. Je pars à sa suite et au bout de 2 virages, c'est comme une révélation. « C'est quoi ce truc ? » ai-je pensé. ça va où tu regardes, ça sort des virages comme une balle, y'a du couple, ça freine incroyablement bien et ça avale les grandes courbes sans broncher... instantanément je prend le rythme de mes confrères et m'accroche à leurs basques.
Au fil des tours le troupeau accélère et Eric, encore convalescent suite à une chute récente, décroche du peloton. Se souvenant alors de sa promesse il se retourne pour me situer. Placé en embuscade derrière lui, j'en profite pour le doubler, sûr qu'il va accélérer et me repasser... Mais que neni, le maître (alors diminué rappelons -le) reste derrière... En fin de séance, il me dira juste « pour les trajectoires... ça va aller je crois, tu n'as pas besoin de moi ! ». Effectivement, cette incroyable 675 m'avait donnée des ailes. La référence qui me venait en tête instantanément était la phénoménale Ducati 749 « R ». La vraie, celle de course, avec le moteur à course courte et tout en titane. Un autre « truc », vendu 20,000 € en 2004. Mais revenons à notre Triumph, dont le R n'a pas toute la signification qu'il a chez Ducati.. Ici les différences avec le modèle de base, sont beaucoup plus minimes, tant en prix qu'en quantité ou en qualité. Sont elles accessibles au commun des motards pour autant?
Le freinage... et le reste.
Car contrairement à la Street triple, qui devenant triple R reçoit de vraies bonnes suspensions et des freins radiaux, la Daytona de base est déjà fort bien dotée. Prenez le freinage par exemple. Avec ses freins radiaux Nissin monoblocs, et ses durits tressées, elle dispose déjà d'un excellent freinage, alliant feeling et puissance. Le diamètre des disques (308 mm) reste d'ailleurs identique sur les 2 versions. Idem pour ses suspensions Kayaba réglables en compression et détente, lente et rapide, qui font de cette 675 un « outil » sur piste, à défaut d'être un modèle de confort. Précise, légère (là encore, normale ou R, elles font rigoureusement le même poids, à savoir 190 kg avec les pleins), la 675 se place et se balance avec une grande aisance. Notons au passage que les jantes restent elles aussi identiques. Ici pas d'avantage avec des roues forgées, plus légères, pour améliorer la maniabilité par exemple. Les vrais pilotes apprécieront la conjonction du freinage plus incisif et de la fourche avant plus sensible, qui permet de retarder les freinages et de rentrer plus fort en courbe. Sur les circuits fripés, la R sera plus à l'aise, pour peu que ses suspensions soient parfaitement réglées. Car le moindre changement se traduit par un comportement moins joueur et on ne retrouve plus alors la merveille que l'on a connue. Bref, pour faire vraiment la différence, il faudra être bon, et même très bon, voire excellent, ou disposer des deux versions côte à côte, ce qui ne fût jamais notre cas ! N'oublions tout de même pas le shifter qui permet de passer les rapports poignée de gaz vissée à fond, ce qui est très agréable sur piste. Reconnaissons là un plus indéniable.
Au rupteur
Normale ou R on apprécie toujours le moteur de la Triumph Daytona. Logique, c'est le même on vient de le dire ! S'il est aussi puissant que ceux des 600 4 cylindres, et même un peu plus quand on vérifie au banc, il offre beaucoup plus de couple à plus bas régime, mais un peu moins d'allonge en contrepartie. Sa zone rouge à 15000 tr/mn démarre 1000 à 1500 tours plutôt que ses rivales. De fait, on se fait souvent surprendre par le rupteur, d'autant que le tableau de bord sur fond noir n'est pas des plus lisible et qu'avec le shifter, on a vite fait de se caler dans la bulle et de se prendre pour un pilote.
Un vrai bonheur ! Il faut dire que la position « fesses en l'air » vous incite à la position limande, genoux serrés sur le minuscule réservoir et coude rentrés. L'étroitesse ça a du bon, même si au niveau de la protection on est loin de l'optimal. Pour les aspects pratiques d'ailleurs, on vous renvoie à l'excellent essai de la 675, car dans ce domaine, rien n'a changé.
Pratique ?
Non sûrement pas ! La selle est juste faite pour s'asseoir, vous ne mettrez rien dessous. La position de conduite est fatigante, on l'a déjà dit. Installé sur un strapontin, le passager aura le sentiment d'être assis sur un siège éjectable. Mais reconnaissons que c'est le cas sur beaucoup de sportives. Finalement, hormis son tableau de bord multifonctions, la 675 ne fait aucune concession pratique, ni même pour le confort. L'esprit des Ducati hypersport n'est pas loin, mais avec une polyvalence du moteur plus accentuée grâce au cylindre supplémentaire... C'est à la fois rustique et fonctionnel, entièrement dédié au plaisir du pilotage. Touristes et amateurs de balades passez votre chemin...
Rentable ?
Proposée à 13390 €, soit 400 de plus qu'à sa sortie, la Daytona 675 R est facturée 1800 € de plus que la version de base (à 11590 € donc). Vu l'équipement, il n'y a pas vol, mais de fait ce tarif la place loin de ses rivales qui sont toutes à 12000 €, y compris la nouvelle MV Agusta. Seule exception, la Yamaha R6 à 12500 €. Une chose est sûre et certaine, vendue 400 € de moins que ses rivales, la Daytona de base est une affaire à ne pas manquer. Pour les plus pointus, et les plus fortunés, pas de doute, les 1800 € supplémentaires se justifient. Avec la 675 ils ont déjà une vraie bombe et avec la R ils auront en plus « un bel objet », avec du beau matériel qui fera envie, même aux propriétaires de MV.
Points forts
- La légèreté, l'agilité, la facilité.
- L'extraordinaire trois cylindres
- Le shifter
- Le freinage
- La finition
- Le plaisir de pilotage
Points faibles
- L'inconfort de la position de conduite en ville et sur route
- La sensibilité aux réglages de suspensions
- Le tableau de bord sur fond noir
- Le prix qui ne cesse de grimper
- L'absence d'ABS, même en option
Concurrentes : Ducati 848, Honda 600 CBR, Suzuki GSX-R 600, Triumph Daytona 675, Yamaha R6
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