Première balade de printemps
Ah ! Les balades en bécanes ! Ces hautes cérémonies de communion fraternelle entre gens du même monde. Eh bien figure-toi que ça ne se passe pas toujours comme dans les livres...
Le caisseu a ses embouteillages, le chauffeur poids lourd son hygiène de vie déplorable et le motard a ses virées entre potes. Tel le marin témoignant les larmes aux yeux de la dernière vague scélérate de 30 mètres qui décima son équipage en baie de Somme, le motard est prompt à régaler son auditoire de récits épiques et d'anecdotes à l'unilatérale.
Je contactais donc il y a plusieurs semaines mon pote David* qui s'est déshonoré a rejoint récemment la bienveillante communauté des bikers pour lui proposer un petit tour sur nos terribles engins. Ce sera le 1er mai, histoire de fêter à notre manière un jour qui gagnerait à faire des petits tout au long du calendrier pour le plus grand bonheur des fabricants de chaises longues. Après lui avoir vainement vanté les mérites du Morvan, nous finissons par convenir de nous retrouver à Troyes. Cela fait 150 kilomètres chacun, c'est équitable.
Le jour dit, après avoir vérifié une dernière fois mon chargement, j'enfourche mon fidèle destrier avec un petit quart d'heure d'avance, appuie sur le démarreur, et... gnégné gné... gné... gné...
Et merde ! Batterie à plat.
Fort de deux ou trois siècles d'enseignement zen à dos de yack, je réussi à ne pas jeter le scoot par terre.
Coup de fil à David (mon pote) ; coup de bol, il n'est pas encore parti. Je mets la batterie en charge et on se donne une heure avant de se rappeler.
Une heure plus tard, à nouveau harnaché, je ressaye... Joie ! Le moteur prend vie. Nouveau coup de fil : on peut décoller tous les deux, on n'a perdu qu'une heure.
Un coup d'oeil à la jauge d'essence... Oui, il faut que je m'arrête rapidement. Avec une batterie pas très vaillante. Mais le scénario catastrophe que tu imagines peut-être ne se réalisera pas, puisque le moteur redémarrera une fois le plein fait.
Avec tout ça, c'est vers 11 heures 20 que je mets finalement le cap au nord. Dijon-Troyes par la route se fait en deux heures environ. Nous avons rendez-vous à 13 heures. Donc j'ai déjà 20 minutes de retard.
Il pleut.
J'ai un pneu avant neuf.
Ça caille.
Tout va bien.
Normalement, d'ici quelques kilomètres, le ciel devrait se déboucher et la route sécher un peu pour me permettre d'attaquer encore un peu plus que maintenant.
Normalement.
Sauf que ça continue de flotter.
40 bornes de plus.
Il pleut toujours. En mai fait ce qu'il te plaît mon cul.
Je suis frigorifié. J'ai les mains gelées malgré mes gros gants d'hiver. J'ai des courants d'air dans le cou. J'ai le nez qui coule. Féchié-féchié-féchié. Au prochain bled, je rappelle David (mon pote) pour lui dire que c'est pas un temps à rouler et que je rentre me mettre au chaud, 'namarre.
Je roule comme un barge, l'aiguille jamais en dessous de zboïng km/h -sauf en ville bien sûr. Parfois je fais des pointes à rugnurk km/h. Heureusement la route est presque vide. Je surveille la pendule et m'essaye à quelques calculs mentaux pour imaginer mon heure d'arrivée. 13h15 ? Ptète même 13h10.
Troyes, 55 kilomètres. Je m'arrête et envoie un SMS pour prévenir d'un retard possible. J'ai quitté le Châtillonnais et les routes se redressent. Longues lignes droites synonymes de pièges à radars. Féchié. Au moins il s'est arrêté de pleuvoir et ça sèche un peu. J'ai moins froid aux mains.
13 heures. J'aborde les faubourgs de Troyes. Je ne vais avoir que 5 minutes de retard sur les 20 au départ.
'Chuis trop un dieu de la route.
Alors venez pas me faire chier avec les remontées de Rossi ! Rossi j'le prend quand il veut sur un Dijon-Troyes sous la flotte quand il fait froid !
* pas Lui, un autre.
Commentaires
Mais le scénario catastrophe que tu imagines peut-être ne se réalise
17-05-2016 11:47rapas, puisque le moteur redémarreraune fois le plein fait.La concordance des temps ! N'didiou !
Eh oui, la concordance détend
17-05-2016 12:37Scène vécue par tous les membres motards d'ici, je suppose. On pourrait citer les onglées hivernales et le journal astucieusement glissé sous le blouson, les suées caniculaires sous les combinaisons de sécurité, les diptères si nombreux sur la visière qu'ils obstruent la vision, ou encore le roulage à l'aspi derrière un 35 tonnes qui te submerge de vagues sous l'orage..
17-05-2016 15:18Au départ, j'ai cru que tu allais évoquer les voyages en groupe. Il y aurait beaucoup à dire.
Pour avoir vécu de l'intérieur ces merveilleux moments de communauté motarde, j'ai pu en déduire que je n'avais jamais la bonne moto : soit pas assez puissante pour suivre les Ninja qui traversent les patelins à 140 km/h en tête du groupe, soit trop puissante pour attendre ces larves qui se traînent avec des cylindrées que l'on n'aurait jamais dû accepter au MC...
Et puis ça crée des beaux souvenirs ; traverser le Vexin, la Normandie ou la Somme sans jamais s'arrêter plus de 3 minutes face à un monument historique, ne pas même avoir le temps de soulager sa vessie ni de prendre une photo parce que les autres sont déjà partis, ça vous forge une culture générale, ça.
Les seules pauses permises étaient celles face à un paysage sublime à peine troublé par la fumée des clopes et les beuveries express aux terrasses des bistrots motards (Aaah, la joie irremplaçable de payer 15 euros un sandwich merguez froid...).
Il y aurait en effet beaucoup à écrire sur ces grands instants de camaraderie.
Passe devant, fred, t'as l'air bien lancé.
17-05-2016 15:23Ta, ta, ta, je ne rebondis sur tes kroniks que parce qu'elles sont sources d'inspiration.
17-05-2016 21:32Je ne suis pas taillé pour écrire de vrais textes construits, seulement des petits jets, des fulgurances sans suite. Ta kronik du mardi est pour moi un petit rayon de soleil qui me fait en général bien marrer, et ça, ce n'est pas rien.
Ça me rappelle le bon vieux (?) temps du Joe Bar Mag.
KPOK not'bien aimé petit rayon de soleil, nous te vénérons ... !
[attachment 24238 north-korean-leader-kim-jong-un-speaks-during-the-workers-party-congress-in-pyongyang_5593713.jpg]
(mais nous ne sommes pas ici pour relancer le débat "Alice contre Ozzy")
18-05-2016 07:35Sinon Kpok, faut faire comme moi : roule toute l'année et tu seras pas embêté par les soucis de batterie (même sur un beurkman!!!) quand reviens le beau temps!!
18-05-2016 10:58Merci encore pour cette belle chronique, tellement vraie. Un mélange d'Audiard, de Fluide Glacial et de Joe Bar Team (ne rougis pas des comparaisons, tu les mérites!!)
V à tous!!
Et pourtant de générations différentes, comme quoi seuls les vrais classiques ne périssent pas!! Puisse mon fils un jour me citer les chroniques de Kpok!!😉😉
18-05-2016 20:25