Concept Torga : Réduire la vitesse pour diminuer les lésions
Utiliser la déformation de la moto pour ralentir le pilote lors d’un accident
Nouvelles pistes pour la sécurité passive des deux-roues
Même si la sinistralité des usagers de deux-roues a tendance à baisser en France, le bilan reste préoccupant. Plus de 600 décès en 2014, sans compter les milliers de blessés. Et que dire des pays à bas ou moyen revenu où le nombre de victimes se compte par dizaine de milliers. Malgré l’évolution des technologies sur les véhicules et dans les équipements, le risque de décès en cas d’accident avec un deux-roues est 20 fois plus élevé qu’en voiture.
Alors, comment faire pour vaincre ce qui apparaît comme une fatalité ? Philippe Girardi, ingénieur chercheur de formation et motard expérimenté, nous présente ses réflexions sur le sujet et son concept Torga.
Interview de Philippe Girardi
Quel est le principe de base qui guide vos recherches ?
Philippe Girardi :
Aujourd’hui pour améliorer la sécurité passive on interpose un volume compressible entre l’utilisateur et le véhicule ou obstacle adverse, de façon à diminuer la violence du choc. Je pense naturellement aux airbags, soit intégrés au véhicule, comme le fait Honda, soit intégré dans l’équipement de l’utilisateur. Ces différents systèmes n’ont en revanche aucune influence sur la vitesse à laquelle le motard est éjecté du véhicule, qui reste la vitesse instantanée de ce dernier au moment du choc, étant entendu que l’utilisateur n’est en aucune manière couplé à sa moto. Un moyen de retenue, tel qu’une ceinture de sécurité, permettrait de réduire sensiblement la vitesse à laquelle le pilote percute l’obstacle adverse, en profitant de la dissipation d’énergie due à l’écrasement de la partie avant de son véhicule.
Selon vous, il faut donc coupler le pilote à sa machine. Mais n’est-ce pas plus dangereux finalement ?
On sait que pour des chocs violents, le véhicule se soulève du sol à un moment donné, faisant courir à l’utilisateur le risque d’être percuté ou écrasé par celui-ci. Si l’on souhaite aborder le problème d’une autre façon que celle mise en œuvre par BMW sur le C1, où la structure du véhicule écarte ce risque, il est nécessaire, de permettre à l’utilisateur d’être découplé du véhicule lorsque cette situation intervient. Schématiquement, pendant la première phase du choc, tant que la roue arrière reste en contact avec le sol, le conducteur et son éventuel passager resteront couplés au véhicule, tandis qu’ils seront découplés dès le décollement de la roue arrière.
Pratiquement, comment fonctionne le découplage et quels sont les gains associés ?
Tout d’abord, il faut préciser que le découplage ne doit pas seulement intervenir lors d’un choc frontal, mais aussi en cas de collision latérale ou même de chute. Ce système de retenue programmée fait appel à des fixations déconnectables permettant de libérer la ceinture de sécurité ou plus généralement le dispositif de retenue. Ces fixations réagissent en fonction de l’état de différents capteurs, dont une bonne partie est souvent déjà présente dans les systèmes d’assistance au pilotage. Le gain est évidemment fonction du type de machine. Pour un choc frontal à 50 km/h, par exemple, on parvient à réduire de 40 km/h la vitesse d’éjection du conducteur d’une grosse GT ou d’un maxi-scooter. En clair, au lieu d’être éjecté à 50 km/h, ce même conducteur ne l’est qu’à 10 km/h. Le gain et moins spectaculaire sur un engin plus court et plus léger, mais il peut faire la différence entre une blessure grave et une blessure légère.
On voit bien l’intérêt du couplage, mais est-ce suffisant ?
Le couplage est une condition nécessaire, mais pas suffisante. Etre attaché avec une ceinture n’est pas des plus pratique. Il faut donc offrir à l’utilisateur un moyen de retenue lui assurant un bon couplage avec le véhicule, tout en étant d’une utilisation plus aisée que les ceintures de sécurité et qui améliore sa protection lors d’un choc, quel qu’il soit. Il est également souhaitable d’accroître son confort par une protection contre les intempéries, sans pour autant que celle-ci nuise à l’esthétique du véhicule comme c’est couramment le cas avec certains équipements disponibles sur le marché. La solution que je propose fait appel à un carénage mobile et rigide disposé au plus près de la partie antérieure du corps. Il est réalisé dans des matériaux amortissant et résistant à l’abrasion et assure la double fonction de couplage et de protection. Ce carénage, un arceau et la selle constituent une « cellule de survie » qui accompagne le pilote du début à la fin du choc et qui peut être complétée par un airbag.
Pourquoi cela n’existe-t-il pas déjà ?
C’est un changement de paradigme dans le monde du deux-roues et par conséquent un gros risque à gérer pour un constructeur. Il suffit de voir l’exemple du C1 qui avait beaucoup de qualités, mais n’a pas rencontré le succès commercial espéré. Le principal challenge avec ces propositions ne sera pas de résoudre les problèmes techniques, mais de rendre le concept « acceptable ». Et cela peut prendre du temps. Je remarque cependant qu’il y a toujours dans une gamme un ou deux produits mal aimés, même lorsqu’ils ne présentent pas de risque sur le plan du concept. Alors, pourquoi ne pas tenter le coup avec cette approche : le jeu en vaut la chandelle, non ?
Quelles sont les prochaines étapes ?
Sur le plan du produit, il va maintenant falloir valider cet ensemble « retenue programmée – cellule de survie », à travers différents tests. Crash et ergonomie en priorité. Sur le plan scientifique, le but va être de quantifier la réduction du nombre de morts et de blessés due à la présence de ce système de sécurité. Ensuite ces briques technologiques seront mises en scène sur un « concept bike » à partir duquel il sera possible d’imaginer différentes déclinaisons. Mais je le répète, le véritable challenge sera d’offrir un « plus » en terme de prestations, pas seulement sécuritaires, mais aussi confort, praticité, design etc….Pour arriver à un plaisir de conduite durable sur deux et trois roues !!
Commentaires
Et si en plus on ajoute une roue devant, c'est plus stable et ça freine plus ! mais voilà : ce n'est plus une moto !
22-03-2016 18:59Et qu'on ne me dise pas que le gars qui veut attacher le pilote d'une moto à sa békane est un 'motard chevronné'.... Ou alors je veux bien voir la tête des moto qu'il a conduit...
C'est la différence entre la vitesse du caillou qui part de la fronde, et la vitesse du caramel mou qui partira plus tard car il colle d'abord à la fronde.
22-03-2016 19:25Le caramel fainéant partira donc moins tôt et moins vite ... et s'éclatera moins que la prompte caillasse. J'ai bon ?
Sur le papier, la démonstration de Philippe Girardi se tient, et la "libération" du pilote dès qu'une roue ne touche plus le sol est bien vue.
Dans la phase d'expérimentation, faudra confronter tout ça avec des tas de situations différentes et complexes, c'est un boulot monstrueux, et je crains qu'on ne puisse modéliser tous les cas de figure.
Article intéressant !
Cajo, toujours intéressé par les mecs qui cherchent utile
pas con. difficile à mettre en place sur une moto je pense, mais la logique se tient
22-03-2016 20:17tom4
une invention à valider par Koud'Pied o'Kick
22-03-2016 22:21"La solution que je propose fait appel à un carénage mobile et rigide disposé au plus près de la partie antérieure du corps."
Je voudrais pas être désagréable mais c'est de série sur pas mal de motards...
23-03-2016 16:46
Rhô hihihi
23-03-2016 17:24Pour limiter l'accidentologie liée à la pratique du motocyclisme, le désormais célèbre Moto-Club de Pézenas tient la solution : ajouter une roue supplémentaire à l'arrière du véhicule pour en améliorer la stabilité. De plus, le motocycliste sera solidement arnaché à son bolide par l'intermédiaire d'épaisses ceintures en cuir de buffle. Enfin, le moteur de la motocyclette sera placé de telle sorte que celui-ci, en cas de collision avec une automobile, jouera le rôle de bélier afin de faire profiter conducteurs et passagers des services médicaux pour lesquels ils ont payé par l'intermédiaire de leurs cotisations sociales.
23-03-2016 19:32Le progrès est en marche, qu'on se le dise !
(bon sinon pour de vrai il a raison le monsieur)
23-03-2016 19:35Les amateurs de trike vont être contents...
23-03-2016 20:13ca fait pas un gros marché.
Moi j'verrai ce truc avec une roue en plus devant, deux places assises à l'avant et deux à l'arrière, un gros top case de - mettons - 500 litres, un pare brise, un toit, et soyons fou ... Des flancs ouvrants.
23-03-2016 21:58Ça me fait penser à quelque chose mais quoi ... Ah oui ... ... Ah ben non c'est con c'est une BAR
Tout comme Panpan et Sto, je pense qu'il faut que le Môssieu aille plus loin dans son concept...
24-03-2016 08:42Mais le meilleur de chez meilleur, yapafoto, c'est l'Iguane !!!
C'est un début mais je trouve ça encore timide: l'idéal serait d'éviter ce genre de confrontation de biais ou de côté, et pour ça je pense que le mieux serait encore de mettre des rails ... 24-03-2016 11:45
Il est toujours intéressant que des chercheurs se penchent sur les problèmes de sécurité.
27-03-2016 12:08Il mentionne plusieurs fois le C1, qui était effectivement LA solution à la plupart des problèmes évoqués dans l'article. Et, comme il est dit, le succès commercial n'était pas au rendez-vous ; quelles qu'en aient été les raisons (véhicule moche, trop cher, etc), cela démontre bien que la sécurité n'est pas le premier critère pris en compte à l'achat d'un véhicule.
Après, si l'on veut réellement diminuer ses propres risques de se faire écrabouiller lors d'un choc frontal, il y a toujours la possibilité de limiter sa vitesse pour maîtriser son véhicule (pas taper...).