Essai Yamaha Vmax en full
Enfin libre : le V4 en 200 chevaux, il est fidèle à sa réputation ?
200 ch à 9000 tr/mn, 166 N.m à 6500 tr/mn, 310 kilos, 20 999 €
Une claque. Un gros taquet. Une bonne grosse baffe. Une magistrale gifle. Un bon gros bourre-pif à la Bud Spencer.
Voilà ce que se prennent dans la tronche les motards en découvrant la première Vmax en 1986. Car la Vmax bouscule les codes. Certes, il y a déjà la Honda VF 1100 C de 116 chevaux (1983) et la Kawasaki Z 900 Eliminator (105 ch en 1985), mais la Vmax va plus loin en cylindrée, en puissance et en design grâce à un trait de crayon qui deviendra mythique et à une identité plus affirmée.
La Vmax en rajoute une couche dans le symbolisme et Dieu sait que le symbolisme, c’est important. Car même si notre satané pays motophobe met en place la loi inique des 100 chevaux, la Vmax en promet 145 grâce au V-Boost, un appendice magique qui résonne comme un réacteur. Et puis, elle est portée par le patron de Yamaha de l’époque, l’omnipotent JCO, qui n’hésite pas à poser dans la presse à son guidon, en costard, sans casque, en Ray-Ban et sur la roue arrière (o tempora, o mores !)
N’avons-nous pas là tous les ingrédients d’un mythe. Ne réfléchissez pas : la réponse est oui !
Peu importe que l’engin soit surmotorisé eu égard à ses qualités dynamiques ; c’est d’ailleurs à la fin des années 80 que le monde de la moto commence à créer véritablement des châssis convaincants. Car ce trait de caractère renforce l’aura de la machine. Elle pousse fort et celui qui réussit à la dompter en sortira auréolé, car même si le combat aura été bref (la consommation est déjà gargantuesque et l’autonomie ridicule), il aura forcément été intense.
De 1986 à 2004, les modifications de la Vmax auront finalement été assez minimes. Dans ces évolutions parcimonieuses, le millésime 1993 est à marquer d'une pierre blanche, puisque la tenue de route progresse (c'était pas difficile) avec une fourche plus grosse (43 mm au lieu de 40), idem pour les freins (disques de 298 mm au lieu de 282 mm).
Le retour de la Vmax a lieu fin 2008, mais cette fois-ci sous la forme d'un V4 de 1649 cm3, avec un ABS, une admission variable et une réservation via un site internet. Les temps ont bien changé !
Pour paraphraser un slogan politique bien connu : « la Vmax, c’est maintenant ! ». Car comme tant d’autres machines, la Vmax, ça fait 30 ans qu’on en parle, mais c’est seulement maintenant qu’on peut en goûter toutes les saveurs. Et passer de 100 à 200 chevaux, ça change tout, non ? D’ailleurs, la Vmax n’est pas homologuée Euro 4 et n’aura plus les honneurs du catalogue Yamaha en 2017 et ça a de quoi nous soutirer plus qu’une petite larme de tristesse. Ca fait donc une petite fenêtre de tir pour cerner le monstre et se demander s’il est bien à la hauteur de la légende. Car oui, la Vmax, c’est maintenant !
Découverte
Tout comme la Mini et la Fiat 500, la Vmax a réussi sa réinterprétation dans le modernisme. Et tout comme des deux autres icônes, elle a grandi, grossi, s’est étirée dans tous les sens et certains diront même qu’elle s’est un peu boursouflée. Il n’empêche : elle a conservé l’essentiel. Le trait de crayon est immédiatement reconnaissable.
Les éléments constitutifs de l’identité sont tous là : les grosses écopes latérales en alu brossé qui chapeautent de chaque côté le majestueux V4, le gros compteur central (désormais surmonté d’un shiftlight et on verra qu’il est loin d’être inutile dans cette version full power) et la console d’instruments (maintenant digitaux) sur le faux réservoir, les sorties d’échappements « en trompette », tout y est. Et en bonus : une qualité de fabrication irréprochable et des traitements de surface de haut niveau. Dans cet univers très qualitatif, le détail qui fâche vient du feu arrière qui, avec ses LEDs grossiers, semble provenir tout droit d’une Seat Ibiza tuning (pléonasme).
En selle
Avant de monter en selle, il faudra sortir de sa poche une étrange clé de contact, longue et disposant d’une volumineuse base arrondie. Le genre d’objet qu’il n’est plus autorisé d’apporter aujourd’hui dans un avion de ligne (on doit pouvoir blesser quelqu’un avec), mais qui à coup sûr, finira par vous trouer les poches.
La Vmax est intimidante, mais se laisse facilement approcher. Sa hauteur de selle est raisonnable, à 775 mm, mais celle-ci reste relativement large. Les écopes latérales écartent les genoux, le gros compteur trône en face de vous et la console centrale digitale qui vous accueille d’un « Time to Ride – This is Vmax » avant d’afficher les trips, la température d’eau, la jauge à essence et le rapport engagé, se révèle, comme avant, illisible à moins de quitter la route des yeux.
Au moment de déplacer la Vmax sur sa béquille, on se rend compte qu’elle pèse son poids (315 kilos avec les pleins – et il n’y a pas beaucoup d’essence) et que la direction est assez lourde. Et attention : en la déplaçant, la béquille latérale peut remonter dans son logement. Méfiance, car une fois que le navire prend du gite…
En ville
Si un V4 est naturellement moins souple qu’un 4 en ligne, le 1649 cm3 de la Vmax se laisse caresser à environ 2000 tr/mn, en troisième, pas loin de la vitesse légale autorisée. La Vmax reste une machine longue et lourde, mais finalement pas si compliquée que cela à manier, une fois que l’on a senti que le centre de gravité est juste sous l’assise du pilote. Ainsi, un petit mouvement du bassin permet de l’emmener en toute sérénité dans nos villes congestionnées (lecteur de Guéret ou de toute autre localité plus calme, cette phrase ne te concerne pas).
Le petit coup à prendre, il vient plus de la gestion du couple gaz / embrayage. Car si l’on veut partir gaz en grand, la Vmax est faite pour ça : pneu arrière de 200 millimètres de large et empattement long en font, sans surprise, un véritable dragster. Non, la difficulté, elle est quand on veut rouler cool. Car l’embrayage mord sur un delta assez court au niveau du levier et, vu la patate de l’engin, on se retrouve vite avec trop de gaz, ne serait-ce que 3 millimètres. Et comme le gros V4 a peu d’inertie au lâcher de gaz, cela peut conduire à quelques à-coups quand on veut partir en douceur.
Autre constat lors d’un essai réalisé fin août et sous belle canicule : le V4 chauffe en ville, c’est normal, mais sans atteindre des proportions alarmantes.
Sur autoroute et grande route
Yamaha a fait le choix d’une boîte qui ne comporte que 5 rapports, confiant dans l’allonge du gros V4. Et à juste titre : en cinquième, le bloc ne tourne qu’à peine plus de 3000 tr/mn à 90 km/h et à 4500 tr/mn à 130 km/h. On est alors à 5.000 de la zone rouge. Il y a de la marge !
J’avais, par le passé, essayé la Vmax 1700 en 100 ch (mais jamais la 1200, hélas !) et j’en avais déjà gardé le souvenir d’une belle générosité mécanique, capable de faire patiner le pneu arrière à lorsque l’on dépasse à 120 km/h sur autoroute et sous la pluie. Là, la différence de puissance entre la version libre et bridée se fait sentir dès 3500 tr/mn, avec des reprises sur le dernier rapport qui tiennent déjà de la catapulte même à des régimes assez bas. Aller jouer avec le haut du compte-tours vous oblige à vous délocaliser sur un circuit (le biotope favori d’une Vmax, on s’en doute !), ou en Allemagne, ou, encore mieux, sur un circuit allemand !
Dans ces endroits plus accueillants, on peut enquiller des accélérations qui vous coupent le souffle : la 2ème monte à 140 km/h en un battement de cil, la 3ème envoie jusque 185 km/h en un clin d’œil, le temps de reprendre son souffle et vous, au guidon, vous commencez à vous accrocher aux branches façon drapeau par grand vent. Si vous insistez, la quatrième envoie à plus de 220 km/h et pour être honnête, malgré une conscience professionnelle en titane, je n’ai pas pu aller tester les limites de la cinquième, notre petite entreprise n’ayant pas encore ouvert la filiale dasrepairediemotorrader.de.
Sur de jolies biroutes bien revêtues, la stabilité à vitesse légale ne pose évidemment aucun problème. Et plus haut non plus.
Sur départementales
On l’a vu, la Vmax c’est d’abord et surtout une belle capacité d’accélération. Il y a l’art et aussi la manière : les grondements sourds du moteur qui font penser aux borborygmes d’un gros V8 américain, à bas et mi-régime, la même générosité sur toute la plage d’utilisation, l’étonnante vivacité (vu la taille des pistons) et le surcroît de puissance tout en haut du compte-tours, il faut admettre que ce moteur est carrément jouissif en plus de pousser sévère !
Cette définition correspondant à celle d’un dragster, on aura donc compris, même sans avoir fait de grandes écoles, qu’il vaut mieux sacrifier les entrées de courbe pour privilégier les sorties. Car, en matière de tenue de route, si la Vmax n’est plus la saucisse volante des débuts, il ne faut pas non plus attendre de miracles : le châssis reste relativement sain et prévisible, mais l’avant est lourd et manque de précision, tandis que la suspension arrière et le cardan n’aiment pas du tout les bosses et se figent à l’accélération. Bref, une Vmax, il faut la respecter !
Partie cycle
Du classique, mais aussi du solide sur cette Vmax. En effet, le cadre est en aluminium et non plus en tubes de chauffages comme sur la génération 1, tandis que la fourche télescopique (non inversée) démontre un solide diamètre de 52 mm, en plus d'être réglable. A l'arrière, officie un monoamortisseur à biellettes. Les débattements sont respectivement de 148 et 110 mm, ce qui, à l'arrière, est un peu juste.
Freins
Terminées les premières générations de Vmax qui ne freinaient pas ! Cet opus est bien équipé dans ce domaine, avec un dispositif conséquent, confié à deux disques de 320 mm à l'avant et à un solide disque de 298 mm à l'arrière. L'ABS est raisonnablement calibré pour une machine de ce poids.
Certes, on n’est pas là dans le feeling ni l’efficacité d’une vraie sportive, mais compte tenu de son poids et de sa puissance, le freinage est plus que satisfaisant, avec en plus une fourche qui encaisse bien et qui ne procure pas de trop gros mouvements d’assiette. En tous cas, jamais au long de cet essai je ne me suis fait de frayeur à cause du freinage.
Confort et duo
Dans ce domaine, disons que la Vmax se situe dans la moyenne. La selle paraît épaisse et généreuse, on découvrira à l’usage qu’elle est relativement ferme. La position de conduite n’est pas inconfortable en soi, même si certains trouveront qu’ils ont les jambes assez écartées au niveau des écopes, mais elle n’est pas trop typée « custom ». Le gros phare a le mérite de dévier un (tout petit) peu le flux d’air, mais on sent quand même son action. Quant au passager, son sort sera lié à la détermination du pilote : gaz en grand, il fera ce qu’il peut pour s’accrocher tellement les accélérations du V4 en furie feront tout pour le désarçonner. En mode cruising plus raisonnable, ça ira beaucoup mieux, sauf sur petite route où la suspension arrière reste très sèche, en compression comme en détente.
Consommation / autonomie
Un gros V4, il faut l’abreuver et la Vmax, depuis ses origines, mérite sa réputation de soiffarde. Lors de cet essai, toutes les consommations relevées ont oscillé entre 8,5 et 10 l/100 et il est possible de faire plus. Dans le cadre d’un usage presque raisonnable, même sans exploiter plus que de raison les ressources du moteur, il est précautionneux de compter sur un bon 9 l/100. La jauge à essence digitale est assez précise, mais elle est dans la petite fenêtre située sur le « réservoir » et donc peu lisible. Le vrai réservoir, lui, est sous la selle et l’exiguïté de son logement limite sa capacité à 15 litres. On y accède par un petit levier situé (ou plutôt planqué) en bas à gauche entre la selle et le garde-boue arrière et qui déplace vers l’avant le gros bourrelet de la selle pilote. Si vous prêtez votre Vmax à un ami sans l’informer de cette particularité, le ravitaillement tournera au test de QI ! Ou à la moto abandonnée sur le bas-côté.
Conclusion
Dans la culture de la mobilité à l’américaine, le Muscle Car tient une place de choix. Un gros V8 d’au moins 6 litres transforme les pneus arrière en signaux de fumée au moindre gros coup de gaz d’une voiture (aux lignes massives et masculines, sans autres fioritures) qui fait ce qu’elle peut pour rester sur le bitume à cause de son essieu arrière rigide.
La première force de la Vmax est d’avoir repris tous les éléments de cette culture et d’avoir été la première Muscle Bike crédible. Sa seconde est d’avoir traversé les décennies sans que le mythe ne s’étiole, car la Vmax n’a pas besoin de se justifier. Tout le monde sait que c’est, son look ne ment pas sur ses aptitudes et elle suscite toujours le respect.
Sa troisième force, enfin, est d’avoir évolué en un package cohérent, à la forte personnalité, sans se départir de son côté crapuleux. Ce bel objet reste, malgré le poids des années, captivant à observer, fascinant à détailler, éventuellement relativement doux à conduire, mais toujours revêche à taquiner, dans les grondements profonds de son V4 plein de caractère. Et elle pousse du feu de dieu. So long, Vmax, tu nous manqueras.
Points forts
- Moteur sensationnel aux relents de V8
- Moto mythique
- Agrément de conduite
- Qualité de construction
- Accélérations qui allongent les bras
- Reprises instantanées...
Points faibles
- Demande un peu de sang-froid à l'attaque sur petite route
- Selle ferme à la longue
- Consommation / autonomie
- Suspension arrière limitée
- Dosage gaz / embrayage à très basse vitesse
- Lourdeur du train avant
- La clé de contact qui troue les poches du jean
La fiche technique de la Yamaha Vmax 1700
Conditions d’essais
- Itinéraire: 500 km et une semaine d'usage dans Paris et deux balades en Chevreuse
- Kilométrage de la moto : 1000 km
- Problème rencontré : dans 3 mois, elle sort du catalogue. Ça fait court pour économiser 20000...
La concurrence : Triumph Rocket III, Harley-Davidson V-Rod, Ducati Diavel
Commentaires
J'ai essayé la version bridée ; moto de (fort) caractère, puissante, mais confort et tenue de route moyens. Sur route ouverte (avec virages), un gros trail (par exemple) est bien plus efficace et sera loin devant.
19-09-2016 17:35En version libre, ça doit être une bon petit dragster !!
Ceci étant, elle me plait bien !!
la Vmax c'est pas mal mais l'humour de Philippe Guillaume a égayé ma pose déjeuner.
20-09-2016 14:21J'ai changé webzine moto... pour qqq chose de plus classique et plus lisible
V à tous