Essai Ducati Diavel 1200
Peaufinage en règle
On ne change pas une recette qui marche. La deuxième génération du Ducati Diavel n'évolue donc que sur des points de détails tout en adressant (presque) tous les menus défauts de la version 2011.
Ah, le marketing produit ! En résumé, cet outil formidable se focalise non pas sur ce que vous vendez mais à qui vous le vendez. Une fois définie votre cible, il faut la comprendre, savoir comment elle achète et identifier les ressorts qui déclenchent le réflexe d'achat. C'est ce qui a poussé Nestlé à lancer Nespresso, Porsche à construire des SUV et BMW à produire des machines improbables comme le coupé X5 (et ils en ont vendu des wagons entiers). Ducati a suivi le même raisonnement lorsqu'ils ont dévoilé le Diavel en 2011. La cible ? L'entrepreneur, la quarantaine sportive, très aisé et adepte des produits de luxe. Bref, un gars extraverti qui a réussi et qui veux le montrer... A l'époque, Ducati n'a pas forcément présenté la chose ainsi, préférant mettre l'accent sur les valeurs au cœur de sa philosophie telle que le design, la technologie et la sportivité. Depuis, le Diavel s'est écoulé à plus de 20.000 exemplaires! Une réussite pour la firme de Bologne, totalement étrangère à ce nouveau segment du marché, qui plus est réputé pour être une micro-niche. Certes, les détracteurs du Diavel et les puristes ont fustigé son look très ostentatoire et son tarif astronomique. Mais force est de reconnaître que le power cruiser italien n'a pas séduit que les quadra un peu bling-bling, attirant aussi les sportifs assagis et pas mal de bikers. Certains lassés d'user leurs cale-pieds sur chaque rond-point, d'autres énervés de se faire enfumer par le premier T-Max venu à chaque feu rouge.
Présentation
Pour sa deuxième génération de Diavel, Ducati a été très à l'écoute de sa “nouvelle” clientèle. Plutôt que de bouleverser la fragile alchimie qui a fait son succès, le staff des Rouges a préféré bucher sur les points forts et les points faibles de son diable en raffinant style et caractère tout en améliorant le volet cruising, tant en ville que sur longues distances.
Côté look, ça passe par un nouvel échappement reprenant le dessin du Termignoni adaptable vendu en option et un phare redessiné et désormais 100 % LED. Pour faire bonne mesure, le Diavel a droit également à une nouvelles casquette de phare, un pontet de guidon redessiné, des clignotants avant LED et des écopes latérales élargies. Quant à la selle, pourtant pas taillée dans du chêne massif, elle a été redessinée pour améliorer le confort.
Passons maintenant à la partie cachée de l'iceberg. Beaucoup de voix se seraient élevées pour réclamer une jauge à essence au tableau de bord, c'est aujourd'hui chose faite. Graduée sur fond vert dans le demi tableau de bord intégré au réservoir, elle vire à l'orange lorsque on bascule sur la réserve. Malin ! Et puis enfin il y a le moteur. Avec 162 chevaux en version libre, le Testastretta DS 11°ne manquait pas de puissance. Pour le couple en revanche, on en a jamais assez et Ducati a retravaillé son twin en conséquence via la greffe de nouveaux injecteurs améliorant l’homogénéité du mélange air/essence. Avec 13,3 mkg obtenus à 8 000 tr/min, le couple maxi n'augmente que de 0,3 mais la courbe est nettement plus pleine que par le passé et décalée plus bas dans les tours. L'autre bénéfice avancé est un gain significatif en souplesse d'utilisation. Ducati, longtemps écharpé pour le coût élevé de ses machines à l'entretien, souligne au passage que sa Diavel ne réclame qu'une vidange tous les 15 000 km et une vérification du jeu aux soupapes tous les 30 00 km...
Deux versions sont disponibles au catalogue. Une déclinaison noir mat “Dark” (on n'ose pas parler d'entrée de gamme), facturée 18 090 € et une variante “Carbon” affichée à 21 590 € disponible en rouge ou en blanc. Cette dernière se différencie par des jantes forgées à 9 branches au dessin spécifique, un trio couvre selle - capot de réservoir – garde-boue AV en carbone et un traitement de surface spécifique du silencieux d'échappement. Effet collatéral, cette profusion de matériaux nobles permet d'abaisser le poids à sec de 210 à 205 kg, c'est toujours ça de pris.
En selle
Pour prendre en main son Power Cruiser, Ducati nous a conviés à Monte Carlo, histoire d'avoir un cadre en accord avec la cible de sa machine. En attendant que notre convoi -plus de 30 journalistes venus des quatre coins du monde- se mette en route, prenons le temps de détailler la bête. Allumé, le phare LED en jette un maximum et confére au Diavel une « signature visuelle caractéristique » pour singer les communiqués de presse Audi, maison-mère et accessoirement première marque automobile à avoir adopté cette technologie.
Et même éteint, le phare est autrement plus beau que celui du millésime 2011. La finition de nos versions Carbon est, elle aussi, sublime si on se cantonne à l'admirer du poste de pilotage. Du guidon anodisé noir aux maitre-cylindres dont les réservoirs sont taillés en losange en passant par les rétroviseurs ciselés ou les molettes d'ajustement hydraulique de l'énorme fourche inversée, tout est fait pour flatter la rétine.
En prenant un peu de recul en revanche, plusieurs pièces en plastique font nettement plus cheap : lèche-roue, sabot moteur... Curieusement, toutes les pièces un chouia disgracieuses sont disponibles dans leur équivalent carbone au catalogue d'options. Ce ne sont pas des lapins de trois semaines chez Ducati ! Mais ne boudons pas notre plaisir puisque qu'on retrouve sur cette version 2.0 tout le sel de l'original. L'ordinateur de bord à écran couleur TFT -avec haute définition et luminosité auto-adaptative s'il vous plait- affiche toujours par défaut le mode de conduite sélectionné (Urban, Touring ou Sport) et le rapport engagé ainsi que plusieurs données optionnelles qu'on peut faire défiler via le commodo gauche au guidon : consommation moyenne, autonomie restante, trips partiels, odomètre... Il permet aussi d'accéder aux sous-menus permettant de désactiver l'ABS, d'ajuster le degré d'intervention de l'antipatinage DTC (8 niveaux) ou encore delancer un chronomètre. Au-dessus, un deuxième bloc affiche la vitesse et le régime moteur, l'heure ainsi que la température moteur. La clef fait toujours office de transpondeur et ne sert plus qu'à ouvrir la trappe à essence ou déverrouiller la selle. Pas de changement non plus côté position de conduite. La selle, à 770 mm du sol, est accessible aux tout petits gabarits et le triangle formé avec le guidon et les repose-pieds est à mi-chemin entre celui d'un roadster et d'un custom. Bon, ce n’est pas tout mais nous avons rendez-vous devant le Casino. Pression sur le démarreur... Et le réveil du V2 d'un Diavel fait toujours son petit effet tant le niveau sonore est impressionnant. Qui a laissé homologuer un truc pareil ?
En ville
Frein et embrayage étant réglables, zéro problème de préhension. On regrettera juste que le levier de gauche soit toujours trop dur pour une utilisation prolongée en ville. Dommage car avec son centre de gravité bas, la grosse Ducati est à son aise dans les évolutions à très basse vitesse. Le moteur en mode Urban (bridé à 100 ch) accepte de descendre sans broncher jusqu'au régime du ralenti -1750 tr/min en prise, 1250 tr/min au point mort, sans doute une facétie du ride by wire- et même de reprendre sur un filet de gaz sur les trois premiers rapports. Pal mal pour un ex-moteur de superbike !
La première tirant un poil court, on a tout de même tendance à se caler naturellement en deuxième (30 km/h à 1750 tours) tout en zigzaguant entre une Rolls et une Ferrari. Certes, la mise sur l'angle d'un bestiau à l'empattement long comme un jour sans pain (1,60 m) et doté d'un pneu arrière de 240 mm se fait moins naturellement qu'avec un roadster mais la maniabilité demeure surprenante au regard du gabarit de l'engin. L'habitude venant, on peut même pousser le vice à attaquer les rond-points à la supermotard, ce qu'autorise la garde au sol. A froid, on peine à trouver le point mort mais une fois à température, la boite de vitesse sait se faire oublier, mêlant douceur et débattement courts et au besoin, il est possible de se passer de l'embrayage pour monter les rapports. Bien sur, il faudra composer avec les remontées de chaleur du twin en été et garder à l'esprit que les ralentisseurs ne sont pas sa tasse de thé. Mais dans l'ensemble, le Diavel n'a rien d'un purgatoire.
Autoroute et voies rapides
Tailler la route avec un Diavel est tout à fait envisageable. Malgré l'absence de réelle protection, la pression du vent ne devient sensible que au-delà de 150 km/h et le profil du siège en selle de cheval permet de facilement se caler l'arrière-train pour ceux qui voudraient aller tâter de la vitesse maxi, supérieure à 260 km/h. A rythme légal, on peut tabler sur une consommation inférieure à 7 litres (voir consommation). Combiné aux 17 litres du réservoir, les pauses autoroutières peuvent donc s'espacer tous les 250 km. Et quelle que soit la vitesse, on peut compter sur une stabilité impériale et des reprises décoiffantes, surtout avec le mode Sport offrant l'équivalent d'une poignée à tirage court. Et au besoin, il y a un mini pare-brise optionnel, aussi pratique que disgracieux, pour les très longues distances.
Départementales
Sans aller jusqu'à dire que c'est son terrain de jeu favori, le Diavel se montre à son aise dans les virages. La garde au sol, limitée dans l'absolu, permet tout même de s'amuser sans se faire peur et, au besoin, on peut gagner quelques précieux degrés en déhanchant. La mise sur l'angle se fait en douceur, sans effet de bascule malgré le diamètre copieux du pneu arrière.
Le Diavel se raidit bien un peu à la prise de frein sur l'angle mais dans l'ensemble, il se montre facile et rassurant. Quant aux sorties de virages, c'est le bonheur absolu. En mode Touring, on peut tordre l'accélérateur sans arrière-pensée et profiter du déferlement de couple et de puissance les fesses calées au fond de la selle : l'empattement long et l'antipatinage s'occupent de tout. Aucun sous-virage à l'horizon et le DTC plus permissif qu'en mode Urban assure un juste compromis pour gérer l’arrivée des 162 chevaux, le tout dans une ambiance sonore genre La Charge des Valkyries. Après il suffit de choisir son régime moteur avec au choix : Tracteur de 2 à 6000 tours puis au-delà Fusée jusqu'au rupteur ! Et cela ne suffit pas, Ducati dispose dans son catalogue d'options d'une ligne complète intégralement revêtue de céramique (une première en moto) améliorant le rendement de 10 % . Attention tout de même, d'origine sur les deux premiers rapports, les “risques” de lever naturellement la roue avant sont déjà élevé. Et pour toucher au nirvana, il suffit de basculer en mode Sport afin de bénéficier d'une réactivité améliorée à l'accélérateur tout en gardant à l'esprit que le DTC est quasiment déconnecté. Fort heureusement, chaque mode est personnalisable. et on peut adopter le même réglage de DTC qu'en Touring ou Urban. Sur des passage plus bosselés, le Diavel a tout de même commencé à montrer ses limites, faisant talonner ses suspensions (réglée au plus souple) sans toutefois se désunir. Dans ces conditions, on touche aux limites du genre Cruiser. Le Diavel ne dispose que de 120 mm de débattement de suspension, tant à l'avant qu'à l'arrière, quand un Monster 1200 à droit à respectivement 130 et 152 mm.
Partie-cycle et freinage
La fourche inversée affiche un diamètre copieux de 50 mm et dispose de réglages en compression et en détente. Et, bonne nouvelle, l'avant redessiné permet enfin d'accéder aux fameuses molettes sans avoir recours à une pince ou aux mains de votre nièce de cinq ans. Rien à redire sur l'amortisseur arrière, dont la commande est reportée sous la selle et accessible en roulant. Pas de changement du côté des freins et personne ne s'en plaindra. Le double disque avant de 320 mm de diamètre allié à des étriers 4 pistons radiaux Brembo et couplé à un ABS assure le boulot sans sourciller. Puissance et feeling sont au rendez-vous. Notre ouvreur ayant adopté un rythme très conservateur lors de notre essai, difficile de se prononcer sur l'endurance mais vu que les Ducati ont toujours été irréprochables sur ce point, ne vous posez pas trop de questions... Le frein arrière (265 mm/ 2 pistons) est plutôt une bonne surprise. Il assure son double rôle de stabilisateur et de complément au frein avant mais manque de feeling à la pédale pour être réellement dosable.
Duo et aspects pratiques
L'espace sous la selle peut accueillir au mieux un bloc-disque ou un paquet de cigarette. En revanche, le Diavel dispose d'une poignée passager intégrée dans la boucle arrière escamotable en un tournemain une fois déposée la selle. Sa préhension n'est pas ce qu'on a fait de mieux en matière d'ergonomie mais elle a le mérite d'exister et vous évitera de perdre votre sac de sable au premier départ de feu rouge. Par contre, sur la route, la position de conduite “surélevée” le laissera à la merci du vent et des éléments bien plus que le pilote, caché derrière le guidon haut et les écopes XXL.
Consommation
Durant notre périple de 160 km et alternant départementales et intermèdes urbains, la consommation a varié entre 7 et 8L/100km en fonction du rythme adopté pour une autonomie moyenne affichée au tableau de bord légèrement supérieure à 200 km.
Conclusion
Ce Diavel deuxième génération fait penser aux restylages automobiles en milieu de cycle de vie (une idée d'Audi ?). Pas fondamentalement différent, il peut s'appuyer sur une esthétique remise au goût du jour et un moteur plus performant pour continuer à séduire sa cible. Pour l'amélioration promise du volet cruising en revanche, un embrayage plus souple aurait sans doute été plus pertinent qu'une nouvelle selle. Quoi qu'il en soit, le Diavel demeure une machine inclassable, fun et bourrée de charme avec son ADN de custom, sa partie-cycle aux standards roadsters et surtout son tonitruant V2 Testastretta. Ce moteur est un véritable bijou, du moins en version full. Souple, plein partout, rageur dans les tours et doté d'une sonorité divine, il compte beaucoup dans le capital séduction du Diavel. Reste le design, bien peu consensuel, qui obligera probablement tous les futurs acheteurs à se payer le total look qui va avec. Mais quelque chose me dit qu'il y tout ce qu'il faut pour eux dans un catalogue Ducati...
Points forts
- -Le look radical...
-La meilleure version du V2 Testastretta (en full)
-Potentiel sportif du châssis
-Aides électroniques
-réelle polyvalence
Points faibles
- -... mais trop ostentatoire ?
-Le prix Premium de la version Carbon
-Pertinence d'une version 106 ch ?
La fiche technique de la Ducati Diavel
Concurrentes : HD VRod, Yamaha VMax
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