Essai Triumph Tiger 800 XC
Le couteau de poche anglais
Pendante de la version route, la Tiger 800 XC est un trail plein de bonnes surprises. Ses capacités hors bitumes optimisées, un dessin des plus réussi et la vigueur de son trois cylindres en font un pétillant outil du quotidien. Plus confortable et conforme aux exigences de possibles aventures, cette Triumph peut vous mener loin.
Le constructeur d'Hinkley comptait déjà un trail routier dans sa gamme, la Tiger 1050, apparue en 2007. Fin 2010, la firme anglaise étoffe sa ménagerie avec deux nouveaux fauves. L'un plutôt dédié aux routes, la Tiger 800 et l'autre affichant des meilleures velléités tout terrain, affublant son patronyme du suffixe XC. La procédure sera du même type pour les Tiger Explorer 1200 et XC début 2012. La marque d'Outre-Manche fait ainsi revivre une part de son histoire offroad des années 50 et 60, écrite avec ses machines de 650cm3. Elle suit également un marché en forte hausse pour ces machines polyvalentes de moyenne cylindrée avec, en ligne de mire, la BMW F 800 GS.
Découverte
Pour 2013, la baroudeuse britannique mise à notre disposition arbore notamment une teinte mate Khaki Green particulièrement séduisante.
Gracile et élégante, la Triumph peut compter sur ses volumes esthétisants pour charmer dès la première rencontre. Résolument sportif, son style tranche avec sa vocation tout-terrain. Sa double optique acérée, coiffée d'une courte bulle, lui confère un regard sans équivoque, aguichant son pilote. Sous les feux, la Tiger pointe un bec anguleux se prolongeant autour du puits de fourche par des supports ajourés. Secondant ces montants, multipliant les éléments, de larges écopes aux surface complexes, mêlant courbes et lignes tendues, enserrent un proéminent réservoir de 19 litres. Bien dimensionnée, l'assise en deux éléments étire les formes du trail sur une poupe fine et élancée. Deux larges poignées, au dessin peu subtil, un porte paquet et un feux à double rangée de leds finalisent l'habillage de la boucle arrière. On notera que celle-ci est soudée à la structure principale.
Délicatement incurvé dans sa partie inférieure avant de filer vers la colonne de direction, couverte d'un revêtement noir mat, l'échine du cadre en tubes d'acier à longeron dédoublé semble courir sur le moteur. Suspendu à ces bras nerveux, le bouilleur de 799 cm3, double ACT et 4 soupapes par cylindres, se met en scène. Toutefois, sa finition correcte et un revêtement de ses carters qualitatifs est amoindri par la présence trop marquées de quelques durites. Basé sur le bloc des Street Triple et Daytona, le trois cylindres voit sa course allongée (rapport 74 × 61,9 mm). Ceci limite son régime de rotation maximale et sa puissance à 94 ch à 9 300 tr/min (contre 128 ch pour ses cousines) au profit du couple (7,9 da.Nm à 7 850 tr/min) et de la disponibilité.
Un profil effectivement plus adapté à ses prétentions de voyageuse hors asphalte.
Le souffle du triple coeur se jette, coté droit, dans un silencieux profilé garni d'une large protection anti-brulure.
Sous l'échappement trois en un, le bras oscillant aluminium, habilement dessiné, prolonge agréablement l'esthétique recherchée du trail anglais et supporte une transmission par chaine. Ses mouvements sont gérés par un amortisseur monté sur biellettes, réglable en pré-charge et détente. On regrettera un positionnement de sa bonbonne presque accolée au moteur, ne facilitant guère le refroidissement du fluide. Le débattement du combiné est plus important que celui de la version routière (215 mm contre 170 mm). Les différences avec la fausse jumelle sont d'ailleurs nombreuses. De type inversée, la fourche Showa de 45 mm (41 mm pour la Tiger 800) suit cette tendance offroad, pouvant coulisser sur 220 mm (180 mm). Elle est, en revanche, dénuée d'ajustement hydraulique. L'angle de chasse de la baroudeuse augmente de fait de 0,6°, soit 23,7°, tout comme son empattement : 1568 mm (1565 mm). La XC se dote également de roues aluminium à rayons dont l'avant très typé cote 21" (contre une paire de 17" pour la version civilisée). Enfin, un sabot moteur protège les collecteurs.
L'équipement de freinage est identique au deux modèles. Notre Tiger intègre donc, sur le train directeur des disques de 308mm pincés par des étriers Nissin radiaux à 4 pistons. Le ralentisseur opposé mord un élément de 255 mm via un étrier à 2 pistons. Un ABS (option) déconnectable surveille les décélérations de notre machine d'essai.
En selle
En dépit de son apparente hauteur et d'une selle haut perchée, l'assise parait très accessible. Son étroitesse atténue en effet largement une altitude élevée, procurant une rassurante maîtrise de l'équilibre pour les moins grands. La Tiger 800 XC propose par ailleurs deux réglages, 845 et 865 mm, là encore différent du modèle route (810 - 830 mm), offroad oblige. Toutefois, ne vous y trompez pas, l'anglaise s'avère confortable bien que d'allure spartiate. Calé sur le large pavé de mousse, le pilote bénéficie une ergonomie agréable. Le cintre à diamètre variable, plus large de 70 unités (865 mm) et fixé à des pontets plus longs, accueille les mains sans fatiguer les épaules. Même constat pour la flexion limitée des jambes de l'équipage, dont les pieds reposent sur des éléments caoutchoutés de bonne taille. Petit bémol structurel concernant l'accompagnant : les platines de ces supports sont soudées au cadre arrière, lui même fixé à l'identique sur les longerons principaux. Bien que fait d'acier (moins coûteux à réparer), mieux vaudra éviter la lourde chute…
Disposant de protections plastiques, les leviers sont réglables en écartement mais les commodos dépourvus de commandes au guidon pouvant faire défiler les fonctions du tableau de bord. Celui-ci, agrémenté d'une lunette typée "aventure", reprend l'esthétique habituelle et efficace de la marque d'Hinkley. Un vaste compte-tours analogique y côtoie une tout aussi généreuse fenêtre digitale. Celle-ci regroupe un lisible tachymètre, jauge de carburant, indicateur de vitesse engagée, accès à l'ABS déconnectable, horloge et ordinateur de bord. Ce dernier affiche odomètre, double partiels regroupant chacun consommation moyenne et instantanée, temps de parcours ainsi q'un décompte de passage en réserve.
Sous cet ensemble, le té supérieur soignée mais sans fioriture accueille une prise 12 V au côté du contacteur à transpondeur. L'intérieur de la tête de fourche, bien carénée, ne laisse apparaître aucun fils disgracieux ou autres cosses oubliée. Un basculeur permet de modifier l'inclinaison du phare en cas de charge importante, mais les warnings manquent à l'appel. On regrettera de même l'absence en série d'une béquille centrale venant épauler le long support latéral. On la trouvera en option aux côtés de la bulle haute, des poignées chauffantes ou autres valises et feux longue portée.
En ville
Démarrant prestement, le bloc fait entendre le sifflement caractéristique du triple de moyenne cylindrée anglais. Autre point similaire avec ses origines communes au roadster, sa facilité à prendre ses tours est intact. Mais l'échappement sait aussi japper plus conformément aux vocalises des machines tout terrain.
Le longiligne félin s'élance dans un feulement sourd. Ses 220 kg prêt à bondir sont désormais un lointain souvenir. Car dompter le Tigre, moteur coupé, est plus délicat. Ses masses placées en hauteur, particulièrement son réservoir, ne facilite pas les manoeuvres. Au contraire, dès la mise en mouvement, on profite d'une géométrie vive et efficace en ville. La finesse de la machine et un équilibre excellent permettent de se jouer des files de véhicules. De plus, son rayon de braquage insolent et illégitime au vue de sa génétique, est un plaisir en zone urbaine. L'agrément moteur n'est pas en reste, gratifiant le pilote d'accélérations musclées entre chaque feu. Ajoutons à cela une souplesse proverbiale et une sélection particulièrement douce et la XC friserait le sans faute. Néanmoins, quelques détails agacent à la longue entre les murs. L'impression d'entendre un nid de serpent et de chevaucher un "poêle à bascule" atténue un peu le beau tableau. Si l'appréciation de la mélodie peut être subjective, les transferts de masse sont assez marqués mais plus objectif encore, le ressenti des calories dégagées l'été, en milieu citadin, est bien réel. A contrario, rouler l'hiver sera plus agréable.
La belle aspire de toute façon à de plus libres horizons que sa conception réclame. Il est temps de quitter la cage et d'aller faire rugir le fauve.
Autoroute et voies rapides
A l'assaut du compte-tours, la Tigre des champs avale les rubans d'asphalte à longues foulées. Moins alerte après 8.500 tours et dépassant les 200 au limite de la zone rouge, le trail se stabilise au légal à 6 000 révolutions/minute. Cette valeur s'avère propice aux relances dynamiques, même sur le dernier rapport.
Bien qu'étroite, la bulle standard assure une protection correcte du buste et de la tête. Les turbulences frappent néanmoins le haut du casque et les épaules. A plus vive allure, il faudra courber l'échine ou investir dans un pare-brise plus efficace. En dépit d'un physique de baroudeur, la tenue de cap reste bonne, sans bagagerie, à plus de 180 km/h. L'emport de valises et top case risque fort de nuire à cette maximale.
Bien que légèrement perfectible, le confort global assure aisément de longues étapes autoroutières sans fatigue. Exempts de vibrations gênantes, la Tiger 800 XC est bien dressée, servant utilement son maître et également pourvu d'un éclairage à large champs. Docile et douce, l'Anglaise ne serait-elle qu'un gentille machine de compagnie? Certainly not !
Départementales
Le réseau secondaire révèle idéalement le caractère sauvage de la XC. Sur les intermédiaires et à mi-régime, les reprises se font agressives et précipitent la meute de ses 94 chevaux à la chasse aux courbes de toutes sortes. Stable en grande courbe et remarquablement maniable dans la virole serrée, la Triumph ne laisse aucun répit tracé dont elle fait sa proie. Son large guidon et l'étroitesse de sa monte Pirelli Scorpion Trail 90/90 et 150/70 en font un modèle de vivacité. Catapulté par son bouilleur dénué d'inertie, le Tigre rugit désormais, occultant son strident susurrement des bas régimes et bondissant vers sa nouvelle cible.
Précise, naturelle, la direction assure un placement sans faute de la machine, aidée par un cadre d'une grande rigidité. Passant d'un angle à l'autre sans effort, on notera tout de même un léger flou de l'avant, des plus logiques, lors d'entrées viriles en virages, corollaire d'échasses à long débattement. Toutefois le comportement s'arrange grandement en freinant la détente du combiné arrière. Le trail devient encore plus incisif et c'est alors la garde au sol qui limitera vos ardeurs. De toute façon, quand les repose-pieds frottent, le rythme est déjà bien enlevé…
Disponible, le trois cylindres donne le meilleur de lui même passé 5 000 tours, toujours plus rageur en montant en régime. Avant cette limite, son caractère reste plus linéaire. Taillant plus tranquillement la route, l'équipage profite alors d'une compagne sure et performante mais toujours prête à jouer. Ses suspensions lui assurent un amortissement de premier ordre, avalant tout défaut de la chaussée avec maestria tandis que l'assise épaisse ajoute au confort à bord.
La Tiger 800 XC prouve un héritage dynamique très présent que la version routière mettrait d'autant plus en valeur. Le freinage est du même type, progressif, endurant. L'ABS, efficace, ne jugule toutefois pas totalement les blocages de roue arrière quand celle-ci se déleste sur de trop fortes décélérations. L'étrier associé seconde toutefois bien les éléments avant. Aucun problème pour le train directeur ou l'action de l'assistance, transparente, assure la sécurité exigible, même hors bitume où nous tentons une incursion.
Hors route
Chaussée de pneu au profil plutôt routier, la Triumph y trouve vite ses limites, particulièrement sur sol meuble, dans les passages étriqués. Son ergonomie ne permet pas une position optimale, avec un guidon trop éloigné du pilote. Idem pour le haut réservoir, accentuant l'effet de masse. De plus, la belle douceur mécanique grève ici les évolutions lentes. Même en première, il est délicat de gérer les gazs tant le bloc se fait indécis, paraissant presque à la peine dans sa recherche d'appuis du pneu arrière. Sur une zone plus roulante, leTigre retrouve sa belle aisance et fait parler ses muscles, n'hésitant pas à faire dériver sa poupe sur de franches accélérations. On s'efforcera alors de conserver son gabarit en tête sous peine de rencontrer des situations périlleuses.
Partie-cycle
Cadre rigide, géométrie vive, suspensions efficace, la Tiger 800 XC affiche une redoutable homogénéité. Imperturbable en toute occasion, le trail sait presque tout faire, de l'arsouille engagée à la promenade bucolique, du quotidien urbain encombré au duo confortable sur piste roulante. Son agilité est un de ses atouts majeurs.
Freinage
Puissant et progressif, d'autant plus que l'on aura freiné l'hydraulique arrière, le freinage est à la hauteur du potentiel dynamique de l'anglaise. La prise des freins sur l'angle ne relève aucunement la Tiger XC ni ne provoque de verrouillage de la direction. Encore une raison d'attaquer avec sérénité…
Confort/Duo
L'éventuel passager trouvera en la Tiger 800 XC une agréable monture. Tant par le moelleux de l'assise, l'efficacité des poignées de maintien ou la souplesse du moteur, évitant ainsi les à-coups et heurts avec le pilote, l'échassier d'Outre Manche invite à conjuguer les ballades en duo. Seule l'option bulle haute parait l'accessoire indispensable aux longues virées.
Consommation
Particulièrement variable, l'appétit de la Triumph oscille entre moins de 6 litres et un maximum relevé de 7,5 litres, suivant le style de pilotage. Une valeur juste correcte car la concurrence fait mieux. Toutefois, ses 19 litres embarqués permettent des étapes de près de 300 km en moyenne.
Conclusion
Cette Triumph a de nombreux visages. Consensuelle et utile la semaine, elle se fera délurée et envoutante lors de vos virées sportives ou GT compacte et baroudeuse, solo ou duo. Particulièrement séduisante par son style soigné et sa finition sans grand reproche, la Tiger 800 XC affiche une personnalité versatile et racée. L'ensemble justifie un prix de 10 250 € sans assistance au freinage et 10 850 € avec ABS. Sa jumelle plus routière demandera pour les mêmes versions 9 250 € et 9 850 €. Enfin, toutes deux bénéficient d'une motorisation leur conférant ce supplément d'âme et d'agrément qui charme au fil des kilomètres.
La performante BMW F 800 GS, tarifée 10 370 € et 11 085 avec l'ABS assène d'autres arguments. Moins élégante, l'allemande est bien plus efficace en tout terrain grâce à une partie cycle plus agile et légère. Son bi-cylindre se révèle également plus adapté aux chemins de traverses les plus improbables. Mais au long cours, la rondeur du triple coeur peut faire la différence.
On citera enfin la Suzuki V-Strom 650 ABS Urban réclamant seulement 8 399 €. Confortable, la japonaise est cependant bien en deçà des performances dynamiques des deux autres.
Véritablement différente de la Tiger 800, la XC trace sa propre destinée sur les routes fort empruntées du segment. A la recherche d'un trail polyvalent à l'esthétisme affirmé, pistez donc la plus sauvage des deux anglaises. Le début d'une grande aventure pourrait bien vous surprendre.
Points forts
- Vrai trail
- Caractère et disponibilité moteur
- Agilité de la partie-cycle
- Esthétique élégante
- Sonorité à partir des mi-régimes
- Confort
Points faibles
- Consommation dans l'absolu
- Sifflement de la distribution en ville
- Répartition des masses à l'arrêt et en offroad lent
La fiche technique du trail Triumph Tiger 800
Coloris
- Matt Khaki Green, Phantom Black, Crystal White.
Commentaires