Essai Moto Martin Kawasaki 1230
L'ami fidèle
4 cylindres Z1000 réalésé à 1.229 cm3, 144 cv, cadre Moto Martin, 175 kg à sec
Beaucoup d'entre nous ont eu des motos qui sont devenues des membres de la famille, des amis fidèles dont on se rappelle longtemps et qui finissent par devenir une partie de votre vie. C'est le cas de la Moto Martin Kawasaki que l'Australien Scott Webster a eu dans son garage ces quatre dernière décennies, non pas pour juste aller chercher la baguette de pain le dimanche mais pour courir avec. Autre point important, il habite à quelques kilomètres du circuit de Phillip Island. C'était un signe ! Il court toujours aujourd'hui à son guidon et avec succès dans la catégorie Forgottent Era 5 du Post-Classic, soit le Vintage Superbike pour nous autres, à tel point qu'il a été un prétendant régulier à la victoire contre des stars d'antan telles que Wayne Gardner, Jeremy McWilliams, Rob Phillis, Steve Martin et Mal Campbell !
Découverte
Bien que son travail d'électricien automobile indépendant n'ait jamais permis à Scott d'être plus qu'un pilote de Superbike à temps partiel, il court sans interruption depuis 1982 et au plus haut niveau depuis 1985 en Superbike australien. Webster a même pris part à plusieurs épreuves locales du World Superbike dans les années 1990 et s'en est sorti avec les honneurs sur sa Honda RC45 auto-préparée. Mais ce n'est qu'en 2004, quand il fut persuadé de sortir la Moto Martin de sa retraite et de préparer cette ancienne sportive d'endurance pour la Forgotten Era qui commençait à prendre de l'importance, que l'Australien est devenu un habitué des avant-postes. Ce faisant, il a apporté plus d'honneurs en piste à la marque que quiconque auparavant depuis la création du fabricant de cadres français Moto Martin en 1972. Car à l'époque, les sportives de Georges Martin étaient axées pour la route et servaient surtout à remplir les grilles d'endurance avec des machines privées, mais sans aucun succès significatif glané.
Pourtant, Scott possède la Moto Martin, resplendissante dans sa livrée gauloise arborant le drapeau tricolore de chaque côté du carénage et ce, depuis 1983. Cela qui en fait un élément de la team familiale Webster qui comprend sa compagne Annie et leurs enfants, ainsi que son père Bob.
La moto fut importée en 1980 par l'agent australien de Moto Martin basé à Melbourne, le Français Bertrand Cadart. Sa société La Parisienne y a alors installé un moteur de Kawasaki Z1000 préparé pour remplacer celui de Honda CB900FZ dans le cadre périmétrique à double berceau qui était à l'origine conçu pour l'abriter. Le résultat a été engagé dans la course d'endurance Arai 500 en 1981 à Bathurst pour Scott Stephens et Dave Miller. Ils n'ont hélas pas fini la course et le châssis roulant a été prêté à feu Ken Wooton. Ce dernier y a installé son propre moteur Superbike Z1000J puis l'a piloté avec Dave Shaw dans l'Arai 500 de 1982. Le résultat fut un nouvel abandon. Cadart a alors vendu le châssis nu de Moto Martin en 1983 à Scott Webster qui venait de débuter la compétition un an auparavant. Scott reconstruit alors la sportive à cadre français et coure avec pendant un an en gravissant rapidement les échelons. Mais un fois arrivé au Superbike en 1985, il doit la mettre au garage, la catégorie ayant été limitée à 750 cm3.
Scott Webster :
J'aurais pu la vendre. Mais j'avais de quoi acheter une Suzuki GSX750H et la piloter sans avoir besoin de l'argent de la vente de la Moto Martin. Je m'y était attachée et encore plus après l'avoir totalement reconstruite moi-même. J'ai donc décidé de la garder. Et durant les 20 années suivantes durant lesquelles j'ai piloté en Superbike australien, elle fut un élément de décors dans le garage, sans jamais servir. Mais un ami m'a dit "prends cette moto et sers t'en, allons courir en Forgotten Era". J'y avais déjà pensé, mais le règlement disait qu'il fallait que ce soit une moto à double amortisseur et ma moto n'en a qu'un seul à proprement parler. Mais entre les lignes elle était autorisée, au motif qu'il ne s'agissait pas d'une suspension à biellette ou basculeur, même si elle n'avait qu'un amortisseur. J'ai donc fait quelques courses et me suis dit "bon sang, c'est super fun et il y a vraiment de bons gars. A partir de là, j'ai décidé de la prendre plus au sérieux, j'ai installé des roues de 17" pour utiliser des pneus modernes et j'ai demandé à Trevor Birrell de régler le moteur. Les choses ont évolué à partir de là et nous avons commencé à rouler devant. Mais à part les roues et le moteur plus rapide, c'est toujours la même moto que j'ai eue pendant toutes ces années. Elle a seulement eu une nouvelle vie, tout comme son pilote !"
En effet, car après avoir terminé troisième du championnat historique pour sa première saison sur la moto, Webster est devenu un leader récurrent de la catégorie.
La chance de piloter la Moto Martin s'est présentée sur l'étroite piste de 2,16 km de Broadford, au Nord de Melbourne, où les nombreux virages lents et les dénivelés offrent un test assez sévère pour une moto à l'empattement long plus à l'aise sur des pistes fluides et rapides comme Phillip Island, où à l'époque Bathurst. Surtout lorsque l'impressionnante puissance de 144 chevaux à 9.200 tr/min que le préparateur Trevor Birrel est parvenu à extraire du 4 cylindres Kawasaki de 1.229 cm3 est transmise à travers la maigre roue arrière de 4.50", la largeur maximale autorisée par le règlement. Au moins, les dirigeants de Motorcycling Australia autorisent les pneus slicks pour augmenter la puissance dans la limite de 1.300 cm3. Cela pousse les préparateurs à aller plus loin dans les mises à niveau des moteurs, ajoutant ainsi au spectacle tout en supprimant les préoccupations concernant la nécessité de mesurer les moteurs suralésés d'un litre qui prolifèrent dans la catégorie.
Et faire plus gros est exactement ce que Trevor Birrel a fait en prenant un ensemble de carters moteurs de Z1000J avec un carter d'huile standard soudé et fermé. Il a ensuite poussé les dimensions d'origine du moteur de 69.4 x 66 mm (998 cm3) à 77 x 66 mm pour 1.229 cm3 à l'aide de pistons Arias à compression de 11:1, montés sur des bielles de série installées sur un vilebrequin de GPZ1100. Le bloc-cylindres GPZ 1100 de plus gros alésage a encore été alésé et perfectionné avec la culasse Z1000J entièrement retravaillée par Birrell, 11 fois champion d'Australie du Sud de dragsters Pro-Stock. Le travail de Birrell a abouti à une nouvelle forme de chambre de combustion. Puis il a reporté et re-alimenté la culasse, puis installé des soupapes surdimensionnées Ferrea en acier, une d'admission de 38 mm et une d'échappement de 32.5 mm, une paire par cylindre, chacun avec deux ressorts. Les doubles arbres à cames en tête sont la version 390 de Web-Cam, actionnés par une chaîne avec un tendeur de type slipper. La durée de vie du moteur est de dix heures de fonctionnement entre chaque contrôle et au cours de la dernière décennie, le moteur Birrell s'est avéré ultra-fiable sur la Moto Martin avec aucun abandon mécanique en 13 ans de courses. On touche du bois...
La respiration est assurée par quatre carburateurs Keihin CR de 33 mm et une ligne de course Moriwaki Monster 4-1 avec des silencieux en aluminium et titane. L'allumage est assuré par un CDI PVL auto-alimenté avec deux courbes d'avance réglables, permettant à Scoot de composer une nouvelle cartographie via un ordinateur portable si besoin tandis que le limiteur de régime est réglé sur 9.500 tr/min. La transmission a été améliorée pour gérer le surplus de puissance avec une boîte de vitesse à 5 rapports de GPZ 1100 associée à un embrayage à glissement de ZXR750 aux ressorts plus lourds.
Ce moteur coupleux est monté de manière rigide dans le cadre périmétrique à double berceau Moto Martin en acier CrMo tubulaire et portant le n° BDK 2088. Contrairement à la plupart des créations du fabricant français, le cadre n'a jamais été nickelé; c'était une option que Georges Martin jugeait manifestement inappropriée sur la sportive d'endurance envoyée à son importateur australien ! Il porte par contre a fourche Marzocchi de 38 mm d'origine, avec des composants internes modifiés, réglée sur un angle de chasse fermé de 25° mais non réglable, même pas en précharge. A l'arrière, le bras oscillant en aluminium de section rectangulaire est associé à un amortisseur Öhlins entièrement réglable avec réservoir séparé. Celui-ci est monté verticalement sur la droite, comme sur une configuration à double amortisseur. On dirait que Monsieur Martin a simplement retiré l'amortisseur gauche pour transformer le cadre en un design mono-amortisseur, mais la configuration n'entraîne aucun effet néfaste sur le bras oscillant.
Comme beaucoup d'autres pilotes de Forgotten Eura, Webster a installé des roues de 17 pouces pour pouvoir utiliser des pneus slicks Dunlop modernes avec à l'avant une jante Marvic en aluminium moulé de 3.50" chaussée d'un KR106 125/80 et montée avec deux disques Honda de 310 mm saisis par des étriers Brembo Serie Oro à deux pistons. A l'arrière se trouve une jante de Suzuki GSX1100K de 4.50" beaucoup plus lourde portant un Dunlop KR108 165/55-17. Le disque arrière de 200 mm provient également de la GSX, mais reste purement décoratif puisque Scott n'utilise jamais cet autre étrier Brembo 2 pistons.
Le poids à sec est de 175 kg et l'empattement de 1.520 mm. Ce qui fait de la Moto Martin une machine difficile à emmener sur un circuit serré, comme Broadford, avec le moteur placé haut, mais permet de prendre plus d'angle grâce à la garde au sol plus importante et donc d'en tirer parti dans les courbes rapides.
En selle
En s'installant à bord de la Moto Martin, on est plutôt assis que perché en étant coincé sur la selle rembourrée à haut dossier avec le grand réservoir de carburant en aluminium de 24 litres sur lequel s'appuyer dans les lignes droites lorsque l'on se cache derrière l'efficace carénage intégral. La Moto Martin doit effectivement être une très bonne machine pour la piste rapide de Phillip Island.
Quelqu'un de plus grand que Scott comme moi se retrouve légèrement à l'étroit avec les repose-pieds surélevés qui offrent un effet de levier supplémentaire pour bouger la moto quand c'était impossible pour moi de le faire. C'est une position typique des machines d'endurance des années 1970 lorsque les pilotes n'étaient pas supposés bouger tout autour de la moto ou prendre beaucoup d'angle avec les maigres pneus qui étaient à l'époque peu adhérents mais durables. Changer le pneu arrière dans une course de 24h était considéré comme un problème ! Il suffit de regarder les photos d'une course d'endurance des années 1970 pour voir les pilotes tous assis fermement au centre de leur selle monoplace alors qu'ils penchent la moto d'un côté à l'autre en se concentrant sur le fait que pour finir premier, il faut déjà finir.
Essai
Mais les courses modernes de Forgotten Era sont l'exact opposé. A ce jeu, la Moto Martin est étonnamment agile en raison de l'énorme garde au sol. On arrive au bord du pneu avant que quoi que ce soit ne touche le sol, aidé par une direction à la fois douce et précise. Cela permet de passer sur la même trajectoire tour après tour, en prenant autant d'angle que l'on ose sans trop en demander au Dunlop avant ou à la fourche Marzocchi plutôt basique qui était, j'en suis sûr, responsable du dribble que j'ai commencé à sentir dans les virages plus rapides de Broadford une fois que j'ai haussé le rythme. Scott est d'accord sur l'aspect "primitif" du train avant, mais explique que l'essai d'une fourche de CBR600 que tout le monde utilise n'a pas été concluant.
Il a cependant utilisé ses décennies d'expérience en Superbike pour régler parfaitement le mono-amortisseur Öhlins de sorte qu'il gomme la plupart des bosses de Broadford et permet surtout une bonne conduite dans le dernier virage en dévers qui donne sur la ligne droite principale, puis dans le droit montant menant à la ligne droite supérieure. J'ai honnêtement pu ressentir le lien direct 1:1 entre ma main droite et le pneu arrière, considéré comme le nirvana sur les actuelles Superbike et GP. A un niveau plus humble, la Moto Martin Kawasaki l'est également et une partie de ça est dû à l'excellente configuration de la suspension arrière qui m'a surpris par son efficacité malgré l'absence de lien à taux progressif. Je suppose que la présence d'Öhlins est un facteur important, mais la courbe de puissance totalement linéaire à partir de 4.000 tr/min est également un élément clé.
J'ai eu l'occasion de rouler le moteur Z1000 en course, en 1979 lorsque j'ai piloté la P&M Kawasaki sur le Tourist Trophy et en British TT Formula 1. OK, c'était un moteur de 998 cm3 moins puissant mais tout de même assez bien construit pour moi par Richard Pecket de P&M, dont la Kawasaki a battu l'équipe factory Honda Britain pour remporter le titre TT F1 avec John Cowie. J'ai aussi piloté la P&M Kwacker 1230 de John Page et je me souviens que, bien que très coupleux, ce n'était pas un moteur aussi doux que la Moto Martin, une fois que l'on s'est habitué au ralenti de 2.000 tours, défini pour aider l'embrayage à contrer l'inertie du frein moteur sur les gros freinages. En fait, Scott a laissé pas mal de frein moteur dans la configuration, ce qui aide le package Brembo à ralentir la moto. C'est tout aussi bien car la Moto Martin freine à peu près comme je m'y attendais avec les étriers à deux pistons : c'est correct mais sans morsure marquée. Il faut donc utiliser le levier de vitesse assez rigide au pied gauche pour obtenir l'assistance du moteur, en prenant soin de ne pas laisser l'aiguille du compte-tours Scitsu danser au-delà de la marque des 9000 tours. J'ai utilisé cette marque pour monter les rapports. On se retrouve ainsi dans la grosse zone de couple de 6.500 à 7.500 tr/min. La boîte routière de GPZ 1100 n'a pas les rapports particulièrement proches, mais cela n'a que peu d'incidence compte tenu de la large plage de puissance et de couple qui se développe en douceur et de manière contrôlable à partir de 4.000 tr/min.
Bien que cette souplesse m'a permis d'expérimenter un tour complet de Broadford en restant en troisième sans toucher une seule fois le levier d'embrayage, ce n'est même pas la meilleure fonctionnalité du package moteur de la Moto Martin. La carburation est parfaitement réglée, en particulier sur une accélération partielle et se traduit par une reprise idéale en sortie de virage, en particulier dans les virages lents à l'intérieur de Broadford. La réponse du moteur Kawasaki à l'accélérateur n'est pas seulement nette et propre, elle est directe et réactive sans être violente et si prévisible que l'on ose en demander plus et plus tôt à ce maigre pneu arrière qui transmet les 144 ch du moteur à l'asphalte.
Conclusion
Mis à part la fourche primitive et le temps de réponse du freinage pas idéal, il est dur de croire que la Moto Martin Kawasaki de Scott Webster soit née dans les années 1970. Elle ressemble beaucoup plus à une moto du début des années 90 en termes de maniabilité. Bien que le moteur n'ait pas autant de chevaux que les 16 soupapes Suzuki et Honda contre qui il court, il est en concurrence avec une supersport 600 moderne en termes de temps au tour sur le circuit de Phillip Island.
Je pense que le Forgotten Era est une classe formidable parce que les gens viennent tout le temps vers vous dans les stands. On y a une sorte de relation avec les motos de sa jeunesse et les gens aiment çà parce qu'elles sont toutes différentes les unes des autres. Si vous regardez n'importe quelle grille de la Period 5, vous avez tout là-dedans, une pure variété. Les nouvelles motos récentes sont super, elles sont rapides et les jeunes les pilotent bien, mais elles sont toutes pareilles. Je pense que les courses de Forgotten Era sont beaucoup plus spectaculaires à regarder, en tout cas, c'est l'impression que ça donne quand on est en piste !
Points forts
- Maniabilité
- Disponibilité moteur
- Amortisseur arrière
Points faibles
- Fourche
- Freinage
Commentaires
Sympa, merci
22-08-2020 21:27tom4