Essai Moto Guzzi V7 Racer Record
Course contre le temps
Série spéciale inspirée par la V7 Sport des années 70
Café course de charme, la Moto Guzzi V7 Racer s’adjoint l’épithète Record via le kit idoine. Celui-ci transfigure le roadster, mimant d’avantage encore les sportives d’antan. Défiant les modes et le temps, la V7 RR conjugue ses performances au présent.
Présentée en début d’année 2012, la gamme rénovée des charmeuses V7 mettait en avant les nombreuses évolutions de leur mythique bi-cylindre de 750 cm3. Série limitée, le modèle Racer rappel le succès en compétitions d’endurance des années 70. Déjà richement doté, il améliore encore, en option, sa ligne sportive. En effet, pour compléter le mimétisme avec le style course du bon vieux temps, Moto Guzzi propose un kit baptisé «Record». Se composant d’une bulle et d’une boucle arrière profilée supportant une selle spécifique, il transfigure le roadster bijou en une rutilante gloire sportive des seventies’.
Découverte
La firme de Mandello del Lario se met donc à la S-culpture pour réaliser sa ballerine de compétition à l’ancienne. Dans le respect quasi intégral de tous les codes ou limites du genre. Lignes classiques, partie cycle à la robe aniline, habillage contrasté. Bienvenue dans le sport de charme.
Une longue et étroite tête de fourche, surmontée d’une bulle tronquée, équipe désormais la face avant. Ses formes s’étirent depuis la large optique ronde cerclée de métal jusqu’au bossage latérale du réservoir. Celui-ci, aux galbes surannées et désormais métalliques et brille de tout son chrome. Paré d’une lanière de cuir courant sur sa longueur, flanquée de l'emblème ailé de la marque, le bidon constitue assurément une des pièces maîtresses de l’oeuvre. Son bouchon est, naturellement, dépourvu de charnière.
Anguleuse, la coque arrière spécifique suit l’esthétique rétro. Supportant une selle monoplace, son extrémité forme un discret aileron. De part et d’autre, deux espaces libres sont réservés pour indiquer votre numéro favori sur ses flancs. Sous l'assise, le garde boue entoure classiquement l'enveloppe arrière et supporte feu et clignotants du même style. De nombreux autres détails et finitions course habillent la V7 Racer. Caches latéraux, protection d’admission et pattes de support d’échappement ajourés, en aluminium massif brossé, dopent son image. Mais c’est également son immanquable et rutilant cadre rouge que l’on remarque. Ce très classique double berceau en acier, aux éléments inférieurs vissés, supporte le bi-cylindre en V à 90° de 744 cm3 et deux soupapes par cylindre. Bien que profondément modifié, son refroidissement reste à air et sa distribution culbutée. Extérieurement, sa modernisation s’affiche par des corps de cylindre aux ailettes arrondies et coiffé de couvre-culasses aplaties. Son revêtement noir mat met d'autant en lumière, par contraste, les autres composants de la machine.
On notera également la disparition des deux collecteurs d’admission et de leur papillon respectif au profit d’un élément mono-corps en Y. Réalisé en caoutchouc nervuré et d'une présentation assez standard, il disparait avantageusement au centre de la machine. Tout au contraire, on appréciera la présence racée des échappement Arrow. Ces flûtes satinées optionnelles (au tarif de 1 189 €), plus typées que leurs homologues de série, améliorent encore l'esprit café racer de la V7.
Intégrée au bras oscillant reprenant les coloris du cadre, la transmission se fait, comme à l’accoutumée, par arbre et cardan. Deux combinés ressorts amortisseurs Bitubo servent l’amortissement arrière. Ajustable en tout sens, ils sont également dotés de bonbonnes d’hydraulique séparée, gage d’une meilleur dissipation de la chaleur. La suspension avant, bien plus basique, est confiée à une fourche Marzocchi de 40 mm dépourvue de réglage. Des soufflets viennent protéger les tubes plongeurs et soigne le look vinage.
Néanmoins, pas de freins tambours. Le constructeur transalpin équipe bien sur le train directeur d’un mono-disque de 320 mm mordu par quatre pistons, et d’un étrier arrière à deux pistons, pinçant un élément de 260 mm. Rayonnées, les roues à chambres affichent des dimensions différentes d’une unité. L’avant, en 18'', surélève ainsi élégamment le mufle arrondi de la V7 RR. Toutes deux exhibent leurs moyeux anodisés de même teintes que le cadre.
En selle
Plutôt basse et particulièrement étroite, la V7 RR s'enjambe aisément, donnant l'impression de chevaucher alors une cylindrée bien plus modeste. Une fois passée la poignée de minutes à s'admirer dans les reflets du réservoir, on fera de même pour apprécier l'ambiance rétro exhalée par le cockpit. Bien que reprenant l'ensemble des composants de la Racer, la version Record en modifie subtilement la perception. Le bloc instruments se retrouve désormais projeté au fond du carénage. Composée de deux cadrans analogiques, tachymètre et compte-tours, ils comporte chacun une fenêtre digitale. Ce sacrifice à la modernité permet l'affichage du totalisateur kilométrique et d'un partiel à gauche, de renseigner température extérieure et horloge à droite.
Bouchon d'axe de colonne de direction travaillé, plaque numéroté, anses métalliques de protection, le té supérieur de fourche conserve les attributs du roadster. La différence viendra du positionnement de ses bracelets, placés plus bas et des rétroviseurs désormais fixés sur la bulle.
Plutôt spartiate sans être inconfortable, la selle assure un service correct. En bascule sur les demi-guidons, on cherche alors les superbes commandes reculées. Toutes composées d'aluminium usiné dans la masse, leur esthétique participe activement à l'aspect "réplica" de ce modèle.
Absolument divine, la frêle athlète Italienne ne prête que fort peu le flanc à la critique. L'intérieur du carénage frontal, recouvert d'une fibre noir, fleure bon une autre époque et ne fait aucun mystère de ce qu'il protège.
On pourrait souhaiter, comme sur le roadster, un gainage plus soigné des divers fils et durites. On reprochera d'avantage aux bracelets leur finition basique et le pas de vis laissés apparent des rétroviseurs de la version roadster. De même, le plastique pauvre des petits clignotants est indigne des autres périphériques. Enfin, les leviers non réglables avouent une origine trop commune avec ses soeurs.
En ville
S'agitant de droite à gauche sous l'effet du démarreur, la V7 RR semble exécuter un prélude dansé à la découverte de son tempérament. Libérant un grondement métallique finalement discret, les échappements lui font une voix assez mélodieuse et sans excès. Le sélecteur manque étonnamment de consistance, ne renseignant souvent que fort peu sur le bon passage des vitesses. Aux extrêmes, sa course reste molle, sans butée finale. Surprenant lors de la prise envi main, on finit par s'accommoder du principe. A l'usage, la boite à cinq rapports se fait douce et le fonctionnement du cardan, totalement transparent.
But avoué de cette Guzzi, mécaniquement moderne au demeurant : faire revivre le pilotage d'antan. Plutôt alerte, le twin transversal emmène joyeusement son pilote dans une mélopée claire au rythme finement syncopé. Les vibrations font évidemment partie du voyage temporel sans jamais être désagréables en ville.
La souplesse des suspensions se remarque d'emblée. Réglés au plus confortable, les combinés arrières mettent la fourche en défaut, donnant à l'ensemble un effet pompe à vélo. Un rapide réglage via des molettes parfaitement accessibles, change efficacement son comportement, limitant d'avantage les transferts de masse.
Particulièrement agile, cette V7 se faufile entre le véhicule avec une aisance appréciable, son étroitesse permettant de la placer sans peine dans le trafic. On bondit alors aux feux verts, faisant vrombir la petite bombe haute couture. Le nez dans la bulle, tel les héros du Joe Bar Team, vous voilà prêt à aborder la première chicane mobile du circuit urbain. Sous les regards envieux du public, allez-vous battre le record du tour du quartier? Plus certainement ce sera celui de la notoriété et du succès d'image. Véritable aimant à compliments, la Racer Record, en véritable star, vous obligera à détailler son CV et l'étendue de ses qualités. Le style rétro à le vent en poupe ! Votre diatribe finie, vous assurerez alors un départ dynamique mais élégant, auréolé d'histoire et de mythe…
Autoroute et voies rapides
Il est temps de faire parler les gênes sportif des ancêtres. La longue selle permet de s'allonger au mieux vers carénage oblong enserrant le poste de pilotage. Le postérieur calé sur le dosseret, on apprécie une lecture efficace de instruments, ceux-ci étant plus éloignés que sur la version standard. L'ensemble mériterait tout de même une ergonomie et un graphisme plus riche. Vite parvenu à 160 km.h, on aura alors plus de mal à grappiller les dernières unités, soit 185 à fond sur le dernier rapport. Bien plus que la vitesse atteinte, c'est la façon d'y accéder qui prime. La V7 Racer Record vous fera ainsi vibrer dans tous les sens du terme. Aucunement désagréable au légale autoroutier à 5 000 tours, la Transalpine de poche semble d'avantage rentrer en résonance 1 000 révolutions plus bas, pour 90 km/h.
La protection offerte reste contenue. Seuls le torse et, suivant la taille du pilote, le casque, sont abrités de la pression de l'air. Epaules et bras sont hors du champ d'application du greffon sport. Et peu importe, on n’est pas là pour cruiser ! Ayant atteint la sortie attendue, allons promener la gracile Italienne sur des pistes plus charmeuses.
Départementales
Le constat est simple : plus on la pilote, plus la V7 RR étonne et envoûte. Particulièrement volontaire, le bloc de Mandello fait preuve d'une santé insoupçonnée… Affichant une puissance de seulement 35,5 kW (49 ch) à 6 800 tr/mn (régime maximale), le twin joue les étalons Italiens en catégorie poids léger. Accusant moins de 200 kilos sur la balance, sa combativité dans la virole est assurée par un couple de 5,47 da.Nm (5,57 m.Kg) disponibles dès 3 600 tr/mn. Des valeurs en hausse de 10% d'après le constructeur depuis l'évolution mécanique de 2012.
Certes, son manque d'allonge est flagrant. Cependant, la vivacité de partie cycle compense en partie un manque de coffre particulièrement sensible dès que l'horizon se libère. Cadre assurant une bonne rigidité, angle de chasse de 27,5° et accord de suspension correcte rendent la machine particulièrement joueuse. L'avant léger peut même s'avérer taquin sur les petites bosses.
Trépidant sous la mise en charge de son moteur, la V7 de course fond sur les enchaînements de courbes avec délice. Maintenu au delà de 4 000 tours, le bi-cylindre tracte résolument son pilote agrippé à ses étroits bracelets dans une symphonie mécanique allant crescendo. Alors plus rauque, un son virile accompagne les envolées du twin vers la zone rouge. Sa performance dans les petits coins est alors plus qu'un succès d'estime.
On n’oubliera certes pas les limites du genre. Le frein avant manque de puissance et de mordant. Ne verrouillant pas la direction, il devra conjuguer la mise en oeuvre de l'arrière pour offrir des décélérations correctes. Ce dernier, particulièrement efficace, assoit parfaitement la machine en courbe mais risque de bloquer la roue si l'on force son appui.
Egalement, la fourche non réglable finira par s'avouer un peu dépassée par un pilotage trop extrême, qui de toute façon n'est pas son réel sujet. Sans se désunir, la V7 RR ondulera tout de même sur les grandes courbes bosselées abordées sur l'angle. Pour plus de plaisir, il suffit alors de rendre un peu la main, à regret; D'autant que, chaussée de pneumatiques Pirelli SPort Daemon très convaincants, notre Italienne ne boude pas son plaisir dans l'exercice de l'arsouille. On enroulera alors à bon rythme ou au contraire plus calmement, en admirant les lignes de la machine ou son ombre projetée.
Partie-cycle
Classique et saine, la V7 Racer Record hérite d'une géométrie conforme à son style. Pas de recherche d'absolu ni de solutions d'avant garde. Le choix d'une tradition de qualité assure l'essentiel : le plaisir. Bien plus évolués que ceux des autres versions, les combinés Bitubo affinent sensiblement l'agrément perçu au guidon. L'ensemble reste homogène mais mériterait un train avant plus évolué.
Freinage
Spongieuse, la prise du levier avant n'entraîne qu'une décélération moyenne, accentuée par une fourche se montrant trop souple. Actionnés conjointement, les freins se montrent alors à la hauteur du caractère pétillant de l'athlète léger. Sur chaussés glissantes, on appréciera alors cette neutralité générale.
Confort/Duo
Les sens emportés dans une contemplation globale, on ne pense guère à jauger du confort de la V7 Racer Record. Notion improbable du fait d'une selle plus encline à mimer le sport que l'aisance, la machine offre globalement un accueil en phase avec ses prétentions représentant, par certains points, une autre époque. Toutefois, sachez qu'assise bi-places et repose-pieds passager sont disponibles en option. Notez également que la selle mono-place de la Racer standard se montre accueillante et se pare d'un revêtement en daim.
Consommation
Sur ce point aussi les améliorations de cette année donneraient un gain de 12% sur le carburant consommé. Avec moins de 5 litres en moyenne au 100 km, la petite Guzzi sport vous régalera sur près de 300 km avant de vous obliger à stopper le tour de manège… Et à tous les coups, vous décrochez le pompon !
Conclusion
Avec ces airs de mini Le Mans, cette V7 Racer explose le Record de charme. Parfaitement conformes à sa philosophie sous tous ses aspects, ses attributs exercent une séduction de chaque instant. Son accessoirisation soignée et stylée, notamment son réservoir chromé au magnétisme évident, ensorcelle rétines et esprits. Homogène, efficace et raisonnablement performante, la V7 RR assure une prestation dynamique réjouissante.
Son agrément surpasse, sur ce point, celui d'une Kawasaki W800 Spécial Edition. Cette dernière, affichée à 8 799 € conserve l'avantage de l'accessibilité pécuniaire. Extrêmement plaisante à rouler et admirer, elle n'affiche toutefois ni la même rigueur de partie cycle, ni un niveau de finitions comparable. Outre-Manche, la Triumph Thruxton proposée à 9 740 €, représente un sérieux challenger. A la lutte avec ces concurrentes, le modèle Racer standard, demandant 9 399 € voit, en version Record, sa facture s'envoler de 1 799 €. Notre modèle d'essai pourvu d'échappements optionnels réclame alors 12.394 € pour vous accompagner. Somme qui exigerait de gommer les menus faux pas esthétiques relevés.
D'aucun pourrait juger la note élevée pour une machine sortant des standards de performances actuels. A ce tarif, une Aprilia Tuono aprc n'est pas loin… Cependant, version limitée, l'acquisition d'une V7 Racer, ici devenue Record, peut également s'envisager comme l'achat d'une oeuvre d'art. Statut rendant dès lors son prix plus relatif… A fortiori pour une machine à remonter le temps !
Points forts
- Look hors pair
- Caractère moteur
- Partie cycle
- Suspensions arrières
- Série limitée
Points faibles
- Commande de boite de vitesse
- Freinage perfectible
- Certains détails de finition (éléments plastiques)
- Prix élevé (dans l'absolu)
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