Essai Kawasaki W800
La Machine à remonter le temps
Quatre années après l’arrêt de la W 650, Kawasaki relance une version 800 cm3 remise « au goût du jour », si l’on peut dire en parlant d’un modèle rétro. Retour aux sources du mythe.
Découverte
Twin vertical, roues à rayons, tambour arrière, deux amortisseurs, soufflets de fourche et grippe genoux… La Kawasaki W800 reprends trait pour trait les lignes de son aînée, feu la W650. Apparue en 1999, elle était elle même inspirée de la W produite de 1966 à 1973. (sur la photo un modèle W1S 1968, puis la dernière version W3 de 1974 avec son double disque AV!)
Pour être tout à fait exact, cette W1 était dérivée de la Meguro 650, une marque japonaise rachetée par Kawasaki quelques temps plus tôt lors du regroupement des constructeurs Nippons dans les années soixante.
Terminons cet arbre généalogique en ajoutant que Meguro s’était très largement inspiré de BSA A7 lors de la conception de ce modèle. En résumé, cette W800 est la digne descendante d’une moto anglaise et ça se voit!
Pour autant, outre les lignes de la récente 650, la 800 en reprend aussi la mécanique. En effet, on retrouve le même moteur dont seul l’alésage est passé de 72 à 77 mm, portant la cylindrée à 773 cm3, soit 97 cm3 de plus qu’avant. Malgré cette évolution, le 800, reste un «longue course», c’est à dire que la course du piston (83 mm) est toujours supérieure à l’alésage. Une caractéristique qui plaide en faveur d’un moteur bien rempli aux bas régimes. Nous verrons plus loin si cela se confirme à la conduite. Le moteur conserve sa superbe distribution à un ACT entraînée par couple conique.
Sous ses airs classiques, la culasse renferme toujours 4 soupapes par cylindre. Puisque l’on parle de modernisme, terminons en signalant que les 2 carburateurs de 34 qui équipaient la 650, ont cédé la place à une injection équipée de doubles papillons du même diamètre. Les injecteurs sont à 12 trous pour une pulvérisation optimale. Voilà qui devrait assurer une belle souplesse au moteur, confirmée par un couple maxi délivré dès 2500 tr/mn.
En selle
Avec seulement 790 mm de hauteur, la selle offre une assise accueillante au pilote qui pose facilement les deux pieds au sol quelle que soit sa taille. Le guidon tombe bien sous les mains… et les repose-pieds sous les pieds! Les motos simples, des fois, ça a du bon. On ne se pose pas de question, tout coule de source. Le buste est droit.
Les leviers de frein et d’embrayage sont ajustables en écartement. Sous vos yeux le tableau de bord à cadrans ronds et aiguilles blanches se la joue rétro, mais quitte à faire dans la nostalgie, on aurait préféré un style plus classieux: la partie centrale en plastique qui relie les deux cadrans n’est pas très heureuse. Horloge de bord, trip, voyant de réserve, sont au menu en plus du minimum syndical. C’est parfait et lisible. On ne demande rien de plus. Le compte tours laisse apparaître une zone rouge à 7000 tr/mn… En baisse de 500 tr/mn par rapport à la pré-série exposée sur le salon Intermot de Cologne.
Contact
Surprise, le kick a disparu! Soit, appuyons sur le démarreur. Le twin quatre soupapes se met à ronronner dans les deux pots «saucissons» équipés de catalyseurs. Le bruit est sympa , mais on l’aurait aimé encore un peu plus caverneux et rauque. C’est ouaté, on s’attendait à plus viril, mais les normes sont passées pas là. On ne cassera pas les oreilles des voisins.
En ville
Et hop c’est parti! La première passe facilement, comme les quatre autres vitesses. L’embrayage est doux et surtout le moteur très souple pour un twin. On peut descendre à très bas régime sur tous les rapports. A soixante en cinquième, il ronronne gentiment à 2000 tr/mnn. Etroite, agile, relativement légère (216 kg avec les pleins), la kawa se manie en douceur. On peut même dire qu’elle est ici dans son élément. Ceux qui la prendront pour aller bosser ne seront pas déçus, elle tiendra bien son rôle et fera plus d’effet qu’un banal scooter. A son guidon vous aurez même l’air «très classe», car hormis quelques menus détails (les connecteurs des injecteurs et leurs fils un peu trop visibles, ou la frette de frein avant pas très design), cette W 800 est un bel objet que l’on admire et possède avec fierté.
Elle est naturellement belle, sans artifice ostentatoire. La classe on vous dit!
Nationales
Facile à vivre la petite Kawa se plie à toutes les situations avec bonheur. Les virées sur les voies à grande circulation n’ont rien d’un calvaire à son guidon. Confortable, ne vibrant pas ou peu, elle est parfaitement à l’aise et vous aussi. Ses 48 chevaux (2 de moins que la 650, mais 500 tr/mn plus bas) sont toujours disponibles pour dépasser un attardé, quelque soit le rapport engagé. Il faut dire qu’en gagnant 101 cm3, la belle a vu son couple maxi grimper de 0,6 mkg, mais surtout descendre de 3000 tr/mn! Un détail qui compte, même s’il faut prendre en compte une courbe très plate, ce qui relativise cet écart. On aurait tout de même aimé un peu plus de franchise à l’accélération et ressentir un vrai coup de «pieds au cul». Un calage à 270° degré aurait été plus «sensationnel».
La tenue de cap à haute vitesse est irréprochable (même à 160 km/h) et le freinage un poil juste, mais bien adapté aux performances et surtout à l’esprit de cette moto fort sympathique.
Départementales
Conçue pour flâner le nez au vent, la W 800 est ici sur son terrain. Avec ses pneus étroits, elle se balance avec aisance de virage en virage. Le grip de ses Dunlop TT 100 (façon K 81 de la belle époque) ne pose pas de soucis. La roue avant de 19 pouces gomme les petites bosses. Pour les plus grosses, la suspension fait le boulot correctement. On parle ici de suspension, mais pas d’amortissement car de ce côté, c’est un peu les abonnés absents. La fourche est mollasse et les ressorts arrières on dû être croisés avec une pompe à vélo. Ça n’est pas gênant en usage normal, c’est même confortable, mais quand on accélère le rythme et qu’il y a des bosses, ça sautille un peu. De fait on entend des grands bruits quand les reposes pieds raclent le sol en virage. Car à ce jeu là, la garde au sol est un peu juste. Cependant, la W800 ne se désunie jamais et elle autorise même un rythme de conduite très correct, surtout pour une classique dont le but n'est pas de l'entraîner dans une arsouille sanglante. Ce n’est pas une sportive, mais en aucun cas pas «un piège» non plus. Elle préfère la balade, c’est sûr, mais à son guidon vous n’aurez jamais le sentiment de vous traîner et tous les motards ne taquineront pas ses limites.
Autoroute
Voilà sans doute le genre d’endroits où vous éviterez de posez les roues avec ce type de machine. C’est aller contre ses convictions. A son guidon on ne cherche pas à gagner du temps, mais au contraire à profiter de l’instant. Cela dit, avec une vitesse maxi proche de 170 km/h, un guidon pas trop large, la W800 est prête à affronter cette épreuve, sans défaillir.
Freinage
Le simple disque avant de 300 mm remplit bien son office tant que le rythme reste raisonnable. Si l’on veut retarder ses freinages et rentrer vite en courbe, il montre alors ses limites. Il faut alors tirer très forts sur le levier, ce qui rend le dosage difficile. Quand on pense qu’en 73 elle avait déjà un double disque… Le tambour arrière se fait quant à lui totalement oublier… Il est parfait! On en viendrait presque à regretter sa disparition sur d’autres motos au dosage difficile, tant ce rôle lui sied à merveille.
Confort
Si les suspensions souples montrent leur limites en usage sportif, elles s’en sortent très bien au niveau confort. Les vibrations sont bien filtrées, la position pas fatiguante et les commandes douces... on a donc ici tous les ingrédients d’une moto agréable à vivre. Un petit doute tout de même sur le rembourrage de la selle pour les longues étapes. Cela reste à confirmer lors d'un essai plus longue durée que cette présentation presse. Le passager quant à lui est très bien installé, avec des jambes pas pliée, une assise large. Il dispose des poignées de béquillage pour se tenir. Ceci dit, les poignées sont très basses et pas assez reculées. Pas de doute, cette moto peut très bien se vivre à deux.
Consommation
Nous n’avons pas pu mesurer la consommation, cependant les premières impressions penchent en faveur d’une moto sobre. Le réservoir identique à la W650 perd un litre de capacité (14 litres désormais) sans doute en raison de la pompe à essence imposée par l’injection.
Pratique
Caractéristique devenue rare, la W800 propose une béquille centrale de série. Le béquillage est aisé grâce aux poignées. La béquille latérale est stable. Elle propose aussi deux accroches casque sous la selle, endroit où vous pourrez aussi loger un petit antivol en U. Les repose-pieds pilote se replient pour améliorer la garde au sol en virage.
Conclusion
Incontestablement la W 800 est une moto réussie. On prend autant de plaisir à la piloter qu’à la regarder. Sous certains angles son train avant évoque une vielle Honda, alors qu’en la suivant on croit revoir une Yamaha 650 XS1 de 1972. Pourtant c’est à la Triumph Bonneville qu’on pense en la voyant. C’est aujourd’hui sa principale concurrente contemporaine. La Triumph est d’ailleurs vendue 9 € de moins dans sa version de base. Ce n’est pas donné comparativement au tarif et au contenu technologique d’un roadster 4 cylindres double ACT refroidi par eau, équipé de 2 disques + étriers radiaux et d’une fourche inversée réglable. Cependant, les chromes et les belles pièces coûtent aussi très cher et les quantités produites ne sont pas les mêmes… Mais ce n’est pas là le seul paradoxe de cette nippone qui file à l’anglaise. Car finalement en surfant sur la vague rétro, Kawasaki nous propose ici un de ses modèles les plus adapté aux conditions de circulation modernes. Une machine à remonter le temps et à prendre du plaisir, sans prendre de risque, pour sa santé et son permis. Une conduite reposée et sereine, mais enthousiasmante en diable. Allez à sa rencontre dans les concessions et vous tomberez sous le charme de cette Geisha «so british».
Points forts
- Moteur souple et sympathique
- Finition soignée
- Comportement routier sain et efficace
- Chromes!!!Confort et duo
Points faibles
- Moteur pas assez «sensationnel»
- Amortissement AR juste
- Freinage en conduite rapide
- Prix élevé
Conditions d’essais
Itinéraire: petites routes variées (départementales, nationale, avec un peu de ville)
Concurrence
Ducati 1000 GT, Harley Davidson Sporster, Moto Guzzi V7 Classic et Café, Triumph Bonneville, Thruxton et Scrambler + les “vraies motos de collections”… vendues sans les freins et avec les pannes authentiques!
Problème rencontré: Tombé…….Amoureux!
Lire aussi le comparo customs Kawasaki VN 900, VN 1700 et W800
Commentaires
Voilà un essai de vrai journaliste honnête et compétent. Cette moto correspond effectivement aux conditions actuelles de circulation. Inutile d'avoir une énorme cavalerie, ça ne sert plus a rien. Il suffit d'en avoir aux régimes de conduite autorisés. Car avec les radars et autres joujoux des forces de l'ordre, la perte du permis est au coin de la rue. Alors pour s'amuser cette moto est parfaite. Il faut juste remplacer les pompes a vélo qui lui servent de suspension par du vrai matériel, et aérer un peu l'´échappement trop étouffé. Elle respire alors et cela alors un vrai régal sur les petits routes. Sa ligne est élégante et en dehors des deux points évoques, elle dispose d'une finition de qualité sans plastiques. N aurait aimé d'origine un cache fouillés d'injection également du côté gauche. La KAWASAKI a été minable. J'avais auparavant une W650 que j'ai donné à mon fils de dix huit ans. Il a découvert ces motos simples et après avoir fait la tête avec ce "vieux clou" il est maintenant enchanté du plaisir de conduite, et des contacts qu'il a avec les personnes qui l'interpellent.
23-11-2012 16:07