Essai Kawasaki ZX-6R 636 Performance
4 cylindres, 636 cm3, 137 chevaux à 13500 tr/mn, 71 Nm à 11500 tr/mn, 194 kilos, 13 499 €
Un moteur rageur, un châssis précis et qui pardonne beaucoup
Si les ventes de sportives ont nettement baissé, sous le quadruple effet de la crise de 2009, du vieillissement des motards, de leur prix toujours plus élevé et du racket routier généralisé, la catégorie des 600 est probablement celle qui a pris le plus cher dans le buffet. Terminé l'époque où Yamaha vendait des R6 comme des petits pains et Honda des 600 CBR comme des chaussons aux pommes. C'est bon, les chaussons aux pommes.
La 600, ça eut marché, mais ça ne marche plus. Les gammes sont moribondes et seul Yamaha a eu le courage de faire passer sa R6 2017 aux normes Euro 4. La 600 CBR a disparu du catalogue, la 600 GSX-R ne sera pas renouvelée de sitôt et Kawasaki a encore quelques ZX-6R 636 à vendre, mais certifiées Euro-3 uniquement. Triumph n'euroquatrifie pas sa Daytona 675 et les MV Agusta F3 675 sont anecdotiques.
Du coup, c'était l'occasion d'en reprendre le guidon, sur piste, lors des journées K qui se sont récemment déroulées sur le très beau circuit de Dijon Prenois et de répondre à une question : si les motards n'achètent plus (ou presque) de 600 sportives, eh bien est-ce que les motards n'auraient pas tort ? Oui, c'est ça aussi, Le Repaire, de l'investigation de terrain, seul face aux vents contraires. Bref, c'est le retour aux sources, puisque nous avions déjà été testé la ZX6R il y a plus de dix ans sur ce même circuit.
Notez par ailleurs que cet essai vient en complément de celui réalisé en 2014 par mon collègue le valeureux Damien, qui avait pris une ZX-6R dans le cadre d'un roulage complet sur route.
Présentation
Malgré ses quelques années au compteur, elle présente encore bien, cette ZX-6R 636. Avant pointu, arrière relevé, couleur verte et logo Ninja, on voit bien l'air de famille. Et surtout, ce qui compte, dans le cadre de notre essai du jour, c'est le généreux cadre en aluminium, les gros disques de 310 mm pincés par des étriers radiaux 4 pistons et la solide fourche inversée entièrement réglable.
Sur ce modèle d'essai, le silencieux Akrapovic optionnel affine la ligne, permet de gagner un peu de poids, ne se montre pas agressif pour les oreilles et, en plus, donne à la moto une petite touche racing, qui la fait ressembler à la ZX-10R championne du monde de Superbike de Jonathan Rea. Et ça, c'est bon pour l'ego.
En selle
Position sportive, mais pas extrême au niveau de l'appui sur les guidons, un tableau de bord à l'ancienne avec un gros compte-tours central, bien lisible, avec une zone rouge qui se situe au régime himalayesque de 16 000 tr/mn ? Que demander de plus dans le cadre d'un usage sur circuit ? Que les leviers soient réglables ? Eh bien, ils le sont. Que le petit écran digital complète les quelques informations dont on a besoin ? C'est le cas, avec un indicateur de rapport engagé, l'indication du niveau de contrôle de traction et du mode de puissance (ici, pas de chichis : ce sera full !).
De fait, la ZX-6R est encore dans le coup, puisque la Yamaha R6 2017 offre un tableau de bord du même genre. La petite bombinette bleue a repris pas mal d'éléments de sa grande soeur la R1, mais pas l'instrumentation.
En ville
Pas loin du circuit de Dijon Prenois, il y a... Dijon. Bon, pour être honnête, on n'y est pas allé. Néanmoins, pour avoir roulé sur moult déclinaisons de la ZX-6R en bien d'autres occasions, on sait qu'elle ne s'en serait pas trop mal sortie. Certes, le rayon de braquage n'est pas exceptionnel (mais il y a bien pire) et la position est un poil typée, mais l'agilité, la compacité, le feeling et la douceur des commandes, la souplesse du moteur à bas régime (et le premier rapport pas démesurément long), tout ceci fait que la Ninja peut s'envisager au quotidien.
Sur autoroute et grandes routes
Idem : souvenirs, souvenirs. Là aussi, le supplément de cylindrée la rend plus fréquentable dans les régimes usuels que la R6, qui ne marche que près du rupteur. Le gabarit et la bulle sont un peu plus généreux : on souffre moins. Mais ça reste sportif. Le sport, c'est bon pour la santé... Et ça rend très difficile le fait de rester aux vitesses légales sur le ruban allongé qui mène au circuit. Mais justement, pour se défouler, il y a le circuit. Et la route n'est pas un circuit.
Sur départementales
Si elle est bien revêtue, alors voici un grand moment de bonheur en perspective. Poids contenu, train avant précis, freinage au-dessus de tout soupçon, on ne dira jamais à quel point la 600 sportive, c'est du bonheur light, presque bio. Un moteur qu'il faut cravacher, mais où le lien est direct entre la poignée et la roue (pas comme sur ces missiles qui vous catapultent en quelques secondes et qui vous font arriver en mode cata en entrée de courbe, debout sur les freins et avec les yeux en dehors des orbites), une absence d'inertie qui rend quasiment impossible le ratage d'un point de corde, reprendre une 600 sportive vous ré-apprend vite les joies simples du pilotage.
Sur piste
Nous y voilà ! Et quelle piste : la plus belle de France, si vous voulez mon humble avis. 3801 mètres de long, 9 virages, une pente à 11 %, une longue ligne droite avec un freinage au panneau trop tard, voici un circuit rapide, varié et très plaisant à rouler. Deux tours progressifs pour faire chauffer les pneus et on y va. Gaiement.
L'avantage de Dijon, c'est qu'il y a un large panel de difficultés. Prenez le virage dit "Gauche de la Bretelle", par exemple. Il s'agit d'un gauche en descente, dans lequel on entre sans visibilité, qui demande beaucoup d'angle au point de corde que l'on prend en seconde et duquel on peut s'extraire énergiquement quitte à sortir large sur les vibreurs. Là, on peut suivre la méthode académique : rentrer bien large, près de la ligne blanche à droite, puis déclencher tardivement et bien tangenter. La ZX-6R 636 m'a cependant permis d'utiliser ce spot à de nombreuses reprises pour doubler des attardés : bien rester dans leur cul à la sortie du "S des Sablières'", se décaler un peu à gauche, "tirer un peu tout droit" à l'aveugle dans la descente, puis leur faire à la fois les freins et l'intérieur, car la ZX-6R permet malgré tout d'aller récupérer le point de corde. Le temps de tirer la 2 et passer brièvement la 3 et on est dans la parabolique.
Quel beau moment de bravoure que ce virage : il faut se forcer à aller déclencher très loin, à l'extérieur, puis tangenter à mort pour être le plus droit possible pour accélérer dans cette côte abrupte. L'agilité de la moto permet d'aller chercher le cône très loin, puis sa puissance maîtrisable autorise a réaccélérer assez tôt sans se faire dessus. On est certes pas catapulté comme sur une 1000 (d'où l'on sortirait sur le premier rapport) même si, tout en haut dans les tours et sur le haut de la crête, la ZX-6R se dresse gentiment sur sa roue arrière quand on arrive dans le pic de puissance.
Et voici le virage à gauche de la "Courbe de Gorgeolles" : il s'agit en fait d'un double gauche et malgré les tâches sombres et les bosses sur le bitume, il ne faut pas hésiter à entrer fort et à solliciter le train avant pour arrondir les deux virages en un. Et là encore, ça le fait bien. Une petite bosse à l'entrée du virage de La Combe déleste un peu la ZX-6R, peut-être faudrait il figer un peu la détente à l'arrière pour avoir moins de mouvement en entrée de courbe. A cet endroit, il faut en effet être très directif avec le train avant pour entrer fort, car la descente vers la courbe de Pouas demande de l'engagement et de la vitesse.
Sorti de là, on vise le vibreur extérieur qui commande la longue ligne droite en montée. J'arrive sur le vibreur à environ 185 km/h, entraîne la quatrième jusque 210 km/h. Il n'est pas nécessaire d'aller chercher les 16000 tr/mn, passer les rapports aux environ de 14500 tr/mn suffit. La cinquième grimpe jusque 235 km/h et je vois un petit 250 km/h compteur au moment d'aller prendre les freins juste au niveau de la passerelle. Là, je dois avouer que j'aurais aimé un peu plus de jus sur les deux derniers rapports, mais c'est aussi lié à la configuration du circuit avec cette longue ligne droite en montée.
Souvent, dans la ligne droite, j'ai eu des ratés en passant la 5 et la 6 sans débrayer. Un shifter ne serait pas du luxe.
Confort
La selle est suffisamment large pour se reculer et se mettre facilement en position de recherche de vitesse dans la ligne droite, même pour un grand gabarit comme moi. Une fois allongé, la bulle protège correctement.
Partie-cycle
Rigide, précise, rien à dire dans ce type d'utilisation. Elle est largement dimensionnée pour un usage piste et ne témoigne d'aucune faiblesse tout au long de la journée. Allez donc faire six sessions avec une caisse un peu sportive genre GTI améliorée, sans préparation et vous louerez la supériorité de la moto !
Freins
Puissants et dosables, les étriers radiaux monoblocs à 4 pistons conçus par Nissin mordent les disques de 310 mm avec constance. La course est restée constante à la poignée tout au long de la journée et aucun freinage n'a mis en faiblesse ce dispositif. Du top niveau !
Conclusion
Passées de mode : c'est triste. C'est triste, car une 600 sportive reste un formidable outil pour apprendre et donner bien du plaisir. Elles pardonnent beaucoup de choses, permettent de resserrer des trajectoires, de virer plus court qu'une 1000 et de pratiquer le circuit avec l'esprit plus serein.
Certes, l'électronique a rendu les 1000 plus domesticables, mais le niveau de performance a monté d'un cran et la marge d'erreur s'est encore réduite.
Certes, une 600 demande que l'on s'en occupe : sortir de courbe avec un rapport "au-dessus" est proscrit, faire la limande en ligne droite est obligatoire, mais c'est ça qui est bon. Adieu ZX-6R, tu nous manqueras.
Points forts
- Moteur punchy
- Facilité de conduite
- Précision du châssis
- Une sportive à taille humaine
- Freins puissants et dosables
Points faibles
- Boîte qui accroche parfois lors des rapports à la volée
- Pas Euro-4. Adieu ZX-6R 636 ?
La fiche technique de la Kawasaki ZX-6R 636
Conditions d’essais
- Itinéraire: 6 sessions de 25 minutes sur le circuit de Dijon Prenois lors des dernières journées K
- Kilométrage de la moto : 1300 km
- Problème rencontré : aucun
Commentaires
Super essai .j 'arrete pas de le relire
13-02-2019 15:00Et je pense passer au modèle 2019.